Forum ouvrier

25 mars 2020

Sérieuses préoccupations des travailleurs
de première ligne en Ontario

La voie dangereuse de la suspension
des conventions collectives
des travailleurs de la santé

Les infirmières réclament une collaboration pour le redéploiement durant la COVID-19
Soixante-dix pour cent du personnel hospitalier est insatisfait des mesures de protection du gouvernement - Conseil des syndicats d'hôpitaux de l'Ontario/SCFP

Des propositions dont on doit tenir compte
La transformation des casinos provinciaux en centres de soins de santé d'appoint - Enver Villamizar
Le maire de la ville de Niagara Falls lance l'appel à appuyer les travailleurs de la santé


Sérieuses préoccupations des travailleurs de première ligne en Ontario

La voie dangereuse de la suspension des conventions collectives des travailleurs de la santé

Le 21 mars, le gouvernement de l'Ontario a annoncé qu'il utilisera ses pouvoirs d'urgence pour déroger aux conventions collectives des travailleurs. Il a émis une ordonnance d'urgence qui donne aux hôpitaux le pouvoir de réaffecter et modifier des quarts de travail, annuler les congés et les vacances, donner des emplois en sous-traitance pour augmenter le nombre des travailleurs et donner du travail qui appartient aux unités de négociation à des bénévoles et des travailleurs qui n'appartiennent pas à l'unité. Le 23 mars, il a émis une ordonnance semblable au sujet des soins de longue durée. Les ordonnances sont valides pendant 14 jours et peuvent être renouvelées pour un autre quatorze jours, après quoi elles doivent être adoptées comme lois pour demeurer en vigueur.

Soulignant qu'en vertu des lois du travail de l'Ontario, les droits des employés d'hôpitaux de refuser un travail dangereux sont très limités, et qu'ils n'ont pas le droit légal de grève contrairement aux autres travailleurs, le Conseil des syndicats d'hôpitaux de l'Ontario (CSHO-SCFP) écrit dans un communiqué de presse :

« Il est profondément injuste envers les employées dévouées d'hôpitaux majoritairement de sexe féminin qui, sans masques de protection, masques faciaux et autres équipements de protection, courent déjà un risque accru d'infection à la COVID-19, que le gouvernement de l'Ontario s'accorde de vastes pouvoirs pour leur enlever leurs droits en milieu de travail », écrit Michael Hurley, le président du Conseil des syndicats d'hôpitaux de l'Ontario (CSHO-SCFP).

« Mais si nos membres sont prêts à se sacrifier pour offrir des soins de grande qualité, ils méritent d'être consultés sur les changements nécessaires au travail pour répondre aux situations d'urgence, et cela n'a pas été fait. Cet ordre du gouvernement est inutile, irrespectueux et coercitif », déclare Hurley.


« Pourquoi les employées des hôpitaux, à prédominance féminine, qui prennent les devants pour offrir des soins de qualité avec des ressources limitées et dont certaines sont déjà atteintes de la maladie COVID-19, sont-elles si mal traitées par ce gouvernement ? », se demande Michael Hurley. « D'abord, le gouvernement de l'Ontario n'a pas commandé suffisamment de masques, de masques faciaux et de gants, ensuite il a réduit sa norme de protection des employés de la santé pour justifier sa pénurie d'approvisionnement, et enfin il s'est accordé de vastes pouvoirs pour éliminer de nombreux droits des employés en milieu de travail sans un mot de consultation. »

Hurley rappelle au gouvernement que malgré les circonstances extraordinaires en Ontario et partout dans le monde, il n'a pas été difficile de transférer des employés des cliniques fermées et des centres de chirurgie ambulatoire aux centres de dépistage et à d'autres services.

« Nous pourrions certainement aider à surmonter de tels problèmes. Les employés d'hôpitaux sont présents et continueront d'aider les Ontariens alors que la pandémie continue de s'intensifier. La population peut compter sur nous », dit-il. « Mais si nos membres sont prêts à se sacrifier pour offrir des soins de grande qualité, ils méritent d'être consultés sur les changements nécessaires au travail pour répondre aux situations d'urgence, et cela n'a pas été fait. Cet ordre du gouvernement est inutile, irrespectueux et coercitif. »

Michael Hurley exhorte le gouvernement à utiliser ses pouvoirs d'urgence pour ordonner aux entreprises ontariennes de produire des masques et des respirateurs, qui sont en pénurie. Ces deux équipements seront nécessaires pour protéger les employés de la santé contre les infections et les patients les plus malades atteints de la COVID-19.

« Nos membres veulent se concentrer sur les soins, et ne veulent pas être distraits. Nous demandons au gouvernement de veiller à laisser cet ordre expirer comme prévu. Une prolongation serait très problématique. »

Les 40 000 membres du CSHO-SCFP travaillent dans 120 sites de plus de 60 hôpitaux en Ontario.

Haut de page


Les infirmières réclament une collaboration pour le redéploiement durant la COVID-19

L'Association des infirmières et infirmiers de l'Ontario représente plus de 68 000 infirmières licenciées et professionnels de la santé, ainsi que 18 000 étudiants associés en soins infirmiers qui prodiguent des soins dans les hôpitaux, les établissements de soins de longue durée, la santé publique, la communauté, les cliniques et l'industrie.

Dans un communiqué de presse émis le 22 mars, l'AIIO (AIIO) demande que les employeurs du secteur de la santé collaborent avec elle s'il s'avère nécessaire, pendant la pandémie de la COVID-19, de redéployer des infirmières et d'autres professionnels de la santé vers d'autres sites et endroits gérés par le même employeur. Le communiqué de presse a été rédigé en réaction à l'arrêté de la ministre de la Santé publié la veille, qui donne carte blanche aux hôpitaux de suspendre certaines dispositions de leurs conventions collectives. Il leur permet d'annuler et de reporter des services et de redéployer des travailleurs de la santé, de changer leurs affectations et leurs horaires de travail, de remplacer les travailleurs syndiqués par des sous-traitants, de différer ou d'annuler les vacances, les absences ou autres congés et de modifier unilatéralement d'autres conditions de travail.

« Les infirmières licenciées et les travailleurs de la santé savent comment se serrer les coudes durant une crise ou dans des situations de pression énorme. Nous avons accumulé beaucoup d'expérience, y compris pendant le SRAS », écrit la présidente de l'AIIO, Vicki McKenna, une infirmière licenciée. « Nous savons que nous sommes au milieu d'une crise et nous demeurons déterminées à prendre soin des patients. Si on procède à des redéploiements d'infirmières ou de professionnels de la santé sans précautions et de manière irréfléchie, on peut mettre à risque à la fois les patients et les infirmières aux premières lignes. »

L'AIIO rappelle également aux employeurs des soins de santé de même qu'au gouvernement de l'Ontario qu'ils doivent tenir compte du fait que la grande majorité des infirmières sont des femmes qui doivent équilibrer leur travail et d'autres responsabilités, y compris la garde des enfants, de façon quotidienne.

L'AIIO souligne également qu '« il doit être prioritaire d'assurer la sécurité des infirmières et des travailleurs de la santé et de veiller à ce que le redéploiement se fasse le plus rondement possible, avec le moins de risques possible pour nos patients. Nous ne sommes pas une entrave à une réponse bien coordonnée et appropriée à la pandémie, nous faisons partie de la solution. »

La présidente de l'AIIO indique également que le syndicat rencontrera l'Association des hôpitaux de l'Ontario et exhortera les employeurs du secteur de la santé partout dans la province à travailler avec l'AIIO et ses dirigeants locaux dans la lutte contre la pandémie.

(Photo : Association des infirmières et infirmiers de l'Ontario)

Haut de page


Soixante-dix pour cent du personnel hospitalier est insatisfait des mesures de protection du gouvernement

Le 21 mars, plus de 2 400 membres du personnel hospitalier ont participé à une conférence téléphonique urgente dans tout l'Ontario parrainée par le Conseil des syndicats d'hôpitaux de l'Ontario (CSHO) axée sur les conséquences de la COVID-19 sur eux alors qu'ils prennent soin des malades.

Tout au long de la conférence d'information, plusieurs questions importantes ont été posées aux travailleurs du secteur hospitalier. Lorsqu'on leur a demandé si, selon eux, le gouvernement de l'Ontario a pris toutes les mesures nécessaires pour protéger leur sécurité et celle des personnes dont ils prennent soin au travail, seulement 30 pour cent ont répondu oui. Quand on leur a demandé s'ils disposaient de l'équipement de protection individuelle (EPI) pour assurer leur sécurité et celle des personnes dont ils prennent soin au travail, 77 pour cent ont répondu non.

« Les travailleurs de la santé doivent être protégés au maximum contre toute infection au coronavirus afin qu'ils puissent continuer de prendre soin des malades », a dit Michael Hurley, président du CSHO. « La position du gouvernement de l'Ontario met le personnel de la santé à risque parce qu'il minimise la possibilité que le virus circule dans l'air. Nous avons vécu le même cauchemar pendant le SRAS, alors que les autorités nous ont dit que le virus ne circulait pas dans l'air, ce qui s'est avéré faux, mais seulement après que de nombreux travailleurs de la santé de l'Ontario soient tombés malades et qu'un bon nombre en soient morts. Nous ne vivrons pas cela à nouveau si nous pouvons l'empêcher. »

En Chine, le taux d'infection du personnel de la santé est légèrement supérieur à 3 pour cent. Dans ce pays, les membres du personnel de la santé ont porté des vêtements de protection complets, dont des lunettes de protection, des couvre-chefs complets, des masques de filtration des particules N95 et des combinaisons de protection du même genre que celle contre les matières dangereuses. En Italie, qui suit un protocole comme celui de l'Ontario, le taux d'infection parmi le personnel de la santé est supérieur à 8 pour cent.

Quatre-vingt-un pour cent des 2 400 membres du personnel hospitalier qui ont participé à la conférence téléphonique ont dit souffrir de stress, d'anxiété, de dépression et d'insomnie en raison de la pandémie de COVID.

Le CSHO est la division hospitalière du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) qui, en Ontario, représente environ 45 000 infirmiers, membres du personnel d'entretien, membres du personnel des services de diététique, travailleurs de métier, membres du personnel administratif et secrétaires-réceptionnistes dans les hôpitaux. Une alliance de syndicats (dont le CSHO-SCFP) représentant 250 000 membres du personnel de la santé dans la province a récemment exhorté le gouvernement provincial à ne pas affaiblir les directives en matière d'EPI pour les soins de santé parce qu'il y a une pénurie d'équipement.

« Les membres du personnel qui font du dépistage ou sont en contact avec des patients que l'on suspecte d'être atteints de la COVID-19 ou qui sont des cas confirmés devraient avoir un équipement de protection complet, dont des masques N95. Maintenant, alors que le JAMA, la revue The Lancet et d'autres journaux médicaux et personnes respectés demandent que le personnel de la santé traite ce virus comme s'il pouvait circuler dans l'air, nous demandons de pouvoir respecter cette norme et de nous protéger afin que nous puissions continuer de prendre soin de la population de l'Ontario », a dit Michael Hurley.

Haut de page


Des propositions dont on doit tenir compte

La transformation des casinos provinciaux en centres de soins de santé d'appoint

Une proposition qui est mise de l'avant pour permettre aux soins de santé de mieux répondre à la pandémie de la COVID-19 est de transformer les casinos et les hôtels, qui sont maintenant fermés, en hôpitaux de campagne ou en centres de quarantaine pour les travailleurs de la santé. En Ontario, par exemple, le gouvernement ontarien, par le biais de la Société des loteries et des jeux de l'Ontario, est propriétaire de trois casinos qui ont des chambres d'hôtel. Les travailleurs qui travaillent dans les casinos et leur syndicat ainsi que certains élus locaux de municipalités comme Windsor et Niagara Falls se sont montrés intéressés à ce projet. C'est une proposition qui doit être traitée avec sérieux. Cette initiative permettrait d'ajouter 1 052 lits, offrant un service d'appoint.

Les casinos de l'Ontario qui ont des chambres d'hôtel sont, avec leur nombre de chambres :

Caesars Windsor  : 389 chambres au Forum Tower et 369 chambres à Augustus Tower
Casino Rama, Orillia  : 289 chambres
Niagara Fallsview Casino Resort  : 374 chambres


Caesars Windsor (Wikipedia)

Le casino Great Blue Heron à Port Perry est en expansion, avec le rajout d'un hôtel de 100 chambres prévu pour juillet 2020 (qui pourrait être modifié à des fins médicales).

Les travailleurs qui travaillent dans ces casinos ont été mis à pied mais pourraient être réorganisés et formés pour préparer les casinos à servir d'établissements d'appoint de soins de santé si nécessaire. Ils connaissent bien leur endroit de travail et savent comment l'entretenir. Ils pourraient travailler avec des professionnels spécialistes en hygiène pour faire en sorte que le milieu soit conforme aux normes d'hygiène requises par cette nouvelle utilisation. Il faudrait d'abord commencer par un nettoyage intense et couvrir les tapis des chambres d'un autre revêtement pour éviter les matériaux propices aux pathogènes. Le contreplaqué recouvert d'un revêtement approprié pourrait contribuer à cette modification.

Pour ce qui est du Casino de Windsor, il a deux tours séparées, et il serait l'endroit idéal pour loger les travailleurs de la santé, tandis que les patients infectés par la COVID-19 qui ont besoin de suivi mais non de soins intensifs pourraient être placés dans des installations à part. Les casinos ont de grandes cuisines, des salles de conférence et de l'équipement d'entretien.

Près de la moitié des infirmières de Windsor et d'Essex County travaillent au Michigan, de l'autre côté de la frontière. Le 24 mars, le Michigan avait le cinquième plus haut nombre de cas confirmés de la COVID-19 aux États-Unis, soit près de 1 800. De ce nombre, 563 étaient à Détroit, où le nombre d'infirmières canadiennes est le plus élevé. Ces infirmières et d'autres professionnels de la santé font chaque jour l'aller-retour des deux côtés de la frontière et devraient être logées séparément pour qu'elles ne transmettent par le virus à leur famille si elles sont porteuses. Ce service d'appoint viendrait appuyer la classe ouvrière et les peuples canadien et américain et c'est pourquoi il faut en tenir compte sérieusement. Les États-Unis, qui comptent sur les infirmières et d'autres membres de personnel pour travailler dans des conditions difficiles dans leurs hôpitaux devraient financer ces logements où elles pourraient demeurer et être protégées pendant la pandémie, évitant la transmission du virus.

À Windsor, il y a deux écoles de formation d'infirmières, une à l'université de Windsor et l'autre au collège St-Clair. La ville possède aussi des programmes de science de technologie de laboratoire et une école de médecine. Il y a donc les ressources humaines nécessaires pour réaliser un tel projet. Cela pourrait ensuite servir d'exemple pour la transformation d'autres casinos partout au Canada. Quand on veut, on peut ! La classe ouvrière de ces communautés devrait sérieusement tenir compte de cette proposition et voir comment elle peut être réalisée concrètement.

Haut de page


Le maire de la ville de Niagara Falls lance l'appel à appuyer les travailleurs de la santé

Le 22 mars, dans un article paru dans le St. Catherines Standard, le maire de Niagara Falls, Jim Diodati, a dit : « Les travailleurs de la santé qui pourraient, en raison de leur travail, être exposés à la COVID-19, ne veulent pas retourner vers leurs familles et risquer de les infecter. Donc, s'ils pouvaient vivre en isolement temporaire dans une chambre d'hôtel, je crois que ce serait une approche plus sécuritaire pour la protection de nos travailleurs de la santé et de leurs familles. » Diodati a dit que le département de la Santé publique et le réseau des hôpitaux du Niagara examinent présentement certaines propriétés hôtelières pour déterminer jusqu'à quel point un tel projet est réalisable. Il a dit que les hôtels pourraient aussi jouer un rôle dans la lutte à la pandémie en se transformant, au besoin, en hôpitaux de campagne provisoires. « Nous devons être prêts à toute éventualité », a-t-il dit. « Nous pouvons être proactifs. Si éventuellement nous avons besoin d'un hôpital de campagne, il n'est pas nécessaire de bâtir un hôpital comme ils l'ont fait à Wuhan. Nous avons de nombreux hôtels qui sont vides. J'ai trouvé que c'était vraiment généreux de leur part de vouloir faire partie de la solution. »

L'hôtel Oakes est une des propriétés qui offre son aide. « Ce que les gens ne savent peut-être pas c'est que le gouvernement provincial a le droit de réquisitionner les hôtels en temps de crise », a dit Doug Birrell, directeur général de l'hôtel Oakes et directeur exécutif du chapitre de Niagara Falls de l'Association des hôtels du Canada..

« Le gouvernement peut le faire et nous essayons de faciliter la chose. Je crois que tous les principaux propriétaires hôteliers ont salué l'idée. »

Haut de page


(Pour voir les articles individuellement, cliquer sur le titre de l'article.)

PDF

NUMÉROS PRÉCÉDENTS | ACCUEIL

Site web:  www.pccml.ca   Email:  forumouvrier@cpcml.ca