Forum ouvrier

11 avril 2019

Lockout à l'aluminerie ABI à Bécancour au Québec

Les Métallos entreprennent une
campagne mondiale pour forcer Alcoa à négocier une convention collective acceptable pour les travailleurs


Le président de la section locale 9700 du Syndicat des Métallos, Clément Masse, prend la parole au Congrès d'orientation du syndicat à Vancouver, le 4 avril 2019.

Le premier ministre Legault blâme les travailleurs d'ABI pour les compressions gouvernementales dans les programmes sociaux
Alcoa en Australie et sa campagne mondiale contre la classe ouvrière 


La lutte pour des conditions de travail adéquates dans la santé

Journée d'action réussie des infirmières au Québec sans temps supplémentaire obligatoire
Une logique néolibérale d'exceptionnalisme permanent pour criminaliser les luttes des travailleurs du secteur public au Québec - Pierre Soublière
Entrevue - Éric Tremblay, président du Syndicat des professionnelles en soins de l'Est-de-l'île-de-Montréal (FIQ)

La lutte pour des conditions de travail adéquates dans l'industrie du camionnage
Le 21 mars – cinquième anniversaire de la grève des camionneurs
de Vancouver
 


À la défense des droits des travailleurs accidentés

Événements à venir


Lockout à l'aluminerie ABI à Bécancour au Québec

Les Métallos entreprennent une campagne mondiale pour forcer Alcoa à négocier une convention collective acceptable pour les travailleurs


Les délégués au Congrès d'orientation du Syndicat des Métallos ovationnent les travailleurs en lockout de l'aluminerie ABI de Bécancour le 4 avril 2019.

Lors du Congrès d'orientation du Syndicat des Métallos, tenu à Vancouver du 2 au 5 avril, il a été annoncé que le syndicat organise une campagne mondiale pour dénoncer le lockout décrété par le cartel Alcoa/Rio Tinto contre les travailleurs de l'aluminerie ABI à Bécancour au Québec. Le lockout dure maintenant depuis 15 mois. Le Syndicat des Métallos exige que le cartel mette fin au lockout et négocie une convention collective qui est acceptable aux travailleurs. La campagne mondiale est centrée sur la dénonciation des pratiques antiouvrières d'Alcoa qui est le propriétaire d'ABI à 75 %.

Le président international du Syndicat des Métallos, Leo Gerard, s'est engagé à organiser des actions dans les pays où Alcoa a des installations, des fournisseurs et des clients pour forcer la compagnie à mettre fin à son diktat contre les travailleurs d'ABI et à entreprendre des négociations. La campagne mondiale a débuté avec la participation d'une délégation des Métallos canadiens à la Conférence nationale du Syndicat des travailleurs australiens qui a eu lieu du 7 au 9 avril. La délégation était composée du directeur canadien du Syndicat des Métallos, Ken Neumann, et de deux représentants des travailleurs d'ABI, dont le président de la section locale 9700, Clément Masse. Le directeur québécois des Métallos, Alain Croteau, a annoncé que des travailleurs d'ABI en lockout se rendront à Pittsburgh le 8 mai prochain pour intervenir lors de l'assemblée des actionnaires d'Alcoa.



La délégation du Syndicat des Métallos à la Conférence nationale du Syndicat des travailleurs australiens les 7, 8 et 9 avril 2019

Clément Masse a livré un discours aux plus de 600 délégués présents au Congrès des Métallos à Vancouver dans lequel il a expliqué que la direction d'ABI n'a jamais négocié avec le syndicat des travailleurs d'ABI depuis le début de ce conflit. Il a dit que toutes les offres de la direction ont été présentées comme des offres « finales » que les travailleurs doivent accepter ou bien être frappés d'un lockout. Aucune d'entre elles n'a été le fruit de négociations entre les deux parties. La plus récente « offre finale », présentée en mars dernier, mettait la hache dans toutes les conditions de la convention collective, que ce soit le régime de retraite, le nombre des emplois syndiqués, les horaires de travail, l'organisation du travail et les libérations syndicales, a dit Clément. Alcoa y modifiait les textes de la convention de façon à donner le pouvoir à la direction d'ABI de faire les changements qu'elle désire sans qu'il soit possible au syndicat de les contester, même en vertu du processus établi de griefs. Il en était de même du protocole de retour au travail qui n'avait jamais été discuté avec le syndicat. Ce protocole imposé, que les travailleurs ont rejeté massivement, était si à sens unique que la compagnie se donnait le droit de le suspendre ou de l'annuler à tout moment.


Clément Masse (au centre) au Congrès d'orientation de Vancouver, le 4 avril 2019, avec le directeur canadien du Syndicat des Métallos, Ken Neumann, ( à gauche) et le directeur québécois des Métallos, Alain Croteau

« Ils ont pris une position pour casser le syndicat, pour s'attaquer au coeur de notre syndicat », a dit Clément Masse aux délégués. « On est un syndicat qui est fort, qui se tient debout. On a tout le temps confronté l'employeur et on s'est tout le temps battu pour faire respecter notre convention et exiger que nos membres soient respectés. Avec cette offre de l'employeur, on ne pourrait plus faire de syndicat. Ce n'est pas un combat uniquement pour nous autres. Je pense que cette attaque-là qui est faite à notre syndicat c'est une attaque à tout le mouvement syndical au Québec et au Canada. Si l'employeur arrive à nous briser, les employeurs vont prendre le modèle chez nous et essayer de l'étaler partout à la grandeur du Québec et du Canada. On ne lâchera jamais notre combat. On vous demande votre appui et on va vous le demander encore. On va livrer le combat jusqu'à temps qu'on ait un contrat négocié avec notre employeur. »

À la suite de son discours, les délégués se sont succédé au micro pour annoncer un appui financier de la part de leur section locale ou de leur district. Plusieurs ont utilisé l'occasion pour ajouter à l'appui financier qu'ils fournissent déjà. Selon les Métallos, environ 100 000 $ d'appui financier ont été recueillis au Congrès. Plusieurs délégations ont ramené des formulaires de demande d'appui fournis par le Congrès pour faire voter d'autre appui financier une fois revenus dans leur région.

Le Syndicat des travailleurs de l'usine d'embouteillage de Coca-Cola (STECSA) au Guatemala a envoyé un chèque de 1 000 $ pour appuyer les travailleurs d'ABI. Le syndicat a rappelé le rôle crucial que l'appui international à leur lutte avait joué lorsque les travailleurs ont fait face à la répression la plus violente, pendant les années 1980 et après, de la part de la compagnie et de l'oligarchie et sa police, son armée et ses forces paramilitaires. Le nombre de sections locales de syndicats qui fournissent de l'appui financier aux travailleurs d'ABI se monte maintenant à plus de 400 au Québec, au Canada, aux États-Unis, en Australie et maintenant au Guatemala.

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Le premier ministre Legault blâme les travailleurs d'ABI pour les compressions gouvernementales
dans les programmes sociaux

Le gouvernement québécois de François Legault poursuit ses attaques contre les travailleurs d'ABI et leur syndicat pour le compte du cartel mondial Alcoa. Le premier ministre Legault a été interrogé à l'Assemblée nationale au sujet de ses déclarations précédentes par lesquelles il blâmait le syndicat pour le lockout et appuyait sans réserve les attaques d'Alcoa contre les travailleurs et son utilisation de la clause frauduleuse de « force majeure » pour ne pas payer son bloc d'électricité à Hydro-Québec. Il a fait la déclaration renversante que les travailleurs d'ABI à Bécancour sont en partie â blàmer pour les compressions de son gouvernement dans les programmes sociaux et les services publics.

Selon François Legault, la résistance résolue des travailleurs d'ABI aux attaques d'Alcoa contre leurs droits et leur refus de se soumettre au diktat du cartel pour leur soutirer des concessions prive l'État de revenus en impôts qui sont nécessaires pour financer les programmes sociaux et réduire la pauvreté ! Tournant la vérité à l'envers, il ne tient pas la compagnie redevable pour son refus de négocier de bonne foi. Il blâme la résistance des travailleurs pour les atteintes à leurs droits.

Si les travailleurs d'ABI perdent leurs emplois bien payés en étant déraisonnables dans ce conflit, ils ne peuvent s'en prendre qu'à eux-mêmes, a déclaré Legault. Des déclarations aussi calomnieuses ne font que convaincre les travailleurs d'ABI et leurs alliés que la lutte qu'ils mènent est aussi dirigée contre les gouvernements qui utilisent le trésor public et les pouvoirs de police pour servir les monopoles mondiaux comme Alcoa et Rio Tinto au détriment des droits, de la sécurité et du bien-être de leurs propres travailleurs et de la société.

En s'attaquant par ses déclarations à l'intégrité et aux droits des travailleurs québécois, et par son dévouement servile envers un oligopole mondial étranger qui réclame le droit sans limites d'exploiter les ressources humaines et naturelles de la nation et de s'enfuir avec encore plus de valeur qu'il n'en accapare aujourd'hui, Legault s'est mérité le mépris des travailleurs. Il s'est révélé inapte à gouverner et inutile en tant que représentant des intérêts du peuple au Québec.

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Alcoa en Australie et sa campagne mondiale
contre la classe ouvrière

L'Australie est un des plus gros pays producteurs de bauxite dans le monde, qui est le principal minerai utilisé dans la production de l'aluminium. Alcoa y possède deux mines de bauxite, trois affineries d'alumine et une aluminerie, de même que des installations portuaires. C'est en Australie qu'Alcoa a réclamé et obtenu un jugement du tribunal australien des relations du travail, à la fin de 2018, qui a déclaré nulle et non avenue la convention collective de 1 500 travailleurs d'Alcoa. Le prétexte fallacieux présenté par Alcoa et repris par l'institution d'État est que la convention collective qui traite des conditions d'emploi ne lui donnait pas la « flexibilité » requise pour être compétitive sur les marchés mondiaux. Cela a privé effectivement les travailleurs australiens d'Alcoa et leur syndicat de leur droit d'avoir leur mot à dire en ce qui concerne leurs salaires et leurs conditions de travail.

Le Québec possède une énorme capacité hydroélectrique en raison de la ressource en eau naturelle et de sa transformation en électricité grâce à l'ingéniosité et au travail acharné des travailleurs québécois. Une électricité abondante est la valeur essentielle en circulation pour produire de l'aluminium. Les travailleurs des alumineries sont le facteur humain essentiel.

Alcoa utilise de manière intéressée la question de la flexibilité et de la concurrence avec d'autres oligopoles mondiaux pour exiger la restructuration des opérations de l'aluminerie ABI au Québec, sans l'ingérence ou l'accord de ceux qui produisent l'aluminium et de leur syndicat local ou de leurs représentants gouvernementaux.

L'oligopole mondial a un contrat avec Hydro-Québec pour l'électricité à des tarifs industriels préférentiels et un bloc réservé pour lui. Durant le lockout, Alcoa refuse de payer pour ce bloc en invoquant un cas de « force majeure », c'est-à-dire une situation qui est hors de son contrôle. Le gouvernement du Québec accepte cette fraude, ce qui veut dire que ce sont les Québécois, par les pertes de revenus d'Hydro-Québec, qui financent le lockout.

L'argument de la flexibilité et de la concurrence vise à donner quelque crédibilité à la campagne intéressée d'Alcoa pour abaisser les conditions de travail et de vie des travailleurs des alumineries et exploiter l'usine sans que le syndicat et les travailleurs aient voix au chapitre ou quelque droit de décider des questions qui touchent leur bien-être et leur sécurité. Cela a pour seul objectif d'augmenter la valeur que les propriétaires d'Alcoa peuvent exproprier du travail des travailleurs d'ABI et la valeur transférée qu'Alcoa consomme d'Hydro-Québec et d'autres sources locales. De cette façon, Alcoa et les autres propriétaires des alumineries augmenteront la valeur ajoutée qu'ils peuvent exproprier et retirer du Québec pour l'utiliser ailleurs dans le monde.

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La lutte pour des conditions de travail adéquates dans la santé

Journée d'action réussie des infirmières au Québec sans temps supplémentaire obligatoire


Des membres de la communauté se joignent aux infirmières de l'hôpital Maisonneuve-Rosemont de Montréal lors de la journée d'action du 8 avril 2019.

« Les choses ne seront jamais plus pareilles »

Le 8 avril, les quelque 76 000 infirmières, infirmières auxiliaires, inhalothérapeutes et perfusionnistes cliniques membres de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec—-FIQ ont tenu une journée d'action des plus réussie sans temps supplémentaire obligatoire (TSO). Les syndiqués de la FIQ n'ont pas fait de temps supplémentaire obligatoire pendant la journée, ce qui prouve, selon sa présidente Nancy Bédard, que le système de santé peut fonctionner sans TSO. En plus, on peut mettre fin au temps supplémentaire obligatoire en tant que pratique régulière si des mesures adéquates sont prises par le gouvernement et les administrations sur la base des propositions que les infirmières mettent elles-mêmes de l'avant.


Une bannière devant un hôpital du Bas-Saint-Laurent le 8 avril 2019

Dès les petites heures du matin, la bannière « Le temps supplémentaire obligatoire, ç'a assez duré » a été dressée devant un grand nombre d'établissements de santé dans plusieurs régions du Québec, et de nombreuses infirmières arboraient le drapeau de leur syndicat avant d'entrer au travail. La bannière a aussi été déployée sur de nombreuses passerelles surplombant les routes. Des actions citoyennes en appui à la journée d'action ont été organisées à Montréal, Québec et Drummondville devant des établissements de santé où les participants tenaient une bannière disant « Infirmières en colère, Citoyens solidaires ». Le syndicat canadien de la fonction publique, qui comprend environ 25 000 membres dans le réseau québécois de santé et de services sociaux, qui connaissent eux aussi la tourmente du temps supplémentaire obligatoire, a exprimé son appui à la journée d'action des infirmières.


Bannière suspendue à une passerelle en Abitibi-Témiscamingue

Au fil des années, la pratique du temps supplémentaire obligatoire a été érigée en mode de gestion par les gouvernements et les administrations d'établissement. Dans des points de presse tenus tout au long de la journée, les infirmières ont réitéré leurs revendications qui, si elles sont satisfaites, pourraient mettre fin à cette pratique. La première revendication c'est que le temps supplémentaire obligatoire doit être aboli sauf dans le cas d'urgences imprévues. Cela doit devenir une priorité pour le gouvernement et les administrations d'établissements, ce qui n'est pas le cas à présent.

Avec l'offensive antisociale que les gouvernements successifs ont imposée dans la santé pour le bénéfice des intérêts privés, le facteur humain que représentent les centaines de milliers de travailleurs et travailleuses de la santé a été nié et considéré comme un coût et un fardeau pour le système de santé. Des milliers d'emplois ont été abolis de façon permanente. Le recours au temps supplémentaire obligatoire est devenu un mode de gestion chronique, peu importe ses effets dévastateurs sur le personnel et les patients. La priorité doit changer, déclarent les infirmières, pour que les conditions de travail des infirmières changent, ce qui va changer leurs conditions de vie également. Pour cela, un réinvestissement massif et ciblé dans le système de santé s'impose dont une partie déterminée doit être consacrée aux conditions des professionnelles de la santé.

Les infirmières réclament le rehaussement des postes. À l'heure actuelle, le temps supplémentaire coexiste avec le sous-emploi. Il est inacceptable, disent-elles, qu'on invoque une pénurie de main-d'oeuvre pour justifier le temps supplémentaire obligatoire alors qu'un si grand nombre d'infirmières travaillent présentement environ deux jours-semaine.

Le rehaussement des postes à des postes à temps plein ou à quatre jours-semaine est une mesure immédiate qui réduirait de beaucoup le temps supplémentaire obligatoire. Les infirmières réclament des rehaussements de postes sur une base stable, et non par rotation où elles seraient constamment déplacées d'un établissement à l'autre, possiblement même sur de longues distances. Cela serait inacceptable pour les infirmières et pour les patients, et n'attirerait pas les jeunes à rejoindre les rangs des infirmières. Selon la FIQ, la région Lanaudière a récemment rehaussé tous ses postes d'infirmières à quatre jours par semaine afin d'éviter le recours aux heures supplémentaires obligatoires pendant la semaine et les résultats sont déjà positifs.

Les infirmières réclament aussi des ratios sécuritaires professionnelles de la santé/patients, qui stabiliseraient la situation et diminueraient le recours au temps supplémentaire obligatoire.

Par leur journée d'action du 8 avril, les infirmières ont brisé la loi du silence qui les opprime en menant cette action courageuse et fait une forte impression sur l'opinion publique. Elles ont réitéré avec force et mis en pratique ce qui est censé être une politique officielle, soit que le TSO est une mesure d'urgence exceptionnelle à laquelle l'infirmière doit en dernière analyse consentir parce qu'elle est la seule personne qui peut juger si elle est apte à fournir le service. En effet, le Code de déontologie des infirmières comprend l'obligation de prendre les moyens raisonnables pour assurer la continuité des soins et traitements mais également le devoir de s'abstenir d'exercer sa profession lorsque l'infirmière est dans un état susceptible de compromettre la qualité des soins et des services.

Tout cela a été mis sur la place publique par la journée d'action. Les infirmières sont déterminées à ce que leurs justes revendications deviennent des incontournables.



Hôpital Maisonneuve-Rosemont à Montréal



Montréal, West Island


Institut de cardiologie de Montréal


Drummondville


Montérégie-Est


Mauricie et Centre-du Québec


Sherbrooke



Bas-Saint-Laurent

(Photos : FIQ)

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Une logique néolibérale d'exceptionnalisme permanent pour criminaliser les luttes des travailleurs du secteur public au Québec


Des travailleurs de la région de Québec participent à la journée d'action du 8 avril 2019.

Le syndicat des infirmières avait à peine annoncé que le 8 avril, le personnel infirmier refuserait collectivement de faire du temps supplémentaire obligatoire (TSO), qu'il a été convoqué devant le Tribunal administratif du travail (TAT).

Le TAT a été créé en janvier 2016, le résultat d'une fusion entre la Commission des lésions professionnelles et la Commission des relations de travail. On dit de ce tribunal qu'il encourage « la résolution à l'amiable des conflits en offrant un service de conciliation ». Il comprend quatre volets : les relations de travail, la santé et la sécurité au travail, les services essentiels, et l'industrie de la construction et les exigences professionnelles.

Ce tribunal a un « pouvoir de redressement » en vertu d'un article du Code du travail qui stipule que le tribunal peut intervenir « s'il estime que le conflit porte préjudice ou est vraisemblablement susceptible de porter préjudice à un service auquel le public a droit ».

En fait, cet article est au coeur de toutes les lois spéciales adoptées depuis la création du Code du travail en 1964 et qui sont devenues encore plus répressives dans les années 1980 avec le déclenchement de l'offensive néolibérale.

Comme dans la plupart des cas où il y a action collective prise par les travailleurs d'hôpitaux et les enseignants, les tribunaux du travail de l'État interviennent de façon tout à fait unilatérale contre les travailleurs. Ils ne semblent pas interpellés cependant par la détérioration quotidienne des secteurs de la santé et de l'éducation ni des conditions de travail de tout le personnel touché à cause des coupures et des autres actions antisociales des gouvernements.

Ils s'activent seulement lorsque des actions collectives sont entreprises ou planifiées par lesquelles les travailleurs tentent de trouver des solutions à ces problèmes et d'améliorer leurs conditions de travail et la qualité des services de santé et d'éducation qu'ils dispensent.

Sur la question plus spécifique des conditions de travail des infirmières et de l'intervention de l'État, le gouvernement québécois de l'époque a adopté la loi 160 à toute vapeur au lendemain de deux jours de grève non consécutifs en 1986. Le gouvernement a dit intervenir pour assurer des services essentiels en situation de grève. La loi 160 exigeait du syndicat qu'il veille à ce que 90 % du personnel infirmier soit au travail. Ceci est bien au-delà du nombre d'infirmières en place à l'année longue dans les hôpitaux. Il y aurait plus d'infirmières dans un établissement de soins de santé pendant une grève que lors d'une journée de travail normale !

Pour ce qui est de refuser le TSO, en 1998 le Conseil des services essentiels a interdit aux infirmières de refuser de faire du TSO puisque leur convention collective n'était pas arrivée à échéance. Le hic, c'est que lorsque vient le temps de renouveler la convention collective, les contraintes juridiques et la criminalisation sont telles que toute négociation « de bonne foi » est impossible et toute action collective inefficace.

Dans une étude de 2014 faite par l'Université du Québec à Montréal (UQAM) en partenariat avec les principaux syndicats du Québec sur l'utilisation et l'impact des lois spéciales, les auteurs ont fait valoir que les travailleurs et travailleuses du secteur public étaient les plus touchés par la criminalisation de la lutte des travailleurs. [1] La conclusion du rapport est que dans les relations de travail il existe une « logique d'exceptionnalisme permanent ». On y lit : « Les lois spéciales, véritables épées de Damoclès, sont désormais perçues comme des mécanismes normaux de gestion des conflits dans la société. Un débat public doit se faire concernant leur impact sur le droit de négociation et le droit de grève, lequel n'est d'ailleurs pas reconnu dans les chartes canadienne et québécoise des droits et libertés. »

Note

1. Recherche sur les lois spéciales au Québec, par Martin Petitclerc et Martin Robert.

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Entrevue

Forum ouvrier : Comment s'est déroulée la journée d'action sans temps supplémentaire obligatoire dans votre région ?

Éric Tremblay : La journée a été bien réussie. Il n'y a pas eu de TSO sur notre territoire, et nous sommes 4 300 professionnelles en soins, infirmières, infirmières auxiliaires et inhalothérapeutes. C'est une première. Jusqu'à date, nous avions eu 350 TSO depuis le mois de janvier 2019. Cela montre que lorsque l'employeur veut se donner la peine, c'est possible. Il faut faire une bonne planification. Il faut faire des appels également. Il y a un problème d'un manque d'appels. Ils ne rejoignent pas les gens et ils se contentent de garder le monde en TSO, c'est plus simple. Nous avons dressé notre bannière « Le temps supplémentaire obligatoire, ç'a assez duré » sur l'autoroute 25 pour avertir la population que nous tenions une journée sans TSO. Il y a eu une manifestation citoyenne devant l'Hôpital Maisonneuve-Rosement avec la bannière « Infirmières en colère - Citoyens solidaires ! »

FO : Peux-tu nous expliquer brièvement quels problèmes sont causés par le temps supplémentaire dans votre région ?

ÉT : Pendant des années, nous avons eu des restrictions budgétaires. Ils ont embauché des temps partiels. Ils recommencent à mettre des postes à temps complet mais beaucoup de travailleuses n'en veulent pas parce qu'elles craignent que si elles font du cinq jours, elles vont faire du cinq jours en temps supplémentaire obligatoire. Elles craignent d'être gardées en otages plus longtemps, plus souvent.

Le TSO cause beaucoup de problèmes aux travailleuses et aux patients. Cela affecte la vigilance, cela cause de la fatigue, l'épuisement professionnel, Nous avons un taux d'absentéisme énorme. Si je ne me trompe pas, nous frôlons le 15 % de taux d'absentéisme d'invalidité de longue durée dans l'est de l'île. On ne parle pas du quotidien, des maladies quotidiennes. L'épuisement professionnel est largement causé par le temps supplémentaire obligatoire.

Quand ils n'arrivent pas à même trouver quelqu'un pour un TSO, ils augmentent la charge de travail. Si tu es à l'urgence par exemple, que tu as à t'occuper de huit patients au lieu de quatre, tu ne peux pas être aussi vigilant. Les ratios sont plus petits à l'urgence, parce que les cas sont complexes, les soins sont devenus complexes, cela demande une grande vigilance. C'est à ce moment-là que se pose le problème des soins sécuritaires. Cela veut dire que c'est le patient qui, à un moment donné, ne reçoit peut-être pas le bon traitement ou il ne le reçoit pas dans le temps requis. Prenons l'exemple d'un CHSLD, où il y a de l'instabilité, où les gens sont fatigués, et le ratio est augmenté au point que parfois ils ont 75 patients. Tu es supposé donner un médicament à 8 heures, comment peux-tu le donner à 8 heures à tout le monde si tu as 75 patients dont tu dois t'occuper. Le patient reçoit son médicament à 11 h et un autre à midi. L'intervalle de la médication n'est pas respecté. Cela n'est pas un hasard, la façon dont la médication est programmée. Donc, c'est aussi la population qui est prise en otage en ce qui concerne son traitement.

FO : Que proposez-vous pour remédier à la situation ?

ÉT : Nous proposons un aménagement du temps de travail. C'est un projet qui vient de nous, qui s'appliquerait sur l'est de l'île. Il s'agit d'un projet de huit jours de travail sur une durée de deux semaines, avec les conditions du temps complet, c'est à dire la banque de maladie, la contribution au fonds de pension à temps complet, etc. On travaillerait 4 jours semaine - 4 jours semaine, avec une journée de congé pendant la semaine. Tout ce qui dépasse le huit jours serait payé à temps supplémentaire. Le projet est mis en oeuvre à l'urgence en ce moment. L'employeur est ouvert au projet mais il n'est pas prêt pour le moment à payer en temps supplémentaire à partir de la neuvième journée. Le projet anime beaucoup les gens à l'urgence. Ce n'est pas un temps complet. C'est un peu plus qu'un temps partiel et les employées ont les conditions du temps complet.

FO : Veux-tu dire quelque chose en conclusion ?

ÉT : Nous demandons à tous les travailleurs d'appuyer cette cause, parce que c'est leur cause à eux. Ce sont des services qu'on donne. Ce n'est pas une entreprise commerciale, Les gens ont le droit d'avoir des bons services, des services de qualité. C'est pour cela que nous avons des projets de ratios, pour déterminer combien de patients une infirmière devrait avoir pour donner des soins de qualité. Là où des projets de ratio sont en marche, où la charge de travail a été allégée, on s'est aperçu qu'il y avait moins de blessures, les patients perdaient moins d'autonomie, notamment dans les CHSLD. Même chose pour les soins critiques, si on a des soins sécuritaires, tu as des chances de récupérer plus vite, les erreurs sont moins possibles, etc Il y a des investissements à faire au départ pour avoir des économies en bout de ligne.

Dans les conditions actuelles, l'employeur a tout intérêt à garder le problème comme une omerta. Il y a un sous-entendu que ton emploi est mis en péril si tu dénonces des choses que fait l'employeur. Nous défendons le droit de nos membres de dire ce qui se passe. Jusqu'à date, nous avons eu dix avis disciplinaires pour refus de faire du TSO. Pourtant notre code d'éthique dit que si tu es épuisée et tu ne te sens pas capable, et que tu peux mettre la population en danger, tu as le droit de ne pas accepter. Nous contestons tous ces avis disciplinaires.

Si on travaille sans temps supplémentaire obligatoire, c'est tout le monde qui va y gagner.

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La lutte pour des conditions de travail adéquates dans
l'industrie du camionnage

Le 21 mars – cinquième anniversaire de la grève
des camionneurs de Vancouver


Le 21 mars était le cinquième anniversaire de la grève des camionneurs de Vancouver, au cours de laquelle 500 camionneurs syndiqués d'Unifor se sont unis aux 1 500 camionneurs d'origine pendjabie membres de l'Association des camionneurs unis. Ensemble, ils ont défait l'Administration portuaire de Vancouver, le gouvernement de Christy Clark en Colombie-Britannique et le gouvernement fédéral de Stephen Harper et sa tristement célèbre ministre des Transports, Lisa Raitt. Ce fut un grand succès pour les camionneurs canadiens. Cette lutte continue d'inspirer les camionneurs aujourd'hui, dans le contexte d'une nouvelle offensive visant à embaucher des travailleurs migrants ou étrangers dans le but d'augmenter l'exploitation de tous les camionneurs et d'empêcher que des normes ne soient établies pour l'industrie en fonction des besoins des chauffeurs. La voie à suivre pour ce contingent de la classe ouvrière reste celle qu'ils ont prise il y a cinq ans : s'unir pour défendre les droits de tous les camionneurs au Canada, quelle que soit leur origine nationale.

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À la défense des droits des travailleurs accidentés

Événements à venir


Région de Niagara
Forum à l'intention des travailleurs accidentés
10 avril, de 18h à 20h30
boulevard Sir Isaac Brock à Thorold
organisé par le Groupe des travailleurs accidentés de Niagara
Facebook

Guelph
Événement à l'intention des travailleurs accidentés
11 avril, de 16h à 18h
611 Silvercreek Parkway North
À l'initiative du Groupe des travailleurs accidentés
des districts de Wellington et Dufferin
Facebook

À la grandeur de l'Ontario
L'indemnisation des travailleurs est un droit!
le mardi 14 mai
Dans le cadre de la campagne en cours « l'indemnisation des travailleurs est un droit »  une journée d'action à la grandeur de l'Ontario est organisée le 14 mai avec des actions à Windsor, St-Catharines, Peel, Thunder Bay, Guelph, Manitoulin
et Toronto et d'autres villes devraient s'y joindre.
Pour toute mise à jour à mesure que l'information devient disponible, cliquer ici.

36e Journée annuelle des travailleurs accidentés de l'Ontario

Toronto
  Vigile nocturne par les Femmes d'inspiration
du vendredi 31 mai à 16h jusqu'à 9h le samedi 1er juin
Queen’s Park
Pour toute mise à jour à mesure que l'information devient disponible, cliquer ici.

À la grandeur de l'Ontario
Journée des travailleurs accidentés
le samedi 1er juin
Queen’s Park
Pour toute mise à jour à mesure que l'information devient disponible, cliquer ici.

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