Encouragés par les hitlériens, les journaux de Hearst sont aussitôt devenus les plus grands propagandistes du mythe du génocide et ont utilisé de fausses photographies et publié des mensonges qui ont été réfutés par des preuves solides à maintes et maintes reprises. La campagne calomniatrice de Hearst a commencé le 8 février 1935 avec un titre de première page, fabriqué de toutes pièces, dans le Chicago American : « Six millions meurent de faim en Union soviétique ». La vérité est que la révolution en Union soviétique au début des années 1930 entamait une nouvelle étape caractérisée par une intense lutte de classe au cours de laquelle les paysans pauvres sans terre se sont soulevés contre les riches propriétaires terriens, les koulaks, et ont entamé la collectivisation de l'agriculture. La collectivisation fut entreprise en conjonction avec la campagne d'industrialisation rapide de l'Union soviétique afin de répondre aux besoins des peuples soviétiques et de la défense de l'Union soviétique contre les agressions étrangères. Les articles de la presse Hearst sont à l'origine du grand mythe au sujet de millions de morts en Union soviétique. Ces mythes ont été repris par la CIA et le MI5, et après la guerre par les responsables de la chasse aux sorcières maccarthyste et par des propagandistes payés, comme Robert Conquest, professeur de Stanford et un ancien agent du MI5. Pendant des décennies, ces calomnies ont servi à dresser un portrait négatif du socialisme en URSS. Combattant ces fabrications, le syndicaliste canadien Douglas Tottle a publié en 1987 un livre bien documenté intitulé Fraud, Famine and Fascism dans lequel il expose systématiquement les mythes de l'Holodomor. Ce livre est disponible sur Internet, accessible à tout lecteur objectif. Le gouvernement Trudeau montre de plus en plus son appui ouvert aux forces les plus réactionnaires dans tous les contextes. Il pratique la politique d'apaisement envers les crimes des impérialistes américains contre l'humanité. Plusieurs articles publiés en 2017 ont révélé que la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, avait délibérément dissimulé que son grand-père était un collaborateur nazi en Pologne et en Autriche pendant la guerre. Cela a mené plusieurs ministres du gouvernement et des experts des médias à faire l'apologie de l'occupation nazifasciste de l'Europe pendant la Deuxième Guerre mondiale et des collaborateurs nazis.
|
|
En 1922, l'Union soviétique a connu une importante famine dans certaines régions à la suite des guerres d'intervention des puissances impérialistes qui voulaient écraser le nouvel État soviétique. La famine est réapparue en 1933, surtout en Ukraine, mais pas exclusivement. Il existe deux versions totalement différentes de cette seconde famine. Une analyse objective montre qu'elle résultait d'une combinaison de mauvaises conditions climatiques et du sabotage par les paysans riches, les koulaks, dans leur lutte contre la collectivisation de l'agriculture. Or, les nationalistes ukrainiens soutiennent que la famine a été provoquée délibérément par Staline afin de briser le moral du peuple ukrainien et a entraîné des millions de morts inutiles, en fait la mort et la destruction d'une telle ampleur qu'elles éclipsent l'holocauste nazi.
La preuve documentaire produite pour appuyer cette affirmation est souvent endossée par des universitaires comme Robert Conquest ou James Mace de l'Université Harvard. Cette preuve est extrêmement faible et repose souvent sur des rapports discrédités de la presse américaine profasciste des années 1930, ou même sur des documents nazis. Malgré cela, elle continue de ressurgir, en particulier dans les années 1980, dans le cadre d'une tentative des nationalistes ukrainiens de commémorer le 50e anniversaire de la famine et en même temps d'alimenter la rhétorique de la guerre froide de l'ère Reagan.
Les mêmes vieilles photographies granuleuses apparaissent maintes et maintes fois, montrant censément les victimes de la famine en Ukraine, mais dans presque tous les cas elles ne sont accompagnées d'aucun document ou ne sont pas datées. Puis celles qui sont retraçables et documentées proviennent de collections de la famine de 1922 ou sont même de périodes antérieures. Rassemblées hâtivement dans le film Harvest of Despair, ces images ont été montrées à la télévision britannique, bien qu'elles aient été rejetées par plusieurs chaînes privées aux États-Unis en raison de leur manque flagrant d'objectivité.
Les organisations nationalistes ukrainiennes au Canada et ailleurs continuent de propager la notion de génocide délibéré par la famine, tout en dissimulant soigneusement leurs origines antisémites, pronazies et collaboratrices. Une recherche sur le Web pour « Famine et génocide ukrainiens » a donné 845 références à cette famine « provoquée par l'homme », comme d'habitude illustrées de manière graphique avec des images d'une époque antérieure. Dans cet exposé, je vais explorer le contexte de ces différentes affirmations et contre-affirmations en me basant sur l'excellent livre de Douglas Tottle sur le sujet[1].
À l'automne 1934, un Américain du nom de Thomas Walker entra en Union soviétique. Après moins d'une semaine à Moscou, il a passé le reste de son séjour de 13 jours à voyager jusqu'à la frontière mandchoue, d'où il a quitté l'URSS pour ne jamais y revenir. Quatre mois plus tard, une série d'articles de Thomas Walker a commencé à paraître dans la presse Hearst en Amérique. Walker y est présenté comme « un célèbre journaliste, voyageur et étudiant des affaires russes qui a passé plusieurs années à voyager dans l'Union de la Russie soviétique ». Les articles décrivent une famine en Ukraine qui aurait coûté la vie à six millions de personnes et sont illustrés de photographies de cadavres et d'enfants affamés. Walker aurait passé clandestinement un appareil photo « dans des circonstances extrêmement difficiles et dangereuses ».
Louis Fischer, un auteur américain qui vivait à Moscou à l'époque, avait des soupçons. Pourquoi la presse de Hearst a-t-elle attendu dix mois avant de publier ces histoires sensationnelles ? Il a démontré qu'au cours de son court voyage en Union soviétique, Walker n'a même pas pu visiter les régions qu'il décrit et aurait photographiées. Il souligne également que les preuves photographiques de Walker étaient vraiment étranges : non seulement les images semblaient être d'une période antérieure de dix ans (Fischer pensait probablement à la famine de la Volga en 1921), mais elles contenaient un mélange de scènes prises en été et en hiver. Fischer a également indiqué que la récolte de 1933 en Ukraine avait été bonne.
Par la suite, certaines de ces images ont été identifiées comme étant des scènes de l'empire austro-hongrois et de la Première Guerre mondiale, et il s'est avéré que les journaux Hearst déterraient de vieilles images et les retouchaient à des fins de propagande. Certaines photos ont été publiées comme ayant été prises en Russie, et d'autres fois, la même photo était située en Ukraine pour des raisons évidemment politiques. Non seulement les photos ainsi que le voyage en Ukraine étaient une escroquerie, mais Thomas Walker lui-même était un escroc et un détenu évadé du nom de Robert Green qui avait purgé une peine pour contrefaçon. Lors de son procès à la suite de son arrestation, il a admis que ses photos utilisées dans les articles des journaux Hearst étaient des faux et n'avaient pas été prises en Ukraine, tel qu'indiqué. Malgré ces faits, ces mêmes photos sont celles utilisées dans les affiches de commémoration, sur les sites Web et dans le film Harvest of Despair (Moissons du désespoir).
Il va sans dire que la presse Hearst a poursuivi sa campagne sur la famine génocidaire malgré le fiasco de Walker. Ce n'est pas surprenant quand on considère que Hearst lui-même était connu par des millions d'Américains comme « le fasciste numéro un de l'Amérique ». (L'une des principales sources de revenus personnels de Mussolini au début des années 1930 provenait de son travail de correspondant pour la presse Hearst).
En 1934, Hearst a voyagé en Allemagne nazie et a rencontré Hitler. Après ce voyage, la presse Hearst a commencé à publier des articles sur la famine génocidaire en Ukraine. Le premier ministre français, Édouard Herriot, qui revenait récemment de son voyage en Ukraine, a déclaré qu'il n'avait vu aucune preuve de la famine. À la suite des articles de Walker, Hearst a tenté de convaincre les Américains que l'Union soviétique était une terre de famine absolue, de génocide et de cannibalisme. À l'époque, cela était souvent reconnu comme un sensationnalisme politique, mais au fil des ans, ces inventions se sont transformées en « preuves primaires ».
En soulignant ces caractéristiques de la campagne des années 1930 et les souvenirs sélectifs de ceux qui ont aidé la presse de Hearst à propager la thèse de la famine génocidaire, on peut mettre en lumière la nature de la campagne sur la famine génocidaire d'aujourd'hui.
Simultanément avec la publication d'articles à sensation de Hearst en 1935, la presse nazie en Allemagne et les journaux aux sympathies nazies ailleurs en Europe ont commencé à publier des récits similaires. C'est à cette époque que le livre Human Life in Russia du Dr Ewald Ammende a été publié. Ce livre a eu une influence durable sur ceux qui propagent le mythe de la famine génocidaire et il a été republié en 1984. Il ne cache pas son manque d'objectivité en rendant crédibles les correspondants de Hearst, les récits de l'Allemagne nazie et de l'Italie fasciste, et en reproduisant les allégations de « voyageurs » et d'« experts » anonymes.
La plupart des preuves photographiques des théoriciens de la famine génocidaire peuvent être retracées soit dans le livre d'Ammende ou celui de Thomas Walker. L'origine des photographies n'est pas documentée, bien qu'il faille souligner qu'Ammende a participé à l'organisation de l'aide pour soulager la famine en 1921-1922. Les photos auraient été prises dans les rues et sur les places de Kharkov à l'été 1933, bien que seulement 10 sur 26 semblent montrer des scènes urbaines. Il n'y a pas de panneaux ou de points de repère pour les mettre en contexte.
Le livre Human Life in Russia contient des photos supplémentaires qui ne figuraient pas dans l'édition allemande. Le Dr Ditloff, directeur de la concession agricole du gouvernement allemand dans le nord du Caucase, aurait pris ces photos. On peut se demander comment un fonctionnaire nazi a pu se déplacer librement en Ukraine en prenant des photos, mais de toute façon, dans les publications ultérieures, les mêmes photographies sont soit non attribuées, soit attribuées à une source complètement différente. En fait, certaines photos ont été identifiées comme étant de la famine de 1922, et certaines montrent des scènes d'hiver alors qu'elles auraient été prétendument prises en été. D'autres publications utilisent les mêmes photos soit sans crédit, soit en les attribuant à Thomas Walker, malgré le fait qu'elles soient utilisées pour illustrer les événements de 1932-1933 et que Walker ait affirmé les avoir prises au printemps de 1934.
Il est clair que les preuves photographiques sont frauduleuses et ont été utilisées principalement dans le cadre d'une campagne visant à miner et à discréditer l'Union soviétique. Malgré cela, elles continuent à être utilisées encore actuellement.
La campagne sur la famine génocidaire des années 1930 s'appuyait fortement sur des sources de droite douteuses et n'était pas acceptée par les historiens à l'époque, ce qui a conduit certains nationalistes ukrainiens à parler d'une conspiration prosoviétique, de gauche ou même juive, pour supprimer la vérité. Dans les années 1950, les nationalistes publièrent des livres comme Black Deeds of the Kremlin (Les sombres agissements du Kremlin) pour propager leur interprétation de l'histoire. Une section est consacrée aux allégations des nationalistes sur les exécutions de masse soviétiques dans les années 1930 à Vynnitsa. Découverts sous l'occupation nazie en 1943, les charniers ont été examinés par une commission nazie et utilisés dans des films de propagande. Le témoignage d'après-guerre des soldats allemands a cependant révélé qu'il s'agissait d'une propagande mensongère nazie et que les corps étaient ceux des juifs exécutés par les SS et les milices ukrainiennes.
Les horribles allégations de cannibalisme contenues dans le volume 2 de Black Deeds of the Kremlin ont mérité à ce livre le nom de « livre de recettes nationalistes ukrainiennes » !
Massacre perpétré par les nazis à Vinnytsia, Ukraine, 1942 |
Les théoriciens de la famine génocidaire soulignent avec force que des millions de personnes sont mortes en Ukraine. Leur méthodologie, comme d'habitude, est très suspecte. Une « étude marquante » de Dana Dalrymple publiée dans Soviet Studies en 1964 arrive au chiffre de 5,5 millions basé sur la moyenne des estimations de 20 journalistes occidentaux. L'un d'eux est notre ami fictif Thomas Walker. Dalrymple affirme que Walker a fait son enquête après avoir quitté un voyage organisé et qu'il avait déjà passé plusieurs années à voyager en Russie.
Un chiffre similaire est également donné par l'archevêque de Canterbury, ce partisan enthousiaste d'Hitler qui avait tenté de soulever la question de la famine à la Chambre des lords en 1934 alors qu'en fait le Foreign Office affirmait qu'il n'y avait aucune preuve à l'appui des allégations contre le gouvernement soviétique. Inutile de dire que le témoignage de Sir John Maynard, un expert renommé de la famine qui a visité l'Ukraine à l'été 1933 et démenti les récits de la famine génocidaire, est rejeté par les nationalistes.
La campagne de la guerre froide a refait surface dans les années 1980 avec une publicité considérable et le soutien scientifique de l'Ukrainian Research Institute de l'Université Harvard, qui est depuis longtemps un centre de recherche anticommuniste. En 1983, le livre The Ninth Circle, publié pour la première fois par les nationalistes ukrainiens en 1953 a été réédité, édité et présenté par le Dr James Mace de Harvard. Un examen critique de ce livre le qualifie de « polémique dépourvue de toute documentation et dépourvue de toute valeur scientifique ». L'auteur, a-t-on souligné, ne donne aucun détail sur son activité pendant l'occupation nazie de l'Ukraine et ne fait aucun commentaire hostile à l'égard des nazis. Encore une fois, les falsifications de Thomas Walker sont utilisées comme illustrations, malgré le fait que l'auteur prétend avoir été témoin de la famine. L'« universitaire » Mace écrit au sujet du témoignage qu'« un journaliste américain comme Thomas Walker a écrit des comptes rendus factuels et détaillés de la famine fondés sur ce qu'il avait vu en Ukraine en 1933 ». Notez que le voyage de Walker est commodément antidaté à1933 alors qu'il a eu lieu en 1934.
Une autre contribution à la littérature sur la famine génocidaire est celle de Walter Dushnyk 50 years ago : the Famine Holocaust in Ukraine (Il y a 50 ans : l'Holocauste de la famine en Ukraine). L'auteur de l'avant-propos de ce livre est nul autre que Dalrymple. Les racines de Dushnyk remontent au mouvement fasciste européen d'avant-guerre, alors qu'il était actif au sein de l'Organisation des nationalistes ukrainiens. Encore une fois, un critique du livre commente : « au lieu d'être une analyse scientifique, ce document est une polémique vitriolique très chargée d'émotivité. En effet, il a peu à voir avec la science et manque incontestablement d'objectivité ». Une fois encore, les mêmes photographies truquées ou non documentées sont utilisées. Dushnyk calcule le nombre de morts dus à la famine en projetant une croissance démographique anticipée, basée sur le recensement de 1926, sur le recensement de la population répertoriée en Ukraine en 1939.
La différence est de 7,5 millions et cela devient donc le nombre de victimes de la famine. L'absurdité de cette méthode peut être démontrée en la transposant au Canada des années 1930 et en montrant que 25 % de la population de la Saskatchewan a disparu pendant la grande dépression. En fait, la population de l'Ukraine a augmenté en termes réels à partir de 1926, pour atteindre près de 3,4 millions en 1939. Alors qu'il est impossible de donner un chiffre précis pour le nombre de victimes de la famine, il a été démontré que les affirmations de personnes comme Dalrymple, Mace et Dushnyk sont des exagérations extrêmes fabriquées pour renforcer leurs allégations politiques de génocide.
La campagne sur la famine génocidaire a atteint son apogée en 1986 avec la publication du livre de Robert Conquest Harvest of Sorrow (Sanglantes Moissons) et le film produit par le comité de recherche sur la famine de l'Institut St Vladimir, Harvest of Despair (Moissons du désespoir).
Le film est plein de vieilles photos non documentées et s'appuie fortement sur des entrevues avec d'anciens nazis et des collaborateurs ukrainiens, ainsi que des transfuges de l'Union soviétique; même Malcolm Muggeridge y fait une courte apparition. Les producteurs du film ont apparemment visionné plus de 304 kilomètres de films pour n'en utiliser que 220 mètres. Au lieu de présenter des preuves documentées de la famine, ce qui est présenté est un montage de photos non documentées, y compris celles de Walker/Ditlofff, de la famine de 1921-1922 et d'autres images de la propagande nazie. Avec un mépris total pour la vérité, certaines scènes sont empruntées aux films de la guerre civile et aux films soviétiques des années 1920. Essentiellement, il semble que les cinéastes ont fouillé dans les archives à la recherche de morceaux de vieux plans de guerre et de famine qui ont ensuite été insérés dans le film avec un grand effet subliminal, liés par une narration et entrecoupés d'entrevues partisanes. Tout cela a été reconnu par plusieurs des participants, mais le film a été largement diffusé et salué, notamment par la télévision britannique. Les réalisateurs ont même reçu des subventions et un soutien logistique de l'Office national du film du Canada et d'un autre organisme public, Multiculturalisme Canada. Clairement, Moissons du désespoir n'est pas le documentaire objectif qu'il prétend être, mais plutôt un exercice de propagande grossier de la guerre froide.
Le livre de Conquest Sanglantes moissons : la collectivisation des terres, la famine et la terreur est devenu la meilleure tentative de légitimer la famine génocidaire. Les affiliations de droite de Conquest et ses négations de l'Holocauste sont maintenant bien connues. Conquest a travaillé pour l'Information Research Department, le service de désinformation des services secrets britanniques, dont les cibles privilégiées étaient « le tiers monde » et les « Russes ». Dans son livre précédent, La Grande Terreur, Conquest soutenait que cinq à six millions de personnes avaient péri dans la période 1932-1933, dont la moitié en Ukraine. En 1983, Conquest a augmenté ses estimations à 14 millions et prolongé la famine jusqu'en 1937 ! Ces révisions coïncidaient parfaitement avec les commémorations du 50e anniversaire de la famine.
Conquest présente les différentes cliques nationalistes qui ont occupé des parties du territoire de l'Ukraine pendant la Guerre civile russe et l'intervention étrangère comme des gouvernements authentiques. Les massacres de masse des juifs ukrainiens qui a eu lieu sous l'« indépendance » nationaliste en 1918-1919 est rejeté en trois mots. L'occupation nazie de l'Ukraine est présentée implicitement comme une interruption entre les périodes de « terreur » soviétique et la libération des nazis comme une « réoccupation » soviétique.
Il y a de nombreux exemples montrant que le livre de Conquest manque de rigueur scientifique. Il y a notamment le passage où il cite les articles d'un correspondant étranger qui s'avère être nul autre que Thomas Walker, l'homme qui ne fut jamais. Dans sa note de référence pour la citation, il change même la date de l'article de Hearst de 1935 à février 1933. Il convient de répéter les observations de l'historien américain J. Arch Getty sur la qualité de ce type de recherche historique :
« De grandes généralisations analytiques ont été faites à partir de ragots de couloir entendus de seconde main. Les histoires de camps de prisonniers ('mon amie a rencontré la femme de Boukharine dans un camp et elle a dit') sont devenues des sources principales de la prise de décision politique centrale soviétique. La nécessité de généraliser à partir de détails isolés et non vérifiés a transformé les rumeurs en sources et a assimilé la répétition d'anecdotes à la confirmation. »
Alors que les historiens sérieux n'acceptent pas les ouï-dire et les rumeurs comme des faits historiques, comparez ceci avec la position de Conquest selon laquelle « la vérité ne peut se répandre que sous forme de rumeurs » et « sur le plan politique, fondamentalement la meilleure source est la rumeur, bien qu'elle ne soit pas complètement infaillible ».
Pour ce qui est de la famine comme telle et de ses causes, de façon générale, les historiens de la droite tiennent peu compte des facteurs de la sécheresse et du sabotage de la collectivisation. Il est à noter que dans « Une histoire de l'Ukraine » par Mikhail Hrushevsky – que les nationalistes eux-mêmes reconnaissent comme « principal historien de l'Ukraine » – nous pouvons lire : « À nouveau, l'année de sécheresse a engendré des conditions agricoles chaotiques, et au cours de l'hiver de 1932-1933, une grande famine comme celle de 1921-1922 a balayé l'Ukraine soviétique ». Nulle part est-il mentionné dans les textes d'histoire que la famine était intentionnelle ou qu'elle ciblait les Ukrainiens et en fait on s'attarde davantage à la famine de 1921-1922. Il existe de nombreuses mentions de la sécheresse en Ukraine en 1931 et 1932. Même Ewald Ammende, dans son livre Human Life in Russia, parle des causes climatiques et naturelles de la famine.
Bien que la sécheresse ait été un facteur déterminant, la principale cause de la famine fut la lutte liée à la collectivisation des régions rurales pendant cette période. En 1928, il y avait des millions de petites fermes de paysans, l'ensemencement de trois quarts des terres se faisait manuellement, un tiers des terres agricoles étaient moissonnées à la serpe et à la faux, 40 % du battage était fait au fléau. Plus d'un quart des ménages ruraux n'avaient d'animal de trait ni d'instruments agricoles, et 47 % ne possédaient que des charrues. Le mouvement de collectivisation a été l'élément fondamental du premier plan quinquennal initié en 1929. La petite minorité de paysans riches, les koulaks, se sont opposés à la socialisation de l'agriculture et ont combattu la collectivisation par une campagne organisée de destruction à grande échelle. La lutte dans certaines régions comme l'Ukraine a atteint des niveaux de guerre civile. Des observateurs étrangers visitant le pays à cette époque ont constaté que l'opposition koulak a préféré massacrer son bétail et ses chevaux plutôt que de les voir collectivisés. De 1928 à 1933, le nombre de chevaux en Union soviétique a chuté de 30 à 15 millions, le bétail, de 70 à 38 millions, les moutons et les chèvres, de 147 à 50 millions. Certains koulaks ont incendié les propriétés des collectifs et ont même incendié leurs propres récoltes et semences. Un grand nombre de théoriciens de la famine génocidaire omettent de parler du sabotage des koulaks, mais d'autres en parlent avec enthousiasme pour souligner l'opposition à la planification soviétique. Aussi la famine a été aggravée par des épidémies de typhus qui ont sans doute coûté la vie à de nombreuses personnes. Dès 1933, il y a eu de bonnes récoltes, et d'énormes efforts ont été faits pour améliorer les fermes collectives et fournir de l'équipement mécanisé.
Les immenses augmentations de rendements agricoles et industriels qui ont suivi en Ukraine juste avant la Deuxième Guerre mondiale viennent contredire les allégations de 7 à 15 millions de personnes qui seraient mortes de faim à peine sept ans auparavant. Aussi, la résistance ukrainienne aux nazis et à leurs auxiliaires nationalistes ukrainiens fut exemplaire. Dans la région occidentale la plus importante de l'Ukraine, la loyauté était aussi active que massive. Il y avait plus d'un demi-million de guérillas soviétiques organisés, et quatre millions et demi d'Ukrainiens ethniques ont combattu dans l'armée soviétique. Dans les textes d'histoire nationalistes de l'Ukraine, ces faits sont reconnus, et on peut difficilement imaginer comment une nation a réussi à mobiliser autant d'hommes d'âge militaire à la lumière des prétentions nationalistes au sujet de victimes de la famine. En réalité, pour la majorité des paysans, travailleurs et professionnels engendrés par ces classes, le système soviétique avait montré hors de tout doute ses avantages économiques et culturels.
Le seul endroit où les nationalistes ont trouvé une base quelconque pendant l'occupation nazie est ce qui avait été jusqu'en 1939 la Galicie polonaise. C'est là que les nazis ont recruté la plus grande partie de leur police fasciste et de leurs unités de SS. Une étude des événements sous l'occupation nazie en dit long non seulement sur l'appui populaire aux Soviétiques tel que manifesté par le peuple ukrainien, mais aussi sur le rôle joué par les nationalistes ukrainiens.
Cérémonie au drapeau de la Division SS Galicie, printemps de 1943 |
En juin 1941, l'armée nazie est entrée à Lviv, la capitale de l'Ukraine occidentale avec en avant-garde le bataillon vêtu de l'uniforme nazi Nachtigall des nationalistes ukrainiens. Au cours des trois premiers jours de juillet, le bataillon Nachtigall a massacré 7 000 juifs dans la région de Lviv. Les écrivains, intellectuels et professionnels non-juifs hostiles au nazisme ont aussi été tués. Dans les huit premiers mois de l'occupation nazie, 15 % des juifs galiciens – 100 000 personnes – ont été massacrés lors d'opérations communes des Allemands et des nationalistes ukrainiens. Plusieurs milliers de nationalistes qui se sont enfuis en Allemagne et ailleurs suivant les armées nazies qui battaient en retraite ont dû cacher leur rôle criminel personnel et collectif dans l'holocauste et la trahison de leur pays. Les thèmes antisémites et fascistes sont profondément enracinés dans le mouvement nationaliste ukrainien. Les dirigeants des nationalistes ukrainiens étaient à la solde du Parti nazi avant qu'Hitler n'envahisse l'Union soviétique. Les bataillons de nationalistes ukrainiens furent formés en Allemagne avant la guerre et certains ont participé à l'invasion de la Pologne. Les détachements de volontaires des bataillons Nachtigall et Roland ont combattu aux côtés de l'armée allemande et plus tard en 1941 ont été organisés en bataillon de police qui a été déployé en Biélorussie. Bien que ces faits soient bien connus, les défenseurs de la famine génocidaire dépeignent les nationalistes comme ayant combattu à la fois contre Hitler et Staline et comme ayant joué en quelque sorte le même rôle que la résistance française. On déforme aussi le rôle de la 14e Waffen-Grenadier-Division SS Galicie (aussi nommé la Division Halychyna). Créée en 1943, la principale fonction de cette dernière a été de combattre brutalement les partisans. Même après le retrait de l'Allemagne de l'Ukraine, les nationalistes sont restés au pays pour saboter les lignes de ravitaillement soviétiques. Les troupes nationalistes ont servi Hitler en Ukraine, en Pologne, en Biélorussie, en Tchécoslovaquie, en Hongrie et en Yougoslavie. Les collaborateurs ukrainiens ont participé au massacre de centaines de milliers de personnes dans les camps de la mort de Treblinka, Sobibor, Yanowska et Trawniki. Voilà les lettres de créances « antinazies » de ceux que les nationalistes d'aujourd'hui voudraient faire passer pour des « combattants de la libération nationale », des « héros du peuple ukrainien » et des « patriotes qui ont souffert pour une Ukraine libre ».
À la suite de la victoire alliée contre l'Allemagne nazie, plusieurs collaborateurs ont cherché à fuir la justice et la rétribution en tentant de recommencer à neuf en Amérique du Nord ou ailleurs. Des agences de renseignement occidentales ont contribué à blanchir les collaborateurs nazis pour faire en sorte qu'ils puissent émigrer vers de nouvelles patries en échange d'une nouvelle collaboration contre la Russie. L'Organisation internationale des réfugiés et la Commission américaine des personnes déplacées ont d'abord jugé que les nazis ukrainiens ne devaient pas pouvoir obtenir de visas, ce qui n'a pas empêché les agences de renseignement américains de présenter l'Organisation de nationalistes ukrainiens comme ayant participé à la lutte antinazie. Cette falsification pure et simple a permis de persuader les autorités de l'immigration de changer d'avis. Grâce au blanchissage de collaborateurs de l'Europe de l'Est, ceux-ci ont trouvé du travail dans Radio Free Europe, Radio Liberty, Voice of America et dans des écoles où ils ont enseigné les langues de l'Europe de l'Est aux officiers des services de renseignement américains. Certains ont été entraînés pour mener des opérations de sabotage en Union soviétique et d'autres ont servi de témoins vivants de la « terreur communiste » pour le conditionnement psychologique du peuple américain dans la guerre contre l'URSS. Dans ce contexte, la « famine génocidaire » ukrainienne était une des nombreuses thématiques. Ultimement, il est devenu plus important pour les autorités de l'immigration aux États-Unis et au Canada de savoir si quelqu'un était un communiste plutôt qu'un collaborateur nazi.
Il y a plus de 65 ans, la falsification et la motivation politique de l'éditeur profasciste William Hearst ont été exposées par le journaliste américain Louis Fischer. En examinant la feuille de route de ceux qui propagent aujourd'hui la campagne de la famine génocidaire, on ne peut que s'arrêter à la conclusion de Fischer :
« La tentative est trop transparente et les mains trop entachées pour qu'elle puisse réussir. »
Le docteur John Puntis est médecin aux hôpitaux universitaires de Leeds NHS Trust, au département de gastroentérologie pour enfants.
(Traduit de l'anglais par LML)
1. Fraud, Famine and Fascism. The Ukrainian Genocide Myth from Hitler to Harvard, Toronto, Progress Book, 1987. ISBN 0-919396-51-8)
Le professeur Mark Tauger est l'un des érudits le plus éminent du monde en développement agricole en Union soviétique dans ses premières années. Il est professeur adjoint d'histoire à l'Université de la Virginie de l'Ouest. Il est l'auteur du livre publié en 2010, L'agriculture dans l'histoire mondiale. Ses observations sur l'agriculture soviétique – articles, chapitres et critiques – peuvent être trouvées sur son site web à l'Université de la Virginie de l'Ouest. Nous proposons trois de ces écrits :
« Stalin, Soviet Agriculture and Collectivization », Chapitre six de Food and Conflict in Europe in the Age of the Two World Wars, publié par Frank Trentmann and Flemming Just, Palgrave Macmillan, 2006
« Natural Disaster and Human Actions in the Soviet Famine of 1931-33 », (2001, 65 pages), Carl Beck Papers No. 1506, Centre d'études sur la Russie et l'Europe de l'Est (Université de Pittsburgh). Il s'agit de la seule étude qui décrit les causes environnementales sous-jacentes de la famine au cours de ces années.
« The 1932 Harvest and the Famine of 1933 », Slavic Review 1991.
(Pour voir les articles individuellement, cliquer sur le titre de l'article.)
Lisez Le
Marxiste-Léniniste
Site web : www.pccml.ca Courriel :
redaction@cpcml.ca