Trentième anniversaire de l'assaut militaire brutal
contre les Mohawks à Kahnesetà:ke

Pour des relations de nation à nation et la fin du génocide des peuples autochtones

« Le sort réservé aux peuples autochtones de ce pays est un sujet de grande préoccupation pour tous. Cela comprend le gouvernement Trudeau. Malheureusement, la préoccupation de ce dernier n'est pas de redresser les torts historiques comme l'exige notre époque, mais de réaliser ce que les gouvernements précédents n'ont pu réaliser, soit éliminer une fois pour toutes les droits autochtones pour pouvoir piller leurs terres et leurs ressources. Le premier ministre Justin Trudeau se préoccupe davantage de redorer l'image ternie du Canada à l'échelle mondiale en ce qui a trait aux droits humains, le Canada ayant acquis une réputation de violateur des droits humains à cause de sa négligence criminelle historique face aux conditions de vie des peuples autochtones et des crimes commis contre eux. » - Pauline Easton[1]


Oka 1990

Il y a trente ans, à l'aube du 11 juillet 1990, une centaine d'agents lourdement armés de la Sûreté du Québec (SQ) ont mené un assaut contre des membres des Kanien'kehá:ka de Kanehsatà:ke (nation mohawk, membre de la Confédération Haudenosaunee) qui avaient érigé une barricade sur un chemin de terre menant à un lieu sacré de sépulture autochtone pour s'opposer à l'agrandissement d'un club de golf sur le territoire mohawk situé près de la ville d'Oka, au Québec. Pour que le projet se réalise, la forêt connue sous le nom de la Pinède, ainsi que le cimetière de Pine Hill, le cimetière de la communauté de Kanehsatà:ke, devaient être rasés au bulldozer. Pour empêcher cette destruction, les résidents de Kanehsatà:ke ont érigé dès mars 1990 une barricade sur un petit chemin de terre secondaire traversant la Pinède.

L'assaut de la SQ du 11 juillet est survenu après un ultimatum, sous forme d'une ordonnance du tribunal, que le maire et le conseil municipal d'Oka avaient sollicitée et qui appuyait l'expansion du terrain de golf privé sur les terres autochtones volées : les Kanien'kehá;ka de Kanehsatà:ke devaient enlever leur barricade avant le 9 juillet ou bien faire face au plein poids de la loi.

Lors de l'attaque du 11 juillet 1990 par les forces de police en tenue de combat militaire, la SQ a utilisé des grenades lacrymogènes et des grenades assourdissantes contre les personnes présentes à la barricade.

Après que la SQ a commencé à tirer, une fusillade a éclaté entre eux et les guerriers mohawks, et le caporal Marcel Lemay de la SQ a été tué par balle dans la mêlée qui s'ensuivit.

La SQ a abandonné ses véhicules et s'est retirée au bas de la colline à Oka. Les guerriers mohawks ont utilisé les véhicules abandonnés pour construire et fortifier une nouvelle barricade sur la route 344, tandis que la SQ érigeait sa propre barricade pour empêcher les renforts mohawks de venir à Kanehsatà:ke. En signe de solidarité, le pont Mercier, l'un des cinq ponts/tunnels reliant Montréal à la rive sud du fleuve Saint-Laurent, a été fermé à Kahnawà:ke par la communauté mohawk. Les événements sont rappelés dans le documentaire de l'Office national du film de 1993 intitulé « Kanehsatake : 270 ans de résistance », réalisé par Alanis Obomsawin qui était à Kanehsatà:ke lors de la confrontation en 1990[2].

L'affrontement à Kanehsatà:ke et Kahnawà:ke comprenait des milliers de soldats avec des chars d'assaut et des hélicoptères de l'armée canadienne commandés par le gouvernement Mulroney à la demande du gouvernement Bourassa. Il a finalement duré jusqu'au 26 septembre, date à laquelle les membres du centre de traitement Onn'to:kon de Kanehsatà:ke ont décidé de quitter l'encerclement après 78 jours de résistance.


Oka 1990

L'enjeu des revendications territoriales non résolues


Marche pour marquer le 25e anniversaire du soulèvement d'Oka, le 11 juillet 2015

Bien que le siège ait pris fin, les problèmes des titres liés aux revendications territoriales qui étaient au coeur du différend persistent à ce jour. La question des titres ancestraux à Kanehsatà:ke remonte à 300 ans, lorsque les Sulpiciens ont commencé le lent processus de déposséder la nation mohawk de Kanehsatà:ke de leurs terres[3].

« Rien n'a changé », a déclaré Kanehsata'kehro:non Ellen Gabriel au début de la semaine, se remémorant le 30e anniversaire du début du siège de Kanehsatà:ke , ou que certains appellent la « crise d'Oka ». Elle faisait partie des personnes qui ont résisté pendant le siège de 1990 et ont participé pendant cette période aux négociations avec les gouvernements du Québec et fédéral pour régler les revendications territoriales.

« Comment la réconciliation a-t-elle pu échouer, si elle n'a jamais débuté ? », a demandé Ellen Gabriel. Dans une déclaration précédente, elle avait déclaré que « la réconciliation comprend les réparations et la restitution ».

Ce à quoi elle faisait référence, c'est qu'après 30 ans, le gouvernement fédéral n'a pas été en mesure de trouver de solutions au différend des revendications territoriales à Kanehsatà:ke. Gabriel a déclaré qu'une relation de nation à nation signifie une rencontre avec la Confédération Haudenosaunee.

La demande d'un moratoire sur la vente de terres


Conférence de presse sur l'expansion illégale d'un gazoduc sur les terres traditionnelles des Kanien'kehá:ka, le 28 septembre 2017

Lors d'une conférence de presse tenue il y a près d'un an, le 21 août 2019, Ellen Gabriel, au nom du peuple de la maison longue à Kanehsatà:ke, a déclaré qu'elle voulait que le gouvernement fédéral arrête le développement et la vente de terrains sur les 689 kilomètres carrés des terres ancestrales situées à 40 km au nord-ouest de Montréal.

« Nous mettons en garde tous ceux qui décident d'acheter des terres sur le territoire de Kanehsatà:ke, Kanien'kehá:ka, ou Oka et ses municipalités avoisinantes, de quelconque acheteur que ce soit, car toute cette zone reste un territoire contesté », a déclaré Gabriel.

Elle a ajouté que le gouvernement fédéral a longtemps négligé les réclamations territoriales de sa communauté, ce qui a entraîné la crise d'Oka en 1990.

« Le premier ministre permet que la fraude au sujet des titres de propriété se poursuive », a déclaré Gabriel.

« La réconciliation signifie un véritable engagement à changer, à s'engager honnêtement et à reconceptualiser les relations pour créer un avenir de paix, de justice et d'espoir renouvelé. »

Dans une entrevue précédente avec CBC au cours du même mois, Serge Simon, grand chef du Conseil mohawk de Kanehsatà:ke, a déclaré : « Le gouvernement fédéral a une responsabilité fiduciaire envers tous les membres des Premières Nations, et ce que vous voyez, c'est son manque de responsabilité fiduciaire. »

Le différend non résolu sur les revendications territoriales qui était au coeur de la « crise d'Oka » il y a 30 ans de cela, a incité un Ojibway de Shoal Lake, en Ontario, à entamer le 11 octobre 2019 une grève de la faim de deux semaines avec comme l'une des principales revendications que le premier ministre du Canada Justin Trudeau impose un moratoire à court terme sur tout aménagement des terres ancestrales des Kanien'kehá:ka à Kanehsatà:ke.

« Le différend de longue date sur les historiques revendications territoriales, qui a été au coeur du siège de Kanehsatà:ke ou de la crise d'Oka, n'a jamais été résolu », a déclaré la Maison longue de Kanehsatà:ke dans un communiqué le même jour. Ellen Gabriel, membre de la Maison longue, a souligné qu'un moratoire sur tout aménagement dans la zone en litige devrait être mis en place jusqu'à ce que les revendications territoriales soient réglées. Elle a déclaré que plus de terres ont été développées dans la région ces dernières années que ce à quoi ils s'étaient opposés en 1990.

« Réglons le différend des revendications territoriales qui avait été promis lors des négociations en 1990, afin que les gens puissent mener leur vie sans plus avoir à s'inquiéter », a-t-elle déclaré.

« C'est la première étape. Le but ultime est de vivre en paix. »

La politique des revendications territoriales globales comme arme pour diviser les peuples autochtones

La revendication de la communauté mohawk sur la terre connue sous le nom de Seigneurie du lac des Deux-Montagnes a été déposée pour la première fois auprès du gouvernement fédéral en 1975. Après avoir été rejetée et déposée à plusieurs reprises, une partie de la revendication, appelée les « petites communes », a été officiellement acceptée en vertu de la Politique sur les revendications particulières du Canada pour des négociations officielles en 2008.

Cependant, la politique autorise uniquement les conseils de bande à déposer une réclamation, et non les formes de gouvernance traditionnelles séculaires établies par les peuples autochtones eux-mêmes.

Joe Deom, un représentant de la branche de la nation mohawk à Kahnawà:ke, a déclaré que les femmes détiennent le titre de la terre en vertu de leur constitution - le Kaianere'kó:wa ou Grande loi de la paix - qui précède l'arrivée des Européens en Amérique du Nord.

« Toutes ces terres qui nous entourent ici relèvent vraiment de la compétence des femmes de la maison longue et non des conseils de bande, ni du gouvernement fédéral ni de la province », a-t-il dit.

De plus, le manque d'information disponible sur les négociations en cours relatives aux revendications particulières était l'une des nombreuses questions sur lesquelles les résidents de Kanehsatà:ke ressentaient un manque de confiance envers leur conseil de bande.

Gordie Oke, un ancien chef du conseil, a déclaré que c'était en raison d'une clause de confidentialité que le conseil de bande devait signer afin de pouvoir débuter le processus de négociation de la revendication.

« Cela m'a dérangé parce que nous devons toujours consulter nos gens sur tout type de problèmes soulevés par les autorités fédérales », a déclaré Oke.

Marc Miller, alors secrétaire parlementaire de la ministre des Relations Couronne-Autochtones et maintenant ministre des Services aux Autochtones, en réponse au fait que les Premières Nations ne sont pas consultées dans le cadre de ce processus, a déclaré : « [Les négociations] sont confidentielles. L'une des principales raisons est qu'elle offre aux parties un forum pour avoir des discussions en face à face et ne pas avoir un processus où vous négociez dans le domaine public par le biais des médias. » Pour quelqu'un qui aime se vanter de sa connaissance de la langue mohawk, il devrait chercher comment le mot « transparence » se traduit dans la tradition mohawk.

Peter Di Gangi, membre du conseil d'administration du Yellowhead Institute, un centre de recherche dirigé par les Premières Nations, a déclaré que les accords de confidentialité posaient problème : « Les réclamations sont contre le gouvernement fédéral. En même temps, il contrôle le processus de négociation et contrôle le financement. Il contrôle à peu près tous les aspects du processus », a déclaré Di Gangi.

« Cela a une incidence sur la capacité des Premières Nations de sentir qu'elles ont la possibilité de voir leurs revendications traitées de manière équitable et ouverte. »

Dans des endroits comme le Québec, le titre autochtone ancestral sous-jacent à la terre complique également les situations où le gouvernement fédéral demande un « abandonnement » de la revendication lorsqu'un règlement est conclu.

« Pour certaines communautés, cela est considéré comme une forme d'extinction », a expliqué Di Gangi.

« Si vous avez un titre ancestral sous-jacent et que vous êtes assis à la table avec le gouvernement pour régler une revendication particulière, pourquoi voudriez-vous abandonner votre titre sous-jacent juste pour régler une revendication liée à une réserve ? »

Il y a un an, le gouvernement fédéral a tenté d'introduire ce qu'il a appelé « de nouvelles politiques sur les revendications territoriales globales et les droits inhérents ».

Comme l'a souligné le LML à cette époque, « La Journée nationale d'action [...] s'oppose également à ce que l'on a appelé le 'Livre blanc 2.0 de Trudeau'. Cela inclut le projet de loi C-86, un projet de loi omnibus portant exécution du budget qui contient des modifications à des lois, notamment la Loi sur la gestion des terres des Premières Nations et la Loi sur la gestion financière des Premières Nations. Avec ces changements, le gouvernement présente des plans pour remplacer les politiques relatives aux traités modernes (qu'il appelle revendications globales) et à l'autonomie gouvernementale (qu'il appelle politique des droits inhérents). En raison de l'opposition exprimée par les chefs des Premières Nations, la ministre des Relations entre la Couronne et les peuples autochtones, Carolyn Bennett, a renoncé à introduire ces changements - qui devaient être discutés en juin - parce qu'ils constituent une violation flagrante des droits ancestraux de tous les peuples autochtones.

« APTN News rapporte :

« 'Le Canada ne présentera pas encore de nouvelles politiques sur les revendications territoriales globales et les droits inhérents, a déclaré Carolyn Bennett, Relations entre la Couronne et les peuples autochtones, à l'Assemblée des Premières Nations (APN)' le 2 mai. [...]

« Okimaw Henry Lewis, chef de la nation crie d'Onion Lake à la frontière entre la Saskatchewan et l'Alberta, a déclaré à propos de la journée nationale de protestation et des manifestations régionales : 'Nous travaillons avec un réseau de chefs de nations à travers le pays pour alerter notre peuple à ce qui se passe et pour dire au gouvernement qu'ils ne peuvent pas continuer de procéder unilatéralement à l'élaboration de politiques et d'agendas législatifs qui attaquent directement nos droits inhérents et issus de traités, ainsi que notre compétence souveraine.'

« Lewis a mis les choses au clair : 'Le Canada n'a jamais cessé d'essayer de mettre en oeuvre la politique du Livre blanc de 1969 qui vise à régulariser nos traités internationaux, à nous transformer en municipalités et à nous expulser de nos terres', ajoutant : 'En tant que chefs et peuples, nous devons faire front commun pour combattre cet ordre du jour au profit de nos enfants et des générations futures.'[4] ».

Pour souligner le 30e anniversaire, la maison longue de Kanehsatà:ke a tenu des barricades mobiles le samedi 11 juillet à 10 h.

Notes

1.« La reconnaissance des droits ancestraux des peuples autochtones doit avoir préséance », Pauline Easton », LML, le 3 octobre 2017

2. Extraits du documentaire intitulé « Kanehsatake, 270 ans de résistance », de Alanis Obomsawin, Office national du film du Canada, 1993

3.« À l'orée des bois - une anthologie de l'histoire du peuple de Kanehsatà :ke : La réalité sur les origines de Kanehsatà :ke et le mythe de 1721 », par Brenda Gabriel et Arlette Kawanatatie Van den Hende, Centre culturel et de langue Tsi Ronterihwanónhnha ne Kanien'kéha, 2010, pages 20-23

4. « Pour des relations de nation à nation et la fin du génocide des peuples autochtones - Journée nationale d'action le 27 mai », LML, numéro 20, le 25 mai 2019

(Sources : LML, The Eastern Door, Iori :Wase-News from the Kanien'keha :ka Nation, CBC, Radio-Canada. Photos : domaine public, K. David, E. Gabriel)


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 45 - 11 juillet 2020

Lien de l'article:
Trentième anniversaire de l'assaut militaire brutal : Pour des relations de nation à nation et la fin du génocide des peuples autochtones - Fernand Deschamps


    

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