Le Marxiste-Léniniste

Numéro 39 - 3 octobre 2017

Droits autochtones

La reconnaissance des droits
ancestraux des peuples autochtones
doit avoir préséance

PDF

4 octobre: Vigiles des soeurs par l'esprit
Justice pour les femmes et filles autochtones disparues et assassinées!

Droits autochtones
La reconnaissance des droits ancestraux des peuples autochtones doit
avoir préséance
- Pauline Easton
Il faut se méfier des changements du gouvernement Trudeau à la Loi
sur les Indiens
- Mira Katz
Préoccupations au sujet des violations des droits collectifs amenées à l'ONU
Un comité des Nations unies souligne la situation inacceptable des peuples autochtones au Canada
Journée Robe rouge à Prince George
Marche Tears4Justice dans le nord de la Colombie-Britannique
Les nations autochtones demandent la fin des fermes piscicoles
à cages en filet

Opposition à l'expansion illégale du gazoduc sur le territoire traditionnel de Kanien'kehá:ka
Une provocation: début d'un développement des terrains sur le site de la crise d'Oka de 1990

À titre d'information
Le livre blanc de 1969 - Indigenous Foundations
La politique indienne du gouvernement du Canada (livre blanc), 1969
Le règne de terreur de Sir John A. MacDonald


Droits autochtones

La reconnaissance des droits ancestraux des peuples autochtones doit avoir préséance


Les robes rouges suspendues dans le parc mémorial Lheidli T'enneh à Prince George le 17 septembre symbolisent les femmes et filles autochtones qui ont été assassinées ou qui
sont disparues sur la Route des larmes et toutes les femmes et filles autochtones
disparues et assassinées. (LML)

Le sort réservé aux peuples autochtones de ce pays est un sujet de grande préoccupation pour tous. Cela comprend le gouvernement Trudeau. Malheureusement, la préoccupation de ce dernier n'est pas de redresser les torts historiques comme l'exige notre époque mais de réaliser ce que les gouvernements précédents n'ont pu réaliser, soit éliminer une fois pour toutes les droits autochtones pour pouvoir piller leurs terres et leurs ressources. Le premier ministre Justin Trudeau se préoccupe davantage de redorer l'image ternie du Canada à l'échelle mondiale en ce qui a trait aux droits humains, le Canada ayant acquis une réputation de violateur des droits humains à cause de sa négligence criminelle historique face aux conditions de vie des peuples autochtones et des crimes commis contre eux.

C'est surtout l'image du Canada qui préoccupait le premier ministre lorsqu'il s'est adressé à l'Assemblée générale de l'ONU le 21 septembre. Posant en homme d'État chevronné bien qu'il ne soit en fonction que depuis deux ans, Justin Trudeau a dit : « Dans les conversations que j'ai eues au cours des années lorsque j'ai suggéré que certains pays doivent mieux faire sur la question des droits de l'homme et leurs propres défis internes, la réponse a été : 'Eh bien, parlez-moi du triste sort réservé aux peuples autochtones (au Canada)'. »

Quelques jours auparavant, le Comité des Nations unies pour l'élimination de la discrimination raciale (CÉDR) a publié un autre rapport qui critique sévèrement le Canada parce qu'il ne s'attaque pas à la situation grave à laquelle sont confrontés ses peuples autochtones. Trudeau a profité de son passage à l'ONU pour blâmer les gouvernements précédents et laisser entendre qu'on peut compter sur son gouvernement pour changer cette situation.

Les gouvernements précédents ont « rejeté la protection du territoire et des eaux préconisée par les autochtones : le principe de penser toujours aux sept prochaines générations » et en faisant cela « nous avons, dans le passé, rejeté l'idée même que des générations entières d'autochtones puissent se définir et vivre dans la dignité et la fierté qui leur sont dues, a-t-il dit. L'incapacité des gouvernements canadiens successifs à respecter les droits des autochtones au Canada nous fait grandement honte. »

« Nous le savons que le monde entier s'attend à ce que le Canada adhère scrupuleusement aux normes internationales en matière de droits de la personne -- y compris à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones -- et c'est aussi ce que nous exigeons de nous-mêmes », a-t-il ajouté.

Diversion et duperie

Tout cela est de la poudre aux yeux. Non seulement le bilan de son gouvernement est-il similaire à celui de ses prédécesseurs, mais il comprend une dose beaucoup plus grande de diversion et de duperie avec la prétention qu'il va rétablir des relations de nation à nation. Un gouvernement ne peut pas descendre plus bas que cela à continuer de priver le peuple de son droit légitime à sa terre et à ses ressources et à empêcher que les torts historiques soient réparés et que justice soit faite.

« Nous travaillons de près avec les peuples autochtones au Canada pour mieux répondre à leurs priorités, mieux comprendre ce que l'autodétermination signifie pour eux et soutenir leurs efforts pour rebâtir leurs nations », a déclaré Trudeau devant l'Assemblée générale des Nations unies.

Depuis la Confédération il y a 150 ans et même avant, les gouvernements du Canada ont tenté d'éteindre les droits ancestraux des peuples autochtones et leur droit d'être. Cela équivaut à les éteindre comme peuples. La duperie de Trudeau et de ses ministres ne changera pas le fond du problème. Le premier ministre a maintenant créé un deuxième ministère des Affaires indiennes. Il a dans son conseil des ministres une procureure générale qui se revendique d'ascendance autochtone et qui parle de « nous » quand elle se réfère à l'objectif de son gouvernement de déposséder une fois encore les nations autochtones. Et maintenant le premier ministre parle d'abolir la détestée la Loi sur les Indiens sans tout d'abord reconnaître les droits ancestraux dans la loi.

Le rôle de l'État dans le camouflage des raisons pour lesquelles tant de femmes et de filles autochtones ont disparu demeure le sujet tabou que le gouvernement fait tout pour éviter. Les conseils de bande qui refusent de coopérer sont criminalisés, tandis que les gouvernements et les médias monopolisés nous disent que les Indiens ont le droit de parler et de protester mais dans le cadre de « limites raisonnables ». C'est le cas par exemple des Six Nations de Caledonia où les barricades contre le conseil de bande vendu ont été démantelées de force et où les réclamations territoriales ne sont toujours pas satisfaites malgré les engagements et les constatations juridiques favorables.

Tant que le droit d'être des peuples autochtones n'est pas reconnu dans la Constitution ou dans quelque autre loi ou consultation, peu importe l'accord que le gouvernement déclare avoir conclu, il n'a pas force de loi. Les droits des peuples autochtones leur appartiennent de droit. Les droits ne se donnent pas, ne s'enlève pas et ne s'abandonnent pas. Peu importe l'entente que les gouvernements parviennent à faire signer à un interlocuteur qui prétend représenter les peuples autochtones, les droits autochtones ne peuvent être abdiqués. Ils doivent être respectés et affirmés sinon ils n'ont aucun statut.

En tant que peuples autochtones, c'est-à-dire en tant qu'habitants originels, les peuples autochtones ont un droit ancestral à la souveraineté. Ils ont une réclamation légitime à la terre de leurs ancêtres et le droit de décider de ce qu'ils veulent en faire. Ce droit n'est pas perdu même s'ils ont été assujettis durant l'époque coloniale et que beaucoup d'entre eux ont été soumis à des traités qui tiennent le monarque britannique comme souverain. Ce droit ne peut être perdu tout juste parce qu'ils n'ont pas eu leur mot à dire à l'époque de la Confédération et depuis. Cette histoire ne fait que mettre en évidence qu'à l'heure actuelle la Constitution du Canada n'enchâsse pas le droit souverain des peuples autochtones de décider de leurs affaires ni leurs autres droits ancestraux.

En tant que peuples souverains, les peuples autochtones ont le droit de déterminer non seulement leurs affaires, mais toutes les affaires du Canada dans son ensemble dans la mesure où cela les affecte. Ils ont droit d'avoir voix au chapitre sur toutes les questions économiques, les affaires culturelles et les questions liées à la guerre et la paix. Qu'ils se reconnaissent citoyens du Canada ou non n'y change rien. Le peuple canadien tel qu'il est constitué aujourd'hui vit sur un territoire appelé Canada et est donc tenu de respecter les droits des peuples autochtones aux terres qui leur reviennent de droit. En outre, tous les territoires dont ils ont besoin pour vivre doivent être clairement délimités de manière à consacrer leurs droits dans la loi, et non en utilisant une certaine conception de la primauté du droit pour éteindre ces droits, voire pour commettre le génocide contre eux.

Si le gouvernement canadien reconnaissait en pratique les droits ancestraux des peuples autochtones, il n'y aurait pas tant de litiges et de causes devant les tribunaux ou tant de jeunes autochtones dans les prisons ; il n'y aurait pas tant de femmes et filles disparues et assassinées ou tant de suicides sur les réserves et dans les centres urbains. Les agences gouvernementales ne seraient pas autorisées à les priver de ce qui leur revient de droit, ce qui inclut l'affirmation de leurs droits en tant qu'êtres humains en matière de soins de santé, d'éducation et de logement.

La reconnaissance des droits ancestraux des peuples autochtones doit avoir préséance. Ce n'est pas une question de paroles mais d'actes. Voilà le fait fondamental auquel le premier ministre ne peut échapper quoi qu'il dise ou fasse.

Haut de page


Il faut se méfier des changements du
gouvernement Trudeau à la Loi sur les Indiens

Le gouvernement Trudeau parle beaucoup de se débarrasser de la Loi sur les Indiens et d'établir des relations de nation à nation avec les peuples autochtones du Canada. Le 28 août 2017, le cabinet du premier ministre a publié un communiqué dans lequel il indique que « Affaires autochtones et du Nord Canada (AANC), qui sert d'intermédiaire dans la relation entre le gouvernement et les peuples autochtones, est chargé d'assurer l'application de la Loi sur les Indiens, laquelle est une loi coloniale et paternaliste. De plus, AANC n'a pas été pensé ni conçu pour favoriser et établir des partenariats avec les Inuits et les Métis en fonction de l'histoire, du contexte et des aspirations qui leurs sont propres. En termes simples, l'objectif que s'est fixé notre gouvernement ne peut être atteint dans le cadre des structures coloniales actuelles.

« Il y a plus de vingt ans, la Commission royale sur les peuples autochtones a reconnu qu'une nouvelle relation avec les peuples autochtones exigerait de nouvelles structures. Ainsi, elle a recommandé une importante amélioration de la prestation de services ainsi qu'une accélération du passage vers l'autonomie gouvernementale et l'autodétermination des peuples autochtones. L'un des mécanismes permettant de favoriser l'atteinte de ces objectifs consistait à dissoudre AANC et à créer deux nouveaux ministères pour faciliter ce travail.

« Nous sommes d'accord avec la Commission royale sur le fait que la reconnaissance des droits doit être considérée comme un impératif, et c'est pourquoi nous annonçons aujourd'hui la dissolution d'AANC.

« Pour le remplacer, nous créerons deux nouveaux ministères : le ministère des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord, et le ministère des Services aux Autochtones. Ces changements s'inspirent des recommandations de la Commission royale et seront finalisés en coopération avec les peuples autochtones. »

Cependant, le discours du gouvernement Trudeau ne vaut pas grand-chose, pas plus que celui des gouvernements précédents, parce qu'il n'a absolument aucune intention d'abandonner le pouvoir décisionnel unilatéral inscrit dans la prérogative royale exercée par la personne de l'État.

Ce n'est pas la première fois qu'un gouvernement tente d'amener les peuples autochtones à renoncer à leurs droits.

Le livre blanc sur la politique indienne de 1969

Le 25 juin 1969, Jean Chrétien, qui était à l'époque « ministre des Affaires indiennes » du gouvernement de Pierre Elliott Trudeau, a présenté « La politique indienne du gouvernement du Canada », le livre blanc sur la politique indienne du gouvernement du Canada. Ce livre blanc, rejeté par les peuples autochtones à l'époque, était un plan clair pour déposséder entièrement les peuples autochtones sous prétexte de « liberté » et d'« égalité ».

Le gouvernement entendait :

(1) faire des « affaires indiennes » une responsabilité provinciale plutôt que fédérale ;
(2) abroger la Loi sur les Indiens ;
(3) autoriser que les « terres indiennes » puissent être vendues et hypothéquées ; et
(4) nommer un commissaire pour statuer sur les « réclamations territoriales des Indiens », mais refuser de reconnaître toute réclamation « aborigène ».

Depuis l'arrivée des colonisateurs au Canada, les dominants essaient d'éliminer les peuples autochtones. Quand ils n'ont pas réussi à les éliminer par la force des armes, ils ont tenté de les éliminer par d'autres moyens. Depuis la signature des traités et la Loi sur les Indiens, les gouvernements ont persisté dans cette démarche. Dès le départ, le moyen utilisé a été d'imposer des formes liées à l'État-nation européen, notamment les soi-disant conseils élus et des formes de prétendue autonomie gouvernementale. De cette façon, ils ont introduit leurs marionnettes sur la réserve et les ont fait « élire ». Ces chefs « élus » sont dans une position de subordination envers le gouvernement du Canada et n'ont rien à voir avec les traditions ancestrales. Encore aujourd'hui, les gens ne les reconnaissent pas comme leurs dirigeants et les gouvernements font toutes sortes de contorsions pour faire croire qu'un processus décisionnel légitime est suivi alors que leur objectif réel est le vol des terres autochtones et l'extinction des droits des autochtones, en particulier leur droit d'être.

Au début, il a fallu que la GRC les « élise » par la tromperie, avec la force des armes, et cela exige la protection armée de l'État capitaliste pour les maintenir dans cette position. Les chefs élus fantoches continuent d'agir comme instrument de l'expropriation des peuples autochtones et chaque fois que l'un d'eux est en désaccord, il est remplacé par un autre qui sera d'accord. Des bandes entières sont éliminées par les agents fédéraux des Indiens lorsqu'ils ne parviennent pas à les soumettre à la volonté du gouvernement. De nos jours, sous la fraude de la « démocratisation », de l'« égalité » et de la « liberté », le gouvernement fédéral poursuit ses manoeuvres pour réprimer l'affirmation de la souveraineté et des droits héréditaires.

Un des moyens que le gouvernement fédéral utilise pour priver les autochtones de leurs droits est de faire des affaires indiennes une question provinciale. Prétendre que ces questions méritent une attention locale seulement et que le fédéral n'a pas d'obligation, c'est nier le fait que les peuples autochtones ont signé des traités avec la Grande-Bretagne et les États-Unis, et non avec certains gouvernements provinciaux ou municipaux. Le fait de signer ces traités et accords, dont beaucoup étaient des traités d'amitié et n'ont pas cédé de terres, est la reconnaissance que les nations autochtones étaient des nations qui possèdent le droit à l'autodétermination sur les terres qu'elles habitent.

L'exécutif national du Parti communiste du Canada (marxiste-Léniniste) a dénoncé le livre blanc du gouvernement Trudeau en 1973. Il écrivait: « La fraude que le gouvernement accorde la 'liberté' aux autochtones en leur permettant de vendre leur terre est un mensonge absolu ! Tout le monde sait que les réserves ont une grande valeur foncière à cause de leur proximité d'une grande ville ou parce que leur sous-sol renferme une richesse énorme de ressources naturelles. En 'libérant' la terre du contrôle communal ou tribal, alors qu'elle doit demeurer à perpétuité en possession de la bande, le gouvernement capitaliste monopoliste ouvre la voie aux spéculateurs fonciers et à d'autres individus douteux. Les autochtones sont obligés de renoncer à la terre en paiements de la dette sur les hypothèques et les spéculateurs utilisent la tromperie et le chantage capitalistes habituels pour forcer les autochtones à vendre leurs terres. C'est précisément cette lutte qui est au coeur de nombreux conflits qui font rage actuellement parmi les différentes bandes.

« À cause de l'opposition totale des autochtones à ce livre blanc, le gouvernement a été contraint de laisser tomber ces propositions spécifiques. Cependant, il a poursuivi ses plans. En transformant les réserves en municipalités, les terres indiennes sont devenues disponibles pour l'exploitation capitaliste et le contrôle capitaliste. C'est précisément ce que veulent les capitalistes monopolistes canadiens et les grands propriétaires étrangers au Canada.

« La lutte des autochtones pour leurs droits ancestraux est une lutte entièrement juste. Elle jouit du soutien de l'ensemble de la classe ouvrière et du peuple du Canada. Le Parti communiste du Canada (marxiste-léniniste) salue les peuples autochtones partout au Canada et affirme son soutien total à leur lutte pour leurs droits ancestraux. »

La « Clause Canada » de l'Accord de Charlottetown de 1992

Le texte proposé de la « Clause Canada » dans le Rapport du consensus sur la Constitution (Accord de Charlottetown), qui a été soumis à un référendum et défait en 1992, contenait les éléments suivants :

« Clause Canada (b),

« le fait que les peuples autochtones du Canada, qui ont été les premiers gouvernants du territoire, ont le droit de promouvoir leurs langues, leurs cultures et leurs traditions et de veiller à l'intégrité de leurs sociétés, et le fait que leurs gouvernements forment 'un des trois ordres de gouvernement du pays. »[1]

Le PCC(M-L) a fait remarquer à l'époque que la référence à « leurs gouvernements » est une référence aux conseils de bande élus selon le système qui leur est imposé par le gouvernement colonial. Ces « conseils élus » ont été imposés pour remplacer l'« agent des Indiens » de la période coloniale dans la gestion des « affaires indiennes ». C'était pour donner au contrôle colonial une apparence de démocratie. Il n'y a rien d'« autochtone » au sujet de ces gouvernements basés comme ils le sont sur l'État-nation européen qui s'est fixé l'objectif d'occuper ce qu'il a appelé « terra nullius » (« terre n'appartenant à personne ») et d'intégrer tous les premiers peuples au mode de vie européen fondé sur la propriété privée de la terre et des moyens de production, un mode de vie et une culture totalement contraires au droit d'être des peuples autochtones. En outre, ce qui est écrit dans cette clause indique clairement que la souveraineté des peuples autochtones, sans parler de leur souveraineté en tant que partie du peuple du Canada, ne sera pas enchâssée dans la Constitution ou ne guidera pas le processus législatif. de quelque façon que ce soit. Quant à la restauration des droits ancestraux des peuples autochtones, c'est son contraire que l'on voit dans toutes les tentatives de frauder les peuples autochtones.

Selon le Rapport du consensus de Charlottetown, les peuples autochtones devaient obtenir l' « autonomie gouvernementale » en tant qu'« un des trois ordres de gouvernement du pays », ce qui signifie qu'il ne s'agissait pas de gouvernements souverains.[2] Ce n'est pas parce que le mot « autonomie » est ajouté devant le mot « gouvernement » que ce gouvernement devient un gouvernement souverain. Les peuples autochtones « ont le droit de promouvoir leurs langues, leurs cultures et leurs traditions et de veiller à l'intégrité de leurs sociétés », mais ils n'ont pas le droit à une culture qui leur permet d'établir la loi du pays en tant que peuple souverain.

Dans son intervention à l'Assemblée générale de l'ONU le 21 septembre, le premier ministre Trudeau a cherché à nier les droits souverains des peuples autochtones quand il a dit que le gouvernement autonome est « une expression de l'autodétermination ». Cette négation des droits s'inscrit dans la suite des agissements des gouvernements précédents et est la raison pour laquelle la « nouvelle relation avec les autochtones » dont parle Trudeau est un écran de fumée pour cacher le fait que son gouvernement a le même objectif que les gouvernements précédents: la dépossession des peuples autochtones.

La Clause Canada (b) ne disait rien de concret au sujet de droits inhérents des autochtones. Des choses comme « ont le droit de promouvoir leurs langues, leurs cultures et leurs traditions et de veiller à l'intégrité de leurs sociétés, et le fait que leurs gouvernements constituent l'un des trois ordres de gouvernement au pays », ne fait que prouver que l'Accord de Charlottetown ne leur reconnaissait aucun droit.

Aucun peuple ne peut être souverain si quelqu'un d'autre pense pour eux. Une souveraineté qui repose sur la loi établie par d'autres n'est pas une souveraineté. C'est une souveraineté éteinte. De la situation qui a été créée par l' Acte de l'Amérique du Nord britannique en 1867, dans laquelle les peuples autochtones étaient totalement exclus et dans laquelle leurs droits étaient de plus en plus bafoués, nous arrivons à une situation où une fois de plus il y a beaucoup de discours au sujet de redresser les torts historiques pour détourner l'attention des nouveaux actes de génocide.

Loin de redresser les torts historiques commis contre les peuples autochtones, les mesures que prend le gouvernement Trudeau causeront encore plus d'injustice. Ce serait une injustice d'abord et avant tout contre les peuples autochtones eux-mêmes, puis pour tous les Canadiens pour qui redresser les torts commis par la société contre les peuples autochtones dans leur ensemble, et contre les femmes autochtones, la jeunesse et les enfants en particulier, est primordial dans leurs coeurs et leurs esprits et est une question de principe. La santé de l'ensemble ne peut exister que si les parties sont saines elles aussi.

Le gouvernement de Justin Trudeau commet une grave erreur en sous-estimant l'importance de cette question. Tout est fait pour donner l'impression que l'abrogation de la Loi sur les Indiens, ou une enquête sur les femmes disparues ou assassinées, ou la signature de traités avec des conseils tribaux suspects, qui sont disposés à renoncer aux droits ancestraux, sont des pas en direction des droits des autochtones. Maintes et maintes fois, l'expérience a prouvé que tant que l'esprit est imprégné de convoitise, un désir fort pour les possessions d'autrui, c'est un pas en arrière qui continue de causer des torts irréparables au bien-être des peuples autochtones, tant individuellement que collectivement, et au Canada dans son ensemble. La reconnaissance des droits ancestraux des peuples autochtones doit être primordiale.

Notes

1. Rapport du consensus sur la Constitution, Charlottetown, 28 août, 1992.

2. Voir : Hardial Bains, La substance du Rapport du consensus sur la Constitution, 1992.

Haut de page


Préoccupations au sujet des violations des droits collectifs amenées à l'ONU

Des représentants de plusieurs organisations canadiennes ont assisté à la 93e session du Comité sur l'Élimination de la discrimination raciale (CÉDR) à Genève, en Suisse, lors de l'examen périodique du bilan du Canada sur la question du racisme et de la discrimination raciale. Le dernier examen remonte à 2012. Dix-neuf des trente-trois soumissions qui ont été déposées par des groupes dits de la « société civile » l'ont été par des nations et des organisations autochtones. Les soumissions sont prises en considération par le Comité lorsque celui-ci émet ses observations et ses recommandations finales.

Mères et grand-mères de la Première Nation malécite

[...] Bien que la Cour suprême du Canada ait déterminé que les gouvernements canadien et provinciaux ont le devoir de consulter, négocier et accommoder en ce qui a trait aux droits autochtones, les gouvernements se servent de ces processus de consultation et de négociation pour forcer, terroriser, terminer, éteindre et discriminer les peuples autochtones et nos droits.

Les gouvernements d'aujourd'hui ignorent, minent et manquent de respect envers la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA) et violent la Convention internationale sur l'Élimination de toutes les formes de discrimination raciale. [...]

Le Canada ment constamment aux divers comités, branches, commissions et organes d'experts des Nations unies. En tant que pays membre, la conduite sans scrupule du Canada envers non seulement les nations autochtones mais aussi envers les Nations unies ne peut et ne doit être tolérée ni ignorée, et les conséquences doivent être les mêmes pour le Canada que pour tout autre pays membre. [...]

Association des femmes autochtones du Canada

[...] Parce qu'il refuse de traiter de la discrimination de genre et sexiste dans son approche de la discrimination raciale, le gouvernement du Canada continue de faire de la discrimination systémique contre les femmes et les filles autochtones. La réconciliation et la fin de la violence sont inatteignables si les femmes et les filles autochtones ne dirigent pas en tant que participantes égales et à part entière les processus de prises de décisions qui affectent leur vie.

Le Canada ne peut procéder à une véritable mise en oeuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones sur une base de nation à nation sans les femmes autochtones. La marginalisation actuelle des femmes autochtones qui résulte des impacts continuels de la discrimination historique ne peut être résolue si elle est exacerbée par le gouvernement du jour peu importe où il se situe sur le spectre politique.

Pour qu'il y ait un dialogue significatif sur une base de nation à nation, celui-ci doit reconnaître le rôle des femmes dans les prises de décisions, soutenir le droit des femmes autochtones d'être véritablement incluses, respecter les pratiques matriarcales des peuples autochtones et bâtir une relation avec les femmes autochtones qui repose sur la coopération et le partenariat. [...]

Alliance féministe pour l'action internationale, Docteure Pam Palmater, présidente du Centre de gouvernance autochtone et l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry

Dans la soumission de 65 pages, on trouve des recommandations sur l'Enquête sur les femmes et filles autochtones disparues et assassinées, telles :

- modifier les termes de l'Enquête nationale et/ou mener une enquête spéciale sur la violence policière contre les femmes et les filles autochtones, en notant toutes les plaintes au dossier, les enquêtes, les accusations et les poursuites judiciaires, et une enquête spéciale devrait aussi porter sur les vulnérabilités associées aux enfants autochtones dans des programmes de placement, aux fugues de même qu'aux femmes et enfants autochtones itinérants face au racisme de la police et à la violence sexualisée;

- avec les provinces et les territoires, donner plein accès aux dossiers fédéraux, provinciaux, territoriaux et municipaux, aux statistiques et aux autres données nécessaires qui permettent de mesurer l'ampleur du racisme, de l'abus et de la violence sexualisée de la police contre les femmes et les filles autochtones et leur lien avec le refus de la police d'initier et d'enquêter sur des plaintes liées aux femmes assassinées et disparues;

- faire une étude exhaustive de tous les mécanismes et entités de surveillance (policiers ou indépendants) touchant aux problèmes systémiques liés aux enquêtes appropriées et complètes des abus par la police contre les femmes et filles autochtones, y compris le refus d'initier des plaintes et d'enquêter et le fait que certaines plaintes n'ont jamais été déposées;

- mettre en oeuvre une étude spécifique des agressions, des agressions sexuelles et d'autres méfaits par la police contre les femmes et filles autochtones à chaque étape d'une garde à vue policière, depuis l'interpellation initiale jusqu'à l'arrestation et la détention, à l'intérieur des véhicules de police et dans les cellules.

- mettre en oeuvre les recommandations de la Commission de vérité et réconciliation, la Commission interaméricaine des droits humains, la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination contre les femmes ainsi que d'autres instances de l'ONU touchant à l'assassinat et à la disparition des femmes et filles autochtones, y compris des recommandations qui pourraient immédiatement affecter la vie quotidienne des femmes et filles autochtones, leur santé et leur sécurité, améliorer leurs conditions socio-économiques difficiles et apporter des appuis spécifiques aux victimes de violence conjugale;

- veiller à ce que les femmes autochtones et leurs familles puissent obtenir une étude indépendante des dossiers marqués par les lacunes et le manque de partialité dans les enquêtes policières;

- faire en sorte que par le biais de l'enquête nationale ou par d'autres moyens, une enquête exhaustive sur la violence policière contre les femmes et les filles autochtones soit entreprise et que soient notées toutes les plaintes au dossier, les enquêtes, les accusations et les poursuites judiciaires;

- entreprendre, par le biais de l'enquête nationale ou autrement, une étude complète de tous les actes, lois, règlements et politiques policiers liés à la prévention, aux enquêtes et aux mesures disciplinaires pour actes de racisme et de violence contre les femmes en général et les femmes et les filles autochtones spécifiquement, et des mécanismes et entités de surveillance des policiers eux-mêmes;

- entreprendre un examen des obligations en matière de droits humains du Canada internationalement et au pays sur la question de la protection des femmes et des filles autochtones contre la violence raciste et sexualisée commise par des membres du personnel de l'État, y compris les agences de la paix, les avocats, les professionnels de la santé, les travailleurs de l'aide à l'enfance et les juges.

Société de soutien à l'enfance et à la famille des
Premières Nations du Canada

[...] La Société de soutien soumet qu'en ne fournissant pas des services pour enfants et familles équitables et adaptés culturellement à 165 000 enfants et familles des Premières Nations vivant dans des réserves, le Canada contrevient à l'article 2 de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (« convention ») et à l'article 7 de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (« déclaration »). De la même manière, les conflits de compétence au sein des gouvernements et des ministères et entre eux, qui résultent en des délais ou à l'inaccessibilité des services pour les enfants vivant dans les réserves ou non, des services que les autres Canadiens considèrent normaux, contreviennent eux aussi à l'article 2 de la convention et aux articles 2 et 7 de la déclaration. La Société de soutien observe avec grande inquiétude que le Canada ne respecte pas les lois du pays touchant à la non-discrimination. Rien ne peut justifier la discrimination continue du gouvernement du Canada envers les enfants des Premières Nations car il agit déjà de façon équitable envers les autres enfants. La Société de soutien demande au CÉDR d'exiger du Canada qu'il respecte immédiatement et intégralement ses obligations du droit international et domestique concernant les droits humains des enfants et des familles des Premières Nations. [...]

Les chefs de l'Ontario

[...] Les chefs de l'Ontario soumettent qu'en manquant à son obligation de fournir un accès à de l'eau potable, de reconnaître la gouvernance autochtone sur la terre et les ressources, de protéger l'environnement, ou d'investir dans des solutions aux changements climatiques qui bénéficient aux Premières Nations, le Canada fait de la discrimination contre les Premières Nations, leur causant des impacts différenciés suite aux changements à leurs environnements.

[...] Les Premières Nations au Canada vivent une discrimination raciale à cause de leur proximité inégale aux dangers environnementaux, d'une protection environnementale inégale, d'effets disproportionnés sur leurs droits, leur bien-être, leurs cultures et leurs systèmes juridiques par le biais des impacts environnementaux, et de violations continues de leurs droits à la consultation, à l'accommodement et au consentement lorsque sont développées des politiques et des législations environnementales. [...]

L'Union des chefs indiens de Colombie-Britannique

[...] Le gouvernement actuel du Canada, dirigé par le premier ministre Justin Trudeau, s'est engagé à établir une nouvelle relation avec les peuples autochtones au Canada fondée sur la « reconnaissance des droits, le respect, la coopération et le partenariat ». Cette relation serait guidée par l'esprit et l'intention de la relation de traité originale, qui respectent les droits inhérents, les traités et les juridictions et qui respectent les décisions de nos tribunaux. Un aspect crucial de cette nouvelle relation est la mise en oeuvre de la Déclaration de l'ONU (sur les droits des peuples autochtones), en « partenariat avec les communautés autochtones ».

Malgré ces grandes promesses, nous constatons présentement un énorme fossé entre les paroles du gouvernement canadien et ses actions sur le terrain. [...]

Dans ces soumissions, nous voudrions mettre en relief la notion de 'ritualisme des droits' que nous soumettons à la considération du comité à la lumière des présentes actions du Canada. Le ritualisme des droits est ni plus ni moins une façon de faire sien le langage des droits humains dans le but précis d'éviter un examen véritable des droits humains et de rendre des comptes pour les violations de ces droits. Certains pays acceptent volontiers les engagements compris dans les traités des droits humains afin de s'attirer l'approbation internationale, mais ils résistent aux changements que les obligations comprises dans ces traités comportent.

Les soumissions intégrales sont disponibles ici.

Haut de page


Un comité des Nations unies souligne
la situation inacceptable des peuples autochtones au Canada

Le 13 septembre, une semaine avant le discours du premier ministre Justin Trudeau aux Nations unies, le Comité des Nations unies pour l'élimination de la discrimination raciale (CÉDR) a publié les observations finales de son examen périodique des progrès réalisés par le Canada dans la mise en oeuvre de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Le Comité note que, malgré l'engagement du gouvernement canadien à mettre en oeuvre les 94 appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation, aucune mesure concrète n'a été prise. Il appelle l'État partie à : 1) élaborer un plan d'action concret pour le faire réellement ; et 2) adopter un cadre législatif pour mettre en oeuvre la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones - y compris un plan d'action national, une réforme des lois, des politiques et des règlements nationaux pour les mettre en conformité avec la Déclaration et des rapports publics annuels.

Les droits sur la terre des peuples autochtones

Le Comité s'est déclaré préoccupé par le fait que les violations des droits des peuples autochtones sur la terre se poursuivent, « en particulier, les décisions liées au développement destructif des ressources du point de vue environnemental qui affectent leurs vies et leurs territoires et continuent d'être entreprises sans le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause des peuples autochtones, entraînant les violations des obligations envers les conventions et le droit international relatifs aux droits humains ».

Le Comité a expressément recommandé :

- que les peuples autochtones puissent mener des études indépendantes sur l'impact sur l'environnement ;

- que l'on mette fin aux recours après le fait de poursuites légales coûteuses en lieu de et à la place d'un consentement préalable donné librement et en connaissance de cause des peuples autochtones ;

- que le principe du consentement préalable donné librement et en connaissance de cause soit enchâssé dans le système de réglementation canadien et que les processus de prise de décision autour de l'examen et de l'approbation des projets de développement des ressources à grande échelle, tels que le barrage Site C, soit modifié ;

- que tous les permis et approbations pour la construction du barrage du site C soient immédiatement suspendus. Un examen complet doit être mené en collaboration avec les peuples autochtones des violations de leurs droits dans la construction de ce barrage et il faut identifier des solutions de rechange à la destruction irréversible des terres et des moyens de subsistance indigènes, qui seront causées par ce projet ;

- que les résultats de toute étude gouvernementale sur la catastrophe de Mont Polley et l'enquête criminelle à ce sujet soient publiés avant l'expiration du délai de prescription pour les accusations en vertu des lois pertinentes, ainsi que pour la surveillance de l'impact de la catastrophe sur les populations autochtones et l'atténuation de ses effets par la fourniture d'eau potable et de nourriture, l'accès aux soins de santé, et des recours et des dédommagements équitables.[1]

Violence envers les femmes et filles autochtones

Le Comité a exprimé son inquiétude face aux taux toujours élevés de violence envers les femmes et les filles autochtones et a appelé le Canada à prendre les mesures suivantes :

- adopter un plan d'action national sur la violence faite aux femmes, y compris les juridictions fédérales, provinciales et territoriales, avec des dispositions spéciales pour mettre fin aux taux élevés de violence à l'égard des femmes et des filles autochtones ;

- établir un mécanisme d'examen indépendant pour les cas non résolus de femmes et de filles autochtones disparues et assassinées, où il y a preuve de partialité ou d'erreur dans l'enquête ;

- faire rapport publiquement sur la violence à l'égard des femmes et des filles autochtones, y compris des données sur les cas signalés de violence, de meurtre et de disparition, ainsi que sur le nombre d'enquêtes, de poursuites et de condamnations.

Discrimination envers les enfants autochtones

Le Comité a également exprimé son inquiétude à l'effet que, malgré les recommandations précédentes, moins d'argent est fourni pour les services aux enfants et aux familles autochtones que pour les autres enfants, que l'écart continue de croître et que le Canada n'a pas répondu « aux causes profondes du déplacement, alors que des dizaines de milliers d'enfants sont inutilement retirés de leurs familles, de leurs communautés et de leur culture et placés sous les soins de l'État ». Il recommande que le Canada :

- applique intégralement la décision de janvier 2016 et les ordonnances subséquentes de non-conformité du Tribunal canadien des droits de la personne et mette fin au sous-financement des services à l'enfance et à la famille des Premières Mations, des Inuits et des Métis ;

- veille à ce que tous les enfants, à l'intérieur et à l'extérieur de la réserve, aient accès à tous les services offerts aux autres enfants au Canada ;

- mette en oeuvre de manière exhaustive le principe de Jordan afin que l'accès à ces services ne soit jamais retardé ou refusé en raison des différends entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux sur leurs responsabilités respectives.

Note

1. La société Imperial Metals a provoqué la pire catastrophe minière à sa mine de Mt. Polley près de Williams Lake, en Colombie-Britannique, le 4 août 2014. Le déversement de produits toxiques a détruit le lac Quesnel, un des grands cours d'eau cristalline qui servait de lieu de reproduction pour le saumon de la rivière Fraser.

(Source : www.ohchr.org. Photos: LML, We Love this Coast, Treaty 8 Tribal Assn)

Haut de page


Journée Robe rouge à Prince George

Dans le cadre de la Deuxième Campagne annuelle Robe rouge dimanche le 17 septembre, des résidents de tous les milieux ont pris part à un « stand-in » à l'angle des autoroutes 97 et 16 à Prince George, en Colombie-Britannique. Chaque participant affichait une robe rouge vide symbolisant non seulement les femmes et filles autochtones qui ont été assassinées ou qui sont disparues sur la « Route des larmes » (autoroute 16) dans le nord de la province, mais toutes les femmes et filles assassinées et disparues. Après le « stand-in », les manifestants se sont rendus au parc mémorial Lheidli T'enneh où ils ont accroché les robes aux arbres pour donner une voix à ces femmes et s'assurer qu'elles ne soient pas oubliées. La journée s'est terminée avec des prières, de la musique, des interventions et une vigile à la chandelle.

(Photo: LML)

Haut de page


Marche Tears4Justice dans le nord
de la Colombie-Britannique


  La marche Wark4Justice sur la « Route des larmes » est partie de Prince Rupert
le 21 septembre.

Pour la septième année consécutive, il y a eu une marche dans le nord de la Colombie-Britannique pour exiger que cesse la violence contre les femmes et les filles autochtones. La marche est passée par la Route des larmes (autoroute 16) où des dizaines de femmes autochtones sont disparues. Cette année la marche Tears4Justice a couvert 350 kilomètres sur l'autoroute 16, soit de Prince Rupert à Smithers, du 21 au 25 septembre.

La marche annuelle a été initiée par Gladys Radek dont la nièce, Tamara Lynn Chipman, est disparue sur l'autoroute 16 il y a 12 ans. Les participants provenaient de toutes les régions du nord de la province, de Haida Gwaii et d'autres régions du Canada. Il y avait aussi un contingent du Centre des femmes de Downtown Eastside de Vancouver. Le trajet a été traversé en partie à pied, en partie en voiture portant les portraits de femmes disparues sur cette autoroute au fil des années. Les marcheurs ont reçu des expressions d'appui tout au long du trajet. Bon nombre de femmes assassinées ou disparues ont été vues pour la dernière fois sur cette route à faire de l'autostop. Cela fait dix ans que les résidents du nord de la Colombie-Britannique demandent un service de transport public sur l'autoroute 16 et c'est finalement cette année que le service a été créé.

La marche s'est terminée à Smithers, le site de la deuxième session d'audiences de l'Enquête nationale sur les femmes et filles autochtones disparues et assassinées où Gladys Radek et les familles des autres femmes disparues devaient intervenir. La commissaire Michelle Audette a participé aux dernières journées de la marche et la commissaire en chef Marion Buller s'est jointe à la marche finale à l'entrée de Smithers. Les audiences à Smithers ont eu lieu du 26 au 28 septembre.






(Photos: Downtown Eastside Women's Centre, CFNR)

Haut de page


Les nations autochtones demandent la fin des fermes piscicoles à cages en filet

Le 6 septembre, les chefs autochtones de toute la Colombie-Britannique ont tenu une conférence de presse et un rassemblement à Vancouver pour demander l'arrêt à l'échelle de la province des fermes piscicoles à cages en filet. L'appel fait suite à une récente brèche d'une cage qui a libéré 300 000 saumons d'élevage de l'Atlantique, lesquels sont appelés par les activistes autochtones des « espèces envahissantes ». Ils disent que les fermes piscicoles sont des sources de virus, de maladies et de parasites qui polluent les eaux côtières et dévastent les stocks de saumons sauvages.

Bob Chamberlain, vice-président de l'Union des chefs indiens de la Colombie-Britannique (UBCIC), a été orateur et animateur au rassemblement. Il a reconnu que les fermes piscicoles sont une importante source d'emplois et a demandé qu'elles soient situées sur terre et que les poissons soient élevés dans des conditions sanitaires à l'épreuve des évasions.

Le grand chef de l'UBCIC, Stuart Phillip, et plusieurs autres chefs et dirigeants se sont également adressés au rassemblement. L'activiste Sto :lo et le porte-parole de l'Alliance des défenseurs du saumon sauvage, Eddie Gardener, a averti que le saumon sauvage est dévasté et fait face à l'extinction à cause de la politique du ministère des Pêches et des exploitations piscicoles autorisées par la province. Gardener a promis que les activistes vont escalader leur opposition et feront « tout ce qu'il faut » pour protéger le saumon.

Le ministre néodémocrate des relations autochtones, Scott Fraser, a été interrompu lorsqu'il s'est adressé au rassemblement et a fait appel à la « patience ». Il n'a pas pris d'engagement quant à l'avenir des fermes piscicoles à cages en filet en invoquant « l'importance des emplois créés par les fermes piscicoles ». L'activiste de Musqueam, Audrey Siegl, a répondu en disant : « Nous n'avons pas le temps de patienter. C'est maintenant qu'il faut agir. »

(Photos: UBCIC, E. Gilpin)

Haut de page


Opposition à l'expansion illégale du gazoduc sur
le territoire traditionnel de Kanien'kehá:ka

Le 28 septembre 2017, une délégation de Kanehsata'kehró:non (de la nation Kanehsatà:ke) a tenu une conférence de presse à l'entrée de ce qui est appelé le parc national d'Oka. Les représentants de la communauté ont lu une déclaration dans laquelle ils dénoncent les activités illégales de Gazoduc Trans Québec & Maritime (TQM), une filiale en propriété exclusive de deux monopoles énergétiques, Trans Canada Pipelines Ltd de Calgary et la société en commandite Gaz Métro de Montréal, ainsi que le rôle inacceptable du gouvernement qui permet la tenue de telles activités. La déclaration souligne aussi le danger potentiel que représentent les oléoducs ainsi que l'exploitation incontrôlée des ressources naturelles qui détruisent l'environnement naturel. Le Kanehsata'kehró:non de Kanehsatà:ke fait remarquer que ces activités sont menées sans leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, ce que les gouvernements et les entreprises sont requis de faire selon la loi.

TQM est accusé de mener secrètement des activités d'expansion du gazoduc existant sur le territoire traditionnel des Kanien'kehá:ka (Mohawks), qui n'a jamais été cédé, contrairement à ce que prétendent les gouvernements fédéral et québécois ou le maire d'Oka qui voudraient que les gens croient autrement. « La direction du Parc d'Oka voudrait que le public croit que la seule nouvelle activité est le repavement de la piste cyclable existante et qu'aucun nouveau gazoduc a été installé. », est-il dit dans la déclaration.


Preuve de l'expansion du gazoduc dans le parc d'Oka

L'une des porte-paroles du Kanehsata'kehró:non, Ellen Gabriel, a expliqué que ces territoires traditionnels ont appartenu au Kanehsata'kehró:non bien avant que l'ordre des Sulpiciens ne s'installe dans la région au XVIIIe siècle. Gabriel a parlé du refus des gouvernements fédéral et du Québec d'aborder la question, soit en ne retournant pas ses appels, comme c'est le cas avec le ministre responsable des Affaires autochtones du gouvernement du Québec, soit en utilisant des tactiques pour gagner du temps, comme c'est le cas avec le gouvernement Trudeau. Chaque fois qu'Ellen Gabriel et d'autres représentants de la communauté mohawk ont essayé de rencontrer Carolyn Bennett, la ministre des Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord, ses assistants ont répondu : « Elle est trop occupée maintenant, vous devez prendre un rendez-vous plus tard », tout en déclarant que « la ministre veut vraiment parler avec vous ».

Ellen Gabriel a déclaré que « le silence et le refus du gouvernement d'intervenir selon les obligations fiduciaires sont un signal inquiétant que le Canada a l'intention de continuer ses affaires comme il le fait depuis 150 ans de génocide et de dépossession. Il n'y a pas eu de réconciliation avec les Kanien'kehá :ka de Kanehsatà:ke, ce qui aurait pu être résolu il y a 27 ans de cela [durant la crise d'Oka en 1990] et peut encore être résolu en s'appuyant sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones comme cadre de réconciliation et de restitution. Mais la réconciliation doit inclure les dédommagements et le respect de tous les droits humains des peuples autochtones. »

La conférence de presse s'est terminée par la lecture de sept revendications des femmes et des Rotinonhseshá:ka (le peuple de la maison longue) adressées au Canada et au Québec :

- « un moratoire immédiat qui sera mis en place pour arrêter tout développement sur le territoire traditionnel des Kanien'kehá:ka de Kanehsatà:ke;

- « que le Canada débute des discussions avec les Rotinonhseshá:ka de Kanehsatà:ke pour résoudre les litiges de longue date en ce qui a trait aux terres historiques;

- « que le Canada révoque la doctrine de la Découverte sur laquelle il fonde sa souveraineté et sa justification de la dépossession des terres;

- « que Grégoire Gollin, propriétaire des collines d'Oka, et la municipalité d'Oka renoncent et mettent fin à la vente de quelconque parcelle de terrain à Kanehsatà:ke et remboursent les gens qui ont acheté des terrains en litige sur le site de développement illégal; (voir article ci-dessous)

- « que TransCanada et Gazoduc enlèvent leurs pipelines nouvellement installés à Kanehsatà:ke et compensent les Kanien'kehá:ka de Kanehsatà:ke grâce à un fonds fiduciaire qui sera notre oeuvre. Ce fonds fiduciaire soutiendra la reconstruction des institutions traditionnelles qui ont été ciblées par le Canada, y compris le gouvernement traditionnel du Rotinonhseshá:ka, notre culture et notre langue Kanien'keha;

et

- « que tout développement qui se déroulera sur notre territoire traditionnel des Kanien'kehá:ka de Kanehsatà:ke doit respecter les normes internationales des droits humains, en particulier la DNUDPA et son principe de 'consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause' ».

Tout cela met en évidence la nécessité pour les gouvernements de défendre la primauté du droit, le droit du peuple à dire « non », de réaffirmer que « la primauté du droit exige la mise en application des diverses décisions de la Cour suprême du Canada telles que Sparrow et Delgamuukw , ce qui exige des consultations et des accommodements des 'peuples aborigènes'. Encore plus important est que le droit coutumier traditionnel de la nation Kanien'kehá ;ka régisse tout développement qui a un impact sur nos terres, nos territoires et nos ressources et exige avant de procéder le consentement de la nation Kanien'kehá ;ka, et non seulement de ses conseils de bande financés par le gouvernement. »

La conférence de presse s'est terminée par une cérémonie traditionnelle conduite par un aîné de la Première Mation. Par la suite tous les participants ont été invités à se rendre à la limite sud-ouest du parc d'Oka pour voir la zone où Gazoduc TQM a commencé l'expansion souterraine du gazoduc existant.

Note

1. Trans Canada est le promoteur du projet vivement contesté d'oléoduc Energie Est qui verrait la transformation du gazoduc de 2000 km, vieux de 40 ans, en un oléoduc qui transporterait du bitume dilué, ou « dilbit », une substance hautement toxique créée par le mélange de bitume visqueux provenant des sables bitumineux avec des produits chimiques toxiques qui le rendent assez fluide pour le pomper à travers une canalisation. C'est une situation très préoccupante par le fait du danger que cela pose pour l'eau et la terre, puisque l'actuel gazoduc traverse la rivière des Outaouais près d'Oka, au Québec, où la rivière devient le lac des Deux Montagnes situé en amont de la région métropolitaine de Montréal. L'eau du lac est la source unique d'eau potable pour près de trois millions de personnes. Un rapport du gouvernement fédéral a récemment confirmé que le dilbit sédimente vers le fond lorsqu'il est mélangé à des particules en suspension, ce qui rendrait les efforts de nettoyage des cours d'eau extrêmement difficiles. C'est conforme à l'expérience américaine qui s'est ensuivie après le déversement massif de dilbit dans la rivière Kalamazoo, au Michigan, où plus de 1 milliard $ a été consacré aux efforts de nettoyage, mais la rivière est encore polluée.

(Photos: E. Gabriel)

Haut de page


Une provocation: début d'un développement des terrains sur le site de la crise d'Oka de 1990

Un développement domiciliaire illégal est en cours à Oka, au Québec, sur les terres revendiquées par le Kanehsata'kehró:non (le peuple de Kanehsatà:ke), aussi connues sous le nom de La Pinière. Cet empiétement sur les terres mohawks est fait précisément là où les promoteurs ont tenté illégalement en 1990 de construire un terrain de golf. Des protestations ont eu lieu au cours de l'été, exactement 27 ans après la crise d'Oka de 1990, pendant laquelle l'État canadien a utilisé une force militaire massive contre les Mohawks qui à bon droit défendaient leurs terres.

Steve Bonspiel, rédacteur en chef du journal hebdomadaire de Kahnawake, The Eastern Door, a publié le 11 juillet, à l'occasion du 27e anniversaire de la résistance à Oka, une lettre adressée à la rédaction de CBC, dans laquelle il souligne le refus de l'État canadien de faire sa part pour résoudre la situation :

« Le terrain en litige ? Il est encore entre les mains d'Oka, un territoire mohawk illégalement saisi. Pourtant, personne ne fait quoi que ce soit pour le reprendre.

« Oubliez les négociations, c'est notre terre, alors pourquoi c'est le Canada qui joue toutes les cartes ? Honte aux gouvernements municipal, provincial et fédéral, qui continuent d'être complices de l'oppression et du contrôle de notre peuple.

« Quel genre de pays 'fier' continue de profiter du vol de notre terre et nie continuellement notre droit d'en reprendre un peu, mais raconte à tout le monde comment c'est magnifique de célébrer 150 ans de colonialisme ?

« Nous pourrions au moins parler du retour de toutes les terres mohawks illégalement confisquées, pas seulement cette parcelle.

« Si nous continuons d'autoriser le vol de ce qui nous a toujours appartenu, qu'est-ce qui va nous rester ... »

Bien que rien n'ait été résolu depuis les événements de 1990, la Ville d'Oka a néanmoins accordé des permis pour les projets domiciliaires sur un terrain sur lequel elle n'a pas juridiction. Un article paru le 25 juillet dans le National Observer note ceci :

« [Le maire d'Oka Pascal Quevillon] dit qu'il ne peut pas arrêter la construction du développement domiciliaire sinon Oka pourrait être poursuivie et ses citoyens devront payer des millions de dollars. Il a dit qu'il ne croyait pas que ce serait juste pour sa communauté.

« 'Seul le gouvernement fédéral peut nous dire de cesser d'autoriser la construction sur ces terres, mais le gouvernement fédéral devra compenser financièrement le propriétaire du terrain, le promoteur et la municipalité s'il le fait.'

« Il dit que c'est un problème qui doit être résolu entre le gouvernement fédéral et la communauté de Kanesatake ».

Pourquoi le gouvernement canadien a-t-il négligé son devoir de remédier aux dépossessions et aux injustices historiques ? Le maintien du statu quo a inévitablement créé une situation où une répétition de la crise d'Oka de 1990 pourrait se produire. Le Kanehsata'kehró:non ne sera-t-il pas obligé de bloquer ou d'expulser physiquement le promoteur ? Est-ce que l'État canadien et les médias monopolisés vont répondre avec des allégations racistes et hystériques sur les « autochtones violents », vont prétendre que le promoteur subit des dommages économiques et menacer encore une fois le Kanehsata'kehró de la violence de l'État ? Il est clair que le spectacle de l'affrontement armé à Oka en 1990, le vaste appui du public pour le Kanehsata'kehró:non et le fait qu'un bain de sang a été évité de peu - en raison de la prudence et de la discipline de la part des guerriers mohawks sous la direction de leurs aînés - n'ont pas du tout ramené à la raison l'État canadien et l'élite dirigeante après 27 ans.


Marche le 11 juillet 2015 à l'occasion du 25e anniversaire du soulèvement d'Oka

Si le gouvernement était sincère et voulait trouver une solution juste à cette réclamation territoriale, il agirait de manière tout à fait différente et déclarerait au moins un moratoire sur le développement jusqu'à ce qu'on en arrive à une résolution négociée au lieu de permettre aux promoteurs fonciers de créer des situations sur le terrain qui vont seulement miner les revendications territoriales et la position de négociation des Kanien'kehá:ka, et semer des divisions entre eux et leurs voisins à Oka. On dit que l'État canadien tient des négociations sur les terres en litige avec le conseil de bande mohawk élu sous les auspices de la Loi sur les Indiens. Même si cela est vrai, de telles négociations ne peuvent être de bonne foi lorsque les gens ne savent pas ce qui se passe et le gouvernement n'interviendra pas dans des situations comme celle-ci. Les actions du gouvernement montrent clairement qu'à Kanehsatà:ke et ailleurs, l'objectif de l'État canadien demeure la dépossession des peuples autochtones.

La situation exige que les peuples au Canada et au Québec s'acquittent de leurs devoirs et renforcent leur appui aux justes revendications des peuples autochtones et s'organisent pour s'habiliter eux-mêmes du pouvoir afin de mettre en place des arrangements modernes sur la base de véritables relations de nation à nation et de la reconnaissance des droits.

La Pinière est une terre mohawk !
Promoteurs, hors des terres mohawks !
Non à une répétition de la crise d'Oka de 1990 !
Exigeons de l'État canadien qu'il rende des comptes sur la dépossession des peuples autochtones !

(Photos: E. Gabriel, S. Bonspiel, K. David)

Haut de page


À titre d'information

Le livre blanc de 1969

« Les nombreuses tentatives du gouvernement de convaincre les Indiens d'accepter le livre blanc ont été vaines parce que les Indiens comprennent que la voie tracée par le ministère des Affaires indiennes par la voix de l'honorable Jean Chrétien mène directement au génocide culturel. Nous ne marcherons pas sur cette voie. » - Harold Cardinal, The Injust Society

En 1969, le premier ministre Pierre Trudeau et son ministre des Affaires indiennes, Jean Chrétien, dévoilaient un document de politique générale par lequel ils se proposaient de mettre fin au rapport juridique spécial entre les peuples autochtones et l'État canadien, et d'abroger la Loi sur les Indiens. Ce livre blanc a été accueilli par une forte opposition des dirigeants autochtones partout au pays et a ouvert une nouvelle ère d'organisation politique autochtone au Canada.

L'intention du gouvernement fédéral, telle qu'énoncée dans le livre blanc, était de réaliser l'égalité de tous les Canadiens en éliminant le statut légal distinct appelé Indien et en considérant les autochtones comme de simples citoyens avec les mêmes droits, possibilités et responsabilités que les autres Canadiens. Fidèle à la vision d'une « société juste » de Trudeau, le gouvernement proposait d'abroger la législation qu'il jugeait discriminatoire. La Loi sur les Indiens était vue comme discriminatoire parce qu'elle ne s'appliquait qu'aux autochtones plutôt qu'aux Canadiens en général. Le gouvernement affirmait dans le livre blanc que le fait d'abolir le statut légal unique prévu par la Loi sur les Indiens permettrait aux peuples autochtones d'être « libres - libres de faire progresser les cultures indiennes dans un contexte d'égalité juridique, sociale et économique avec les autres Canadiens ».

À cette fin, le livre blanc se proposait de :

- abolir le statut d'Indiens
- dissoudre le ministre des Affaires indiennes sur une période de cinq ans
- abroger la Loi sur les Indiens
- convertir les terres des réserves en propriété privée pouvant être vendue par la bande ou ses membres
- transférer la responsabilité des Affaires indiennes du gouvernement fédéral aux provinces et intégrer ces services à ceux offerts aux autres citoyens canadiens
- établir un financement pour le développement économique
- nommer un commissaire pour régler les réclamations territoriales non résolues et graduellement éliminer les traités.

Qu'est-ce qui a mené au livre blanc ?

Dans les années 1960, le gouvernement fédéral ne pouvait plus nier que les peuples autochtones se heurtaient à des barrières socio-économiques importantes, comme des taux de pauvreté et de mortalité infantile plus élevés que chez les Canadiens non autochtones, une plus faible espérance de vie et un niveau d'éducation inférieur. Le mouvement pour les droits civiques qui balayait les États-Unis attirait l'attention publique sur le racisme intense et la discrimination que vivaient les Afro-Américains et d'autres groupes minoritaires. Ce mouvement a aussi amené de nombreux Canadiens à s'interroger sur l'inégalité et la discrimination dans la société canadienne, notamment le traitement réservé aux Premières Nations.

En 1963, le gouvernement canadien a chargé l'anthropologue de l'Université de la Colombie-Britannique Harry B. Hawthorn d'enquêter sur les conditions sociales des populations autochtones de l'ensemble du Canada. Dans son Étude sur les Indiens contemporains du Canada : Besoins et mesures d'ordre économique, politique et éducatif, Hawthorn concluait que les populations autochtones étaient les secteurs les plus défavorisés et marginalisés de la société canadienne. Les autochtones étaient des « citoyens moins ». L'auteur attribuait cette situation à des années de manquement en matière de politique gouvernementale, notamment au système de pensionnats qui laissait les élèves non préparés à la participation à l'économie contemporaine. Il recommandait que les autochtones soient considérés comme des « citoyens plus » et se voient offrir les mêmes ressources et les mêmes possibilités de choisir leur mode de vie, que ce soit au sein des communautés sur les réserves ou ailleurs. Il préconisait aussi de mettre un terme à tous les programmes d'assimilation forcée, surtout les pensionnats.

Jean Chrétien décida d'amender la Loi sur les Indiens à partir des recommandations de ce rapport. Le gouvernement fédéral lança une consultation nationale des communautés des Premières Nations. Il distribua la brochure Choosing a Path dans les réserves, convoqua des assemblées communautaires et, en mai 1969, réunit des représentants régionaux des peuples autochtones pour une consultation nationale à Ottawa. Durant ces consultations, les représentants des Premières Nations ont tous exprimé leur inquiétude concernant les droits ancestraux et issus de traités, le titre de propriété, l'autodétermination et l'accès à l'éducation et aux services de santé.

Suite à ces consultations, le gouvernement canadien produisit en juin 1969 son livre blanc dans lequel il proposait d'abolir le ministre des Affaires indiennes.

Réactions au livre blanc

Le livre blanc eut un effet de choc dans les communautés autochtones à travers le Canada. Il ne répondait pas aux inquiétudes soulevées par leurs dirigeants durant la consultation. Il ne prévoyait aucune disposition reconnaissant et honorant les droits spéciaux des Premières Nations et ne tenait aucun compte des griefs historiques comme ceux portant sur le droit à la terre et les droits ancestraux et issus de traités. De plus, il ne prévoyait pas une participation significative des peuples autochtones aux prises de décision en politique canadienne.

Bien que le livre blanc reconnût les inégalités sociales des populations autochtones au Canada et dans une moindre mesure les mauvais choix de politique fédérale au fil de l'histoire, beaucoup d'autochtones virent le nouveau document de politique gouvernementale comme une continuation de la poursuite de l'assimilation des Indiens à la société canadienne, un objectif historique du Canada. Les groupes autochtones avaient l'impression que le gouvernement fédéral ne faisait que renvoyer la balle aux provinces, comme le disait Harold Cardinal. Le Canada s'exonérait de toute responsabilité pour les injustices historiques et se soustrayait à son devoir de défendre les droits issus de traités et de maintenir le rapport spécial avec les Premières Nations. Les Premières Nations étaient outragées de voir que les opinions que les communautés autochtones avaient exprimées durant la consultation semblaient avoir été complètement ignorées. Au lieu d'amender la Loi sur les Indiens, le gouvernement avait décidé de tout simplement l'abolir.

Une voix forte fut celle de Harold Cardinal, jeune Cri de 24 ans qui présidait l'Association indienne de l'Alberta. Dans son livre The Injust Society, il exposait au public non autochtone l'hypocrisie de la nation de « Canada une société juste ». Il qualifiait le livre blanc de « programme à peine voilé d'extermination par l'assimilation ». Il le voyait comme une forme de génocide culturel. En 1970, l'Association indienne de l'Alberta, sous la direction de Harold Cardinal, rejeta le livre blanc dans un document intitulé « Citizens Plus », connu sous le nom de « livre rouge ». Ce document fut adopté comme position nationale des Indiens sur le livre blanc. Les organisations autochtones du Canada étaient d'accord avec sa conclusion : « Il n'y a rien de plus important que nos traités, nos terres et le bien-être de nos générations futures. »

En Colombie-Britannique, la controverse sur le livre blanc a ouvert une nouvelle période d'organisation politique. En réaction au livre blanc, les Premières Nations du Canada se rassemblaient par des façons nouvelles. Le mouvement était mené par une génération de jeunes autochtones qui, comme Harold Cardinal, étaient instruits et habiles en politique. En novembre 1969, trois leaders autochtones — Rose Charlie de la Indian Homemakers' Association, Philip Paul de la Southern Vancouver Island Tribal Federation et Don Moses de la Fraternité indienne d'Amérique du Nord — invitèrent les bandes de la Colombie-Britannique à une conférence à Kamloops pour formuler une réponse collective au livre blanc et discuter de la poursuite de la lutte pour la reconnaissance des titres et des droits autochtones. Les représentants de 140 bandes participèrent à cette conférence, qui était le plus grand rassemblement de leaders autochtones de la province jusqu'alors.

La conférence de Kamloops a mené à la formation d'une nouvelle organisation provinciale : l'Union des chefs indiens de la Colombie-Britannique (UCICB), dont la mission principale était la résolution des réclamations territoriales. La « Déclaration des droits indiens », ou le « livre brun », de l'UCICB de 1970 rejetait les propositions du livre blanc et affirmait que les peuples autochtones conservaient le titre ancestral à la terre. Le livre brun est devenu la base de la politique de l'UCICB.

Ressources recommandées

Canada, Affaires indiennes et du Nord. La politique indienne du gouvernement du Canada (livre blanc), 1969. Voir ci-dessous.

Cairns, Alan. Citizens Plus : Aboriginal Peoples and the Canadian State. Vancouver : UBC Press, 2000.

Tennant, Paul. Aboriginal Peoples and Politics : The Indian Land Question in British Columbia, 1849-1989 . Vancouver : UBC Press, 1990.

Turner, Dale. This is Not a Peace Pipe : Towards a Critical Indigenous Philosophy. Toronto : University of Toronto Press, 2006.

Weaver, Sally M. Making Canadian Indian Policy : The Hidden Agenda 1968-1970. Toronto : University of Toronto Press, 1981.

Réponses au livre blanc

Cardinal, Harold. The Unjust Society. Vancouver : Douglas & McIntyre, 1999.

Indian Association of Alberta. Citizens Plus. ( « The Red Paper ») Edmonton : Indian Association of Alberta, 1970.

Union des chefs indiens de la Colombie-Britannique, A Declaration of Indian Rights : The B.C. Indian Position Paper. Vancouver : UBCIC, 1970.

Union des chefs indiens de la Colombie-Britannique. « Our History ».

 Le rapport Hawthorn

Hawthorn, Harry. Étude sur les Indiens contemporains du Canada : Besoins et mesures d'ordre économique, politique et éducatif. Deux volumes. Ottawa : Imprimeur de la Reine, 1966-1967. Disponible ici.

Weaver, Sally. « The Hawthorn Report : Its Use in the Making of Canadian Indian Policy ». In Anthropology, Public Policy and Native Peoples in Canada, édité par Noel Dyck et James B. Waldram. Montréal : McGill-Queen's University Press, 1993. 75-97.

(Source : indigenousfoundations.arts.ubc.ca. Traduit de l'anglais par LML)

Haut de page


La politique indienne du gouvernement du Canada (livre blanc), 1969

Table des matières

Déclaration du gouvernement du Canada sur la politique indienne

Présentée à la première session du 28e parlement par l'honorable Jean Chrétien, ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien.

Être Indien, c'est être homme ; c'est avoir de l'homme tous les besoins et tous les talents.

Être Indien, c'est aussi être différent des autres, c'est parler d'autres langues, dessiner d'autres images, raconter d'autres histoires, posséder une hiérarchie des valeurs fondée sur d'autres réalités.

Par sa culture, l'Indien enrichit le Canada, même s'il fut un temps où la diversité n'avait guère de prix à nos yeux.

Être Indien aujourd'hui, c'est aussi, d'une autre manière, se distinguer des autres Canadiens. L'Indien est à part : par son statut, par les services gouvernementaux dont il bénéficie et, trop souvent hélas, par sa vie sociale.

Être Indien, c'est être dépourvu de puissance, de la puissance d'être propriétaire d'un terrain, de dépenser son propre argent et même de la puissance qu'il faudrait pour modifier sa propre condition.

C'est aussi - pas toujours, mais trop souvent encore - manquer de travail, d'un domicile convenable, d'eau courante, de connaissances, de formation technique ; c'est par-dessus tout, être privé du sentiment de dignité et de confiance en soi indispensable à l'homme qui veut garder la tête haute.

La condition dans laquelle les Indiens se trouvent aujourd'hui est la conséquence de leur histoire. Leurs talents et leurs capacités ne sont nullement mis en cause. Le gouvernement et la société ont depuis toujours entretenu avec les Indiens des relations de nature spéciale. Ce régime particulier qui remonte à l'établissement chez nous des premiers Européens a fait de la collectivité indienne un groupe désavantagé et à part.

Nous devons aujourd'hui modifier le cours de l'histoire. Être Indien ce doit vouloir dire être libre - libre de faire progresser les cultures indiennes dans un contexte d'égalité juridique, sociale et économique avec les autres Canadiens.

Avant-propos

Les politiques du Gouvernement doivent, dans l'esprit de celui-ci, déboucher sur la participation entière, libre et égale - non discriminatoire de l'Indien à la vie sociale de notre pays. Il faudra pour cela rompre avec le passé. Il faudra qu'à l'état de dépendance dans laquelle se trouve actuellement l'Indien soit désormais substituée une situation d'égalité avec tous les autres Canadiens : égalité de régime, de chances et de responsabilités.

On entend par cette proposition reconnaître un besoin qui s'est clairement manifesté au cours d'une année de discussions intensives avec les populations indiennes du Canada tout entier. Le Gouvernement estime que ce serait desservir les intérêts des Indiens et des Canadiens en général que de poursuivre sa ligne de conduite actuelle.

Les politiques envisagées reconnaissent une réalité toute simple, à savoir que la situation juridique particulière de l'Indien et les politiques qui en ont jusqu'ici découlé en ont fait un être à part, distinct des autres Canadiens et en retard sur eux. Il n'a pas été citoyen à part entière de la collectivité ou de la province qu'il habite. Il n'a pu, en conséquence, bénéficier de l'égalité que cette participation lui aurait conférée ni des avantages qu'elle lui aurait apportés.

Le traitement qui lui a été accordé en raison de son régime juridique différent a parfois été pire que celui de ses concitoyens, mais parfois aussi égal à ce dernier, voire meilleur. Ce qui importe, c'est que son traitement a été différent.

Nombreux sont les Indiens qui, dans les localités isolées aussi bien que dans les villes, souffrent de la pauvreté. Ce régime d'exception qui est le fait de tous les pauvres- Indiens ou non - associé à une situation juridique qui met l'Indien à part, constitue un terrain particulièrement propice à la pratique de la discrimination sociale et culturelle.

Depuis quelques années on assiste à un rapide accroissement démographique chez les Indiens. Leur état sanitaire général et leur degré d'instruction se sont tous les deux améliorés. Mais à cause des réserves et du traitement particulier, ces améliorations n'ont pas donné tous les résultats attendus.

On a vu apparaître chez les Indiens des leaders énergiques et éloquents qui ont su exprimer les aspirations et les besoins de la collectivité indienne. Pour peu qu'on leur en donne l'occasion il n'y a aucun doute que les populations indiennes puissent développer leurs ressources humaines et culturelles, pour leur plus grand bien ainsi que pour le plus grand bien des régions qu'elles habitent et du Canada tout entier. Rester fidèles aux politiques du passé, c'est au contraire se condamner à une immense déception.

Il s'agit ici de propositions d'avenir. Sans doute ne pouvons-nous pas oublier le passé. Bien sûr on ne peut faire abstraction totale du passé, mais on ne peut non plus le retrouver entièrement, car il ne peut plus se mesurer. En reconnaissant d'anciens griefs et en cherchant à y satisfaire, le Gouvernement cherche moins à corriger les injustices du passé qu'à se montrer à la hauteur de la société juste que nous cherchons à bâtir aujourd'hui.

Le Gouvernement n'entend pas perpétuer des politiques qui sont sources de malentendus et de désunions, qui empêchent les Canadiens de s'épanouir ou de prendre place dans la société qui est la leur. L'association qu'il recherche est orientée vers un but meilleur. Cette tentative réunit en l'occurrence les populations indiennes, les gouvernements des provinces, l'ensemble de la collectivité canadienne et le gouvernement fédéral. Qui dit association, sans doute, dit consultation, négociation, concessions mutuelles et collaboration. La réussite est à ce prix.

Aucune de ces difficultés ne saurait être surmontée si cette association n'est pas placée sous le signe de la bonne volonté et du désir de la réussite.

Il y faudra des années. Sans doute certains efforts se solderont-ils par des échecs, mais pour qui veut apprendre, l'échec même est le gage de la réussite future. Nous devrons tous nous montrer ouverts et flexibles, car nous aurons à modifier plus d'une fois nos points de vue.

Les gouvernements peuvent donner l'exemple, mais ils ne peuvent pas changer le coeur des hommes. Canadiens, Indiens aussi bien que non Indiens, sont à l'heure des grandes décisions. Pour la société canadienne, la question est de savoir si un élément important de sa population participera à part entière au bien-être général ou si les disparités sociales et économiques d'aujourd'hui iront en s'accentuant, augmentant ainsi le sentiment de frustration et d'isolement des Indiens et mettant en danger l'équilibre de la société tout entière. Pour beaucoup d'Indiens il n'y a qu'une voie, la seule voie qui existait avant la Confédération et qui existe toujours, la voie du statut différent, une voie sans issue qui est cause de pauvreté et de mécontentement. Cette voie, parce qu'elle est séparée, ne peut conduire ni à la participation entière ni à l'égalité. Dans les pages qui suivent, le Gouvernement a exposé dans ses lignes générales une politique qui offre une nouvelle alternative aux Indiens ; le Gouvernement est convaincu que cette nouvelle voie sortira graduellement les Indiens de leur statut différent et leur permettra de participer à part entière au développement social, économique et politique de la société canadienne. Tel est le choix.

Les Indiens doivent être persuadés, doivent se persuader eux-mêmes, que cette voie les orientera vers une vie meilleure. La société canadienne devra reconnaître la nécessité de nouvelles attitudes. Il faut que les Canadiens comprennent le danger de ne pas détruire les obstacles auxquels se heurtent les Indiens. Si les Indiens doivent devenir des membres à part entière de la société canadienne, ils doivent être bien accueillis par les membres de cette société.

Le Gouvernement recommande cette politique à la considération de tous les Canadiens, des Indiens et des non-Indiens, et de tous les gouvernements au Canada.

Sommaire

1. État de la question

Le Gouvernement a passé en revue son programme pour les Indiens et en a examiné l'effet sur leur situation actuelle. Il a bénéficié de nombreuses consultations avec les Indiens ainsi que des connaissances et de l'expérience de plusieurs personnes à l'intérieur et à l'extérieur du gouvernement.

Cette révision entend répondre aux représentations effectuées pour les Indiens eux-mêmes lors des réunions régionales qui se déroulent depuis un an et qui ont abouti à une réunion à Ottawa, au mois d'avril dernier ont clairement fait savoir qu'elles s'opposaient à ce que la situation actuelle persiste.

La société canadienne, sous sa forme actuelle, est riche de possibilités. Il est possible de s'engager dans de nouvelles voies. Le Gouvernement estime que les Indiens ne doivent pas être écartés de la vie de leur pays. Il est convaincu, au contraire, qu'il importe de leur ménager la possibilité d'en bénéficier au même titre que tous les autres Canadiens.

Le Gouvernement pourrait encourager davantage les progrès de l'éducation, continuer à appliquer les programmes d'amélioration matérielle actuellement en cours dans bien des réserves, poursuivre en somme son effort dans le sens imprimé ces dernières années. Cela permettrait incontestablement de régler un grand nombre de problèmes. Mais à ce rythme les progrès seraient trop lents. Les changements sociaux dans notre pays ont été et restent trop rapides pour que l'on puisse attendre d'authentiques solutions de cette méthode. Il faut plus. Nous ne saurions souffrir plus longtemps l'isolement de certains Canadiens. Le temps est à l'action.

Le Gouvernement croit à l'égalité. A ses yeux tous les hommes - toutes les femmes - ont des droits égaux. Il est résolu à ce que tous' soient traités avec équité et que nul ne soit désormais écarté de la vie canadienne, surtout pour des motifs de caractère ethnique.

C'est cette conviction qui est à la base de la volonté du Gouvernement d'ouvrir toutes grandes les portes de l'avenir à tous les Canadiens, de lever les obstacles qui gênent le progrès des populations, des régions et du pays tout entier.

Seule une politique inspirée de cette conviction peut permettre aux populations indiennes de satisfaire à leurs besoins et de réaliser leurs aspirations.

Les Indiens ont droit à une politique qui réponde à cette définition. Ils ont droit à une égalité qui conserve et enrichisse leur identité, égalité qui mette l'accent sur la part qu'ils prendront eux-mêmes à sa création et qui se manifestera dans tous les aspects de leur vie.

Ce ne sont pas les non-Indiens qui peuvent fixer des objectifs aux Indiens. Ceux-ci doivent être définis par la collectivité indienne elle-même. Le gouvernement peut créer un cadre à l'intérieur duquel tous, individuellement et collectivement, peuvent rechercher leurs propres buts.

2. La nouvelle politique

La condition de la véritable égalité, c'est la reconnaissance du droit des Indiens de participer complètement et également à la vie culturelle, sociale, économique et politique du Canada.

Le cadre canadien à l'intérieur duquel il sera loisible aux Indiens pris individuellement et aux bandes indiennes de parvenir à cette participation intégrale exige :

 1. que les fondements législatifs et constitutionnels de la discrimination disparaissent ;

 2. que la contribution toute particulière de la culture indienne à la vie canadienne soit reconnue par tous ;

 3. que les services dispensés à. tous les Canadiens le leur soient par les mêmes voies administratives et les mêmes institutions gouvernementales ;

 4. que l'on vienne davantage en aide à ceux qui sont le plus dans le besoin ;

 5. que l'on reconnaisse les droits légitimes des Indiens ;

 6. que la gestion des terres indiennes relève désormais des collectivités indiennes.

Les grandes mesures à prendre seront les suivantes :

 1. Le Gouvernement entend proposer au Parlement le rappel de la Loi sur les Indiens et prendre les mesures législatives nécessaires pour que les Indiens prennent en main leurs terres et soient investis à cet égard du droit de propriété.

 2. Le Gouvernement entend proposer aux gouvernements provinciaux qu'ils assument envers les Indiens les mêmes responsabilités qu'envers les autres citoyens situés sur leur territoire. Ce transfert de pouvoirs s'accompagnera de virements de fonds fédéraux déjà affectés aux programmes destinés aux Indiens. Au besoin les contributions financières pourront être augmentées au bénéfice des provinces.

 3. Le Gouvernement prévoit engager à titre provisoire d'importants crédits pour le développement économique des Indiens.

 4. Le Gouvernement liquidera les services du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien présentement chargés de la responsabilité des Affaires indiennes. Ce qui restera des attributions du gouvernement fédéral à cet égard sera confié à d'autres ministères fédéraux compétents.

De plus, le Gouvernement nommera un Commissaire pour consulter les Indiens et pour étudier et recommander des mesures appropriées pour régler les réclamations indiennes relatives aux traités.

Cette nouvelle politique vise à un avenir meilleur pour tous les Indiens. Ses modalités d'application sont simples. Elles exigent discussion, consultation et négociation avec les Indiens eux-mêmes - particuliers, bandes ou associations - comme avec les gouvernements des provinces.

La collaboration et le concours des Indiens et des provinces sont indispensables au succès de l'entreprise. Le Gouvernement entend rechercher cette collaboration et y répondra favorablement chaque fois qu'elle lui sera offerte.

3. Mesures immédiates

Certains changements interviendront rapidement. D'autres ne seront réalisés qu'à plus long terme. D'ici cinq ans le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien aura cessé de s'occuper des Affaires indiennes ; les nouvelles lois seront en vigueur et les programmes actuels auront été confiés à d'autres organismes. Pendant un certain temps encore les bandes indiennes exigeront une attention particulière. Ce transfert de pouvoirs aux Indiens fera l'objet d'une révision périodique. Le Gouvernement juge que cette politique, est juste et nécessaire ; sa réussite exige toutefois le consentement, l'adhésion et le concours des populations indiennes, des provinces et de tous les Canadiens.

Elle offre aux Indiens une nouvelle occasion de préciser et de développer leur identité propre dans le cadre d'une société canadienne qui leur propose à la fois les bienfaits de la participation, les avantages de l'engagement et la fierté de l'appartenance.

Historique

Si nous sommes tous tributaires de l'histoire, c'est pourtant sur les Indiens qu'elle pèse de tout son poids. C'est l'histoire qui a fait d'eux les victimes d'un régime juridique d'exception. Les griefs qu'ils peuvent avoir tirent leur origine d'accords anciens, rompus ou mal compris. Ils ne sont pas entièrement maîtres du sol qu'ils occupent. Chez eux les pauvres sont proportionnellement plus nombreux que chez les autres Canadiens - et il s'agit ici de la pauvreté sous ses formes les plus débilitantes. C'est dans l'histoire aussi qu'il faut chercher l'explication du fait que l'Indien attende d'un ministère fédéral particulier les services que ses compatriotes vont chercher auprès du gouvernement provincial ou de l'administration locale.

Cette séparation, avec toutes ses suites fâcheuses remonte loin dans le passé de notre pays ; elle tire son origine du comportement des premières administrations coloniales : française ou britannique. Déjà, à l'époque de la Confédération, le mal était fait.

Antérieurement à cette époque on avait pris l'habitude de conclure des accords avec les Indiens ou de les encourager à s'établir dans des réserves que la Couronne avait conservées à leur intention et dans leur intérêt. La question des terres indiennes dépendait déjà d'un organisme distinct. Bref, les Indiens constituaient à l'époque un groupe à part.

Après la Confédération, ces précédents bien établis furent maintenus et accentués. C'est le Parlement fédéral qui fut investi du droit exclusif de légiférer en ce qui concerne « les Indiens et les terres réservées au peuple Indien » aux termes de l'alinéa 24 de l'article 91 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. A cette fin fut adoptée une loi spéciale (la Loi sur les Indiens), furent conclus de nouveaux traités et mis en place tout un réseau de bureaux répartis sur l'ensemble du territoire tant dans les régions en voie de colonisation que dans celles qui allaient bientôt l'être.

Trois éléments constituent la présente politique à l'égard des Indiens : un régime juridique particulier, un régime spécial d'occupation du sol et une administration distincte. Sans doute cette politique a-t-elle permis à l'Indien de conserver des endroits où il se sent chez lui, mais elle a comporté en même temps de graves difficultés d'ordre administratif et d'ordre matériel.

Tout cela dépendant du gouvernement fédéral il a été impossible à l'Indien de participer à la croissance des services provinciaux et locaux. On n'exigeait même pas qu'il participe à la mise en valeur de sa propre localité, celle-ci échappant à l'impôt foncier. Il en est résulté que, jugeant l'impôt inutile en ce qui le concernait, il ne s'est pas pourvu de ses propres services. Quelques rares services rudimentaires lui furent longtemps assurés par un réseau de bureaux indiens héritiers des traditions d'autorité des administrations coloniales de jadis. Ajoutons du reste que, jusqu'à tout récemment, faute de personnel ou de crédits, ces bureaux ne pouvaient guère s'occuper que des cas de pauvreté et de misère les plus pressants.

Le gouvernement fédéral étant traditionnellement considéré comme responsable des Indiens, il s'en est suivi une atrophie des rapports normaux qui auraient dû exister entre les provinces et l'Indien considéré en tant que citoyen. La plupart des provinces, aux prises elles-mêmes avec leurs propres problèmes d'évolution et de croissance, ont préféré laisser au gouvernement fédéral le soin de s'occuper des Indiens. De leur côté les divers gouvernements fédéraux qui se sont succédé au pouvoir n'ont à peu près rien fait pour modifier cet état de choses. Il en est résulté que depuis près d'un siècle les Indiens ont relevé à peu près exclusivement d'un seul et unique organisme fédéral.

On a mis longtemps à prendre conscience des problèmes causés par la séparation physique, juridique et administrative. Les Indiens étaient dispersés en petits groupes sur l'ensemble du territoire, parfois dans des régions isolées. Là où ils vivaient au contact des colons on distinguait malle niveau de vie des uns et des autres.

A l'origine le colon, à l'instar de l'Indien, vivait de chasse, de pêche et de la traite des fourrures. Mais contrairement à l'indigène le colon se souciait de défricher le sol et de s'y installer solidement. Très vite donc, des différences apparurent.

L'évolution technique du XXe siècle allait provoquer une industrialisation plus poussée de la société et, partant, en compliquer les structures. Le caractère distinctif de l'Indien allait, de son côté, s'en trouver accentué. Pendant que la plupart des Canadiens s'installaient dans les villes, elles-mêmes de plus en plus peuplées, l'Indien restait essentiellement un rural, privé à la fois de l'instruction qu'il lui aurait fallu et de chances d'avenir. Alors que la mise en valeur des terres se poursuivait rapidement, bien des réserves étaient situées dans des endroits où le progrès n'était guère possible. En fait, exclues de cette mise en valeur, les réserves apparurent vite comme des îlots de pauvreté. Le principe de la séparation, dès lors, constituait un passif très lourd.

La situation juridique et administrative particulière faite à l'Indien ne lui a pas assuré des chances d'avenir égales à celles qui s'offraient à ses compatriotes. Il a été de ce fait exposé à la discrimination sous sa forme la plus large et la plus condamnable. Faut-il s'étonner que, dans ces circonstances, il puisse douter de la possibilité de sa propre réussite matérielle ? La discrimination a force d'exemple et se perpétue elle-même. Isolé de ses compatriotes, l'Indien en est venu à être considéré par les autres Canadiens comme un être à part.

Ce régime juridique et administratif distinct a entraîné la répartition des personnes d'origine indienne en trois groupes : Indiens dits « inscrits »- répartis eux-mêmes entre Indiens soumis aux traités et Indiens qui ne le sont pas,-Indiens dits « affranchis » qui ont perdu ou abandonné de leur plein gré leur situation particulière et les Métis qui, pour être d'ascendance indienne, n'ont jamais eu pour autant le statut d'Indiens de plein droit.

La nouvelle politique : sa justification

Depuis une dizaine d'années on constate de notables améliorations dans les domaines de l'instruction, de l'hygiène, de l'habitation, de l'assistance sociale et de la vie communautaire. Les Indiens se sont donnés des porte-parole officiels. Une nouvelle unité se fait jour chez eux. Le Gouvernement estime que tous ces phénomènes portent en eux des germes de progrès, mais à la condition expresse qu'on y réponde d'une façon nouvelle. Cette réponse, c'est notre nouvelle politique.

Cette dernière se fonde avant tout sur le droit essentiel qu'a l'Indien de participer pleinement et à titre égal à la vie culturelle, sociale, économique et politique du Canada.

Prétendre le contraire, c'est être partisan de la discrimination, de l'isolement et de la séparation. Aucun Canadien ne doit être exclu de la participation aux affaires de la collectivité.

1. Le statut de l'Indien

. . . que les fondements législatifs et constitutionnels de la discrimination disparaissent.

On ne saurait prétendre que le Canada puisse à la fois réaliser chez lui la société juste et conserver des lois d'exception. Ceci est évident pour le gouvernement. Sans doute faudra-t-il du temps pour faire disparaître de la constitution les clauses particulières relatives aux Indiens, mais cela n'en reste pas moins un objectif qu'il ne faut jamais perdre de vue. D'ici là il est possible de supprimer, tout de suite, certains obstacles législatifs particuliers.

Aux termes de l'alinéa 24 de l'article 91 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, le Parlement fédéral a édicté la Loi sur les Indiens. Les Indiens sont en outre touchés par diverses ententes fédérales-provinciales ou autres dispositions législatives.

A long terme il y a lieu de faire disparaître de la constitution toutes les allusions à l'Indien, faute de quoi on ne saurait supprimer la distinction juridique actuelle entre lui et les autres Canadiens. A court terme on peut rechercher une solution tout au moins partielle au problème en révoquant la Loi sur les Indiens et en faisant adopter certaines dispositions de caractère transitoire en vue d'assurer une gestion rationnelle des terres indiennes.

On ne saurait espérer en arriver rapidement au but ultime. Il faudra pour cela modifier la situation économique des populations indiennes et s'entendre avec les autorités provinciales, sur bien des points. Tant que l'Indien ne sera pas persuadé qu'il reste parfaitement maître de son sol, une législation particulière reste indispensable en ce qui le concerne.

2. L'Indien et son patrimoine culturel

. . . que la contribution toute particulière de la culture indienne à la vie canadienne soit reconnue par tous.

Il importe que les Canadiens reconnaissent et rendent hommage à la contribution de l'Indien. Celle-ci se manifeste de plus d'une façon, mais elle n'en reste pas moins ignorée et méconnue.

Nous cherchons, tous tant que nous sommes, des motifs de fierté, dans notre propre vie, dans nos familles ou nos ancêtres. Cette fierté est indispensable à l'homme pour le soutenir dans les heures de découragement qui, fatalement, s'empare parfois de lui, lorsqu'il se heurte à certains obstacles, quand la vie lui semble pénible. Nous traversons tous des heures comme celles-là. Notre fierté se manifeste de bien des manières, mais inévitablement elle nous soutient et nous réconforte. Malheureusement la fierté de l'Indien a été blessée trop souvent par ses compatriotes canadiens.

Le principe de l'égalité avec tout ce qu'il comporte exige que nous voyions tous dans le patrimoine culturel des uns et des autres une source de force personnelle.

Le Canada a beaucoup changé depuis l'adoption de la première loi sur les Indiens. Il est actuellement constitué par des populations diverses, par de nombreuses cultures. Chaque groupe a sa façon particulière de communiquer avec l'autre ; chacun sait s'adapter, à sa façon, à la société qui l'entoure.

Cette adaptation ne sera possible que si les groupes qui sont majoritaires acceptent sans restriction les minorités avec leurs caractères distinctifs. Il faut également que ces minorités obtiennent leur juste part de la richesse matérielle et non matérielle du pays.

Pendant longtemps les Canadiens ont cru que deux choix s'offraient à l'Indien : il pouvait vivre sur la réserve ou la quitter aux risques d'être assimilé et de perdre son identité. Mais le Canada d'aujourd'hui peut offrir davantage. Il y a un troisième choix, soit la participation pleine et entière à la vie et à l'économie du pays sans porter atteinte à la conservation, au renforcement et au développement d'une identité indienne qui, tout en préservant les valeurs du passé, aidera l'Indien à prospérer dans tous les sens du terme.

Ce choix ouvre à la population indienne de vastes horizons. Il fournit aux Canadiens l'occasion de montrer que dans notre société il y a place pour le développement de groupes qui conservent leurs cultures particulières et sont fiers de leur diversité.

Ce sont ces perspectives nouvelles qui sont au centre même de la nouvelle politique. Elle ne réussira que si l'Indien peut assumer toute la place qui lui revient dans la société canadienne contemporaine et que s'il peut y jouer un rôle digne de son expérience et de ses possibilités d'avenir.

L'apport de l'Indien à la société nord-américaine a été trop souvent méconnu, même par l'Indien lui-même. On connaît mal son histoire et ses traditions qui peuvent pourtant être pour lui une grande source de fierté. Les productions artistiques indiennes que l'on a conservées - richesse dont tous les Canadiens peuvent jouir - sont trop souvent inaccessibles à la majorité des Indiens. Il faut que l'on aide l'Indien à prendre conscience de son histoire et de son patrimoine sous toutes ses formes. Il faut aussi que ce patrimoine soit connu des Canadiens dans toute sa richesse.

La culture indienne vit également par la langue et la pensée. Aux yeux des Canadiens les langues indiennes doivent apparaître comme des éléments d'une grande valeur. Il ne s'agit pas de perpétuer le passé, mais d'assurer la continuité d'un peuple en l'encourageant à travailler à la mise en valeur permanente de son patrimoine dans le contexte contemporain - et en lui facilitant la tâche à cet égard. La culture vit et se développe dans la vie quotidienne des peuples, des collectivités ou d'autres associations. La condition de la préservation de la culture indienne, de sa perpétuation et de son développement, c'est l'intervention de l'Indien lui-même.

On a trop souvent fait croire à l'Indien que sa culture n'était pas valable. La perte de ce sentiment de valeur personnelle est mortelle. Le succès dans la vie, l'adaptation au changement, l'établissement de rapports rationnels avec le reste de la collectivité aussi bien qu'avec le reste du monde exigent un sentiment authentique de sa valeur personnelle - un véritable sentiment d'identité.

Riche en folklore, en formes d'art et en conceptions originales de la vie communautaire, le patrimoine indien ne saurait manquer de croître et de se développer, pour le plus grand bien de la société dans son ensemble. La chose paraît indispensable pour peu que l'on veuille donner à l'Indien un sentiment véritable d'identité et un but dans la vie, pour peu que le Canada veuille réaliser toutes ses virtualités.

Le Gouvernement reconnaît qu'il y a lieu d'assister les personnes d'ascendance indienne à cet égard de bien des façons. Par l'entremise du Secrétaire d'État il entend appuyer les associations et les groupes d'Indiens dans leurs efforts pour réparer les atteintes faites à leur patrimoine. Il entend encore favoriser une communication satisfaisante chez toutes les personnes d'ascendance indienne, entre elles et tous les autres Canadiens.

Des mesures seront prises pour obtenir la coopération de ces derniers. Les gouvernements provinciaux seront pressentis pour qu'ils appuient cet effort par l'entremise des divers organismes qu'ils possèdent et qui oeuvrent déjà dans ce domaine. On priera instamment les programmes scolaires afin de s'assurer qu'ils tiennent compte de la culture indienne et généralement de la contribution des Indiens à la société canadienne.

3. Programmes et services

. ... que les services dispensés à tous les Canadiens le leur soient par les mêmes voies administratives et les mêmes institutions gouvernementales.

Voilà incontestablement un élément d'égalité. On a plus d'une fois démontré que la séparation des groupes tient à celle des services. On ne saurait mettre en doute le principe de fournir des services communs. Il est indéniable.

Il est inconcevable de prétendre que' l'Acte de l'Amérique du Nord britannique doive exclure l'Indien du droit de prendre part à la vie de sa province comme citoyen à part entière, avec toutes les responsabilités et tous les avantages que cela peut comporter. C'est au niveau provincial que se situent et s'appliquent les correctifs sociaux ; mais c'est à ce niveau que les populations indiennes n'ont pas participé.

Les Canadiens bénéficient de toute une gamme de services qui leur sont dispensés par leurs administrations provinciales et locales ; mais les Indiens vivent le plus souvent à l'écart de ces structures. Cette situation n'a plus de sens. Le Gouvernement estime qu'il y a lieu de mettre à leur disposition des services sur une base équitable - sous réserve de distinctions provisoires fondées sur les besoins. Il ne faut pas que les services viennent d'institutions spéciales établies à l'intention de groupes particuliers, surtout pas l'intention de groupes qui se distinguent par leur caractère ethnique.

La notion de services à la fois spéciaux et égaux, n'est pas juste en réalité. Il est rare que de tels services spéciaux puissent être vraiment égaux ; ils ne le sont pas en tout cas en ce qui concerne l'Indien et sa communauté. Un grand nombre de ces services doivent obligatoirement s'accompagner d'investissements que l'on ne saurait multiplier indéfiniment. D'autres services, par contre, doivent faire partie du système complexe de la vie régionale et communautaire et ne sauraient être dispensés sur une petite échelle.

C'est pourquoi le Gouvernement a jugé bon de mettre fin aux méthodes classiques d'assistance. Tous les Indiens, sans exception, doivent avoir accès aux programmes et aux services dispensés par tous les niveaux du gouvernement, au même titre que tous les autres Canadiens.

Il entend donc négocier avec les provinces des accords aux termes desquels les populations indiennes pourront désormais bénéficier intégralement des programmes locaux et provinciaux. Il faudra à cet égard rechercher des dispositions financières équitables pour que ces services répondent en tous points aux besoins. Il y aura lieu de mettre un terme à la discrimination, tout en s'assurant que les intérêts des Indiens ne seront pas lésés. Le Gouvernement propose de transférer aux administrations provinciales compétentes les fonds qu'il affecte actuellement aux programmes destinés aux Indiens dans chaque province. Sous réserve de négociations ultérieures avec les provinces ces dispositions finiront, par la force même des choses, par devenir caduques en ce sens que la province assimilerait désormais Indiens et non-Indiens.

En même temps le Gouvernement entend confier ce qui lui restera d'attributions en matière indienne - attributions dont sont actuellement investies les Affaires indiennes - à d'autres ministères : Expansion économique régionale, Secrétariat d'État et Main-d'oeuvre et Immigration.

Il importe que cette transmission de pouvoirs ne compromette pas la qualité des services et ne mettent pas en danger les dispositions intérimaires qui font l'objet de consultations ou de négociations. Le Gouvernement entend accorder à cette question une attention toute particulière.

4. Amélioration des services

. . . que l'on vienne davantage en aide à ceux qui sont le plus dans le besoin.

On ne saurait nier que la situation actuelle de l'Indien n'est pas plus propre à le satisfaire qu'à satisfaire les autres. Il n'y a aucun doute non plus qu'il faut mettre à sa disposition des services exceptionnels si on veut réparer le mal qui a été fait.

Qui dit égalité devant la loi et égalité des programmes et des services ne dit pas nécessairement égalité de la situation économique et sociale. D'où la révision envisagée des programmes existants. Le ministère de l'Expansion économique régionale, celui de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration et les autres ministères fédéraux intéressés prendront les mesures qui s'imposent pour mettre au point des programmes aptes à supprimer la pauvreté dont a jusqu'ici souffert l'Indien.

Des crédits additionnels seront engagés à cette fin, provenant de sources diverses. Dans une atmosphère de liberté accrue, ceux qui sont aptes à le faire devront s'aider eux-mêmes pour que les fonds ainsi libérés soient employés pour aider ceux qui en ont le plus besoin. Le transfert du titre de propriété de leurs terres aux Indiens leur permettra de progresser par leurs propres moyens. Il devrait s'ensuivre une libération de crédits grâce auxquels pourront être améliorés les programmes conçus à l'intention de ceux qui ont le plus de retard par rapport aux autres. En mettant fin à certains programmes et en les remplaçant par d'autres - mis au point à l'intérieur même des collectivités indiennes-on pourra faire un usage plus rationnel des fonds prévus. On pourra réaliser aussi, sur le plan administratif, certaines économies grâce à la disparition de bureaux distincts au fur et à mesure que les différents niveaux de gouvernement commenceront à réaliser leurs propres programmes et à utiliser leurs propres ressources.

L'extension des sources de services devrait en principe faire profiter de cette amélioration tous ceux qui en ont besoin. En mettant en cause un plus grand nombre d'institutions, intervenant à divers niveaux, et en les dotant des moyens qu'il leur faut pour travailler plus utilement, il sera possible - c'est du moins l'avis du Gouvernement d'aller à la racine du mal, de trouver des solutions qui ont échappé jusqu'ici aux administrateurs des programmes actuels, si bien conçus et appliqués qu'ils aient été.

La base économique pour un grand nombre d'Indiens, c'est la réserve. Mais sa mise en valeur accuse un retard.

Parmi les nombreux éléments de la croissance économique des réserves, il faut tenir compte surtout de leur emplacement et de leur dimension. Il en existe un certain nombre situées à l'intérieur de régions de croissance industrielle (ou près d'elles) qui pourraient fournir à leurs occupants d'importantes sources de travail et de revenus. Il en est d'autres, dans des régions agricoles, qui pourraient faire vivre un plus grand nombre de familles que ce n'est actuellement le cas. La plupart des réserves, cependant, se trouvent dans les régions boréales ou boisées de notre pays ; elles sont le plus souvent isolées et n'offrent qu'un faible potentiel économique. C'est là que l'on retrouve - chez les Indiens comme d'ailleurs chez les non-Indiens - insuffisance des ressources, chômage et sous-emploi.

Même là où les réserves sont économiquement intéressantes, l'Indien a été gêné dans son développement. Le secteur privé s'est détourné de ces terrains qui ne pouvaient servir de garantie aux emprunts nécessaires au développement d'entreprises. Le secteur public n'a pas non plus fourni en quantité suffisante le capital social ou de risque qu'il leur aurait fallu. Rares sont les Indiens à qui il a été donné d'acquérir l'expérience des affaires. Rares aussi sont ceux à qui on a offert une aide technique suffisante.

De l'avis du Gouvernement il faut fournir aux populations indiennes les moyens de mettre en valeur les ressources de leurs réserves pour qu'elles puissent participer à leur propre promotion et, partant, au mieux - être de la nation. Pour mettre les régions indiennes au niveau des régions dans lesquelles elles se trouvent, il faudra d'importants apports de capitaux pendant de longues années aussi bien que la mise en place de services de consultants (services de gestion et technique). Le Gouvernement estime qu'il sera ainsi possible de mettre facilement à la disposition des Indiens tous les programmes ou les services consultatifs des gouvernements fédéral et provinciaux.

En outre - mais ce n'est ici qu'une mesure intérimaire - il entend engager d'ici cinq ans d'importants crédits au titre du progrès économique des populations indiennes. On pourra ainsi surmonter les obstacles qui s'opposent encore à une mise en valeur rapide des terres ou des ressources des Indiens, mettre les Indiens en contact plus étroit avec le monde des affaires et faciliter le financement de nouvelles occasions d'emploi et l'accès aux sources normales de crédit.

Même si elles étaient utilisées au maximum, les ressources des réserves indiennes ne sauraient faire vivre convenablement leur population actuelle, encore moins leur population future. Nombreux seront les Indiens qui - comme ils le font d'ailleurs en ce moment - iront chercher ailleurs du travail pour résoudre leurs difficultés économiques. Il doit y avoir des emplois disponibles. A cette fin le Gouvernement entend mettre à la disposition des Indiens la gamme tout entière des services d'orientation, de formation professionnelle ou de placement du ministère de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration.

Dans bien des cas les problèmes de l'Indien sont semblables à ceux qui se posent à leurs concitoyens non indiens. Il est impossible de résoudre ces problèmes en les abordant isolément ; il faut au contraire chercher leur solution dans le cadre des programmes de développement régional mettant en cause la collectivité tout entière. La conséquence de ce qu'on peut appeler ainsi « une approche régionale et intégrée » c'est que tous les niveaux de gouvernement - fédéral, provincial, local - et la population elle-même se trouvent de ce fait engagés. Le ministère de l'Expansion économique régionale est essentiellement chargé de corriger les inégalités qui sévissent actuellement, d'une région à l'autre, dans la situation économique des Canadiens. Le Gouvernement entend répondre dans ce cadre aux besoins des communautés indiennes.

5. Réclamations et traités

. . . que l'on reconnaisse les droits légitimes des Indiens.

Nombreux sont les Indiens qui croient avoir été injustement traités par les gouvernements qui se sont succédé au pouvoir. Ils ont été, disent-ils, injustement privés de leurs terres, ou tout au moins ils n'ont pas reçu à cet égard une indemnisation suffisante. Ils croient aussi que leurs fonds n'ont pas été convenablement administrés et qu'on a enfreint les droits qui leur avaient été reconnus aux termes des traités. Ce sentiment d'injustice affecte leurs rapports avec les divers niveaux de gouvernement et restreint leur participation à la vie canadienne.

Pour un grand nombre d'Indiens, ce sont les traités qui sont à l'origine de leur droit au sol, de leurs droits de chasse et de pêche et à d'autres avantages. Certains croient qu'il y a lieu de donner à ces traités une interprétation plus large des services et des droits qu'ils contiennent. Ils sont nombreux ceux qui croient que ces traités n'ont pas été respectés. Quoi qu'il en soit, qu'ils aient tort ou raison, dans tous les cas ou dans un certain nombre de cas seulement, il reste que ces traités ne touchent que la moitié des Indiens du Canada. La plupart des Indiens du Québec, de la Colombie-Britannique et du Yukon n'ont jamais conclu de traité.

Les termes et les effets des traités entre les Indiens et le Gouvernement sont le plus souvent mal compris. Il suffit d'en prendre connaissance pour constater qu'ils ne comportent guère qu'un minimum de promesses, promesses généralement très restreintes.

En vertu des traités, les Indiens ont reçu une première indemnisation sous forme d'espèces et la promesse qu'ils bénéficieraient désormais de terrains dont ils auraient en exclusivité la jouissance, les rentes, la protection de leurs droits de pêche, de chasse et de piégeage (dans la plupart des cas sujets à certains règlements), ainsi que les services d'une école et d'un instituteur (dans la plupart des cas) et dans un traité seulement, un cabinet de produits pharmaceutiques. Ajoutons quelques dispositions secondaires comme le don annuel d'une certaine quantité de ficelle ou de munitions.

Les annuités ont été payées régulièrement. La promesse essentielle, la création de réserves, a été tenue, sauf dans le cas des Indiens des mesures qui mettront fin aux injustices dont les Indiens ont souffert comme membres de la société canadienne. C'est la politique que le Gouvernement présente pour discussion.

Lors de la dernière réunion à Ottawa, les représentants des Indiens, choisis à chacune des réunions régionales précédentes, ont fait part de leur désir de poursuivre des recherches additionnelles afin d'établir leurs droits avec plus de précision ; ils ont élu un Comité national sur les droits et traités indiens et ont demandé l'aide financière du gouvernement.

Le Gouvernement avait l'intention de présenter un projet de loi créant une Commission de réclamations pour entendre et déterminer les droits indiens. Une étude des questions soulevées lors de ces consultations ainsi que la revue de la politique indienne ont fait naître de sérieux doutes sur l'avantage de créer une Commission de réclamations telle que proposée au Parlement en 1965 pour mettre à jour les droits légitimes des Indiens.

Le Gouvernement a décidé que des recherches additionnelles étaient nécessaires de la part des Indiens et du gouvernement. Le Gouvernement nommera un Commissaire qui, en consultation avec les représentants des Indiens, enquêtera sur les droits résultant de l'application des traités et des ententes conclues entre les Indiens et la Couronne.

Le Commissaire déterminera également les réclamations qui, selon lui, devraient être référées à la Cour ou à tout organisme quasi judiciaire qui pourrait être recommandé.

L'enquête du Commissaire se poursuivra conjointement avec celle du Comité national des Indiens, et le Commissaire sera autorisé à recommander les sommes nécessaires pour que le Comité puisse effectuer des recherches au nom des Indiens et, ainsi, aider le Commissaire dans son enquête.

6. Terres indiennes

. . . que la gestion des terres indiennes relève désormais des collectivités indiennes.

L'Indien sera propriétaire du sol de sa réserve.

L'existence de la réserve a assuré à l'Indien la jouissance de terres qui n'ont généralement pu être aliénées sans son consentement. Dispersées un peu partout à travers le Canada, les réserves occupent quelque six millions d'acres répartis sur environ 2,200 parcelles de dimensions variables. Sous le régime actuel, le titre des propriétés appartient à la Couronne représentée par le Canada ou par une province. La direction administrative et l'autorité législative sont, cependant, confiées en exclusivité au Parlement et au gouvernement fédéral. Il s'agit d'une fiducie. Tant que persistera cette situation le Gouvernement, fiduciaire en l'occurrence, devra contrôler toutes les transactions mettant en cause ces terrains.

Ces biens-fonds appartenant à la Couronne et la Loi sur les Indiens étant ce qu'elle est, il en est résulté que les populations indiennes se sont trouvées asservies à un régime d'occupation du sol dépourvu de souplesse et peu propice à en favoriser la mise en valeur. La bande indienne veut-elle arrondir ses recettes en louant ses terrains à bail ? Il faut pour cela qu'elle satisfasse aux exigences compliquées d'un système où l'État lui-même est mis en cause en sa qualité de fiduciaire. Elle est incapable de sa propre initiative d'hypothéquer ses terrains en vue du financement de cette mise en valeur. L'Indien n'est maître de son terrain que dans la mesure où le Gouvernement le lui permet, situation de fait dont il ne saurait plus longtemps se contenter. Ce qu'il veut maintenant c'est une possession réelle, point de vue auquel souscrit d'ailleurs le Gouvernement. Les Indiens eux-mêmes ont très clairement fait connaître leurs désirs au cours des consultations que nous avons eues avec eux. Le Gouvernement reconnaît qu'une égalité parfaite et digne de ce nom exige que l'Indien soit maître et possesseur de sa réserve.

Entre le régime actuel et la libre possession et jouissance se situent un certain nombre de régimes intermédiaires. Il faut commencer par supprimer l'intervention obligatoire du ministre pour tout ce qui concerne la disposition des terres des Indiens. Voilà la source des retards, des frustrations et des difficultés. L'Indien doit être maître de sa terre. Le gouvernement croit que chaque bande doit prendre sa propre décision sur la façon de contrôler sa terre de son propre bien-fonds et de l'administrer. Ce transfert s'effectuera sur une période de plusieurs années.

La possession pleine et entière suppose bien des choses, notamment la liberté de choix en matière d'usage, de conservation ou d'aliénation. Dans notre société, elle suppose aussi l'obligation de payer certains services. Le Gouvernement reconnaît que les intéressés ne consentiraient peut-être pas tout de suite à ce que tous ces terrains entrent d'emblée dans le régime provincial et soient de ce fait assujettis à l'impôt. Lorsque l'Indien comprendra que la seule façon dont il peut se rendre possesseur et maître absolu de son sol consiste pour lui à payer l'impôt au même titre que les autres Canadiens, peut-être pourra-t-il s'y résoudre. Mais c'est à lui que revient cette décision.

D'autres régimes d'occupation seront proposés aux Indiens à titre individuel ou collectif (c'est-à-dire aux bandes indiennes). Mais quel que soit le régime choisi par les Indiens, le système actuel qui exige que le Gouvernement exécute tous les baux, surveille et contrôle toutes les transactions ou cessions - en somme joue à cet égard le rôle d'un fiduciaire - doit disparaître. Il faut néanmoins que soit protégé le patrimoine indien. Il ne saurait être question d'aliénation sans le consentement des Indiens eux-mêmes. Aux bandes doit revenir la libre gestion de leur bien-fonds. Si tel est le désir des bandes ou des particuliers, ils doivent pouvoir sans restriction devenir propriétaire de leurs terrains.

Tant que la Couronne administrera les terrains à l'avantage des bandes qui les occupent et les utilisent, ce sera à elle de juger qui, en sa qualité de membre de la bande, a droit à sa part de l'actif de ce fonds. Les conditions d'adhésion à la bande qu'elle impose sont prescrites dans la loi-la Loi sur les Indiens - qui régit l'administration des réserves. Aux termes du texte actuelle Gouvernement lui-même applique et interprète ces prescriptions. Mais lorsque la bande aura possession pleine et entière elle pourra se substituer à cet égard à ce dernier.

Le Gouvernement est prêt à transférer les terrains qui constituent les réserves à toutes les bandes indiennes en cause, transfert qui comportera à la fois la direction complète du bien-fonds et le droit de déterminer la part de propriété de chacun, conformément avec la Loi sur les Terres indiennes. Il recherchera à cet égard l'accord des bandes et, éventuellement, des gouvernements provinciaux. A cette fin des pourparlers seront entrepris avec la population indienne et les provinces.

Application de la nouvelle politique

1. Les associations indiennes et la consultation

Pour que la nouvelle politique puisse être appliquée avec succès il faudra travailler continuellement à resserrer la collaboration avec la collectivité indienne. La chose a été très clairement indiquée par la Fraternité nationale des Indiens dans les propositions qu'elle a présentées à la réunion nationale convoquée pour examiner avec le Gouvernement la révision de la Loi sur les Indiens. Son mémoire définissait d'une façon succincte les besoins alors existants. Il constitue une base de discussion des modalités d'adaptation à la nouvelle politique.

À cette fin le Gouvernement entend inviter les membres du bureau de la Fraternité et des diverses associations provinciales à une réunion où sera discuté le rôle qu'ils pourront éventuellement être appelés à jouer dans l'application de la politique nouvelle et les moyens financiers nécessaires à cet égard. Le Gouvernement reconnaît l'importance pour eux de recourir aux services de consultants étrangers à la fonction publique, notamment en ce qui concerne les questions juridiques. Il reconnaît aussi que ces discussions imposeront un lourd fardeau aux dirigeants indiens tout au long de la période d'adaptation. Il y aura donc lieu de prendre des dispositions particulières de façon à leur donner tout le temps qu'il faudra pour se réunir et discuter de tous les aspects de la nouvelle politique et de son application.

Besoins et problèmes varient énormément d'une province à l'autre. L'adaptation revêtant, pour chaque cas, un aspect nouveau, il est vraisemblable que les négociations impliqueront surtout les associations provinciales, les fédérations régionales et les bandes elles-mêmes. Sans doute subsistera-t-il des questions d'intérêt commun pour lesquelles la Fraternité sera appelée à assurer la liaison entre les diverses associations provinciales d'une part et, d'autre part, les ministères fédéraux à qui seront dévolues les attributions qui restent.

Le Gouvernement veut que ce soit les associations qui participent pour la plus grande part aux consultations et aux négociations, mais il n'en reste pas moins que chaque bande sera consultée en ce qui concerne l'accès à la propriété de son bien-fonds. Les bandes seront priées de choisir l'association qu'elles chargeront de défendre leurs intérêts généraux.

2. Période de transition

Le Gouvernement souhaite que la meilleure partie de sa politique soit appliquée d'ici cinq ans. Il croit aussi qu'il sera possible de prendre d'ici là les dispositions financières et autres nécessaires à l'Indien que l'on veut faire bénéficier des services provinciaux. Il demandera que soient entreprises aussitôt les discussions avec les provinces et les représentants des Indiens

Au fur et à mesure que des accords seront conclus avec les provinces et que les attributions qui lui restent seront confiées à d'autres ministères, le rôle que joue actuellement le ministère auprès des Indiens sera progressivement réduit.

Un Commissaire sera nommé sous peu et prié d'entreprendre son travail dans les plus brefs délais.

Des mesures immédiates seront prises, en consultation avec les représentants des Indiens pour qu'ils deviennent propriétaires de leur sol. Cela prendra sans doute un certain temps, si on songe qu'il faut consulter à cet égard plus de cinq cents bandes.

Ce n'est pas dans une politique, quelle qu'elle soit, qu'on peut trouver la solution définitive à tous les problèmes. Celle-ci ne saurait réussir que dans la mesure où ceux qu'elle entend servir l'accepteront. Ce qui marque essentiellement la nouvelle politique du Gouvernement envers les Indiens c'est la reconnaissance par lui de cette vérité. Il reconnaît en effet que c'est avant tout à l'Indien qu'il appartient de résoudre ses propres problèmes. Pour la première fois sera mis en place un cadre qui ne laisse aucune place à la discrimination et à l'intérieur duquel, dans la liberté, l'Indien pourra, avec les autres Canadiens, réaliser son propre destin.

(Publié avec l'autorisation de l'hon. Jean Chrétien, C.P., député ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien Ottawa, 1969. L'Imprimeur de la Reine N° de cat. R32-2469)

Haut de page


Le règne de terreur de Sir John A. MacDonald

À la veille des célébrations du 150e anniversaire de la Confédération canadienne, le 21 juin 2017, le premier ministre Justin Trudeau a fait un grand geste pour montrer son engagement à remédier aux torts historiques commis contre les peuples autochtones du Canada. Il a changé le nom du bâtiment dans lequel se trouve son bureau du gouvernement sur la rue Wellington à Ottawa, en face du Parlement du Canada afin qu'il ne soit plus appelé l'édifice Langevin. Les Canadiens se sont fait dire que Hector-Louis Langevin était un « moindre père de la Confédération » et l'architecte du système génocidaire des pensionnats autochtones.

Il est grand temps que tous les noms de ces héros du colonialisme britannique et de la classe dominante qui ont commis des crimes contre les peuples soient supprimés et remplacés par les noms de véritables héros du peuple, décidés par le peuple. En même temps, le geste de Trudeau est suspect, vide de sens en effet, car il refuse que d'autres noms soient retirés de tous les bâtiments publics et des rues, à commencer par ceux de John A. Macdonald, qui n'était certainement pas un « moindre père de la Confédération » bien au contraire, et de George-Étienne Cartier, l'un des deux plus éminents pères de la Confédération. Plus important encore, Macdonald était lui-même l'architecte le plus fervent du génocide.

En mai 1883, John A. MacDonald a exposé l'objectif des pensionnats à la Chambre des communes. Il a déclaré :

« Lorsque l'école est sur la réserve, l'enfant vit avec ses parents, qui sont sauvages ; il est entouré de sauvages, et bien qu'il puisse apprendre à lire et à écrire, ses habitudes, son éducation domestique, et ses façons de penser, restent celles des sauvages. En un mot, c'est un sauvage capable de lire et d'écrire. On a fortement insisté auprès de moi, comme chef du département de l'Intérieur, pour soustraire autant que possible les enfants sauvages à l'influence de leurs parents. Or, le seul moyen d'y réussir serait de placer ces enfants dans des écoles industrielles centrales, où ils adopteraient les habitudes et les façons de penser des blancs. »[1]

Le 3 janvier 1887, John A. MacDonald a déclaré que l'un des objectifs de la Confédération était de faire disparaître les peuples autochtones :

« Le grand objectif de notre législation a été de faire disparaître le système tribal et d'assimiler les Indiens à tous les égards avec les autres habitants du Dominion, aussi rapidement qu'ils sont aptes au changement. »[2]

John A. MacDonald est aussi la personne qui a organisé le massacre du peuple métis dans les territoires qui sont devenus plus tard le Manitoba et la Saskatchewan et fait pendre leur chef, Louis Riel, pour trahison. En 1870, il a envoyé l'expédition militaire de 1 200 hommes, sous le commandement du colonel de l'armée britannique Garnet Wolseley, écraser le soulèvement des Métis au Manitoba dirigé par Louis Riel. Les journaux de rivière Rouge, de Montréal, de Toronto, de New York et de St. Paul ont qualifié le comportement violent de la force expéditionnaire envoyée par Macdonald, qui devint plus tard la Gendarmerie royale du Canada (GRC), de « règne de la terreur »[3]. C'était la réaction du projet colonial qui visait à reproduire l'État britannique en Amérique du Nord et à bloquer les aspirations légitimes des nations et des peuples qui composaient le Canada.

L'esprit qui a motivé Riel et les membres du gouvernement provisoire à l'époque est contenu dans la « Déclaration du peuple de la Terre de Rupert et du Nord-Ouest » qui affirme la souveraineté des Métis sur leurs terres. Entre autres, dans cette déclaration, ils refusent de reconnaître l'autorité du Canada, « [...] qui prétend avoir droit de venir nous imposer une forme de gouvernement encore plus contraire à nos droits et à nos intérêts [...] ».

Parallèlement, la Compagnie de la Baie d'Hudson a accepté de vendre la Terre de Rupert au Canada à la Grande-Bretagne pour 300 000 £ [1 500 000 $] en espèces en 1869, tout en conservant 1/20 des terres fertiles du territoire pour les vendre aux colons et tous ses postes de traite. La Grande-Bretagne a ensuite permis au Dominion du Canada d'annexer la Terre de Rupert et le Territoire du Nord-Ouest, ce qui a placé la Compagnie de la Baie d'Hudson sous la juridiction du nouvel État qui les a officiellement déclarés comme faisant partie du Dominion du Canada. Le nouvel État colonial a remplacé la Compagnie de la Baie d'Hudson, le propriétaire absentéiste, avec l'annexion directe de l'Ouest. La Terre de Rupert faisait cinq fois la taille des quatre colonies qui constituaient la nouvelle confédération.

Dans les années 1870 et 1880, la politique fédérale servait les intérêts du grand capital et la compagnie de chemin de fer du Canadien Pacifique – dirigée par Lord Strathcona (Donald Alexander Smith) de la Compagnie de la Baie d'Hudson et des banques britanniques comme la Barings Bank – pour qui la Confédération de 1867 était un projet national de création de nouveaux marchés grâce à l'expansion de l'État par la conquête armée des territoires autochtones traditionnels.

La Charte de la compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique a été signée le 5 février 1873 par le gouverneur général. Ses dispositions engageaient la compagnie à construire le chemin de fer dans un délai de dix ans à compter du 20 juillet 1871, en contrepartie duquel il devait recevoir une concession foncière de 50 millions d'acres et une subvention de 30 millions $ payable en versements échelonnés. Le capital de la compagnie était de 10 millions $. Son fondateur était sir Hugh Allan qui a été qualifié de « l'un des capitalistes les plus remarquables de son temps et fondateur de l'une des plus grandes fortunes canadiennes et à l'heure actuelle parmi les plus puissantes. » Afin d'atteindre cet objectif, Sir George-Étienne Cartier – encore un autre père de la Confédération – a écrit la lettre « privée et confidentielle » suivante à Allan le 30 juillet 1872 :

« Les amis du gouvernement s'attendent à être assistés avec des fonds dans les élections en cours, et tout montant que vous ou votre entreprise avancera à cet effet vous sera remis. Un mémorandum d'exigences immédiates est ci-dessous. » Ce mémorandum se lit comme suit :

« DÉSIRÉ MAINTENANT :

"Sir John A. Macdonald .............. 25 000 $

Hon. Mr. Langevin ..................... 15 000 $

Sir. G.E.C. ........................... 20 000 $

Sir J.A. (add.) ....................... 10 000 $

Hon. Mr. Langevin .................... 100,000 $

Sir G.E.C. ............................ 30 000 $. »

Le 7 août 1872, Allan répondait : « J'ai déjà payé environ 250 000 $, et devrais payer au moins 50 000 $ avant la fin du mois. Je ne sais même pas quand cela finira, mais je l'espère. » Le « grand régime de corruption », conçu par sir Hugh Allan, avait maintenant atteint le point où il était considéré que la machine du gouvernement était « correctement fixée ».[4]

Une grande partie du capital bancaire a été fournie par la Barings Bank, agent financier du Canada à Londres, fondée en 1810, mais dont les origines remontent à 1720, avec des investissements reçus pour financer la traite des êtres humains, la traite transatlantique des esclaves dont elle a tiré des profits énormes. Elle possédait de nombreuses plantations à Saint-Kitts et en Guyane britannique, pour lesquelles elle avait reçu quelque 10 millions de livres de l'État britannique en 1839 à titre de « compensation » pour l'abolition de l'esclavage. La Barings Bank a financé un quart de la construction des chemins de fer américains[5]. Aujourd'hui, la Compagnie de la Baie d'Hudson (« La Baie ») est la propriété des investisseurs américains de capital-risque. Aujourd'hui, la politique fédérale sur les peuples autochtones sert principalement les monopoles de ressources américains et la création de la Forteresse Amérique du Nord pour défendre la « sécurité intérieure » américaine et l'hégémonie sur le monde entier.

Notes

1. House of Commons [Commons Debates]. (1883, May 9). Cit : Official report of the debates of the House of Commons of the Dominion of Canada (Vol. xiv). Ottawa : Maclean, Roger & Co.

2. Sir John A. Macdonald, 1887, cité par J.R. Miller, in Skyscrapers Hide the Heavens, 1989, p. 189.

3. The Reign of Terror Against the Métis of Red River

4. Gustavus Myers, History of Canadian Wealth, 1913. (Sir G.E.C. réfère à George-Étienne Cartier).

5. Centre for the Study of the Legacies of British Slave-ownership, UCL Department of History, London.

Haut de page


Lisez Le Marxiste-Léniniste
Site web:  www.pccml.ca   Courriel: redaction@cpcml.ca