Numéro 39 - 3 octobre 2017
Droits autochtones
La reconnaissance des droits
ancestraux des peuples autochtones
doit avoir préséance
- Pauline Easton -
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octobre: Vigiles des soeurs par l'esprit
Justice pour les femmes et filles
autochtones disparues et assassinées!
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Droits
autochtones
• La reconnaissance des droits ancestraux des
peuples autochtones doit
avoir préséance - Pauline Easton
• Il faut se méfier des changements du
gouvernement Trudeau à la Loi
sur les Indiens
- Mira Katz
• Préoccupations au sujet des violations
des droits collectifs amenées à l'ONU
• Un comité des Nations unies souligne
la situation inacceptable des peuples autochtones au Canada
• Journée Robe rouge à Prince
George
• Marche Tears4Justice dans le nord de la
Colombie-Britannique
• Les nations autochtones demandent la fin des
fermes piscicoles
à cages en filet
• Opposition à l'expansion
illégale du gazoduc sur le territoire traditionnel de
Kanien'kehá:ka
• Une provocation: début d'un
développement des terrains sur le site de la crise d'Oka de 1990
À titre
d'information
• Le livre blanc de 1969 - Indigenous
Foundations
• La politique indienne du gouvernement du
Canada (livre blanc), 1969
• Le règne de terreur de Sir John A.
MacDonald
Droits autochtones
La reconnaissance des droits ancestraux des peuples
autochtones doit avoir préséance
- Pauline Easton -
Les robes rouges suspendues dans le parc mémorial Lheidli
T'enneh à Prince George le 17 septembre symbolisent les femmes
et filles autochtones qui ont été assassinées ou
qui
sont disparues sur la Route des larmes et toutes les femmes et filles
autochtones
disparues et assassinées. (LML)
Le sort réservé aux peuples autochtones
de ce pays est un sujet de grande préoccupation pour tous. Cela
comprend le gouvernement Trudeau. Malheureusement, la
préoccupation de ce dernier n'est pas de redresser les
torts historiques comme
l'exige notre époque mais de réaliser ce que les
gouvernements précédents n'ont pu réaliser, soit
éliminer
une fois pour toutes les droits autochtones pour pouvoir piller leurs
terres
et leurs ressources. Le premier ministre Justin Trudeau se
préoccupe davantage de redorer l'image
ternie du Canada à l'échelle mondiale en ce qui a trait
aux droits humains, le Canada ayant acquis une réputation de
violateur des droits humains à cause de sa négligence
criminelle historique face aux conditions de vie des peuples
autochtones et
des crimes commis contre eux.
C'est surtout l'image du Canada qui préoccupait
le
premier ministre lorsqu'il s'est adressé à
l'Assemblée générale de l'ONU le 21
septembre. Posant en homme d'État chevronné bien qu'il ne
soit en
fonction que depuis deux ans, Justin Trudeau a dit : « Dans les
conversations que j'ai eues au cours des années lorsque j'ai
suggéré que certains pays doivent mieux faire sur la
question des droits de l'homme et leurs propres défis internes,
la réponse a été : 'Eh
bien, parlez-moi du triste sort réservé aux peuples
autochtones (au Canada)'. »
Quelques jours auparavant, le Comité des Nations
unies pour l'élimination de la discrimination raciale
(CÉDR) a
publié un autre rapport qui critique sévèrement le
Canada parce
qu'il ne s'attaque pas à la situation grave à laquelle
sont confrontés ses peuples autochtones. Trudeau a
profité de
son passage à l'ONU pour
blâmer les
gouvernements précédents et laisser entendre qu'on peut
compter sur son gouvernement pour changer cette situation.
Les gouvernements précédents ont «
rejeté la protection du territoire et des eaux
préconisée par les autochtones : le principe de
penser toujours aux sept prochaines
générations » et en faisant cela « nous
avons, dans le passé, rejeté l'idée même que
des générations entières d'autochtones puissent se
définir et vivre dans la dignité et
la fierté qui leur sont dues, a-t-il dit. L'incapacité
des
gouvernements canadiens successifs à
respecter les droits des autochtones au Canada nous fait grandement
honte. »
« Nous le savons que le monde entier s'attend
à ce que le Canada adhère scrupuleusement aux normes
internationales en matière de droits de la personne -- y compris
à la Déclaration des Nations unies sur les droits des
peuples autochtones -- et c'est aussi ce que nous exigeons de
nous-mêmes », a-t-il ajouté.
Diversion et duperie
Tout cela est de la poudre aux yeux. Non seulement le
bilan de son gouvernement est-il similaire à celui de ses
prédécesseurs, mais il comprend une dose
beaucoup plus grande de diversion et de duperie avec la
prétention qu'il va rétablir des relations de nation
à nation. Un gouvernement ne peut pas descendre plus bas
que cela à
continuer de priver le peuple de son droit légitime
à sa terre et à ses ressources et à empêcher
que
les
torts historiques soient réparés et que justice soit
faite.
« Nous travaillons de près avec les peuples
autochtones au Canada pour mieux répondre à leurs
priorités, mieux comprendre ce que l'autodétermination
signifie pour eux et soutenir leurs efforts pour rebâtir leurs
nations », a déclaré Trudeau devant
l'Assemblée générale des Nations unies.
Depuis la Confédération il y a 150
ans et même avant, les gouvernements du Canada ont tenté
d'éteindre les droits ancestraux des peuples autochtones et leur
droit d'être. Cela équivaut à les éteindre
comme peuples. La duperie de Trudeau et de ses ministres ne changera
pas le fond du problème. Le premier ministre a maintenant
créé un deuxième
ministère des
Affaires indiennes. Il a
dans son conseil des ministres une procureure générale
qui se
revendique d'ascendance autochtone et qui parle de «
nous » quand elle se réfère à
l'objectif de son
gouvernement de déposséder une fois encore les nations
autochtones. Et maintenant le premier ministre parle d'abolir la
détestée
la Loi sur les Indiens
sans tout d'abord reconnaître les droits ancestraux dans la loi.
Le rôle de l'État dans le camouflage des
raisons pour lesquelles tant de femmes et de filles autochtones ont
disparu demeure le sujet tabou que le gouvernement fait tout pour
éviter.
Les conseils de bande qui refusent de coopérer sont
criminalisés, tandis que les gouvernements et les médias
monopolisés nous disent que les Indiens ont le droit de parler
et de protester mais dans le cadre de « limites
raisonnables ». C'est le cas par exemple des Six Nations de
Caledonia où les barricades contre le conseil de bande vendu ont
été démantelées de force et où les
réclamations territoriales ne sont toujours pas satisfaites
malgré les
engagements et les constatations juridiques favorables.
Tant que le droit d'être des peuples autochtones
n'est pas reconnu dans la Constitution ou dans quelque autre loi ou
consultation, peu importe l'accord que le gouvernement déclare
avoir conclu, il n'a pas force de loi. Les droits des peuples
autochtones leur appartiennent de
droit. Les droits ne se donnent pas,
ne s'enlève pas et ne s'abandonnent pas. Peu importe l'entente
que les gouvernements parviennent à
faire signer à un interlocuteur qui prétend
représenter les peuples autochtones, les droits autochtones ne
peuvent être abdiqués. Ils doivent être
respectés et affirmés sinon ils n'ont aucun statut.
En tant que peuples autochtones, c'est-à-dire
en tant qu'habitants originels, les peuples autochtones ont un droit
ancestral à la souveraineté. Ils ont une
réclamation légitime à la terre de leurs
ancêtres et le droit de décider de ce qu'ils veulent en
faire. Ce droit n'est pas perdu même s'ils ont été
assujettis durant l'époque coloniale et
que beaucoup d'entre eux ont été soumis à des
traités qui tiennent le monarque britannique comme souverain.
Ce droit ne peut être perdu
tout juste parce qu'ils n'ont pas eu leur mot à dire à
l'époque de la
Confédération et depuis. Cette histoire ne fait que
mettre en évidence qu'à l'heure actuelle la Constitution
du
Canada n'enchâsse pas le droit souverain des peuples
autochtones
de décider de leurs affaires ni leurs autres droits ancestraux.
En tant que peuples souverains, les peuples autochtones
ont le droit de déterminer non seulement leurs affaires, mais
toutes les affaires du Canada dans son ensemble dans la mesure
où cela les affecte. Ils ont droit d'avoir voix au chapitre sur
toutes les questions économiques, les affaires
culturelles et les questions liées à la guerre et la
paix. Qu'ils
se reconnaissent citoyens du Canada ou non n'y change rien. Le peuple
canadien tel
qu'il est constitué aujourd'hui vit sur un territoire
appelé Canada et est donc tenu de respecter les droits des
peuples autochtones aux terres qui leur reviennent de droit. En
outre, tous les territoires dont ils ont besoin pour vivre doivent
être clairement délimités de manière
à consacrer leurs droits dans la loi, et non en utilisant
une certaine conception de la primauté du droit pour
éteindre ces droits, voire pour commettre le
génocide contre eux.
Si le gouvernement canadien
reconnaissait en pratique les droits ancestraux des peuples
autochtones, il n'y aurait pas tant de litiges et de causes devant les
tribunaux ou tant de jeunes autochtones dans les prisons ; il n'y
aurait
pas tant de femmes et filles disparues et assassinées ou tant de
suicides sur les réserves et dans les centres urbains. Les
agences
gouvernementales ne seraient pas autorisées à les priver
de ce qui leur revient de droit, ce qui inclut l'affirmation de leurs
droits en tant qu'êtres humains en matière de soins de
santé, d'éducation et de logement.
La reconnaissance des droits ancestraux des peuples
autochtones doit avoir préséance. Ce n'est pas une
question de paroles mais d'actes. Voilà le fait fondamental
auquel le premier ministre ne peut échapper quoi qu'il dise ou
fasse.
Il faut se méfier des changements du
gouvernement Trudeau à la Loi
sur les Indiens
- Mira Katz -
Le gouvernement Trudeau parle beaucoup de se
débarrasser de la Loi sur les Indiens et
d'établir des relations de nation à nation avec les
peuples autochtones du Canada. Le 28 août 2017, le
cabinet du premier ministre a publié un communiqué dans
lequel il indique que « Affaires autochtones et du Nord Canada
(AANC), qui sert d'intermédiaire dans la relation entre le
gouvernement et les peuples autochtones, est chargé d'assurer
l'application de la Loi sur les Indiens, laquelle est une loi
coloniale et paternaliste. De plus, AANC n'a pas été
pensé ni conçu pour favoriser et établir des
partenariats avec les Inuits et les Métis en fonction de
l'histoire,
du contexte et des aspirations qui leurs sont propres. En termes
simples, l'objectif que s'est fixé notre gouvernement ne peut
être atteint dans le cadre des structures coloniales actuelles.
« Il y a plus de vingt ans, la Commission royale
sur les peuples autochtones a reconnu qu'une nouvelle relation avec les
peuples autochtones exigerait de nouvelles structures. Ainsi, elle a
recommandé une importante amélioration de la prestation
de services ainsi qu'une accélération du passage vers
l'autonomie gouvernementale et
l'autodétermination des peuples autochtones. L'un des
mécanismes permettant de favoriser l'atteinte de ces objectifs
consistait à dissoudre AANC et à créer deux
nouveaux ministères pour faciliter ce travail.
« Nous sommes d'accord avec la Commission royale
sur le fait que la reconnaissance des droits doit être
considérée comme un impératif, et c'est pourquoi
nous annonçons aujourd'hui la dissolution d'AANC.
« Pour le remplacer, nous créerons deux
nouveaux ministères : le ministère des Relations
Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord, et le ministère
des Services aux Autochtones. Ces changements s'inspirent des
recommandations de la Commission royale et seront finalisés en
coopération avec les peuples autochtones. »
Cependant, le discours du gouvernement Trudeau ne vaut
pas grand-chose, pas plus que celui des gouvernements
précédents, parce qu'il n'a absolument aucune intention
d'abandonner le pouvoir décisionnel unilatéral inscrit
dans la prérogative royale exercée par la personne de
l'État.
Ce n'est pas la première fois qu'un gouvernement
tente d'amener les peuples autochtones à renoncer à leurs
droits.
Le livre blanc sur la politique indienne de 1969
Le 25 juin 1969, Jean Chrétien, qui
était à l'époque « ministre des Affaires
indiennes » du gouvernement de Pierre Elliott Trudeau, a
présenté « La politique indienne du gouvernement du
Canada », le livre blanc sur la politique indienne du
gouvernement du Canada. Ce livre blanc, rejeté par les peuples
autochtones à
l'époque, était un plan clair pour
déposséder entièrement les peuples autochtones
sous prétexte de « liberté » et
d'« égalité ».
Le gouvernement entendait :
(1) faire des « affaires indiennes »
une responsabilité provinciale plutôt que
fédérale ;
(2) abroger la Loi sur les Indiens ;
(3) autoriser que les « terres indiennes » puissent
être vendues et hypothéquées ; et
(4) nommer un commissaire pour statuer sur les «
réclamations
territoriales des Indiens », mais
refuser de reconnaître toute réclamation «
aborigène ».
Depuis l'arrivée des colonisateurs au Canada, les
dominants essaient d'éliminer les peuples autochtones. Quand ils
n'ont pas réussi à les éliminer par la force des
armes, ils ont tenté de les éliminer par d'autres moyens.
Depuis la signature des traités et la Loi sur les Indiens,
les
gouvernements
ont
persisté
dans
cette
démarche.
Dès
le
départ,
le
moyen
utilisé a été d'imposer
des formes liées à l'État-nation européen,
notamment les soi-disant conseils élus et des formes de
prétendue autonomie gouvernementale. De cette façon, ils
ont introduit leurs marionnettes sur la réserve et les ont fait
« élire ». Ces chefs «
élus » sont dans une position de subordination envers
le
gouvernement du Canada et n'ont rien à voir avec les traditions
ancestrales. Encore aujourd'hui, les gens ne les reconnaissent pas
comme leurs dirigeants et les gouvernements font toutes sortes de
contorsions pour faire croire qu'un processus décisionnel
légitime est suivi alors que leur objectif réel est le
vol des terres autochtones et l'extinction des
droits des autochtones, en particulier leur droit d'être.
Au début, il a fallu que la GRC les «
élise » par la tromperie, avec la force des armes, et
cela exige la protection armée de l'État capitaliste pour
les maintenir dans cette position. Les chefs élus fantoches
continuent d'agir comme instrument de l'expropriation des peuples
autochtones et chaque fois que l'un d'eux est en désaccord, il
est
remplacé par un autre qui sera d'accord. Des bandes
entières sont éliminées par les agents
fédéraux des Indiens lorsqu'ils ne parviennent pas
à les soumettre à la volonté du gouvernement. De
nos jours, sous la fraude de la «
démocratisation », de l'«
égalité » et de la «
liberté », le gouvernement fédéral
poursuit ses manoeuvres
pour réprimer l'affirmation de la souveraineté et des
droits héréditaires.
Un des moyens que le gouvernement fédéral
utilise pour priver les autochtones de leurs droits est de faire des
affaires indiennes une question
provinciale. Prétendre que ces questions méritent une
attention locale seulement et que le fédéral n'a pas
d'obligation, c'est nier le fait que les peuples autochtones ont
signé des traités avec la
Grande-Bretagne et les États-Unis, et non avec certains
gouvernements provinciaux ou municipaux. Le fait de signer ces
traités et accords, dont beaucoup étaient des
traités d'amitié et n'ont pas cédé de
terres, est la reconnaissance que les nations autochtones
étaient des nations qui possèdent le droit à
l'autodétermination sur les terres qu'elles
habitent.
L'exécutif national du Parti communiste du Canada
(marxiste-Léniniste) a dénoncé le livre blanc du
gouvernement Trudeau en 1973. Il écrivait: « La fraude que
le gouvernement accorde la 'liberté' aux
autochtones en leur permettant de vendre leur terre est un mensonge
absolu ! Tout le monde sait que les réserves ont une grande
valeur foncière à cause de leur proximité d'une
grande ville ou parce que leur sous-sol renferme une richesse
énorme de ressources naturelles. En 'libérant' la terre
du contrôle communal ou tribal, alors qu'elle doit demeurer
à perpétuité en possession de la bande, le
gouvernement
capitaliste monopoliste ouvre la voie aux spéculateurs fonciers
et à d'autres individus douteux. Les autochtones sont
obligés de renoncer à la terre en paiements de la dette
sur les hypothèques et les spéculateurs utilisent la
tromperie et le chantage capitalistes habituels pour forcer les
autochtones à vendre leurs terres. C'est
précisément cette lutte qui
est au coeur de nombreux conflits qui font rage actuellement parmi les
différentes bandes.
« À cause de l'opposition totale des
autochtones à ce livre blanc, le gouvernement a
été contraint de laisser tomber ces propositions
spécifiques. Cependant, il a poursuivi ses plans. En
transformant les réserves en municipalités, les terres
indiennes sont devenues disponibles pour l'exploitation capitaliste et
le contrôle capitaliste. C'est
précisément ce que veulent les capitalistes monopolistes
canadiens et les grands propriétaires étrangers au Canada.
« La lutte des autochtones pour leurs droits
ancestraux est une lutte entièrement juste. Elle jouit du
soutien de l'ensemble de la classe ouvrière et du peuple du
Canada. Le Parti communiste du Canada (marxiste-léniniste) salue
les peuples autochtones partout au Canada et affirme son soutien total
à leur lutte pour leurs droits
ancestraux. »
La « Clause Canada » de l'Accord de
Charlottetown de 1992
Le texte proposé de la « Clause
Canada » dans le Rapport du consensus sur la Constitution
(Accord de Charlottetown), qui a
été soumis à un référendum et
défait en 1992, contenait les éléments
suivants :
« Clause Canada (b),
« le fait que les peuples autochtones du Canada,
qui ont été les premiers gouvernants du territoire, ont
le droit de promouvoir leurs langues, leurs cultures et leurs
traditions et de veiller à l'intégrité de leurs
sociétés, et le fait que leurs gouvernements forment 'un
des trois ordres de gouvernement du pays. »[1]
Le PCC(M-L) a fait remarquer à
l'époque que la référence à « leurs
gouvernements » est une référence aux conseils
de bande élus selon le système qui leur est imposé
par le gouvernement colonial. Ces « conseils
élus » ont été imposés pour
remplacer l'« agent des Indiens » de la période
coloniale dans la gestion des « affaires indiennes ».
C'était pour donner au
contrôle colonial une apparence de démocratie. Il n'y a
rien d'« autochtone » au sujet de ces gouvernements
basés comme ils le sont sur l'État-nation européen
qui s'est fixé l'objectif d'occuper ce qu'il a appelé
« terra nullius »
(«
terre
n'appartenant à personne ») et
d'intégrer tous les
premiers peuples au mode de vie européen fondé sur la
propriété privée de la terre et des
moyens de production, un mode de vie et une culture totalement
contraires
au droit d'être des peuples autochtones. En outre, ce qui est
écrit dans cette clause indique clairement que la
souveraineté des peuples autochtones, sans parler de leur
souveraineté en tant que partie du peuple du Canada, ne sera pas
enchâssée dans la Constitution ou ne guidera
pas le processus législatif. de quelque façon que ce
soit. Quant à la restauration des droits ancestraux des peuples
autochtones, c'est son contraire que l'on voit dans toutes les
tentatives de frauder les peuples autochtones.
Selon le Rapport du consensus de Charlottetown, les
peuples autochtones devaient obtenir l' « autonomie
gouvernementale » en tant qu'« un des trois ordres de
gouvernement du pays », ce qui signifie qu'il ne s'agissait
pas de gouvernements souverains.[2]
Ce n'est pas parce que le mot «
autonomie » est ajouté devant le mot «
gouvernement » que ce gouvernement devient un gouvernement
souverain. Les peuples autochtones « ont le droit de promouvoir
leurs langues, leurs cultures et leurs traditions et de veiller
à l'intégrité de leurs
sociétés », mais ils n'ont pas le droit
à une culture qui leur permet d'établir la loi
du pays en tant que peuple souverain.
Dans son intervention à l'Assemblée
générale de l'ONU le 21 septembre, le premier ministre
Trudeau a cherché à nier les droits souverains des
peuples
autochtones quand il a dit que le gouvernement autonome est « une
expression de l'autodétermination ». Cette négation
des droits s'inscrit dans la suite des agissements des gouvernements
précédents et est la raison pour laquelle la «
nouvelle relation avec les autochtones » dont parle Trudeau est
un écran de fumée pour cacher le fait que son
gouvernement a le même objectif que les gouvernements
précédents: la dépossession des peuples
autochtones.
La Clause Canada (b) ne disait rien de concret au sujet
de droits inhérents des autochtones. Des choses comme «
ont le droit de promouvoir leurs langues, leurs cultures et leurs
traditions et de veiller à l'intégrité de leurs
sociétés, et le fait que leurs gouvernements constituent
l'un des trois ordres de gouvernement au pays », ne fait que
prouver que l'Accord de
Charlottetown ne leur reconnaissait aucun droit.
Aucun peuple ne peut être souverain si quelqu'un
d'autre pense pour eux. Une souveraineté qui repose sur la loi
établie par d'autres n'est pas une souveraineté. C'est
une souveraineté éteinte. De la situation qui a
été créée par l' Acte de
l'Amérique du Nord britannique en 1867, dans
laquelle les peuples autochtones
étaient totalement exclus et dans laquelle leurs droits
étaient de plus en plus bafoués, nous arrivons à
une situation où une fois de plus il y a beaucoup de discours au
sujet de redresser les torts historiques pour détourner
l'attention des nouveaux actes de génocide.
Loin de redresser les torts historiques commis contre
les peuples autochtones, les mesures que prend le gouvernement Trudeau
causeront encore plus d'injustice. Ce serait une injustice d'abord et
avant tout contre les peuples autochtones eux-mêmes, puis pour
tous les Canadiens pour qui redresser les torts commis par la
société contre les
peuples autochtones dans leur ensemble, et contre les femmes
autochtones, la jeunesse et les enfants en particulier, est primordial
dans leurs coeurs et leurs esprits et est une question de principe. La
santé de l'ensemble ne peut exister que si les parties sont
saines elles aussi.
Le gouvernement de Justin Trudeau commet une grave
erreur en sous-estimant l'importance de cette question. Tout est fait
pour donner l'impression que l'abrogation de la Loi sur les Indiens,
ou
une
enquête
sur
les
femmes
disparues ou assassinées,
ou la signature de traités avec des conseils tribaux suspects,
qui sont disposés à
renoncer aux droits ancestraux, sont des pas en direction des droits
des autochtones. Maintes et maintes fois, l'expérience a
prouvé que tant que l'esprit est imprégné de
convoitise, un désir fort pour les possessions d'autrui, c'est
un pas en arrière qui continue de causer des torts
irréparables au bien-être des peuples autochtones, tant
individuellement
que collectivement, et au Canada dans son ensemble. La reconnaissance
des droits ancestraux des peuples autochtones doit être
primordiale.
Notes
1. Rapport du consensus sur la
Constitution, Charlottetown, 28 août, 1992.
2. Voir : Hardial Bains, La
substance du Rapport du consensus sur la Constitution, 1992.
Préoccupations au sujet des violations des
droits collectifs amenées à l'ONU
Des représentants de plusieurs organisations
canadiennes ont assisté à la 93e session du Comité
sur
l'Élimination de la discrimination raciale (CÉDR)
à
Genève, en Suisse, lors de l'examen périodique du bilan
du Canada sur la question du racisme et de la discrimination raciale.
Le dernier examen remonte à 2012. Dix-neuf des trente-trois
soumissions qui ont été déposées par des
groupes dits de la « société civile »
l'ont été par des nations et des organisations
autochtones. Les soumissions sont prises en considération par le
Comité lorsque celui-ci émet ses observations et ses
recommandations finales.
Mères et grand-mères de la
Première Nation
malécite
[...] Bien que la Cour suprême du Canada
ait déterminé que les gouvernements canadien et
provinciaux ont le devoir de consulter, négocier et accommoder
en ce qui a trait aux droits autochtones, les gouvernements se servent
de ces processus de consultation et de négociation pour forcer,
terroriser, terminer, éteindre et discriminer les
peuples autochtones et nos droits.
Les gouvernements d'aujourd'hui ignorent, minent et
manquent de respect envers la Déclaration des Nations unies sur
les droits des peuples autochtones (DNUDPA) et violent la Convention
internationale sur l'Élimination de toutes les formes de
discrimination raciale. [...]
Le Canada ment constamment aux divers comités,
branches, commissions et organes d'experts des Nations unies. En tant
que pays membre, la conduite sans scrupule du Canada envers non
seulement les nations autochtones mais aussi envers les Nations unies
ne peut et ne doit être tolérée ni ignorée,
et les conséquences doivent être les mêmes
pour le Canada que pour tout autre pays membre. [...]
Association des femmes autochtones du Canada
[...] Parce qu'il refuse de traiter de la discrimination
de genre et sexiste dans son approche de la discrimination
raciale, le gouvernement du Canada continue de faire de la
discrimination systémique contre les femmes et les filles
autochtones. La réconciliation et la fin de la violence
sont inatteignables si les femmes et les filles autochtones ne
dirigent pas en tant que participantes égales et à part
entière les processus de prises de décisions qui
affectent leur vie.
Le Canada ne peut procéder à une
véritable mise en oeuvre de la Déclaration des Nations
unies sur les droits des peuples autochtones sur une base de nation
à nation sans les femmes autochtones. La marginalisation
actuelle des femmes autochtones qui résulte des impacts
continuels de la discrimination historique ne peut être
résolue si elle est
exacerbée par le gouvernement du jour peu importe où il
se situe sur le spectre politique.
Pour qu'il y ait un dialogue significatif sur une base
de nation à nation, celui-ci doit reconnaître le
rôle des femmes dans les prises de décisions, soutenir le
droit des femmes autochtones d'être véritablement
incluses, respecter les pratiques matriarcales des peuples autochtones
et bâtir une relation avec les femmes autochtones qui repose sur
la
coopération et le partenariat. [...]
Alliance féministe pour l'action
internationale, Docteure Pam Palmater, présidente du
Centre de gouvernance autochtone et l'Association canadienne des
sociétés Elizabeth Fry
Dans la soumission de 65 pages, on trouve des
recommandations sur l'Enquête sur les femmes et filles
autochtones disparues
et assassinées, telles :
- modifier les termes de l'Enquête nationale
et/ou mener une enquête spéciale sur la violence
policière contre les femmes et les filles autochtones, en
notant toutes les plaintes au dossier, les enquêtes, les
accusations et les poursuites judiciaires, et une enquête
spéciale devrait aussi porter sur les
vulnérabilités associées aux enfants autochtones
dans des programmes de placement, aux fugues de même qu'aux
femmes et enfants
autochtones itinérants face au racisme de la police et à
la violence sexualisée;
- avec les provinces et les territoires, donner plein
accès aux dossiers fédéraux, provinciaux,
territoriaux et municipaux, aux statistiques et aux autres
données nécessaires qui permettent de mesurer l'ampleur
du racisme, de l'abus et de la violence sexualisée de la police
contre les femmes et les filles autochtones et leur lien avec le refus
de la
police d'initier et d'enquêter sur des plaintes liées aux
femmes assassinées et disparues;
- faire une étude exhaustive de tous les
mécanismes et entités de surveillance (policiers ou
indépendants) touchant aux problèmes systémiques
liés aux enquêtes appropriées et complètes
des abus par la police contre les femmes et filles autochtones, y
compris le refus d'initier des plaintes et d'enquêter et le fait
que certaines plaintes n'ont
jamais été déposées;
- mettre en oeuvre une étude spécifique
des agressions, des agressions sexuelles et d'autres méfaits par
la police contre les femmes et filles autochtones à chaque
étape d'une garde à vue policière, depuis
l'interpellation initiale jusqu'à l'arrestation et la
détention, à l'intérieur des véhicules de
police et dans les cellules.
- mettre en oeuvre les recommandations de la Commission
de vérité et réconciliation, la Commission
interaméricaine des droits humains, la Convention sur
l'élimination de toutes les formes de discrimination contre les
femmes ainsi que d'autres instances de l'ONU touchant à
l'assassinat et à la disparition des femmes et filles
autochtones, y
compris des recommandations qui pourraient immédiatement
affecter la vie quotidienne des femmes et filles autochtones, leur
santé et leur sécurité, améliorer leurs
conditions socio-économiques difficiles
et apporter des appuis spécifiques aux victimes de violence
conjugale;
- veiller à ce que les femmes autochtones et
leurs familles puissent obtenir une étude indépendante
des dossiers marqués par les lacunes et le manque de
partialité dans les enquêtes policières;
- faire en sorte que par le biais de l'enquête
nationale ou par d'autres moyens, une enquête exhaustive sur la
violence policière contre les femmes et les filles autochtones
soit entreprise et que soient notées toutes les plaintes au
dossier, les enquêtes, les accusations et les poursuites
judiciaires;
- entreprendre, par le biais de l'enquête
nationale
ou autrement, une étude complète de tous les actes, lois,
règlements et politiques policiers liés à la
prévention, aux enquêtes et aux mesures disciplinaires
pour actes de racisme et de violence contre les femmes en
général et les femmes et les filles autochtones
spécifiquement, et des mécanismes et entités de
surveillance des policiers eux-mêmes;
- entreprendre un examen des obligations en
matière de droits humains du Canada internationalement et au
pays sur la question de la protection des femmes et des filles
autochtones contre la violence raciste et sexualisée commise par
des membres du personnel de l'État, y compris les agences de la
paix, les avocats, les professionnels de la
santé, les travailleurs de l'aide à l'enfance et les
juges.
Société de soutien à l'enfance et
à la famille des
Premières Nations du Canada
[...] La Société de soutien
soumet qu'en ne fournissant pas des services pour enfants et familles
équitables et adaptés culturellement
à 165 000 enfants et familles des Premières
Nations vivant dans des réserves, le Canada contrevient à
l'article 2 de la Convention internationale sur
l'élimination de toutes les formes de
discrimination raciale (« convention ») et à
l'article 7 de la Déclaration des Nations unies sur les
droits des peuples autochtones («
déclaration »). De la même manière, les
conflits de compétence au sein des gouvernements et des
ministères et entre eux, qui résultent en des
délais ou à l'inaccessibilité des services pour
les enfants
vivant dans les réserves ou non, des services que les autres
Canadiens considèrent normaux, contreviennent eux aussi à
l'article 2 de la convention et aux articles 2 et 7 de
la déclaration. La Société de soutien observe avec
grande inquiétude que le Canada ne respecte pas les lois du pays
touchant à la non-discrimination. Rien ne
peut justifier la discrimination continue du gouvernement du Canada
envers les enfants des Premières Nations car il agit
déjà de façon équitable envers les autres
enfants. La Société de soutien demande au CÉDR
d'exiger du Canada qu'il respecte immédiatement et
intégralement ses obligations du droit international et
domestique concernant les
droits humains des enfants et des familles des Premières
Nations. [...]
Les chefs de l'Ontario
[...] Les chefs de l'Ontario soumettent qu'en
manquant à son obligation de fournir un accès à de
l'eau potable, de reconnaître la gouvernance autochtone sur la
terre et les ressources, de protéger l'environnement, ou
d'investir dans des solutions aux changements climatiques qui
bénéficient aux Premières Nations, le Canada fait
de la
discrimination contre les Premières Nations, leur causant des
impacts différenciés suite aux changements à leurs
environnements.
[...] Les Premières Nations au Canada vivent une
discrimination raciale à cause de leur proximité
inégale aux dangers environnementaux, d'une protection
environnementale inégale, d'effets disproportionnés sur
leurs droits, leur bien-être, leurs cultures et leurs
systèmes juridiques par le biais des impacts environnementaux,
et de violations
continues de leurs droits à la consultation, à
l'accommodement et au consentement lorsque sont
développées des politiques et des législations
environnementales. [...]
L'Union des chefs indiens de Colombie-Britannique
[...] Le gouvernement actuel du Canada,
dirigé par le premier ministre Justin Trudeau, s'est
engagé à établir une nouvelle relation avec les
peuples autochtones au Canada fondée sur la «
reconnaissance des droits, le respect, la coopération et le
partenariat ». Cette relation serait guidée par
l'esprit et l'intention de la relation de traité
originale, qui respectent les droits inhérents, les
traités et les juridictions et qui respectent les
décisions de nos tribunaux. Un aspect crucial de cette nouvelle
relation est la mise en oeuvre de la Déclaration de l'ONU (sur
les droits des peuples autochtones), en « partenariat avec les
communautés autochtones ».
Malgré ces grandes promesses, nous constatons
présentement un énorme fossé entre les paroles du
gouvernement canadien et ses actions sur le terrain. [...]
Dans ces soumissions, nous voudrions mettre en relief
la notion de 'ritualisme des droits' que nous soumettons à la
considération du comité à la lumière des
présentes actions du Canada. Le ritualisme des droits est ni
plus ni moins une façon de faire sien le langage des droits
humains dans le but précis d'éviter un examen
véritable des droits
humains et de rendre des comptes pour les violations de ces droits.
Certains pays acceptent volontiers les engagements compris dans les
traités des droits humains afin de s'attirer l'approbation
internationale, mais ils résistent aux changements que les
obligations comprises dans ces traités comportent.
Les soumissions intégrales sont disponibles ici.
Un comité des Nations unies souligne
la situation inacceptable des peuples autochtones au Canada
Le 13 septembre, une semaine avant le discours du
premier ministre Justin Trudeau aux Nations unies, le Comité des
Nations unies pour l'élimination de la discrimination raciale
(CÉDR) a publié les observations finales de son examen
périodique des progrès réalisés par le
Canada dans la mise en oeuvre de la Convention internationale
sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Le Comité note que, malgré l'engagement
du gouvernement canadien à mettre en oeuvre les 94 appels
à l'action de la Commission de vérité et
réconciliation, aucune mesure concrète n'a
été prise. Il appelle l'État partie
à : 1) élaborer un plan d'action concret pour
le faire réellement ; et 2) adopter un
cadre législatif pour mettre en oeuvre la Déclaration des
Nations unies sur les droits des peuples autochtones - y compris un
plan d'action national, une réforme des lois, des politiques et
des règlements nationaux pour les mettre en conformité
avec la Déclaration et des rapports publics annuels.
Les droits sur la terre des peuples autochtones
Le Comité s'est déclaré
préoccupé par le fait que les violations des droits des
peuples autochtones sur la terre se poursuivent, « en
particulier, les décisions liées au développement
destructif des ressources du point de vue environnemental qui
affectent leurs vies et leurs territoires et continuent d'être
entreprises sans le consentement préalable,
donné librement et en connaissance de cause des peuples
autochtones, entraînant les violations des obligations envers les
conventions et
le droit international relatifs aux droits humains ».
Le Comité a expressément
recommandé :
- que les peuples
autochtones puissent mener des études indépendantes sur
l'impact sur l'environnement ;
- que l'on mette fin aux recours après le fait
de poursuites légales coûteuses en lieu de et à la
place d'un consentement préalable donné librement et en
connaissance de cause des peuples autochtones ;
- que le principe du consentement préalable
donné librement et en connaissance de cause soit
enchâssé dans le système de réglementation
canadien et que les processus de prise de décision autour de
l'examen et de l'approbation des projets de développement des
ressources à grande échelle, tels que le barrage Site C,
soit modifié ;
- que tous les permis et approbations pour la
construction du barrage du site C soient immédiatement
suspendus. Un examen complet doit être
mené en collaboration avec les peuples autochtones des
violations de leurs droits dans la construction de ce barrage et il
faut
identifier des solutions de rechange à la destruction
irréversible des terres et
des moyens de subsistance indigènes, qui seront causées
par ce projet ;
- que les résultats de toute étude
gouvernementale sur la catastrophe de Mont Polley et l'enquête
criminelle à ce sujet soient publiés avant l'expiration
du délai de prescription pour les accusations en vertu des lois
pertinentes, ainsi que pour la surveillance de l'impact de la
catastrophe sur les populations autochtones et l'atténuation de
ses effets
par la fourniture d'eau potable et de nourriture, l'accès aux
soins de santé, et des recours et des dédommagements
équitables.[1]
Violence envers les femmes et filles autochtones
Le Comité a exprimé son inquiétude
face aux taux toujours élevés de violence envers les
femmes et les filles autochtones et a appelé le Canada à
prendre les mesures suivantes :
- adopter un plan d'action national sur la violence
faite aux femmes, y compris les juridictions fédérales,
provinciales et territoriales, avec des dispositions spéciales
pour mettre fin aux taux élevés de violence à
l'égard des femmes et des filles autochtones ;
- établir un mécanisme d'examen
indépendant pour les cas non résolus de femmes et de
filles autochtones disparues et assassinées, où il y a
preuve de partialité ou d'erreur dans l'enquête ;
- faire rapport publiquement sur la violence à
l'égard des femmes et des filles autochtones, y compris des
données sur les cas signalés de violence, de meurtre et
de disparition, ainsi que sur le nombre d'enquêtes, de poursuites
et de condamnations.
Discrimination envers les enfants autochtones
Le Comité a également exprimé son
inquiétude à l'effet que, malgré les
recommandations
précédentes, moins d'argent est fourni pour les services
aux enfants et aux familles autochtones que pour les autres enfants,
que l'écart continue de croître et que le Canada n'a pas
répondu « aux causes profondes du déplacement,
alors que des dizaines de
milliers d'enfants sont inutilement retirés de leurs familles,
de leurs communautés et de leur culture et placés sous
les soins de l'État ». Il recommande que le
Canada :
- applique intégralement la
décision de janvier 2016 et les ordonnances
subséquentes de non-conformité du Tribunal canadien des
droits de la personne et mette fin au sous-financement des services
à l'enfance et à la famille des Premières Mations,
des Inuits et des Métis ;
- veille à ce que tous les enfants, à
l'intérieur et à l'extérieur de la réserve,
aient accès à tous les services offerts aux autres
enfants au Canada ;
- mette en oeuvre de manière exhaustive le
principe de Jordan afin que l'accès à ces services ne
soit jamais retardé ou refusé en raison des
différends entre les gouvernements fédéral,
provinciaux et territoriaux sur leurs responsabilités
respectives.
Note
1. La société Imperial Metals a
provoqué la pire catastrophe minière à sa mine de
Mt. Polley près de Williams Lake, en Colombie-Britannique, le 4
août 2014. Le déversement de produits toxiques a
détruit le lac Quesnel, un des grands cours d'eau
cristalline qui
servait de lieu de reproduction pour le saumon de la rivière
Fraser.
Journée Robe rouge à Prince George
Dans le cadre de la Deuxième Campagne annuelle
Robe rouge dimanche le 17 septembre, des résidents de tous
les milieux ont pris part à un « stand-in »
à l'angle des autoroutes 97 et 16 à Prince
George, en Colombie-Britannique. Chaque participant affichait une robe
rouge vide symbolisant non seulement les
femmes et filles autochtones qui ont été
assassinées ou qui sont disparues sur la « Route des
larmes » (autoroute 16) dans le nord de la province,
mais toutes les femmes et filles assassinées et disparues.
Après le « stand-in », les manifestants se sont
rendus au parc mémorial Lheidli T'enneh où ils ont
accroché les robes aux arbres
pour donner une voix à ces femmes et s'assurer qu'elles ne
soient pas oubliées. La journée s'est terminée
avec des prières, de la musique, des interventions et une vigile
à la chandelle.
(Photo: LML)
Marche Tears4Justice dans le nord
de la Colombie-Britannique
La marche Wark4Justice sur la « Route des larmes » est
partie de Prince Rupert
le 21 septembre.
Pour la septième année
consécutive,
il y a eu une marche dans le nord de la Colombie-Britannique pour
exiger que cesse la violence contre les femmes et les filles
autochtones. La marche est passée par la Route des larmes
(autoroute 16) où des dizaines de femmes autochtones sont
disparues. Cette année la marche Tears4Justice a
couvert 350 kilomètres sur l'autoroute 16, soit de
Prince Rupert à Smithers, du 21 au 25 septembre.
La marche annuelle a été initiée
par Gladys Radek dont la nièce, Tamara Lynn Chipman, est
disparue sur l'autoroute 16 il y a 12 ans. Les participants
provenaient de toutes les régions du nord de la province, de
Haida Gwaii et d'autres régions du Canada. Il y avait aussi un
contingent du Centre des femmes de Downtown Eastside
de Vancouver. Le trajet a été traversé en partie
à pied, en partie en voiture portant les portraits de femmes
disparues sur cette autoroute au fil des années. Les marcheurs
ont reçu des expressions d'appui tout au long du trajet. Bon
nombre de femmes assassinées ou disparues ont été
vues pour la dernière fois sur cette route à faire de
l'autostop.
Cela fait dix ans que les résidents du nord de la
Colombie-Britannique demandent un service de transport public sur
l'autoroute 16 et c'est finalement cette année que le
service a été créé.
La marche s'est terminée à Smithers, le
site de la deuxième session d'audiences de l'Enquête
nationale sur les femmes et filles autochtones disparues et
assassinées où Gladys Radek et les familles des autres
femmes disparues devaient intervenir. La commissaire Michelle Audette a
participé aux dernières journées de la marche et
la commissaire
en chef Marion Buller s'est jointe à la marche finale à
l'entrée de Smithers. Les audiences à Smithers ont eu
lieu du 26 au 28 septembre.
Les nations autochtones demandent la fin des fermes
piscicoles à cages en filet
Le 6 septembre, les chefs autochtones de toute la
Colombie-Britannique ont tenu une conférence de presse et un
rassemblement à Vancouver pour demander l'arrêt à
l'échelle de la province des fermes piscicoles à cages en
filet. L'appel fait suite à une récente brèche
d'une cage qui a libéré 300 000 saumons
d'élevage de
l'Atlantique, lesquels sont appelés par les activistes
autochtones des « espèces envahissantes ». Ils
disent que les fermes piscicoles sont des sources de virus, de maladies
et de parasites qui polluent les eaux côtières et
dévastent les stocks de saumons sauvages.
Bob Chamberlain, vice-président de l'Union des
chefs indiens de la Colombie-Britannique (UBCIC), a été
orateur et animateur au rassemblement. Il a reconnu que les fermes
piscicoles sont une importante source d'emplois et a demandé
qu'elles soient situées sur terre et que les poissons soient
élevés dans des conditions sanitaires à
l'épreuve
des évasions.
Le grand chef de l'UBCIC,
Stuart Phillip, et plusieurs autres chefs et dirigeants se sont
également adressés au rassemblement. L'activiste
Sto :lo et le porte-parole de l'Alliance des défenseurs du
saumon sauvage, Eddie Gardener, a averti que le saumon sauvage est
dévasté et fait face à l'extinction à cause
de la politique du ministère des
Pêches et des exploitations piscicoles autorisées par la
province. Gardener a promis que les activistes vont escalader leur
opposition et feront « tout ce qu'il faut » pour
protéger le saumon.
Le ministre néodémocrate des relations
autochtones, Scott Fraser, a été interrompu lorsqu'il
s'est adressé au rassemblement et a fait appel à la
« patience ». Il n'a pas pris d'engagement quant
à l'avenir des fermes piscicoles à cages en filet en
invoquant « l'importance des emplois créés par les
fermes piscicoles ». L'activiste de
Musqueam, Audrey Siegl, a répondu en disant : « Nous
n'avons pas le temps de patienter. C'est maintenant qu'il faut
agir. »
Opposition à l'expansion illégale du
gazoduc sur
le territoire traditionnel de Kanien'kehá:ka
Le 28 septembre 2017, une
délégation de Kanehsata'kehró:non (de la nation
Kanehsatà:ke) a tenu une conférence de presse
à l'entrée de ce qui est appelé le parc national
d'Oka. Les représentants de la communauté ont lu une
déclaration dans laquelle ils dénoncent les
activités illégales de Gazoduc Trans Québec
& Maritime (TQM), une filiale en propriété exclusive
de deux monopoles énergétiques, Trans Canada Pipelines
Ltd de Calgary et la société en commandite Gaz
Métro de Montréal, ainsi que le rôle inacceptable
du gouvernement qui permet la tenue de telles activités. La
déclaration souligne aussi le danger potentiel que
représentent les oléoducs
ainsi que l'exploitation incontrôlée des ressources
naturelles qui détruisent l'environnement naturel. Le
Kanehsata'kehró:non de Kanehsatà:ke fait
remarquer que ces activités sont menées sans leur
consentement préalable, donné librement et en
connaissance de cause, ce que les gouvernements et les entreprises sont
requis de faire selon
la loi.
TQM est accusé de mener secrètement des
activités d'expansion du gazoduc existant sur le territoire
traditionnel des Kanien'kehá:ka (Mohawks), qui n'a jamais
été cédé, contrairement à ce que
prétendent les gouvernements fédéral et
québécois ou le maire d'Oka qui voudraient que les gens
croient autrement. « La direction du Parc
d'Oka voudrait que le public croit que la seule nouvelle
activité
est le repavement de la piste cyclable existante et qu'aucun nouveau
gazoduc a été installé. », est-il dit
dans la déclaration.
Preuve de l'expansion du gazoduc dans le parc d'Oka
|
L'une des porte-paroles du
Kanehsata'kehró:non, Ellen Gabriel, a expliqué que
ces territoires traditionnels ont appartenu au
Kanehsata'kehró:non bien avant que l'ordre des Sulpiciens
ne s'installe dans la région au XVIIIe siècle. Gabriel a
parlé du refus des gouvernements fédéral et du
Québec d'aborder la question, soit en ne
retournant pas ses appels, comme c'est le cas avec le ministre
responsable des Affaires autochtones du gouvernement du Québec,
soit en utilisant des tactiques pour gagner du temps, comme c'est le
cas avec le gouvernement Trudeau. Chaque fois qu'Ellen Gabriel et
d'autres représentants de la communauté mohawk ont
essayé de rencontrer Carolyn
Bennett, la ministre des Relations Couronne-Autochtones et Affaires du
Nord, ses assistants ont répondu : « Elle est trop
occupée maintenant, vous devez prendre un rendez-vous plus
tard », tout en déclarant que « la ministre
veut vraiment parler avec vous ».
Ellen Gabriel a déclaré que « le
silence et le refus du gouvernement d'intervenir selon les obligations
fiduciaires sont un signal inquiétant que le Canada a
l'intention de continuer ses affaires comme il le fait depuis 150
ans de génocide et de dépossession. Il n'y a pas eu de
réconciliation avec les Kanien'kehá :ka de
Kanehsatà:ke,
ce qui aurait pu être résolu il y a 27 ans de cela
[durant la crise d'Oka en 1990] et peut encore être
résolu en s'appuyant sur la Déclaration des Nations unies
sur les droits des peuples autochtones comme cadre de
réconciliation et de restitution. Mais la réconciliation
doit inclure les dédommagements et le respect de tous les droits
humains des peuples autochtones. »
La conférence de presse s'est terminée
par la lecture de sept revendications des femmes et des
Rotinonhseshá:ka (le peuple de la maison longue)
adressées au Canada et au Québec :
- « un moratoire immédiat qui sera mis en
place pour arrêter tout développement sur le territoire
traditionnel des Kanien'kehá:ka de
Kanehsatà:ke;
- « que le Canada débute des discussions
avec les Rotinonhseshá:ka de Kanehsatà:ke
pour résoudre les litiges de longue date en ce qui a trait aux
terres historiques;
- « que le Canada révoque la doctrine de
la Découverte sur laquelle il fonde sa souveraineté et sa
justification de la dépossession des terres;
- « que Grégoire Gollin,
propriétaire des collines d'Oka, et la municipalité d'Oka
renoncent et mettent fin à la vente de quelconque parcelle de
terrain à Kanehsatà:ke et remboursent les gens qui
ont acheté des terrains en litige sur le site de
développement illégal; (voir article ci-dessous)
- « que TransCanada et Gazoduc enlèvent
leurs pipelines nouvellement installés à
Kanehsatà:ke et compensent les Kanien'kehá:ka
de Kanehsatà:ke grâce à un fonds fiduciaire
qui sera notre oeuvre. Ce fonds fiduciaire soutiendra la reconstruction
des institutions traditionnelles qui ont été
ciblées par le Canada, y compris le
gouvernement traditionnel du Rotinonhseshá:ka, notre
culture et notre langue Kanien'keha;
et
- « que tout développement qui se
déroulera sur notre territoire traditionnel des
Kanien'kehá:ka de Kanehsatà:ke doit respecter
les normes internationales des droits humains, en particulier la DNUDPA
et son principe de 'consentement préalable, donné
librement et en connaissance de cause' ».
Tout cela met en évidence la
nécessité pour les gouvernements de défendre la
primauté du droit, le droit du peuple à dire «
non », de réaffirmer que « la primauté
du droit exige la mise en application des diverses décisions de
la Cour suprême du Canada telles que Sparrow et Delgamuukw
, ce qui exige des
consultations et des accommodements des 'peuples aborigènes'.
Encore plus important est que le droit coutumier traditionnel de la
nation Kanien'kehá ;ka régisse tout
développement qui a un impact sur nos terres, nos territoires et
nos ressources et exige avant de procéder le consentement de la
nation Kanien'kehá ;ka, et non
seulement de ses conseils de bande financés par le
gouvernement. »
La conférence de presse s'est terminée
par une cérémonie traditionnelle conduite par un
aîné de la Première Mation. Par la suite tous les
participants ont été invités à se rendre
à la limite sud-ouest du parc d'Oka pour voir la zone où
Gazoduc TQM a commencé l'expansion souterraine du gazoduc
existant.
Note
1. Trans Canada est le promoteur du projet
vivement contesté d'oléoduc Energie Est qui verrait la
transformation du gazoduc de 2000 km, vieux de 40 ans, en un
oléoduc qui transporterait du bitume dilué, ou «
dilbit », une substance hautement toxique
créée par le mélange de bitume visqueux provenant
des sables
bitumineux avec des produits chimiques toxiques qui le rendent assez
fluide pour le pomper à travers une canalisation. C'est une
situation très préoccupante par le fait du danger que
cela pose pour l'eau et la terre, puisque l'actuel gazoduc traverse la
rivière des Outaouais près d'Oka, au Québec,
où la rivière devient le lac des Deux Montagnes
situé
en amont de la région métropolitaine de Montréal.
L'eau du lac est la source unique d'eau potable pour près de
trois millions de personnes. Un rapport du gouvernement
fédéral a récemment confirmé que le dilbit
sédimente vers le fond lorsqu'il est mélangé
à des particules en suspension, ce qui rendrait les efforts de
nettoyage des cours d'eau
extrêmement difficiles. C'est conforme à
l'expérience américaine qui s'est ensuivie après
le déversement massif de dilbit dans la rivière
Kalamazoo, au Michigan, où plus de 1 milliard $ a
été consacré aux efforts de nettoyage, mais la
rivière est encore polluée.
(Photos: E.
Gabriel)
Une provocation: début d'un développement
des terrains sur le site de la crise d'Oka de 1990
Un développement domiciliaire illégal est
en cours à Oka, au Québec, sur les terres
revendiquées par le Kanehsata'kehró:non (le peuple
de Kanehsatà:ke), aussi connues sous le nom de La
Pinière. Cet empiétement sur les terres mohawks est fait
précisément là où les
promoteurs ont tenté illégalement en 1990 de
construire un terrain de golf. Des protestations ont
eu lieu au cours de l'été, exactement 27 ans
après la crise d'Oka de 1990, pendant laquelle
l'État canadien a utilisé une force militaire massive
contre les Mohawks qui à bon droit défendaient leurs
terres.
Steve Bonspiel, rédacteur en chef du journal
hebdomadaire de Kahnawake, The Eastern Door, a publié
le 11 juillet, à l'occasion du 27e anniversaire de la
résistance à Oka, une lettre adressée à la
rédaction de CBC, dans laquelle il souligne le refus de
l'État canadien de faire sa part pour résoudre la
situation :
« Le terrain en
litige ? Il est encore entre les mains d'Oka, un territoire mohawk
illégalement saisi. Pourtant, personne ne fait quoi que ce soit
pour le reprendre.
« Oubliez les négociations, c'est notre
terre, alors pourquoi c'est le Canada qui joue toutes les cartes ?
Honte aux gouvernements municipal, provincial et fédéral,
qui continuent d'être complices de l'oppression et du
contrôle de notre peuple.
« Quel genre de pays 'fier' continue de profiter
du vol de notre terre et nie continuellement notre droit d'en reprendre
un peu, mais raconte à tout le monde comment c'est magnifique de
célébrer 150 ans de colonialisme ?
« Nous pourrions au moins parler du retour de
toutes les terres mohawks illégalement confisquées, pas
seulement cette parcelle.
« Si nous continuons d'autoriser le vol de ce qui
nous a toujours appartenu, qu'est-ce qui va nous rester
... »
Bien que rien n'ait été résolu
depuis les événements de 1990, la Ville d'Oka a
néanmoins accordé des permis pour les projets
domiciliaires sur un terrain sur lequel elle n'a pas juridiction. Un
article paru le 25 juillet dans le National Observer note
ceci :
« [Le maire d'Oka Pascal Quevillon] dit qu'il ne
peut pas arrêter la construction du développement
domiciliaire sinon Oka pourrait être poursuivie et ses citoyens
devront payer des millions de dollars. Il a dit qu'il ne croyait pas
que
ce serait juste pour sa communauté.
« 'Seul le gouvernement fédéral
peut nous dire de cesser d'autoriser la construction sur ces terres,
mais le gouvernement fédéral devra compenser
financièrement le propriétaire du terrain, le promoteur
et la municipalité s'il le fait.'
« Il dit que c'est un problème qui doit
être résolu entre le gouvernement fédéral et
la communauté de Kanesatake ».
Pourquoi le gouvernement canadien a-t-il
négligé son devoir de remédier aux
dépossessions et aux injustices historiques ? Le maintien
du statu quo a inévitablement créé une situation
où une répétition de la crise d'Oka de 1990
pourrait se produire. Le Kanehsata'kehró:non ne sera-t-il
pas obligé de bloquer ou d'expulser
physiquement le promoteur ? Est-ce que l'État canadien et
les médias monopolisés vont répondre avec des
allégations racistes et hystériques sur les «
autochtones violents », vont prétendre que le
promoteur subit des dommages économiques et menacer encore une
fois le Kanehsata'kehró de la violence de l'État ?
Il est clair que
le spectacle de l'affrontement armé à Oka en 1990,
le vaste appui du public pour le Kanehsata'kehró:non et le
fait qu'un bain de sang a été évité de peu
- en raison de la prudence et de la discipline de la part des guerriers
mohawks sous la direction de leurs aînés - n'ont pas du
tout ramené à la raison l'État canadien et
l'élite dirigeante
après 27 ans.
Marche le 11 juillet 2015
à l'occasion du 25e anniversaire du soulèvement d'Oka
Si le gouvernement était sincère et
voulait trouver une solution juste à cette réclamation
territoriale, il agirait de manière tout à fait
différente et déclarerait au moins un moratoire sur le
développement jusqu'à ce qu'on en arrive à une
résolution négociée au lieu de permettre aux
promoteurs fonciers de créer des situations sur le terrain qui
vont
seulement miner les revendications territoriales et la position de
négociation des Kanien'kehá:ka, et semer des
divisions entre eux et leurs voisins à Oka. On dit que
l'État canadien tient des négociations sur les terres en
litige avec le conseil de bande mohawk élu sous les auspices de
la Loi sur les Indiens. Même si cela est vrai, de
telles négociations ne peuvent être de bonne foi lorsque
les gens ne savent pas ce qui se passe et le gouvernement
n'interviendra pas dans des situations comme celle-ci. Les actions du
gouvernement montrent clairement qu'à Kanehsatà:ke
et ailleurs, l'objectif de l'État canadien demeure la
dépossession des peuples autochtones.
La situation exige que les peuples au Canada et au
Québec s'acquittent de leurs devoirs et renforcent leur appui
aux justes revendications des peuples autochtones et s'organisent pour
s'habiliter eux-mêmes du pouvoir afin de mettre en place des
arrangements modernes sur la base de véritables relations de
nation à nation et de la reconnaissance
des droits.
La Pinière est
une terre mohawk !
Promoteurs,
hors
des
terres
mohawks
!
Non
à une répétition de la crise
d'Oka de 1990 !
Exigeons
de
l'État
canadien
qu'il
rende
des
comptes
sur
la
dépossession
des peuples autochtones !
À
titre d'information
Le livre blanc de 1969
- Indigenous Foundations -
« Les
nombreuses tentatives du gouvernement de convaincre les Indiens
d'accepter le livre blanc ont été vaines parce que les
Indiens comprennent que la voie tracée par le ministère
des Affaires indiennes par la voix de l'honorable Jean Chrétien
mène directement au génocide culturel. Nous ne marcherons
pas sur cette voie. » - Harold
Cardinal, The Injust Society
En 1969, le premier ministre Pierre Trudeau et son
ministre des Affaires indiennes, Jean Chrétien,
dévoilaient un document de politique générale par
lequel ils se proposaient de mettre fin au rapport juridique
spécial entre les peuples autochtones et l'État canadien,
et d'abroger la Loi sur les Indiens. Ce livre blanc a
été accueilli
par une forte opposition des dirigeants autochtones partout au pays et
a ouvert une nouvelle ère d'organisation politique autochtone au
Canada.
L'intention du gouvernement fédéral,
telle qu'énoncée dans le livre blanc, était de
réaliser l'égalité de tous les Canadiens en
éliminant le statut légal distinct appelé Indien
et en considérant les autochtones comme de simples citoyens avec
les mêmes droits, possibilités et responsabilités
que les autres Canadiens. Fidèle à la vision d'une
« société
juste » de Trudeau, le gouvernement proposait d'abroger la
législation qu'il jugeait discriminatoire. La Loi sur les
Indiens était vue comme discriminatoire parce qu'elle ne
s'appliquait qu'aux autochtones plutôt qu'aux Canadiens en
général. Le gouvernement affirmait dans le livre blanc
que le fait d'abolir le statut légal unique prévu
par la Loi sur les Indiens permettrait aux peuples autochtones
d'être « libres - libres de faire progresser les cultures
indiennes dans un contexte d'égalité juridique, sociale
et économique avec les autres Canadiens ».
À cette fin, le livre blanc se proposait
de :
- abolir le statut d'Indiens
- dissoudre le ministre des Affaires indiennes sur une période
de cinq ans
- abroger la Loi sur les Indiens
- convertir les terres des réserves en propriété
privée pouvant être vendue par la bande ou ses membres
- transférer la responsabilité des Affaires indiennes du
gouvernement fédéral aux provinces et intégrer ces
services à ceux offerts aux autres citoyens canadiens
- établir un financement pour le développement
économique
- nommer un commissaire pour régler les réclamations
territoriales non résolues et graduellement éliminer les
traités.
Qu'est-ce qui a mené au livre blanc ?
Dans les années 1960, le gouvernement
fédéral ne pouvait plus nier que les peuples autochtones
se heurtaient à des barrières socio-économiques
importantes, comme des taux de pauvreté et de mortalité
infantile plus élevés que chez les Canadiens non
autochtones, une plus faible espérance de vie et un niveau
d'éducation inférieur. Le
mouvement pour les droits civiques qui balayait les États-Unis
attirait l'attention publique sur le racisme intense et la
discrimination que vivaient les Afro-Américains et d'autres
groupes minoritaires. Ce mouvement a aussi amené de nombreux
Canadiens à s'interroger sur l'inégalité et la
discrimination dans la société canadienne, notamment le
traitement réservé aux Premières Nations.
En 1963, le gouvernement canadien a chargé
l'anthropologue de l'Université de la Colombie-Britannique Harry
B. Hawthorn d'enquêter sur les conditions sociales des
populations autochtones de l'ensemble du Canada. Dans son Étude
sur
les
Indiens
contemporains
du
Canada :
Besoins
et
mesures
d'ordre
économique,
politique
et éducatif, Hawthorn concluait que les
populations autochtones étaient les secteurs les plus
défavorisés et marginalisés de la
société canadienne. Les autochtones étaient des
« citoyens moins ». L'auteur attribuait cette
situation à des années de manquement en matière de
politique gouvernementale, notamment au système de
pensionnats qui laissait les élèves non
préparés à la participation à
l'économie contemporaine. Il recommandait que les autochtones
soient considérés comme des « citoyens
plus » et se voient offrir les mêmes ressources et les
mêmes possibilités de choisir leur mode de vie, que ce
soit au sein des communautés sur les réserves ou
ailleurs. Il
préconisait aussi de mettre un terme à tous les
programmes d'assimilation forcée, surtout les pensionnats.
Jean Chrétien décida d'amender la Loi
sur les Indiens à partir des recommandations de ce rapport.
Le gouvernement fédéral lança une consultation
nationale des communautés des Premières Nations. Il
distribua la brochure Choosing a Path dans les réserves,
convoqua des assemblées communautaires et, en mai 1969,
réunit des représentants régionaux des peuples
autochtones pour une consultation nationale à Ottawa. Durant ces
consultations, les représentants des Premières Nations
ont tous exprimé leur inquiétude concernant les droits
ancestraux et issus de traités, le titre de
propriété, l'autodétermination et l'accès
à l'éducation et aux services de santé.
Suite à ces consultations, le gouvernement
canadien produisit en juin 1969 son livre blanc dans lequel il
proposait d'abolir le ministre des Affaires indiennes.
Réactions au livre blanc
Le livre blanc eut un effet de choc dans les
communautés autochtones à travers le Canada. Il ne
répondait pas aux inquiétudes soulevées par leurs
dirigeants durant la consultation. Il ne prévoyait aucune
disposition reconnaissant et honorant les droits spéciaux des
Premières Nations et ne tenait aucun compte des griefs
historiques comme ceux
portant sur le droit à la terre et les droits ancestraux et
issus de traités. De plus, il ne prévoyait pas une
participation significative des peuples autochtones aux prises de
décision en politique canadienne.
Bien que le livre blanc reconnût les
inégalités sociales des populations autochtones au Canada
et dans une moindre mesure les mauvais choix de politique
fédérale au fil de l'histoire, beaucoup d'autochtones
virent le nouveau document de politique gouvernementale comme une
continuation de la poursuite de l'assimilation des Indiens à la
société canadienne, un objectif historique du Canada. Les
groupes autochtones avaient l'impression que le gouvernement
fédéral ne faisait que renvoyer la balle aux provinces,
comme le disait Harold Cardinal. Le Canada s'exonérait de toute
responsabilité pour les injustices historiques et se soustrayait
à son devoir de défendre les droits issus de
traités et de maintenir le rapport spécial avec les
Premières Nations. Les Premières Nations étaient
outragées de voir que les opinions que les communautés
autochtones avaient exprimées durant la consultation semblaient
avoir été complètement ignorées. Au lieu
d'amender la Loi sur les Indiens, le gouvernement avait
décidé de tout
simplement l'abolir.
Une voix forte fut celle de Harold Cardinal, jeune Cri
de 24 ans qui présidait l'Association indienne de
l'Alberta. Dans son livre The Injust Society, il exposait au
public non autochtone l'hypocrisie de la nation de « Canada une
société juste ». Il qualifiait le livre blanc
de « programme à peine voilé d'extermination par
l'assimilation ». Il le voyait comme une forme de
génocide culturel. En 1970, l'Association indienne de
l'Alberta, sous la direction de Harold Cardinal, rejeta le livre blanc
dans un document intitulé « Citizens Plus »,
connu sous le nom de « livre rouge ». Ce document fut
adopté comme position nationale des Indiens sur le
livre blanc. Les organisations autochtones du Canada étaient
d'accord avec sa conclusion : « Il n'y a rien de plus
important que nos traités, nos terres et le bien-être de
nos générations futures. »
En Colombie-Britannique, la controverse sur le livre
blanc a ouvert une nouvelle période d'organisation politique. En
réaction au livre blanc, les Premières Nations du Canada
se rassemblaient par des façons nouvelles. Le mouvement
était mené par une génération de jeunes
autochtones qui, comme Harold Cardinal, étaient instruits et
habiles en
politique. En novembre 1969, trois leaders autochtones — Rose
Charlie de la Indian Homemakers' Association, Philip Paul de la
Southern Vancouver Island Tribal Federation et Don Moses de la
Fraternité indienne d'Amérique du Nord —
invitèrent les bandes de la Colombie-Britannique à une
conférence à Kamloops pour formuler une
réponse collective au livre blanc et discuter de la poursuite de
la lutte pour la reconnaissance des titres et des droits autochtones.
Les représentants de 140 bandes participèrent
à cette conférence, qui était le plus grand
rassemblement de leaders autochtones de la province jusqu'alors.
La conférence de Kamloops a mené à
la formation d'une nouvelle organisation provinciale : l'Union des
chefs indiens de la Colombie-Britannique (UCICB), dont la mission
principale était la résolution des réclamations
territoriales. La « Déclaration des droits
indiens », ou le « livre brun », de l'UCICB
de 1970
rejetait les propositions du livre blanc et affirmait que les peuples
autochtones conservaient le titre ancestral à la terre. Le livre
brun est devenu la base de la politique de l'UCICB.
Ressources recommandées
Canada, Affaires indiennes et du Nord. La politique
indienne du gouvernement du Canada (livre blanc), 1969. Voir
ci-dessous.
Cairns, Alan. Citizens Plus : Aboriginal
Peoples and the Canadian State. Vancouver : UBC
Press, 2000.
Tennant, Paul. Aboriginal Peoples and
Politics : The Indian Land Question in British Columbia, 1849-1989
. Vancouver : UBC Press, 1990.
Turner, Dale. This is Not a Peace Pipe :
Towards a Critical Indigenous Philosophy. Toronto : University
of Toronto Press, 2006.
Weaver, Sally M. Making Canadian Indian
Policy : The Hidden Agenda 1968-1970. Toronto :
University of Toronto Press, 1981.
Réponses au livre blanc
Cardinal, Harold. The Unjust Society.
Vancouver : Douglas & McIntyre, 1999.
Indian Association of Alberta. Citizens Plus. ( «
The Red Paper ») Edmonton :
Indian Association of Alberta, 1970.
Union des chefs indiens de la Colombie-Britannique, A
Declaration
of
Indian
Rights :
The
B.C.
Indian
Position
Paper.
Vancouver : UBCIC, 1970.
Union des chefs indiens de la Colombie-Britannique. «
Our
History ».
Le rapport Hawthorn
Hawthorn, Harry. Étude sur les Indiens
contemporains du Canada : Besoins et mesures d'ordre
économique, politique et éducatif. Deux volumes.
Ottawa : Imprimeur de la Reine, 1966-1967. Disponible
ici.
Weaver, Sally. « The Hawthorn Report : Its
Use in the Making of Canadian Indian Policy ». In Anthropology,
Public
Policy
and
Native
Peoples
in
Canada, édité par
Noel Dyck et James B. Waldram. Montréal : McGill-Queen's
University Press, 1993. 75-97.
La politique indienne du gouvernement du Canada (livre
blanc), 1969
Table des matières
Déclaration du gouvernement
du Canada sur la politique indienne
Présentée à la première
session du 28e parlement par l'honorable
Jean Chrétien, ministre des Affaires indiennes et du Nord
canadien.
Être Indien, c'est être homme ; c'est
avoir de l'homme tous les besoins et tous les talents.
Être Indien, c'est aussi être
différent des autres, c'est parler
d'autres langues, dessiner d'autres images, raconter d'autres
histoires, posséder une hiérarchie des valeurs
fondée sur d'autres
réalités.
Par sa culture, l'Indien enrichit le Canada, même
s'il fut un temps où la diversité n'avait guère de
prix à nos yeux.
Être Indien aujourd'hui, c'est aussi, d'une autre
manière, se
distinguer des autres Canadiens. L'Indien est à part : par
son statut,
par les services gouvernementaux dont il bénéficie et,
trop souvent
hélas, par sa vie sociale.
Être Indien, c'est être dépourvu de
puissance, de la puissance
d'être propriétaire d'un terrain, de dépenser son
propre argent et même
de la puissance qu'il faudrait pour modifier sa propre condition.
C'est aussi - pas toujours, mais trop souvent encore -
manquer de
travail, d'un domicile convenable, d'eau courante, de connaissances, de
formation technique ; c'est par-dessus tout, être
privé du sentiment de
dignité et de confiance en soi indispensable à l'homme
qui veut garder
la tête haute.
La condition dans laquelle les Indiens se trouvent
aujourd'hui est
la conséquence de leur histoire. Leurs talents et leurs
capacités ne
sont nullement mis en cause. Le gouvernement et la
société ont depuis
toujours entretenu avec les Indiens des relations de nature
spéciale.
Ce régime particulier qui remonte à
l'établissement chez nous des
premiers Européens a fait de la collectivité indienne un
groupe
désavantagé et à part.
Nous devons aujourd'hui modifier le cours de
l'histoire. Être
Indien ce doit vouloir dire être libre - libre de faire
progresser les
cultures indiennes dans un contexte d'égalité juridique,
sociale et
économique avec les autres Canadiens.
Avant-propos
Les politiques du Gouvernement doivent, dans l'esprit
de celui-ci,
déboucher sur la participation entière, libre et
égale - non
discriminatoire de l'Indien à la vie sociale de notre pays. Il
faudra
pour cela rompre avec le passé. Il faudra qu'à
l'état de dépendance
dans laquelle se trouve actuellement l'Indien soit désormais
substituée
une situation
d'égalité avec tous les autres Canadiens :
égalité de régime, de
chances et de responsabilités.
On entend par cette proposition reconnaître un
besoin qui s'est
clairement manifesté au cours d'une année de discussions
intensives
avec les populations indiennes du Canada tout entier. Le Gouvernement
estime que ce serait desservir les intérêts des Indiens et
des
Canadiens en général que de poursuivre sa ligne de
conduite actuelle.
Les politiques envisagées reconnaissent une
réalité toute simple, à
savoir que la situation juridique particulière de l'Indien et
les
politiques qui en ont jusqu'ici découlé en ont fait un
être à part,
distinct des autres Canadiens et en retard sur eux. Il n'a pas
été
citoyen à part entière de la collectivité ou de la
province qu'il
habite. Il n'a pu, en
conséquence, bénéficier de l'égalité
que cette participation lui aurait
conférée ni des avantages qu'elle lui aurait
apportés.
Le traitement qui lui a été
accordé en raison de son régime
juridique différent a parfois été pire que celui
de ses concitoyens,
mais parfois aussi égal à ce dernier, voire meilleur. Ce
qui importe,
c'est que son traitement a été différent.
Nombreux sont les Indiens qui, dans les
localités isolées aussi
bien que dans les villes, souffrent de la pauvreté. Ce
régime
d'exception qui est le fait de tous les pauvres- Indiens ou non -
associé à une situation juridique qui met l'Indien
à part, constitue un
terrain particulièrement propice à la pratique de la
discrimination
sociale et
culturelle.
Depuis quelques années on assiste à un
rapide accroissement
démographique chez les Indiens. Leur état sanitaire
général et leur
degré d'instruction se sont tous les deux
améliorés. Mais à cause des
réserves et du traitement particulier, ces améliorations
n'ont pas
donné tous les résultats attendus.
On a vu apparaître chez les Indiens des leaders
énergiques et
éloquents qui ont su exprimer les aspirations et les besoins de
la
collectivité indienne. Pour peu qu'on leur en donne l'occasion
il n'y a
aucun doute que les populations indiennes puissent développer
leurs
ressources humaines et culturelles, pour leur plus grand bien ainsi que
pour le
plus grand bien des régions qu'elles habitent et du Canada tout
entier.
Rester fidèles aux politiques du passé, c'est au
contraire se condamner
à une immense déception.
Il s'agit ici de propositions d'avenir. Sans doute ne
pouvons-nous
pas oublier le passé. Bien sûr on ne peut faire
abstraction totale du
passé, mais on ne peut non plus le retrouver entièrement,
car il ne
peut plus se mesurer. En reconnaissant d'anciens griefs et en cherchant
à y satisfaire, le Gouvernement cherche moins à corriger
les injustices
du passé qu'à se montrer à la hauteur de la
société juste que nous
cherchons à bâtir aujourd'hui.
Le Gouvernement n'entend pas perpétuer des
politiques qui sont
sources de malentendus et de désunions, qui empêchent les
Canadiens de
s'épanouir ou de prendre place dans la société qui
est la leur.
L'association qu'il recherche est orientée vers un but meilleur.
Cette
tentative réunit en l'occurrence les populations indiennes, les
gouvernements des provinces, l'ensemble de la collectivité
canadienne
et le gouvernement fédéral. Qui dit association, sans
doute, dit
consultation, négociation, concessions mutuelles et
collaboration. La
réussite est à ce prix.
Aucune de ces difficultés ne saurait être
surmontée si cette
association n'est pas placée sous le signe de la bonne
volonté et du
désir de la réussite.
Il y faudra des années. Sans doute certains
efforts se
solderont-ils par des échecs, mais pour qui veut apprendre,
l'échec
même est le gage de la réussite future. Nous devrons tous
nous montrer
ouverts et flexibles, car nous aurons à modifier plus d'une fois
nos
points de vue.
Les gouvernements peuvent donner l'exemple, mais ils ne
peuvent pas
changer le coeur des hommes. Canadiens, Indiens aussi bien que
non Indiens, sont à l'heure des grandes décisions. Pour
la
société
canadienne, la question est de savoir si un élément
important de sa
population participera à part entière au bien-être
général ou si les
disparités
sociales et économiques d'aujourd'hui iront en s'accentuant,
augmentant
ainsi le sentiment de frustration et d'isolement des Indiens et mettant
en danger l'équilibre de la société tout
entière. Pour beaucoup
d'Indiens il n'y a qu'une voie, la seule voie qui existait avant la
Confédération et qui existe toujours, la voie du statut
différent, une
voie sans
issue qui est cause de pauvreté et de mécontentement.
Cette voie, parce
qu'elle est séparée, ne peut conduire ni à la
participation entière ni
à l'égalité. Dans les pages qui suivent, le
Gouvernement a exposé dans
ses lignes générales une politique qui offre une nouvelle
alternative
aux Indiens ; le Gouvernement est convaincu que cette nouvelle
voie sortira graduellement les Indiens de leur statut différent
et leur
permettra de participer à part entière au
développement social,
économique et politique de la société canadienne.
Tel est le choix.
Les Indiens doivent être persuadés,
doivent se persuader eux-mêmes,
que cette voie les orientera vers une vie meilleure. La
société
canadienne devra reconnaître la nécessité de
nouvelles attitudes. Il
faut que les Canadiens comprennent le danger de ne pas détruire
les
obstacles auxquels se heurtent les Indiens. Si les Indiens doivent
devenir des
membres à part entière de la société
canadienne, ils doivent être bien
accueillis par les membres de cette société.
Le Gouvernement recommande cette politique à la
considération de
tous les Canadiens, des Indiens et des non-Indiens, et de tous les
gouvernements au Canada.
Sommaire
1. État de la question
Le Gouvernement a passé en revue son
programme pour
les Indiens et en a examiné l'effet sur leur situation actuelle.
Il a
bénéficié de nombreuses consultations avec les
Indiens ainsi que des
connaissances et de l'expérience de plusieurs personnes à
l'intérieur
et à l'extérieur du gouvernement.
Cette révision entend répondre aux
représentations effectuées pour
les Indiens eux-mêmes lors des réunions régionales
qui se déroulent
depuis un an et qui ont abouti à une réunion à
Ottawa, au mois d'avril
dernier ont clairement fait savoir qu'elles s'opposaient à ce
que la
situation actuelle persiste.
La société canadienne, sous sa forme
actuelle, est riche de
possibilités. Il est possible de s'engager dans de nouvelles
voies. Le
Gouvernement estime que les Indiens ne doivent pas être
écartés de la
vie de leur pays. Il est convaincu, au contraire, qu'il importe de leur
ménager la possibilité d'en bénéficier au
même titre que tous les
autres
Canadiens.
Le Gouvernement pourrait encourager davantage les
progrès de
l'éducation, continuer à appliquer les programmes
d'amélioration
matérielle actuellement en cours dans bien des réserves,
poursuivre en
somme son effort dans le sens imprimé ces dernières
années. Cela
permettrait incontestablement de régler un grand nombre de
problèmes.
Mais
à ce rythme les progrès seraient trop lents. Les
changements sociaux
dans notre pays ont été et restent trop rapides pour que
l'on puisse
attendre d'authentiques solutions de cette méthode. Il faut
plus. Nous
ne saurions souffrir plus longtemps l'isolement de certains Canadiens.
Le temps est à l'action.
Le Gouvernement croit à l'égalité.
A ses yeux tous les hommes -
toutes les femmes - ont des droits égaux. Il est résolu
à ce que tous'
soient traités avec équité et que nul ne soit
désormais écarté de la
vie canadienne, surtout pour des motifs de caractère ethnique.
C'est cette conviction qui est à la base de la
volonté du
Gouvernement d'ouvrir toutes grandes les portes de l'avenir à
tous les
Canadiens, de lever les obstacles qui gênent le progrès
des
populations, des régions et du pays tout entier.
Seule une politique inspirée de cette conviction
peut permettre aux
populations indiennes de satisfaire à leurs besoins et de
réaliser
leurs aspirations.
Les Indiens ont droit à une politique qui
réponde à cette
définition. Ils ont droit à une égalité qui
conserve et enrichisse leur
identité, égalité qui mette l'accent sur la part
qu'ils prendront
eux-mêmes à sa création et qui se manifestera dans
tous les aspects de
leur vie.
Ce ne sont pas les non-Indiens qui peuvent fixer des
objectifs aux
Indiens. Ceux-ci doivent être définis par la
collectivité indienne
elle-même. Le gouvernement peut créer un cadre à
l'intérieur duquel
tous, individuellement et collectivement, peuvent rechercher leurs
propres buts.
2. La nouvelle politique
La condition de la véritable
égalité, c'est la
reconnaissance du droit des Indiens de participer complètement
et
également à la vie culturelle, sociale, économique
et politique du
Canada.
Le cadre canadien à l'intérieur duquel il
sera loisible aux Indiens
pris individuellement et aux bandes indiennes de parvenir à
cette
participation intégrale exige :
1. que les fondements législatifs et
constitutionnels de la discrimination disparaissent ;
2. que la contribution toute particulière
de la culture indienne à la vie canadienne soit reconnue par
tous ;
3. que les services dispensés à.
tous les Canadiens le leur soient
par les mêmes voies administratives et les mêmes
institutions
gouvernementales ;
4. que l'on vienne davantage en aide à ceux
qui sont le plus dans le besoin ;
5. que l'on reconnaisse les droits
légitimes des Indiens ;
6. que la gestion des terres indiennes
relève désormais des collectivités indiennes.
Les grandes mesures à prendre seront les
suivantes :
1. Le Gouvernement entend proposer au Parlement le
rappel de la Loi
sur les Indiens et prendre les mesures législatives
nécessaires pour
que les Indiens prennent en main leurs terres et soient investis
à cet
égard du droit de propriété.
2. Le Gouvernement entend proposer aux
gouvernements provinciaux
qu'ils assument envers les Indiens les mêmes
responsabilités qu'envers
les autres citoyens situés sur leur territoire. Ce transfert de
pouvoirs s'accompagnera de virements de fonds fédéraux
déjà affectés
aux programmes destinés aux Indiens. Au besoin les contributions
financières pourront être augmentées au
bénéfice des provinces.
3. Le Gouvernement prévoit engager à
titre provisoire d'importants crédits pour le
développement économique des Indiens.
4. Le Gouvernement liquidera les services du
ministère des Affaires
indiennes et du Nord canadien présentement chargés de la
responsabilité
des Affaires indiennes. Ce qui restera des attributions du gouvernement
fédéral à cet égard sera confié
à d'autres ministères fédéraux
compétents.
De plus, le Gouvernement nommera un Commissaire pour
consulter les
Indiens et pour étudier et recommander des mesures
appropriées pour
régler les réclamations indiennes relatives aux
traités.
Cette nouvelle politique vise à un avenir
meilleur pour tous les
Indiens. Ses modalités d'application sont simples. Elles exigent
discussion, consultation et négociation avec les Indiens
eux-mêmes -
particuliers, bandes ou associations - comme avec les gouvernements des
provinces.
La collaboration et le concours des Indiens et des
provinces sont
indispensables au succès de l'entreprise. Le Gouvernement entend
rechercher cette collaboration et y répondra favorablement
chaque fois
qu'elle lui sera offerte.
3. Mesures immédiates
Certains changements interviendront
rapidement.
D'autres ne seront réalisés qu'à plus long terme.
D'ici cinq ans le
ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien aura
cessé de
s'occuper des Affaires indiennes ; les nouvelles lois seront en
vigueur
et les programmes actuels auront été confiés
à d'autres organismes.
Pendant un
certain temps encore les bandes indiennes exigeront une attention
particulière. Ce transfert de pouvoirs aux Indiens fera l'objet
d'une
révision périodique. Le Gouvernement juge que cette
politique, est
juste et nécessaire ; sa réussite exige toutefois le
consentement,
l'adhésion et le concours des populations indiennes, des
provinces et
de tous
les Canadiens.
Elle offre aux Indiens une nouvelle occasion de
préciser et de
développer leur identité propre dans le cadre d'une
société canadienne
qui leur propose à la fois les bienfaits de la participation,
les
avantages de l'engagement et la fierté de l'appartenance.
Historique
Si nous sommes tous tributaires de l'histoire, c'est
pourtant sur
les Indiens qu'elle pèse de tout son poids. C'est l'histoire qui
a fait
d'eux les victimes d'un régime juridique d'exception. Les griefs
qu'ils
peuvent avoir tirent leur origine d'accords anciens, rompus ou mal
compris. Ils ne sont pas entièrement maîtres du sol qu'ils
occupent.
Chez
eux les pauvres sont proportionnellement plus nombreux que chez les
autres Canadiens - et il s'agit ici de la pauvreté sous ses
formes les
plus débilitantes. C'est dans l'histoire aussi qu'il faut
chercher
l'explication du fait que l'Indien attende d'un ministère
fédéral
particulier les services que ses compatriotes vont chercher
auprès du
gouvernement
provincial ou de l'administration locale.
Cette séparation, avec toutes ses suites
fâcheuses remonte loin
dans le passé de notre pays ; elle tire son origine du
comportement des
premières administrations coloniales : française ou
britannique. Déjà,
à l'époque de la Confédération, le mal
était fait.
Antérieurement à cette époque on
avait pris l'habitude de conclure
des accords avec les Indiens ou de les encourager à
s'établir dans des
réserves que la Couronne avait conservées à leur
intention et dans leur
intérêt. La question des terres indiennes dépendait
déjà d'un organisme
distinct. Bref, les Indiens constituaient à l'époque un
groupe à
part.
Après la Confédération, ces
précédents bien établis furent
maintenus et accentués. C'est le Parlement fédéral
qui fut investi du
droit exclusif de légiférer en ce qui concerne «
les Indiens et les
terres réservées au peuple Indien » aux termes
de l'alinéa 24 de
l'article 91 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. A
cette fin
fut adoptée une loi spéciale (la Loi sur les Indiens),
furent conclus
de nouveaux traités et mis en place tout un réseau de
bureaux répartis
sur l'ensemble du territoire tant dans les régions en voie de
colonisation que dans celles qui allaient bientôt l'être.
Trois éléments constituent la
présente politique à l'égard des
Indiens : un régime juridique particulier, un régime
spécial
d'occupation du sol et une administration distincte. Sans doute cette
politique a-t-elle permis à l'Indien de conserver des endroits
où il se
sent chez lui, mais elle a comporté en même temps de
graves difficultés
d'ordre
administratif et d'ordre matériel.
Tout cela dépendant du gouvernement
fédéral il a été impossible à
l'Indien de participer à la croissance des services provinciaux
et
locaux. On n'exigeait même pas qu'il participe à la mise
en valeur de
sa propre localité, celle-ci échappant à
l'impôt foncier. Il en est
résulté que, jugeant l'impôt inutile en ce qui le
concernait, il ne
s'est pas
pourvu de ses propres services. Quelques rares services rudimentaires
lui furent longtemps assurés par un réseau de bureaux
indiens héritiers
des traditions d'autorité des administrations coloniales de
jadis.
Ajoutons du reste que, jusqu'à tout récemment, faute de
personnel ou de
crédits, ces bureaux ne pouvaient guère s'occuper que des
cas de
pauvreté et de misère les plus pressants.
Le gouvernement fédéral étant
traditionnellement considéré comme
responsable des Indiens, il s'en est suivi une atrophie des rapports
normaux qui auraient dû exister entre les provinces et l'Indien
considéré en tant que citoyen. La plupart des provinces,
aux prises
elles-mêmes avec leurs propres problèmes
d'évolution et de croissance,
ont
préféré laisser au gouvernement
fédéral le soin de s'occuper des
Indiens. De leur côté les divers gouvernements
fédéraux qui se sont
succédé au pouvoir n'ont à peu près rien
fait pour modifier cet état de
choses. Il en est résulté que depuis près d'un
siècle les Indiens ont
relevé à peu près exclusivement d'un seul et
unique organisme fédéral.
On a mis longtemps à prendre conscience des
problèmes causés par la
séparation physique, juridique et administrative. Les Indiens
étaient
dispersés en petits groupes sur l'ensemble du territoire,
parfois dans
des régions isolées. Là où ils vivaient au
contact des colons on
distinguait malle niveau de vie des uns et des autres.
A l'origine le colon, à l'instar de l'Indien,
vivait de chasse, de
pêche et de la traite des fourrures. Mais contrairement à
l'indigène le
colon se souciait de défricher le sol et de s'y installer
solidement.
Très vite donc, des différences apparurent.
L'évolution technique du XXe siècle
allait provoquer une
industrialisation plus poussée de la société et,
partant, en compliquer
les structures. Le caractère distinctif de l'Indien allait, de
son
côté, s'en trouver accentué. Pendant que la plupart
des Canadiens
s'installaient dans les villes, elles-mêmes de plus en plus
peuplées,
l'Indien restait
essentiellement un rural, privé à la fois de
l'instruction qu'il lui
aurait fallu et de chances d'avenir. Alors que la mise en valeur des
terres se poursuivait rapidement, bien des réserves
étaient situées
dans des endroits où le progrès n'était
guère possible. En fait,
exclues de cette mise en valeur, les réserves apparurent vite
comme des
îlots de pauvreté.
Le principe de la séparation, dès lors, constituait un
passif très
lourd.
La situation juridique et administrative
particulière faite à
l'Indien ne lui a pas assuré des chances d'avenir égales
à celles qui
s'offraient à ses compatriotes. Il a été de ce
fait exposé à la
discrimination sous sa forme la plus large et la plus condamnable.
Faut-il s'étonner que, dans ces circonstances, il puisse douter
de la
possibilité de sa propre
réussite matérielle ? La discrimination a force
d'exemple et se
perpétue elle-même. Isolé de ses compatriotes,
l'Indien en est venu à
être considéré par les autres Canadiens comme un
être à part.
Ce régime juridique et administratif distinct a
entraîné la
répartition des personnes d'origine indienne en trois
groupes : Indiens
dits « inscrits »- répartis eux-mêmes
entre Indiens soumis aux traités
et Indiens qui ne le sont pas,-Indiens dits «
affranchis » qui ont
perdu ou abandonné de leur plein gré leur situation
particulière
et les Métis qui, pour être d'ascendance indienne, n'ont
jamais eu pour
autant le statut d'Indiens de plein droit.
La nouvelle politique : sa
justification
Depuis une dizaine d'années on constate de
notables améliorations
dans les domaines de l'instruction, de l'hygiène, de
l'habitation, de
l'assistance sociale et de la vie communautaire. Les Indiens se sont
donnés des porte-parole officiels. Une nouvelle unité se
fait jour chez
eux. Le Gouvernement estime que tous ces phénomènes
portent en eux
des germes de progrès, mais à la condition expresse qu'on
y réponde
d'une façon nouvelle. Cette réponse, c'est notre nouvelle
politique.
Cette dernière se fonde avant tout sur le droit
essentiel qu'a
l'Indien de participer pleinement et à titre égal
à la vie culturelle,
sociale, économique et politique du Canada.
Prétendre le contraire, c'est être
partisan de la discrimination,
de l'isolement et de la séparation. Aucun Canadien ne doit
être exclu
de la participation aux affaires de la collectivité.
1. Le statut de l'Indien
. . . que les fondements
législatifs et constitutionnels de la discrimination
disparaissent.
On ne saurait prétendre que le Canada
puisse à la fois
réaliser chez lui la société juste et conserver
des lois d'exception.
Ceci est évident pour le gouvernement. Sans doute faudra-t-il du
temps
pour faire disparaître de la constitution les clauses
particulières
relatives aux Indiens, mais cela n'en reste pas moins un objectif qu'il
ne faut jamais
perdre de vue. D'ici là il est possible de supprimer, tout de
suite,
certains obstacles législatifs particuliers.
Aux termes de l'alinéa 24 de
l'article 91 de l'Acte de l'Amérique
du Nord britannique, le Parlement fédéral a
édicté la Loi sur les
Indiens. Les Indiens sont en outre touchés par diverses ententes
fédérales-provinciales ou autres dispositions
législatives.
A long terme il y a lieu de faire disparaître de
la constitution
toutes les allusions à l'Indien, faute de quoi on ne saurait
supprimer
la distinction juridique actuelle entre lui et les autres Canadiens. A
court terme on peut rechercher une solution tout au moins partielle au
problème en révoquant la Loi sur les Indiens et en
faisant adopter
certaines
dispositions de caractère transitoire en vue d'assurer une
gestion
rationnelle des terres indiennes.
On ne saurait espérer en arriver rapidement au
but ultime. Il
faudra pour cela modifier la situation économique des
populations
indiennes et s'entendre avec les autorités provinciales, sur
bien des
points. Tant que l'Indien ne sera pas persuadé qu'il reste
parfaitement
maître de son sol, une législation particulière
reste indispensable en
ce qui le
concerne.
2. L'Indien et son patrimoine culturel
. . . que la contribution toute
particulière de la culture indienne à la vie canadienne
soit reconnue par tous.
Il importe que les Canadiens reconnaissent et
rendent
hommage à la contribution de l'Indien. Celle-ci se manifeste de
plus
d'une façon, mais elle n'en reste pas moins ignorée et
méconnue.
Nous cherchons, tous tant que nous sommes, des motifs
de fierté,
dans notre propre vie, dans nos familles ou nos ancêtres. Cette
fierté
est indispensable à l'homme pour le soutenir dans les heures de
découragement qui, fatalement, s'empare parfois de lui,
lorsqu'il se
heurte à certains obstacles, quand la vie lui semble
pénible. Nous
traversons
tous des heures comme celles-là. Notre fierté se
manifeste de bien des
manières, mais inévitablement elle nous soutient et nous
réconforte.
Malheureusement la fierté de l'Indien a été
blessée trop souvent par
ses compatriotes canadiens.
Le principe de l'égalité avec tout ce
qu'il comporte exige que nous
voyions tous dans le patrimoine culturel des uns et des autres une
source de force personnelle.
Le Canada a beaucoup changé depuis l'adoption de
la première loi
sur les Indiens. Il est actuellement constitué par des
populations
diverses, par de nombreuses cultures. Chaque groupe a sa façon
particulière de communiquer avec l'autre ; chacun sait
s'adapter, à sa
façon, à la société qui l'entoure.
Cette adaptation ne sera possible que si les groupes
qui sont
majoritaires acceptent sans restriction les minorités avec leurs
caractères distinctifs. Il faut également que ces
minorités obtiennent
leur juste part de la richesse matérielle et non
matérielle du pays.
Pendant longtemps les Canadiens ont cru que deux choix
s'offraient
à l'Indien : il pouvait vivre sur la réserve ou la
quitter aux risques
d'être assimilé et de perdre son identité. Mais le
Canada d'aujourd'hui
peut offrir davantage. Il y a un troisième choix, soit la
participation
pleine et entière à la vie et à l'économie
du pays sans porter
atteinte à la conservation, au renforcement et au
développement d'une
identité indienne qui, tout en préservant les valeurs du
passé, aidera
l'Indien à prospérer dans tous les sens du terme.
Ce choix ouvre à la population indienne de
vastes horizons. Il
fournit aux Canadiens l'occasion de montrer que dans notre
société il y
a place pour le développement de groupes qui conservent leurs
cultures
particulières et sont fiers de leur diversité.
Ce sont ces perspectives nouvelles qui sont au centre
même de la
nouvelle politique. Elle ne réussira que si l'Indien peut
assumer toute
la place qui lui revient dans la société canadienne
contemporaine et
que s'il peut y jouer un rôle digne de son expérience et
de ses
possibilités d'avenir.
L'apport de l'Indien à la société
nord-américaine a été trop
souvent méconnu, même par l'Indien lui-même. On
connaît mal son
histoire et ses traditions qui peuvent pourtant être pour lui une
grande source de fierté. Les productions artistiques indiennes
que l'on
a conservées - richesse dont tous les Canadiens peuvent jouir -
sont
trop souvent
inaccessibles à la majorité des Indiens. Il faut que l'on
aide l'Indien
à prendre conscience de son histoire et de son patrimoine sous
toutes
ses formes. Il faut aussi que ce patrimoine soit connu des Canadiens
dans toute sa richesse.
La culture indienne vit également par la langue
et la pensée. Aux
yeux des Canadiens les langues indiennes doivent apparaître comme
des
éléments d'une grande valeur. Il ne s'agit pas de
perpétuer le passé,
mais d'assurer la continuité d'un peuple en l'encourageant
à travailler
à la mise en valeur permanente de son patrimoine dans le
contexte
contemporain - et en lui facilitant la tâche à cet
égard. La culture
vit et se développe dans la vie quotidienne des peuples, des
collectivités ou d'autres associations. La condition de la
préservation
de la culture indienne, de sa perpétuation et de son
développement,
c'est l'intervention de l'Indien lui-même.
On a trop souvent fait croire à l'Indien que sa
culture n'était pas
valable. La perte de ce sentiment de valeur personnelle est mortelle.
Le succès dans la vie, l'adaptation au changement,
l'établissement de
rapports rationnels avec le reste de la collectivité aussi bien
qu'avec
le reste du monde exigent un sentiment authentique de sa valeur
personnelle - un véritable sentiment d'identité.
Riche en folklore, en formes d'art et en conceptions
originales de
la vie communautaire, le patrimoine indien ne saurait manquer de
croître et de se développer, pour le plus grand bien de la
société dans
son ensemble. La chose paraît indispensable pour peu que l'on
veuille
donner à l'Indien un sentiment véritable
d'identité et un but dans la
vie, pour peu que le Canada veuille réaliser toutes ses
virtualités.
Le Gouvernement reconnaît qu'il y a lieu
d'assister les personnes
d'ascendance indienne à cet égard de bien des
façons. Par l'entremise
du Secrétaire d'État il entend appuyer les associations
et les groupes
d'Indiens dans leurs efforts pour réparer les atteintes faites
à leur
patrimoine. Il entend encore favoriser une communication satisfaisante
chez toutes les personnes d'ascendance indienne, entre elles et tous
les autres Canadiens.
Des mesures seront prises pour obtenir la
coopération de ces
derniers. Les gouvernements provinciaux seront pressentis pour qu'ils
appuient cet effort par l'entremise des divers organismes qu'ils
possèdent et qui oeuvrent déjà dans ce domaine. On
priera instamment
les programmes scolaires afin de s'assurer qu'ils tiennent compte de la
culture
indienne et généralement de la contribution des Indiens
à la société
canadienne.
3. Programmes et services
. ... que les services dispensés
à tous les
Canadiens le leur soient par les mêmes voies administratives et
les
mêmes institutions gouvernementales.
Voilà incontestablement un
élément d'égalité. On a plus
d'une fois démontré que la séparation des groupes
tient à celle des
services. On ne saurait mettre en doute le principe de fournir des
services communs. Il est indéniable.
Il est inconcevable de prétendre que' l'Acte de
l'Amérique du Nord
britannique doive exclure l'Indien du droit de prendre part à la
vie de
sa province comme citoyen à part entière, avec toutes les
responsabilités et tous les avantages que cela peut comporter.
C'est au
niveau provincial que se situent et s'appliquent les correctifs
sociaux ;
mais c'est à ce niveau que les populations indiennes n'ont pas
participé.
Les Canadiens bénéficient de toute une
gamme de services qui leur
sont dispensés par leurs administrations provinciales et
locales ; mais
les Indiens vivent le plus souvent à l'écart de ces
structures. Cette
situation n'a plus de sens. Le Gouvernement estime qu'il y a lieu de
mettre à leur disposition des services sur une base
équitable -
sous réserve de distinctions provisoires fondées sur les
besoins. Il ne
faut pas que les services viennent d'institutions spéciales
établies à
l'intention de groupes particuliers, surtout pas l'intention de groupes
qui se distinguent par leur caractère ethnique.
La notion de services à la fois spéciaux
et égaux, n'est pas juste
en réalité. Il est rare que de tels services
spéciaux puissent être
vraiment égaux ; ils ne le sont pas en tout cas en ce qui
concerne
l'Indien et sa communauté. Un grand nombre de ces services
doivent
obligatoirement s'accompagner d'investissements que l'on ne saurait
multiplier indéfiniment. D'autres services, par contre, doivent
faire
partie du système complexe de la vie régionale et
communautaire et ne
sauraient être dispensés sur une petite échelle.
C'est pourquoi le Gouvernement a jugé bon de
mettre fin aux
méthodes classiques d'assistance. Tous les Indiens, sans
exception,
doivent avoir accès aux programmes et aux services
dispensés par tous
les niveaux du gouvernement, au même titre que tous les autres
Canadiens.
Il entend donc négocier avec les provinces des
accords aux termes
desquels les populations indiennes pourront désormais
bénéficier
intégralement des programmes locaux et provinciaux. Il faudra
à cet
égard rechercher des dispositions financières
équitables pour que ces
services répondent en tous points aux besoins. Il y aura lieu de
mettre
un
terme à la discrimination, tout en s'assurant que les
intérêts des
Indiens ne seront pas lésés. Le Gouvernement propose de
transférer aux
administrations provinciales compétentes les fonds qu'il affecte
actuellement aux programmes destinés aux Indiens dans chaque
province.
Sous réserve de négociations ultérieures avec les
provinces ces
dispositions
finiront, par la force même des choses, par devenir caduques en
ce sens
que la province assimilerait désormais Indiens et non-Indiens.
En même temps le Gouvernement entend confier ce
qui lui restera
d'attributions en matière indienne - attributions dont sont
actuellement investies les Affaires indiennes - à d'autres
ministères :
Expansion économique régionale, Secrétariat
d'État et Main-d'oeuvre et
Immigration.
Il importe que cette transmission de pouvoirs ne
compromette pas la
qualité des services et ne mettent pas en danger les
dispositions
intérimaires qui font l'objet de consultations ou de
négociations. Le
Gouvernement entend accorder à cette question une attention
toute
particulière.
4. Amélioration des services
. . . que l'on vienne davantage en aide
à ceux qui sont le plus dans le besoin.
On ne saurait nier que la situation actuelle
de
l'Indien n'est pas plus propre à le satisfaire qu'à
satisfaire les
autres. Il n'y a aucun doute non plus qu'il faut mettre à sa
disposition des services exceptionnels si on veut réparer le mal
qui a
été fait.
Qui dit égalité devant la loi et
égalité des programmes et des
services ne dit pas nécessairement égalité de la
situation économique
et sociale. D'où la révision envisagée des
programmes existants. Le
ministère de l'Expansion économique régionale,
celui de la
Main-d'oeuvre et de l'Immigration et les autres ministères
fédéraux
intéressés
prendront les mesures qui s'imposent pour mettre au point des
programmes aptes à supprimer la pauvreté dont a jusqu'ici
souffert
l'Indien.
Des crédits additionnels seront engagés
à cette fin, provenant de
sources diverses. Dans une atmosphère de liberté accrue,
ceux qui sont
aptes à le faire devront s'aider eux-mêmes pour que les
fonds ainsi
libérés soient employés pour aider ceux qui en ont
le plus besoin. Le
transfert du titre de propriété de leurs terres aux
Indiens leur
permettra
de progresser par leurs propres moyens. Il devrait s'ensuivre une
libération de crédits grâce auxquels pourront
être améliorés les
programmes conçus à l'intention de ceux qui ont le plus
de retard par
rapport aux autres. En mettant fin à certains programmes et en
les
remplaçant par d'autres - mis au point à
l'intérieur même des
collectivités
indiennes-on pourra faire un usage plus rationnel des fonds
prévus. On
pourra réaliser aussi, sur le plan administratif, certaines
économies
grâce à la disparition de bureaux distincts au fur et
à mesure que les
différents niveaux de gouvernement commenceront à
réaliser leurs
propres programmes et à utiliser leurs propres ressources.
L'extension des sources de services devrait en principe
faire
profiter de cette amélioration tous ceux qui en ont besoin. En
mettant
en cause un plus grand nombre d'institutions, intervenant à
divers
niveaux, et en les dotant des moyens qu'il leur faut pour travailler
plus utilement, il sera possible - c'est du moins l'avis du
Gouvernement d'aller
à la racine du mal, de trouver des solutions qui ont
échappé jusqu'ici
aux administrateurs des programmes actuels, si bien conçus et
appliqués
qu'ils aient été.
La base économique pour un grand nombre
d'Indiens, c'est la réserve. Mais sa mise en valeur accuse un
retard.
Parmi les nombreux éléments de la
croissance économique des
réserves, il faut tenir compte surtout de leur emplacement et de
leur
dimension. Il en existe un certain nombre situées à
l'intérieur de
régions de croissance industrielle (ou près d'elles) qui
pourraient
fournir à leurs occupants d'importantes sources de travail et de
revenus. Il en est
d'autres, dans des régions agricoles, qui pourraient faire vivre
un
plus grand nombre de familles que ce n'est actuellement le cas. La
plupart des réserves, cependant, se trouvent dans les
régions boréales
ou boisées de notre pays ; elles sont le plus souvent
isolées et
n'offrent qu'un faible potentiel économique. C'est là que
l'on retrouve
- chez
les Indiens comme d'ailleurs chez les non-Indiens - insuffisance des
ressources, chômage et sous-emploi.
Même là où les réserves sont
économiquement intéressantes, l'Indien
a été gêné dans son développement. Le
secteur privé s'est détourné de
ces terrains qui ne pouvaient servir de garantie aux emprunts
nécessaires au développement d'entreprises. Le secteur
public n'a pas
non plus fourni en quantité suffisante le capital social ou de
risque
qu'il
leur aurait fallu. Rares sont les Indiens à qui il a
été donné
d'acquérir l'expérience des affaires. Rares aussi sont
ceux à qui on a
offert une aide technique suffisante.
De l'avis du Gouvernement il faut fournir aux
populations indiennes
les moyens de mettre en valeur les ressources de leurs réserves
pour
qu'elles puissent participer à leur propre promotion et,
partant, au
mieux - être de la nation. Pour mettre les régions
indiennes au niveau
des régions dans lesquelles elles se trouvent, il faudra
d'importants
apports de capitaux pendant de longues années aussi bien que la
mise en
place de services de consultants (services de gestion et technique). Le
Gouvernement estime qu'il sera ainsi possible de mettre facilement
à la
disposition des Indiens tous les programmes ou les services
consultatifs des gouvernements fédéral et provinciaux.
En outre - mais ce n'est ici qu'une mesure
intérimaire - il entend
engager d'ici cinq ans d'importants crédits au titre du
progrès
économique des populations indiennes. On pourra ainsi surmonter
les
obstacles qui s'opposent encore à une mise en valeur rapide des
terres
ou des ressources des Indiens, mettre les Indiens en contact plus
étroit avec
le monde des affaires et faciliter le financement de nouvelles
occasions d'emploi et l'accès aux sources normales de
crédit.
Même si elles étaient utilisées au
maximum, les ressources des
réserves indiennes ne sauraient faire vivre convenablement leur
population actuelle, encore moins leur population future. Nombreux
seront les Indiens qui - comme ils le font d'ailleurs en ce moment -
iront chercher ailleurs du travail pour résoudre leurs
difficultés
économiques. Il
doit y avoir des emplois disponibles. A cette fin le Gouvernement
entend mettre à la disposition des Indiens la gamme tout
entière des
services d'orientation, de formation professionnelle ou de placement du
ministère de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration.
Dans bien des cas les problèmes de l'Indien sont
semblables à ceux
qui se posent à leurs concitoyens non indiens. Il est impossible
de
résoudre ces problèmes en les abordant
isolément ; il faut au contraire
chercher leur solution dans le cadre des programmes de
développement
régional mettant en cause la collectivité tout
entière. La
conséquence de ce qu'on peut appeler ainsi « une approche
régionale et
intégrée » c'est que tous les niveaux de
gouvernement - fédéral,
provincial, local - et la population elle-même se trouvent de ce
fait
engagés. Le ministère de l'Expansion économique
régionale est
essentiellement chargé de corriger les inégalités
qui sévissent
actuellement,
d'une région à l'autre, dans la situation
économique des Canadiens. Le
Gouvernement entend répondre dans ce cadre aux besoins des
communautés
indiennes.
5. Réclamations et traités
. . . que l'on reconnaisse les droits
légitimes des Indiens.
Nombreux sont les Indiens qui croient avoir
été
injustement traités par les gouvernements qui se sont
succédé au
pouvoir. Ils ont été, disent-ils, injustement
privés de leurs terres,
ou tout au moins ils n'ont pas reçu à cet égard
une indemnisation
suffisante. Ils croient aussi que leurs fonds n'ont pas
été
convenablement administrés et qu'on a
enfreint les droits qui leur avaient été reconnus aux
termes des
traités. Ce sentiment d'injustice affecte leurs rapports avec
les
divers niveaux de gouvernement et restreint leur participation à
la vie
canadienne.
Pour un grand nombre d'Indiens, ce sont les
traités qui sont à
l'origine de leur droit au sol, de leurs droits de chasse et de
pêche
et à d'autres avantages. Certains croient qu'il y a lieu de
donner à
ces traités une interprétation plus large des services et
des droits
qu'ils contiennent. Ils sont nombreux ceux qui croient que ces
traités
n'ont pas été
respectés. Quoi qu'il en soit, qu'ils aient tort ou raison, dans
tous
les cas ou dans un certain nombre de cas seulement, il reste que ces
traités ne touchent que la moitié des Indiens du Canada.
La plupart des
Indiens du Québec, de la Colombie-Britannique et du Yukon n'ont
jamais
conclu de traité.
Les termes et les effets des traités entre les
Indiens et le
Gouvernement sont le plus souvent mal compris. Il suffit d'en prendre
connaissance pour constater qu'ils ne comportent guère qu'un
minimum de
promesses, promesses généralement très restreintes.
En vertu des traités, les Indiens ont
reçu une première
indemnisation sous forme d'espèces et la promesse qu'ils
bénéficieraient désormais de terrains dont ils
auraient en exclusivité
la jouissance, les rentes, la protection de leurs droits de
pêche, de
chasse et de piégeage (dans la plupart des cas sujets à
certains
règlements), ainsi que les services
d'une école et d'un instituteur (dans la plupart des cas) et
dans un
traité seulement, un cabinet de produits pharmaceutiques.
Ajoutons
quelques dispositions secondaires comme le don annuel d'une certaine
quantité de ficelle ou de munitions.
Les annuités ont été payées
régulièrement. La promesse essentielle,
la création de réserves, a été tenue, sauf
dans le cas des Indiens des
mesures qui mettront fin aux injustices dont les Indiens ont souffert
comme membres de la société canadienne. C'est la
politique que le
Gouvernement présente pour discussion.
Lors de la dernière réunion à
Ottawa, les représentants des
Indiens, choisis à chacune des réunions régionales
précédentes, ont
fait part de leur désir de poursuivre des recherches
additionnelles
afin d'établir leurs droits avec plus de précision ;
ils ont élu un
Comité national sur les droits et traités indiens et ont
demandé l'aide
financière du
gouvernement.
Le Gouvernement avait l'intention de présenter
un projet de loi
créant une Commission de réclamations pour entendre et
déterminer les
droits indiens. Une étude des questions soulevées lors de
ces
consultations ainsi que la revue de la politique indienne ont fait
naître de sérieux doutes sur l'avantage de créer
une Commission de
réclamations
telle que proposée au Parlement en 1965 pour mettre
à jour les droits
légitimes des Indiens.
Le Gouvernement a décidé que des
recherches additionnelles étaient
nécessaires de la part des Indiens et du gouvernement. Le
Gouvernement
nommera un Commissaire qui, en consultation avec les
représentants des
Indiens, enquêtera sur les droits résultant de
l'application des
traités et des ententes conclues entre les Indiens et la
Couronne.
Le Commissaire déterminera également les
réclamations qui, selon
lui, devraient être référées à la
Cour ou à tout organisme quasi
judiciaire qui pourrait être recommandé.
L'enquête du Commissaire se poursuivra
conjointement avec celle du
Comité national des Indiens, et le Commissaire sera
autorisé à
recommander les sommes nécessaires pour que le Comité
puisse effectuer
des recherches au nom des Indiens et, ainsi, aider le Commissaire dans
son enquête.
6. Terres indiennes
. . . que la gestion des terres indiennes
relève désormais des collectivités indiennes.
L'Indien sera propriétaire du sol de sa
réserve.
L'existence de la réserve a assuré
à l'Indien la jouissance de
terres qui n'ont généralement pu être
aliénées sans son consentement.
Dispersées un peu partout à travers le Canada, les
réserves occupent
quelque six millions d'acres répartis sur environ 2,200
parcelles de
dimensions variables. Sous le régime actuel, le titre des
propriétés
appartient à la Couronne représentée par le Canada
ou par une province.
La direction administrative et l'autorité législative
sont, cependant,
confiées en exclusivité au Parlement et au gouvernement
fédéral. Il
s'agit d'une fiducie. Tant que persistera cette situation le
Gouvernement, fiduciaire en l'occurrence, devra contrôler toutes
les
transactions
mettant en cause ces terrains.
Ces biens-fonds appartenant à la Couronne et la
Loi sur les Indiens
étant ce qu'elle est, il en est résulté que les
populations indiennes
se sont trouvées asservies à un régime
d'occupation du sol dépourvu de
souplesse et peu propice à en favoriser la mise en valeur. La
bande
indienne veut-elle arrondir ses recettes en louant ses terrains
à
bail ? Il faut pour cela qu'elle satisfasse aux exigences
compliquées
d'un système où l'État lui-même est mis en
cause en sa qualité de
fiduciaire. Elle est incapable de sa propre initiative
d'hypothéquer
ses terrains en vue du financement de cette mise en valeur. L'Indien
n'est maître de son terrain que dans la mesure où le
Gouvernement le
lui permet, situation de fait dont il ne saurait plus longtemps se
contenter. Ce qu'il veut maintenant c'est une possession réelle,
point
de vue auquel souscrit d'ailleurs le Gouvernement. Les Indiens
eux-mêmes ont très clairement fait connaître leurs
désirs au cours des
consultations que nous avons eues avec eux. Le Gouvernement
reconnaît
qu'une
égalité parfaite et digne de ce nom exige que l'Indien
soit maître et
possesseur de sa réserve.
Entre le régime actuel et la libre possession et
jouissance se
situent un certain nombre de régimes intermédiaires. Il
faut commencer
par supprimer l'intervention obligatoire du ministre pour tout ce qui
concerne la disposition des terres des Indiens. Voilà la source
des
retards, des frustrations et des difficultés. L'Indien doit
être maître
de sa
terre. Le gouvernement croit que chaque bande doit prendre sa propre
décision sur la façon de contrôler sa terre de son
propre bien-fonds et
de l'administrer. Ce transfert s'effectuera sur une période de
plusieurs années.
La possession pleine et entière suppose bien des
choses, notamment
la liberté de choix en matière d'usage, de conservation
ou
d'aliénation. Dans notre société, elle suppose
aussi l'obligation de
payer certains services. Le Gouvernement reconnaît que les
intéressés
ne consentiraient peut-être pas tout de suite à ce que
tous ces
terrains entrent
d'emblée dans le régime provincial et soient de ce fait
assujettis à
l'impôt. Lorsque l'Indien comprendra que la seule façon
dont il peut se
rendre possesseur et maître absolu de son sol consiste pour lui
à payer
l'impôt au même titre que les autres Canadiens,
peut-être pourra-t-il
s'y résoudre. Mais c'est à lui que revient cette
décision.
D'autres régimes d'occupation seront
proposés aux Indiens à titre
individuel ou collectif (c'est-à-dire aux bandes indiennes).
Mais quel
que soit le régime choisi par les Indiens, le système
actuel qui exige
que le Gouvernement exécute tous les baux, surveille et
contrôle toutes
les transactions ou cessions - en somme joue à cet égard
le rôle d'un
fiduciaire - doit disparaître. Il faut néanmoins que soit
protégé le
patrimoine indien. Il ne saurait être question
d'aliénation sans le
consentement des Indiens eux-mêmes. Aux bandes doit revenir la
libre
gestion de leur bien-fonds. Si tel est le désir des bandes ou
des
particuliers, ils doivent pouvoir sans restriction devenir
propriétaire
de leurs
terrains.
Tant que la Couronne administrera les terrains à
l'avantage des
bandes qui les occupent et les utilisent, ce sera à elle de
juger qui,
en sa qualité de membre de la bande, a droit à sa part de
l'actif de ce
fonds. Les conditions d'adhésion à la bande qu'elle
impose sont
prescrites dans la loi-la Loi sur les Indiens - qui régit
l'administration des
réserves. Aux termes du texte actuelle Gouvernement
lui-même applique
et interprète ces prescriptions. Mais lorsque la bande aura
possession
pleine et entière elle pourra se substituer à cet
égard à ce dernier.
Le Gouvernement est prêt à
transférer les terrains qui constituent
les réserves à toutes les bandes indiennes en cause,
transfert qui
comportera à la fois la direction complète du bien-fonds
et le droit de
déterminer la part de propriété de chacun,
conformément avec la Loi sur
les Terres indiennes. Il recherchera à cet égard l'accord
des bandes
et,
éventuellement, des gouvernements provinciaux. A cette fin des
pourparlers seront entrepris avec la population indienne et les
provinces.
Application de la nouvelle politique
1. Les associations indiennes et la consultation
Pour que la nouvelle politique puisse
être appliquée
avec succès il faudra travailler continuellement à
resserrer la
collaboration avec la collectivité indienne. La chose a
été très
clairement indiquée par la Fraternité nationale des
Indiens dans les
propositions qu'elle a présentées à la
réunion nationale convoquée pour
examiner avec le
Gouvernement la révision de la Loi sur les Indiens. Son
mémoire
définissait d'une façon succincte les besoins alors
existants. Il
constitue une base de discussion des modalités d'adaptation
à la
nouvelle politique.
À cette fin le Gouvernement entend inviter les
membres du bureau de
la Fraternité et des diverses associations provinciales à
une réunion
où sera discuté le rôle qu'ils pourront
éventuellement être appelés à
jouer dans l'application de la politique nouvelle et les moyens
financiers nécessaires à cet égard. Le
Gouvernement reconnaît
l'importance
pour eux de recourir aux services de consultants étrangers
à la
fonction publique, notamment en ce qui concerne les questions
juridiques. Il reconnaît aussi que ces discussions imposeront un
lourd
fardeau aux dirigeants indiens tout au long de la période
d'adaptation.
Il y aura donc lieu de prendre des dispositions particulières de
façon
à leur donner
tout le temps qu'il faudra pour se réunir et discuter de tous
les
aspects de la nouvelle politique et de son application.
Besoins et problèmes varient
énormément d'une province à l'autre.
L'adaptation revêtant, pour chaque cas, un aspect nouveau, il est
vraisemblable que les négociations impliqueront surtout les
associations provinciales, les fédérations
régionales et les bandes
elles-mêmes. Sans doute subsistera-t-il des questions
d'intérêt commun
pour lesquelles
la Fraternité sera appelée à assurer la liaison
entre les diverses
associations provinciales d'une part et, d'autre part, les
ministères
fédéraux à qui seront dévolues les
attributions qui restent.
Le Gouvernement veut que ce soit les associations qui
participent
pour la plus grande part aux consultations et aux négociations,
mais il
n'en reste pas moins que chaque bande sera consultée en ce qui
concerne
l'accès à la propriété de son bien-fonds.
Les bandes seront priées de
choisir l'association qu'elles chargeront de défendre leurs
intérêts
généraux.
2. Période de transition
Le Gouvernement souhaite que la meilleure
partie de sa
politique soit appliquée d'ici cinq ans. Il croit aussi qu'il
sera
possible de prendre d'ici là les dispositions financières
et autres
nécessaires à l'Indien que l'on veut faire
bénéficier des services
provinciaux. Il demandera que soient entreprises aussitôt les
discussions avec les provinces
et les représentants des Indiens
Au fur et à mesure que des accords seront
conclus avec les
provinces et que les attributions qui lui restent seront
confiées à
d'autres ministères, le rôle que joue actuellement le
ministère auprès
des Indiens sera progressivement réduit.
Un Commissaire sera nommé sous peu et
prié d'entreprendre son travail dans les plus brefs
délais.
Des mesures immédiates seront prises, en
consultation avec les
représentants des Indiens pour qu'ils deviennent
propriétaires de leur
sol. Cela prendra sans doute un certain temps, si on songe qu'il faut
consulter à cet égard plus de cinq cents bandes.
Ce n'est pas dans une politique, quelle qu'elle
soit, qu'on
peut trouver la solution définitive à tous les
problèmes. Celle-ci ne
saurait réussir que dans la mesure où ceux qu'elle entend
servir
l'accepteront. Ce qui marque essentiellement la nouvelle politique du
Gouvernement envers les Indiens c'est la reconnaissance par lui de
cette vérité.
Il reconnaît en effet que c'est avant tout à l'Indien
qu'il appartient
de résoudre ses propres problèmes. Pour la
première fois sera mis en
place un cadre qui ne laisse aucune place à la discrimination et
à
l'intérieur duquel, dans la liberté, l'Indien pourra,
avec les autres
Canadiens, réaliser son propre destin.
(Publié avec l'autorisation de l'hon.
Jean Chrétien, C.P., député ministre des Affaires
indiennes et du Nord canadien Ottawa, 1969. L'Imprimeur de la Reine
N° de cat. R32-2469)
Le règne de terreur de Sir John A. MacDonald
À la veille des célébrations
du 150e anniversaire de la Confédération canadienne,
le 21 juin 2017, le premier ministre Justin Trudeau a fait un
grand geste pour montrer son engagement à remédier aux
torts historiques commis contre les peuples autochtones du Canada.
Il a changé le nom du bâtiment dans lequel se trouve son
bureau du gouvernement sur la rue Wellington à Ottawa, en face
du Parlement du Canada afin qu'il ne soit plus appelé
l'édifice Langevin. Les Canadiens se sont fait dire que
Hector-Louis Langevin était un « moindre père
de
la Confédération » et l'architecte du
système génocidaire des pensionnats autochtones.
Il est grand temps que tous les noms de ces
héros du colonialisme britannique et de la classe dominante qui
ont commis des crimes contre les peuples soient supprimés et
remplacés par les noms de véritables héros du
peuple, décidés par le peuple. En même temps, le
geste de Trudeau
est suspect, vide de sens en effet, car il refuse que d'autres noms
soient retirés de tous les bâtiments publics et des rues,
à commencer par ceux de John A. Macdonald, qui n'était
certainement pas un « moindre père de la
Confédération » bien au contraire, et de
George-Étienne Cartier, l'un des deux plus éminents
pères de la Confédération. Plus important encore,
Macdonald était lui-même l'architecte le plus fervent du
génocide.
En mai 1883, John A. MacDonald a exposé
l'objectif des pensionnats à la Chambre des communes. Il a
déclaré :
« Lorsque l'école est sur la
réserve, l'enfant vit avec ses parents, qui sont sauvages ;
il est entouré de sauvages, et bien qu'il puisse apprendre
à lire et à écrire, ses habitudes, son
éducation domestique, et ses façons de penser, restent
celles des sauvages. En un
mot, c'est un sauvage capable de lire et d'écrire. On a
fortement insisté auprès de moi, comme chef du
département de l'Intérieur, pour soustraire autant que
possible les enfants sauvages à l'influence de leurs parents.
Or, le seul moyen d'y réussir serait de placer ces enfants dans
des
écoles industrielles centrales, où ils adopteraient les
habitudes et les façons de penser des blancs. »[1]
Le 3 janvier 1887, John A. MacDonald a
déclaré que l'un des objectifs de la
Confédération était de faire disparaître les
peuples autochtones :
« Le grand objectif de notre
législation a été de faire disparaître le
système tribal et d'assimiler les Indiens à tous les
égards avec les autres habitants du Dominion, aussi rapidement
qu'ils sont aptes au changement. »[2]
John A. MacDonald est aussi la personne qui a
organisé le massacre du peuple métis dans les territoires
qui sont devenus plus tard le Manitoba et la Saskatchewan et fait
pendre leur chef, Louis Riel, pour trahison. En 1870, il a
envoyé l'expédition militaire de 1 200 hommes,
sous le
commandement du colonel de l'armée britannique Garnet Wolseley,
écraser le soulèvement des Métis au Manitoba
dirigé par Louis Riel. Les journaux de rivière Rouge, de
Montréal, de Toronto, de New York et de St. Paul ont
qualifié le comportement violent de la force
expéditionnaire envoyée par Macdonald, qui devint plus
tard la Gendarmerie royale du Canada (GRC), de
« règne de la terreur »[3]. C'était la réaction du
projet colonial qui visait à reproduire l'État
britannique en
Amérique du Nord et à bloquer les aspirations
légitimes des nations et des peuples qui composaient le Canada.
L'esprit qui a motivé Riel et les membres du
gouvernement provisoire à l'époque est contenu dans la
« Déclaration du peuple de la Terre de Rupert et du
Nord-Ouest » qui affirme la souveraineté des
Métis sur leurs terres. Entre autres, dans cette
déclaration, ils
refusent de reconnaître l'autorité du Canada,
« [...] qui prétend avoir droit de venir nous imposer
une forme de gouvernement encore plus contraire à nos droits et
à nos intérêts [...] ».
Parallèlement, la Compagnie de la Baie d'Hudson
a accepté de vendre la Terre de Rupert au Canada à la
Grande-Bretagne pour 300 000 £
[1 500 000 $] en espèces en 1869, tout en
conservant 1/20 des terres fertiles du territoire pour les vendre
aux colons et
tous ses postes de traite. La Grande-Bretagne a ensuite permis au
Dominion du Canada d'annexer la Terre de Rupert et le Territoire du
Nord-Ouest, ce qui a placé la Compagnie de la Baie d'Hudson sous
la juridiction du nouvel État qui les a officiellement
déclarés comme faisant partie du Dominion du Canada. Le
nouvel État colonial a remplacé la Compagnie de la Baie
d'Hudson, le propriétaire absentéiste, avec l'annexion
directe de l'Ouest. La Terre de Rupert faisait cinq fois la taille des
quatre colonies qui constituaient la nouvelle
confédération.
Dans les années 1870 et 1880, la
politique fédérale servait les intérêts du
grand capital et la compagnie de chemin de fer du Canadien Pacifique –
dirigée par Lord Strathcona (Donald Alexander Smith) de la
Compagnie de la Baie d'Hudson et des banques britanniques comme la
Barings Bank – pour qui la Confédération de 1867
était un projet national de création de nouveaux
marchés grâce à l'expansion de l'État par la
conquête armée des territoires autochtones traditionnels.
La Charte de la compagnie de chemin de fer Canadien
Pacifique a été signée le 5
février 1873 par le gouverneur général. Ses
dispositions engageaient la compagnie à construire le chemin de
fer dans un délai de dix ans à compter du 20
juillet 1871,
en contrepartie duquel il devait recevoir une concession
foncière de 50 millions d'acres et une subvention
de 30 millions $ payable en versements
échelonnés. Le capital de la compagnie était
de 10 millions $. Son fondateur était sir Hugh Allan
qui a été
qualifié de « l'un des capitalistes les plus
remarquables de son temps et fondateur de l'une des plus grandes
fortunes canadiennes et à l'heure actuelle parmi les plus
puissantes. » Afin d'atteindre cet objectif, Sir
George-Étienne Cartier – encore un autre père de la
Confédération – a écrit la lettre
« privée et confidentielle » suivante
à Allan le 30 juillet 1872 :
« Les amis du gouvernement s'attendent
à être assistés avec des fonds dans les
élections en cours, et tout montant que vous ou votre entreprise
avancera à cet effet vous sera remis. Un mémorandum
d'exigences immédiates est ci-dessous. » Ce
mémorandum
se lit comme suit :
« DÉSIRÉ MAINTENANT :
"Sir John A. Macdonald
.............. 25 000 $
Hon. Mr. Langevin
..................... 15 000 $
Sir. G.E.C.
........................... 20 000 $
Sir J.A. (add.)
....................... 10 000 $
Hon. Mr. Langevin
.................... 100,000 $
Sir G.E.C.
............................ 30 000 $. »
Le 7 août 1872, Allan
répondait : « J'ai déjà
payé environ 250 000 $, et devrais payer au
moins 50 000 $ avant la fin du mois. Je ne sais
même pas quand cela finira, mais je l'espère. »
Le
« grand régime de corruption »,
conçu par sir Hugh Allan, avait maintenant atteint le point
où il était considéré que la machine du
gouvernement était « correctement
fixée ».[4]
Une grande partie du capital bancaire a
été fournie par la Barings Bank, agent financier du
Canada à Londres, fondée en 1810, mais dont les
origines remontent à 1720, avec des investissements
reçus pour financer la traite des êtres humains, la traite
transatlantique des esclaves
dont elle a tiré des profits énormes. Elle
possédait de nombreuses plantations à Saint-Kitts et en
Guyane britannique, pour lesquelles elle avait reçu
quelque 10 millions de livres de l'État britannique
en 1839 à titre de « compensation »
pour l'abolition de
l'esclavage. La Barings Bank a financé un quart de la
construction des chemins de fer américains[5]. Aujourd'hui, la Compagnie de la Baie
d'Hudson (« La Baie ») est la
propriété des investisseurs américains de
capital-risque. Aujourd'hui, la
politique fédérale sur les peuples autochtones sert
principalement les monopoles de ressources américains et la
création de la Forteresse Amérique du Nord pour
défendre la « sécurité
intérieure » américaine et
l'hégémonie sur le
monde entier.
Notes
1. House of Commons [Commons Debates]. (1883,
May 9). Cit : Official report of the debates of the House of
Commons of the Dominion of Canada (Vol. xiv). Ottawa : Maclean,
Roger & Co.
2. Sir John A. Macdonald, 1887, cité par
J.R. Miller, in Skyscrapers Hide the Heavens, 1989, p. 189.
3. The
Reign
of
Terror
Against
the
Métis
of
Red
River
4. Gustavus Myers, History of Canadian
Wealth, 1913. (Sir G.E.C. réfère à
George-Étienne Cartier).
5. Centre for
the
Study of the Legacies of British
Slave-ownership, UCL Department of History, London.
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Marxiste-Léniniste
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