Extraits de « Kanehsatake:
270 ans de Résistance »
Alanis Obomsawin est née le 31 août 1932 et est
une cinéaste, chanteuse, artiste et militante
abénakis principalement connue pour ses
documentaires. « Kanehsatake : 270 ans de
résistance » est un long métrage documentaire
réalisé par elle, relatant la confrontation entre
les résidents de Kanehsatà:ke et les gouvernements
du Québec et fédéral. Le film est sorti le 28
janvier 1993. Alanis Obomsawin était à
Kanehsatà:ke lors de la confrontation en 1990[1].
Narratrice : L'histoire que vous
allez voir se passe près de Montréal à
Kanehsatà:ke, un village Mohawk voisin d'Oka et à
Kahnawà:ke, une réserve mohawk au sud de la ville
aux abords du pont Mercier. À 70 km à l'ouest de
Montréal, la municipalité d'Oka a approuvé un
projet de développement domiciliaire de grand luxe
et l'agrandissement d'un terrain de golf privé qui
passera de 9 à 18 trous empiétant sur une pinède
qui fait partie du territoire de la nation mohawk.
À l'aube du 10 mars 1990, les gens de
Kanehsatà:ke ont commencé à occuper un chemin de
terre menant au terrain de golf en signe de
protestation. Le maire d'Oka leur a donné jusqu'au
lundi 9 juillet pour obéir à une injonction
accordée à la municipalité avant de réclamer
l'intervention de la police. [...]
Au début des années 1930, des gens d'Oka
commencèrent à jouer au golf sur la Commune. Les
Mohawks se plaignirent que leur bétail se faisait
chasser à coups de bâtons de golf et que les
animaux n'avaient rien à manger.
En 1947, la municipalité expropria la Commune et
même le cimetière des Mohawks devint la propriété
d'Oka. Après avoir abattu beaucoup d'arbres, le
village compléta en 1961, son terrain de golf
privé.
Kahentiiosta : Je suis arrivé ici
et j'ai demandé « Où est le barrage ? » Ils ont
répondu : « C'est ici. » J'ai dit : « C'est ça la
route qu'on bloque depuis trois mois ? C'est un
chemin de terre. Je pensais que c'était au moins
une route principale, quand même ! »
Ellen Katsi'tsákwas Gabriel : [Le
11 juillet] John Cree, notre gardien de la
spiritualité, venait de commencer à faire brûler
du tabac. Il faisait ses remerciements. Et 15
minutes plus tard, les camions Tilden sont arrivés
avec la brigade anti-émeute. Une des 3 femmes a
dit : « Merde, ils sont ici. » D'instinct nous
avons compris que les femmes aussi devaient être
en avant. C'est notre devoir de protéger la terre,
de protéger notre mère. Je me souviens avoir
regardé la figure des policiers. Ils avaient peur.
Ils étaient comme des petits enfants. Ils
n'avaient jamais affronté un esprit aussi fort.
Ils étaient comme des robots.
Robert Skidders (Mad Jap) : Ils
avançaient encore, alors on a demandé une
tronçonneuse. On a fait la première entaille, et
on a commencé la 2e ici. Le vent s'est levé et le
haut de l'arbre a craqué comme si l'arbre allait
tomber. Ils se sont mis à crier. Ils ont aussitôt
reculé. Mais dans leur fuite, ils nous ont lancé
des gaz lacrymogènes et des bombes explosives.
Kahentiiosta : On ne bougeait
pas. Ils avaient beau tout essayer, on restait là.
Narratrice : Tout est calme dans
la pinède, lorsque la police lance les gaz
lacrymogènes. Soudain, le vent se lève et renvoie
la fumée sur les policiers et vers l'autoroute
344. Pour manifester leur appui aux gens de
Kanehsatà:ke, les warriors de Kahnawà:ke bloquent
toutes les routes principales qui mènent à leur
réserve.
À 7 heures du matin, les warriors ferment le
pont Mercier qu'empruntent quotidiennement 65 000
véhicules.
Kahentiiosta : Quelqu'un a crié :
« Tout le monde par terre ! » Il fallait se
coucher par terre pour échapper aux tirs. Je
ne savais pas sur qui ils tiraient, mais tout de
suite, après le 1er tir, nos hommes ont riposté.
Narratrice : Les gens de la
Pinède sont remplis de tristesse lorsqu'ils
apprennent que le Caporal Lemay a été atteint et
qu'il est mort. Ils savent aussi qu'on les
accusera, peu importe d'où la balle est partie.
Robert Skidders : Ils sont
arrivés avec une ambulance et ils ont emporté le
corps du Caporal Lemay. Ils sont repartis
aussitôt. Ils avaient tiré dans les boissons et
sur les arbres. Une balle a pu ricocher ... Ç'a
peut-être été un accident de leur part.
Kahentiiosta : Celui qui avait
les clés de la voiture a dû s'enfuir, et il a
laissé les hommes ! Eux, ils n'avaient plus de
voiture pour partir. Elle était fermée à clé.
Narratrice : Les warriors
réagissent immédiatement. Ils utilisent une
chargeuse abandonnée par la Sûreté du Québec pour
dresser plusieurs barricades, cette fois sur une
route principale, la 344.
Dans la Pinède, les gens des longues maisons
sont les premiers à prendre position. Les Mohawks
présentent un front uni malgré des tensions entre
les différentes factions à Kanehsatà:ke. Des
warriors arrivent d'autres communautés pour
appuyer leurs frères et leurs soeurs dans la
Pinède.
Ellen Katsi'tsákwas Gabriel : Je
crois qu'on s'est tous conduits de façon
honorable. On a vraiment essayé d'éviter la
violence. On savait pourquoi ils venaient ici ...
et on savait que ça pouvait mal tourner. On le
sentait, c'était presque palpable dans l'air.
Narratrice : L'atmosphère est
très tendue. Plus d'un millier de policiers
arrivent à Oka, un village de 1 800 habitants.
Des policiers armés jusqu'aux dents ont établi
des barrages à environ 5 km du village ...
Note
1. « Kanehsatake
: 270 ans de Résistance », Alanis Obomsawin,
Office national du film du Canada. Pour visionner le
documentaire
Site web: www.pccml.ca Courriel:
redaction@cpcml.ca
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