Le Marxiste-Léniniste

Numéro 141 - 3 décembre 2016

Le programme de réforme électorale du gouvernement Trudeau

Les tergiversations de la ministre des Institutions démocratiques

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Le programme de réforme électorale du gouvernement Trudeau
Les tergiversations de la ministre des Institutions démocratiques
La méthode antisociale des échelles de préférence
L'objectif pervers des consultations sur la réforme électorale - Sam Heaton

À titre d'information
Le Comité spécial présente son rapport
Le gouvernement introduit des modifications à la Loi électorale du Canada
Processus visant à «nettoyer les données» du Registre des électeurs
Un registre de futurs électeurs

Le Canada tient une rencontre internationale sur la Syrie
Le dilemme du Canada suite aux élections américaines
- Pauline Easton

Un complot contre la paix - Margaret Villamizar
La réunion de Mont-Tremblant

L'anniversaire des attentats de Paris de novembre 2015
Les pouvoirs d'exception et la violation des droits humains deviennent la nouvelle normalité - Christian Legeais
Le gouvernement français annonce la création d'un gigantesque fichier d'informations personnelles

Nouvel accord de paix ratifié en Colombie
Le processus de paix est défendu

Un appel urgent du Réseau en défense de l'humanité
Campagne de pétition pour la libération d'Oscar López Rivera


Le programme de réforme électorale du gouvernement Trudeau

Les tergiversations de la ministre des
Institutions démocratiques

La réponse du premier ministre et de la ministre des Institutions démocratiques aux recommandations du Comité spécial sur la réforme électorale déposées le 1er décembre met le dernier clou dans le cercueil de la duperie du gouvernement Trudeau sur la réforme démocratique.

Les libéraux et la ministre Monsef changent leur histoire à tous les jours, ils mentent et agissent selon ce qui convient à leur intérêt du moment, mais cela n'a rien de nouveau. Même les éminences grises du Parti libéral s'émerveillent de pouvoir s'en sauver à si bon compte. Le fait que Justin Trudeau ne se soit pas présenté à la période de questions le jour où le Comité spécial a rendu son rapport public, n'a rien de surprenant non plus. Il n'y a certes rien d'honorable à laisser la ministre affronter seule les conséquences des manoeuvres arrogantes de son gouvernement et de ses propres tergiversations. La patience a ses limites à entendre la ministre répéter la ligne de parti et des phrases infantiles à la gloire de la démocratie canadienne. Beaucoup se désillusionnent de voir un premier ministre incapable de faire face à un monde qui ne se conforme pas à la construction mentale qu'il s'est faite de lui-même et de ce qui se passe autour de lui.

Non, ce qui est significatif, ce sont l'attitude dédaigneuse du gouvernement envers le rapport du Comité spécial et les conclusions qu'il en tire et comment ce refus fait partie du problème. À la période de questions le 1er décembre, madame Monsef a dit : « À première vue, on y trouve quelques bonnes idées. Par exemple, la conversation axée sur les valeurs semble être le seul moyen de débattre de la préférence des Canadiens quant aux solutions de rechange au système majoritaire uninominal à un tour. » Elle a répété deux autres fois l'expression « conversation axée sur les valeurs ». Elle a laissé entendre que c'était la seule recommandation claire du rapport et dit que « le seul consensus était qu'il n'y avait pas de consensus quant au système à adopter. » Puis elle a ajouté : « Nous n'avons pas fini d'écouter les Canadiens. Nous leur enverrons une invitation, qui arrivera dans leur boîte à lettres dès la semaine prochaine. Nous tenons à écouter autant de voix que possible avant de présenter un projet de loi à la Chambre. »

La ministre des Institutions démocratiques affirme donc on ne peut plus clairement que le Parti libéral va poursuivre ses objectifs quoiqu'on en pense. Il veut les imposer advienne que pourra.

Elle a plus tard expliqué aux journalistes au sujet de la « conversation axée sur les valeurs » que « la prochaine phase de nos consultations, qui se déroulera en décembre, donnera aux Canadiens et Canadiennes une autre chance de participer à cette conversation, pour nous assurer que les valeurs qui sont pour eux les plus importantes dans un système électoral, dans leur démocratie, soient représentées dans le produit final. Et nous allons tenir compte de toutes les réactions, y compris celles du Comité, y compris celles des assemblées des députés, dont les consultations que moi-même et Mark Holland avons tenues, avant de déposer un projet de loi à la Chambre des communes. »

L'invitation qui sera envoyée par la poste demandera aux gens « d'explorer les comparaisons entre vos opinions sur notre démocratie et celles des autres Canadiens ». Le problème est que la société et ses problèmes ne sont pas un agrégat de points de vue personnels. Quand le gouvernement Trudeau affirme que les Canadiens ont des valeurs communes et qu'il veut aller au fond des choses et savoir ce qu'elles sont, il fait la promotion des valeurs qui l'aident à se perpétuer. On cherche à détourner les gens de la réalité des problèmes de la démocratie actuelle en les privant d'une conception du monde et d'un programme politique qui mènent à l'unité dans l'action pour ouvrir la voie au progrès de la société.

Parlant de l'importance de discuter des valeurs, Hardial Bains écrivait en 1995 :

La question des valeurs doit être abordée avec calme et sérieux. Historiquement, des gens qui ont travaillé côte à côte dans une économie commune, sur un même territoire géographique et parlant généralement la même langue ont donné naissance à une psychologie commune et à une nation commune. Peut-on dire que cette communauté a donné naissance à des valeurs communes ? Non, pas du tout. Si l'on parle de valeurs communes à l'intérieur d'une nation, c'est qu'il y a atteinte au droit de conscience de l'individu car tous n'ont pas les mêmes valeurs.

Il faut bien comprendre que nous parlons d'une société fondée sur un système économique moderne avec un État moderne. Par exemple, le but de la production capitaliste, qui est de faire le profit capitaliste maximum, peut-il être considéré comme une valeur commune ? C'est peut-être une valeur commune à tous les capitalistes, mais ce n'est pas une valeur commune à l'ensemble de la société.

Sur le plan politique, peut-on dire que la « démocratie représentative telle qu'elle existe au Canada » est une valeur commune de toutes les Canadiennes et de tous les Canadiens ? Non. Le PCC(M-L) entre autres, mais aussi beaucoup d'autres organisations et individus au Canada ne partagent pas les mêmes valeurs que les libéraux, les conservateurs et les néodémocrates en ce qui concerne le système politique. La règle s'applique aussi aux valeurs culturelles et à d'autres domaines.

Le point auquel je veux en venir est le suivant : pourquoi toute cette importance accordée aux valeurs à l'heure actuelle ? Pourquoi les républicains aux États-Unis attachent-ils tant d'importance aux valeurs, qu'il s'agisse des valeurs familiales ou nationales ? La raison en est que les gens en ont assez de ce qui se passe et ces forces rétrogrades veulent détourner leur attention des vrais problèmes en parlant de valeurs dans l'abstrait.

Je crois qu'il faut insister pour que lorsqu'on parle de valeurs, il faut en parler en termes concrets en tenant compte des conditions concrètes. Parler de valeurs peut s'avérer très positif dans le renouveau démocratique si nous partons de définitions modernes.

Ces valeurs qui concernent objectivement tout le monde devraient s'appeler « valeurs publiques », mais cela ne veut pas dire qu'elles sont communes à tous. Par exemple, le fait que les capitalistes recherchent le profit maximum concerne tout le monde. Le fait que nous avons ce qu'on appelle une démocratie représentative concerne tout le monde. Mais la politique officielle de la nation peut-elle proclamer que ce sont des valeurs communes sans porter atteinte au droit de conscience de l'ensemble des citoyennes et citoyens ? [...]

Le problème est que lorsqu'on parle de valeurs aujourd'hui, on confond ce qui est privé et ce qui est public. Toute personne a le droit de croire à ce qu'il ou elle veut et de faire ce qu'il ou elle veut de son corps tant que cela demeure une affaire privée. Mais dès que cela devient une affaire publique, la chose se complique.

Concrètement, il y a des valeurs qui sont publiques parce qu'elles affectent tout le monde et il y a des valeurs qui sont privées parce qu'elles affectent seulement ceux pour qui elles représentent quelque chose. Les valeurs publiques, ce sont celles qui concernent tout le monde. Mais ça s'arrête là. Proclamer ces valeurs publiques comme étant des valeurs communes auxquelles tous et chacun doivent adhérer peut créer un sérieux conflit.

Pendant 200 ans, les capitalistes ont fait la promotion de valeurs qui les aidaient à perpétuer leur pouvoir et ils ont cherché à imposer ces valeurs à tout le monde par la force des armes. Une de ces valeurs est la recherche du profit. Partant de cette valeur, tout le monde est supposé accepter le système économique qui profite aux capitalistes, mais qui mène à la concentration de la richesse à un pôle et de la pauvreté à l'autre. Si tout le monde devait accepter la recherche du profit capitaliste maximum comme valeur universelle, cela aurait plusieurs conséquences. D'abord, les réclamations des capitalistes, et notamment des créanciers de la dette publique, seraient les seules reconnues par la société. Deuxièmement, l'économie ne serait pas planifiée et continuerait de progresser de façon anarchique. Troisièmement, les guerres commerciales qui conduisent à de vraies guerres interimpérialistes seraient la norme, l'acceptable.

Les capitalistes disent de leurs valeurs qu'elles sont « universelles ». Pourquoi tiennent-ils à faire croire à tout le monde qu'elles sont universelles ? Parce que le capitalisme ne progresse que par la domination. Prétendre que leurs valeurs sont universelles est un moyen important pour les capitalistes d'exercer leur domination sur les autres. Mais lorsqu'on les analyse objectivement, on se rend compte que ces valeurs ne sont pas universelles. La recherche du profit est une valeur qui appartient à une époque précise, l'époque de la bourgeoisie, et disparaîtra avec le renversement du capitalisme. Comment une valeur universelle peut-elle être renversée ?

Par contre, la valeur qui reconnaît les réclamations que toutes les citoyennes et tous les citoyens sont en droit de faire à la société du seul fait qu'ils sont des êtres humains et qui réclame que l'économie soit organisée en fonction de bénéficier à toutes et tous est objectivement une valeur universelle qui concerne tout le monde. Pourquoi les capitalistes ne reconnaîtraient-ils pas cette valeur ? Parce que s'ils le faisaient, ils ne seraient pas des capitalistes et le capitalisme ne serait pas le capitalisme. Bref, les capitalistes ont des valeurs économiques, politiques et autres qui conviennent à leur recherche du profit capitaliste maximum. Ces valeurs privées des capitalistes les aident à atteindre leur but.

Lorsque les capitalistes déclarent qu'un pays à des valeurs en commun, ils cherchent à détourner l'attention des vrais problèmes, ils cherchent à imposer un débat sur les valeurs plutôt que sur la façon de faire avancer la société. [...]

Toutes les valeurs, qu'elles soient publiques ou privées, apparaissent dans un contexte historique spécifique. En ce moment la défense des droits collectifs devient la valeur humaine la plus importante. On ne peut pas défendre les droits humains sans défendre les droits collectifs. Les droits collectifs de nombreux peuples dans le monde sont foulés aux pieds. Les droits collectifs des peuples autochtones sont aussi foulés aux pieds dans cette même Constitution qui nie les droits collectifs de la nation du Québec. Les droits collectifs du peuple du Canada sont également niés. [...]

Il est important de discuter de valeurs en ce moment. Ce faisant, par contre, nous devons défendre également la valeur qui profite à tous. C'est une des plus grandes valeurs humaines. Comment est-il possible d'avoir un genre humain, une race humaine dans le vrai sens du terme, sans défendre cette valeur qui profite à tous ? Il nous faut aussi établir un lien parental moderne. Le lien parental sous le communisme primitif était fondé sur le sang. Sous le capitalisme, il était fondé sur le sang et sur les rapports de classe. Durant la période de transition vers la société communiste, le lien parental doit être fondé sur les rapports de classe. Mais dans la société du futur, il sera fondé uniquement sur l'espèce humaine. Cette valeur est la plus universelle de toutes les valeurs et tous doivent la défendre. [...][1]

Note

1. « Les valeurs », Le Marxiste-Léniniste, 5 février 1995. Hardial Bains était le dirigeant du Parti communiste du Canada (marxiste-léniniste) jusqu'à sa mort en 1997.

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La méthode antisociale des échelles de préférence

Le Comité spécial de la Chambre des communes sur la réforme électorale a déposé son rapport sur l'examen et les consultations « en vue d'étudier d'autres modes de scrutin, de remplacer le système majoritaire uninominal à un tour » le 1er décembre. Le même jour, la ministre des Institutions démocratiques, Maryam Monsef, a dit rejeter ce rapport et a fait référence à la « prochaine phase » des consultations du gouvernement libéral, laquelle n'a cependant pas été annoncée formellement. Elle a dit que ces nouvelles consultations pourraient commencer dès le lundi 5 décembre et se faire entre autres par le site Web « mademocratie.ca » qui comprendra un questionnaire, lequel, selon une source anonyme citée par les médias, « ne devra pas être interprété comme un référendum ou un sondage ». Les visiteurs ne seront pas invités à s'exprimer en faveur d'une méthode particulière de comptage des votes mais plutôt à placer différentes « valeurs canadiennes » dans une échelle de préférence. Pour attirer l'attention des gens sur l'existence du site, le gouvernement envoie une carte postale à plus de 13 millions de ménages canadiens. Selon la ministre Monsef, le gouvernement ne va adopter aucune réforme « sans l'appui général de la population de ce pays ».[1]

Le Parti marxiste-léniniste du Canada (PMLC) a souligné avant le lancement des consultations du gouvernement Trudeau que l'approche du gouvernement et des partis cartels à la réforme électorale « appelle à une division du corps politique en différents camps en faveur de telle ou telle méthode de compter les votes sans jamais aborder le problème fondamental de la crise de la démocratie. Il fait l'éloge du vote comme ' exercice démocratique le plus fondamental ' précisément au moment où les citoyens disent que voter tous les quatre ou cinq ans n'est pas suffisant. » Les réformes électorales dignes de ce nom doivent permettre aux membres du corps politique de participer au processus décisionnel afin qu'ils puissent exercer un contrôle sur la direction de l'économie et sur toutes les affaires sociales, politiques, culturelles et autres. La méthode de consultation utilisée vise au contraire à ce qu'il n'y ait de discussion sur aucun des problèmes importants auxquels est confronté le corps politique. Toute mesure qui n'élimine pas les positions de privilège des gouvernants sur les gouvernés ne fera qu'accroître la marginalisation des électeurs et approfondir la crise des institutions démocratiques.

Une bonne partie des spéculations sur ce que le gouvernement Trudeau manigance tournent autour de l'idée que les libéraux cherchent un moyen d'imposer leur méthode préférée de dépouillement des votes, soit le vote préférentiel. Plusieurs en arrivent à la conclusion que le problème pour les libéraux est d'où bien trouver un moyen de fabriquer un « appui général » au vote préférentiel, ou bien, si cela n'est pas possible, prétendre que les Canadiens favorisent le statu quo et veulent passer à des choses plus importantes.

Le PMLC est d'avis que l'enjeu est plus important que cela. Les libéraux cherchent à conférer une légitimité aux élections comme moyen de donner aux gouvernements des mandats de l'électorat alors que ce qu'on appelle des mandats expriment moins que jamais la volonté populaire. Or, ce sont précisément le système appelé démocratie représentative et son processus électoral qui ne sont plus crédibles. Ils ne font que porter au pouvoir des partis qui servent leurs propres intérêts, les intérêts des riches qu'ils représentent. Ils marginalisent complètement le peuple et ne lui permettent même pas de sélectionner les candidats qui se présentent aux élections. Ils ne donnent au peuple aucun moyen de décider de l'ordre du jour de la société ni aucun autre rôle que de voter tous les quatre ou cinq ans. Changer la façon de compter des votes ne changera rien à ces problèmes fondamentaux. Les autres fonctions de l'élection dans le système appelé démocratie représentative sont également en crise. Cela comprend la possibilité pour les représentants des riches de résoudre les conflits entre eux et de maintenir en échec le mouvement de résistance. Au lieu de chercher les moyens de faire en sorte que le peuple décide de l'ordre du jour de la société, tous les partis de cartel cherchent à détruire le mouvement politique du peuple pour étouffer son désir de s'investir du pouvoir de décider.

Le système électoral continue de porter des gouvernements au pouvoir mais ne permet plus de légitimer leur action et toutes les consultations et échelles de préférence n'y changeront rien. C'est un dilemme qui est en train de pousser le gouvernement libéral à la folie.

Le PMLC croit que les libéraux veulent instituer le vote préférentiel comme moyen par lequel le gouvernement peut prétendre avoir un « large appui des Canadiens » pour une ligne de conduite particulière. C'est la méthode qui a été utilisée dans le plébiscite sur la réforme électorale à l'Île-du-Prince-Édouard le 7 novembre et cela n'a rien de rassurant. On a conclu par des méthodes algorithmiques qu'une des options était « le choix de la majorité » bien qu'aucune des options n'ait été choisie par la majorité.

Le scrutin préférentiel assigne un ordre de priorité aux préférences. Sur une liste de x nombres de choix, on établit une échelle de préférence en commençant par le choix préféré, puis le deuxième, le troisième, et ainsi de suite, jusqu'à l'option la moins préférée. Un algorithme détermine le « choix de la majorité » en éliminant successivement la préférence qui a le moins d'appui parmi tous les choix tandis que les autres choix passent à la « prochaine ronde ». L'algorithme est censé aboutir à une modulation du résultat et à un consensus parce qu'il produit quelque chose qu'on peut interpréter comme étant acceptable pour le plus grand nombre de personnes. Le vote préférentiel et les méthodes qu'il utilise ne servent pas seulement à la sélection des représentants politiques ou même dans un processus électoral public comme le référendum de l'Île-du-Prince-Édouard.

C'est aussi la méthode utilisée par exemple par la firme conseil privée Vox Pop Labs inc., que les libéraux ont retenue pour un contrat de mise en ligne de leur questionnaire.[2] Le questionnaire qu'elle a préparé pour les Canadiens, comme la plate-forme « boussole électorale » qu'elle commercialise pendant les élections, est fondé sur l'assignation de préférences, notamment en demandant au participant d'indiquer le niveau d'accord ou de désaccord avec une proposition donnée. Les résultats sont ensuite interprétés par une manoeuvre algorithmique pour créer un faux « choix majoritaire » que les gens n'ont pas choisi et qui, de toute façon, est basé sur des questions arbitraires qui « incitent » le participant vers un choix particulier. Ce n'est « pas un référendum ni un sondage », c'est plutôt une méthode de gouvernance par laquelle le gouvernement Trudeau dit vouloir renforcer la démocratie canadienne, donner aux Canadiens la chance d'être entendus et faire la démonstration que le système est viable, quel que soit le choix de réformes obtenus par le procédé algorithmique.

Les méthodes que les libéraux proposent pour rétablir la légitimité s'attaquent au facteur humain/conscience sociale, à la conscience collective des Canadiens et à leur besoin de trouver des solutions aux problèmes objectifs de la démocratie et de la renouveler afin qu'elle reflète les conditions sociales d'aujourd'hui. Elles réduisent également le problème de jauger la conscience collective du corps politique à l'établissement d'une échelle de préférence par des moyens de marketing mais la conscience collective n'est pas la somme des préférences personnelles. Prétendre à la légitimité sur la base d'assignations préférentielles, de scrutin préférentiel, n'est pas seulement irrationnel, c'est antisocial. Le PMLC estime que la situation de plus en plus dangereuse dans laquelle les gens se retrouvent et l'échec des gouvernements des riches à légitimer leur règne montrent que les Canadiens doivent accentuer leurs efforts pour affirmer leur conscience collective en faveur d'un changement prosocial et de l'habilitation du peuple.

Notes

1. À la fin du mois de mai, lors d'une entrevue parue dans un journal, peu de temps avant la mise sur pied du Comité spécial, on a demandé à madame Monsef comment le gouvernement évaluerait l'appui à toute ligne de conduite. « Franchement, c'est cela le débat, a dit la ministre. Et nous ne procéderons à aucun changement sans l'appui général de la population de ce pays ... C'est une occasion pour nous de nous engager dans un débat sur la façon d'aller de l'avant au XXIe siècle. »

Le 19 octobre, lors du premier anniversaire de l'élection fédérale de 2015, le premier ministre Trudeau a déclaré : « Sous Stephen Harper, il y avait tellement de gens mécontents du gouvernement et de son approche que les gens disaient : 'Ça prend une réforme électorale pour ne plus avoir de gouvernement qu'on n'aime pas'. Or, sous le système actuel, ils ont maintenant un gouvernement avec lequel ils sont plus satisfaits. Et la motivation de vouloir changer le système électoral est moins persuasive. »

Le 27 octobre, lors d'un événement à Victoria, madame Monsef a exprimé le même sentiment. « Les gens ne réclament pas de changement comme c'était le cas sous l'ancien gouvernement ... ils ont d'autres priorités comme les emplois et des préoccupations familiales, les enfants et petits-enfants, et ils se soucient de choses comme l'environnement. » Elle a déclaré que « même si le premier ministre a une préférence, même si je suis arrivée à une préférence pour un système spécifique avec certains éléments, nous n'allons pas aller de l'avant si nous n'avons pas un large appui de la part des Canadiens ». Quant à son interprétation de ce que veulent les Canadiens, la ministre a dit que, à la suite de ses rencontres à travers le pays, « ce que j'entends, c'est comment les Canadiens apprécient la représentation locale, autant qu'ils veulent un système plus légitime et plus efficace, et qu'avant tout ce qui importe c'est l'inclusion et l'accès universel. » Elle a ajouté que le fait que les Canadiens « assignent à ces principes une préférence est important » pour que le gouvernement en arrive à une décision.

2. « Le gouvernement s'apprête à lancer une nouvelle consultation en ligne sur la réforme électorale », LML, 12 novembre 2016.

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L'objectif pervers des consultations
sur la réforme électorale

Presque deux mois après que les consultations sur la méthode de dépouillement des suffrages du scrutin étaient censées se terminer, le gouvernement libéral de Justin Trudeau continue de rechercher de nouveaux moyens d'atteindre ses objectifs. L'objectif principal est de conférer une légitimité au système électoral par lequel le gouvernement est porté au pouvoir, mais qui ne sert plus à légitimer les actions des gouvernements. Un autre objectif est de trouver un procédé ou une méthode qui donne une apparence de légitimité à une réforme qui, croyaient les libéraux, servirait leurs intérêts en garantissant leur réélection ou du moins les favoriseraient par rapport aux autres partis cartellisés.

Le problème majeur du gouvernement Trudeau est que jusqu'à présent pour les Canadiens ces consultations semblent être superficielles et mener nulle part tout en empêchant toute discussion sérieuse sur le type de réformes démocratiques qui serait favorable au peuple.

Les consultations devaient se terminer au début d'octobre, avec la fin des audiences du Comité spécial sur la réforme électorale de la Chambre. Les réunions se sont tenues en novembre à huis clos (elles n'étaient pas ouvertes au public) et le comité a déposé son rapport qui contient les résultats de ses consultations et les rapports des assemblées publiques des députés.

Les consultations étaient censées être une étape vers la réalisation de la promesse électorale des libéraux sur la réforme électorale qui était :

 1. « Nous sommes déterminés à faire en sorte que l'élection de 2015 soit la dernière élection fédérale organisée selon un scrutin majoritaire uninominal à un tour. »

 2. « Nous créerons un comité parlementaire spécial ... qui se penchera sur un éventail de mesures de réforme, comme les bulletins de vote hiérarchisés, la représentation proportionnelle, le vote obligatoire et le vote en ligne. »

 3. « Dans les 18 mois suivant notre arrivée au pouvoir, nous déposerons un projet de loi sur la réforme électorale. » [1]

Le 19 octobre, juste après que le Comité spécial ait commencé ses travaux, le premier ministre Justin Trudeau a déclaré en entrevue au Devoir  : « Moins d'appuis et un petit changement, ce serait peut-être acceptable. Un plus gros changement, ça prendrait un plus gros appui. »

Le premier ministre a précisé que le gouvernement n'a pas à appliquer automatiquement les recommandations du comité, « mais c'est un outil essentiel pour encadrer une décision éventuelle du gouvernement ». Il a ajouté : « Si on va changer le système électoral, il faut que les gens soient ouverts à ça. On va regarder comment se déroulent les consultations, les réactions, les résultats des rapports. On ne va pas préjuger ce qui serait nécessaire [pour modifier le mode de scrutin]. Mais quand on dit un appui substantiel, ça veut dire quelque chose. »

Aussitôt qu'il a fait cette déclaration, l'opposition a soulevé un tollé et dit que non seulement la consultation frauduleuse était légitime, mais que le peuple avait parlé, et demandé comment Trudeau osait-il remettre cela en question. Les citoyens ont parlé et exigent la représentation proportionnelle mixte, les réformes que nous voulons, a dit le NPD. Les citoyens ont parlé et exigent un référendum, la position que nous défendons, ont dit les conservateurs. Les deux partis ont insisté sur le fait que les consultations avaient montré dûment que les Canadiens veulent la même chose qu'eux. Le 16 novembre, le NPD a dit qu'il était disposé à inclure un référendum dans les recommandations du comité, si cela permettait au comité de s'entendre sur un rapport.

De son côté, la ministre des Institutions démocratiques, Maryam Monsef, n'a cessé de répéter que les Canadiens ne savent pas ce qu'ils veulent et a créé un mystère sur la façon d'« évaluer si [une] réforme a un large soutien des Canadiens ». La ministre a rendu son propre verdict dans une lettre au Comité spécial datée du 16 novembre. Elle écrit : « Les Canadiens qui ont assisté à nos réunions ont défendu avec passion divers systèmes. Si j'ai entendu les défenseurs de la représentation proportionnelle en parler avec passion et les défenseurs du scrutin majoritaire uninominal à un tour en parler avec passion, je n'ai pas encore entendu qu'il y avait un consensus sur un système particulier par rapport à un autre. »

Tandis que tous les partis cartellisés s'entendent sur la légitimité des consultations frauduleuses, les libéraux sont toujours confrontés au problème qu'ils sont contre la représentation proportionnelle mixte et la tenue d'un référendum mais doivent quand même trouver une ligne de conduite acceptable qui puisse être présentée comme légitime. Quoi qu'ils décident, appliquer la méthode qu'ils préfèrent, les bulletins de vote hiérarchisés ou le vote préférentiel, ou bien ne rien faire du tout, il leur faut quand même présenter quelque chose de nouveau pour dissimuler la fraude.

L'autre problème est le résultat du plébiscite du 7 novembre sur la réforme électorale à l'Île-du-Prince-Édouard que les libéraux, selon Monsef, « suivaient de très près ». Le résultat a été défavorable aux libéraux à deux égards.

En premier lieu, l'algorithme de vote préférentiel qui a déterminé le résultat a déclaré gagnante l'option de la représentation proportionnelle. En second lieu, seulement 36,46 % des participants admissibles ont voté durant les neuf jours qu'ils avaient pour classer leurs préférences. Ni la ministre Monsef, ni le premier ministre n'ont pu commenter le résultat sans perdre la face.

Monsef a cependant dit qu'il existe un consensus parmi les Canadiens « autour des valeurs démocratiques partagées ... la représentation locale et la reddition de comptes, un système qui encourage une plus grande participation et un engagement des électeurs et préserve l'intégrité de notre système électoral ». Elle a également déclaré que les Canadiens ont « l'idée très nette » qu'ils veulent un système plus « accessible et inclusif ».[2]

Pour se sortir du pétrin, le gouvernement lance un nouveau sondage en ligne en décembre. Treize millions de cartes seront postées pour demander aux Canadiens de visiter un site Web pour « classer les principes ».[3] Cette enquête en ligne est gérée par Vox Pop Labs, l'entreprise derrière le logiciel « Boussole électorale », un instrument pseudo-scientifique qui classe des réponses à de fausses questions et indique aux utilisateurs pour quel parti cartellisé voter lors d'une élection ou où ils se trouvent sur l'échiquier politique. Dans ce cas-ci, l'enquête ne demandera pas aux gens de choisir une réforme particulière ou même de classer ces réformes dans un ordre de préférence. Non, on leur demandera d'indiquer dans quelle mesure ils sont d'accord avec un ensemble de « valeurs » ou de « principes ». Le gouvernement affirme que l'enquête permettra aux Canadiens de « comprendre leurs préférences et leurs valeurs ».

Les médias ont rapporté le 17 novembre que certains anciens utilisateurs de la « Boussole électorale » avaient été contactés par Vox Pop Labs et invités à participer à un essai de l'enquête du gouvernement. Certaines des questions posées, dont Vox Pop Labs a déclaré plus tard qu'elles n'étaient pas définitives, ont été fuitées aux médias. Des organisations comme Représentation équitable au Canada qui milite pour un système électoral mixte à représentation proportionnelle a fait remarquer que les questions de l'enquête semblaient biaisées de façon à permettre au gouvernement de prétendre que ce système manquait d'appui.

Par exemple, les questions comprenaient :

Que préférez-vous ?

- Avoir quelques grands partis qui tentent d'attirer un large éventail de personnes.

- Avoir de nombreux petits partis au parlement qui représentent de nombreux points de vue différents.

Sélectionnez les cinq impératifs du gouvernement qui sont les plus importants pour vous dans la liste ci-dessous.

- Une meilleure représentation des groupes qui sont actuellement sous-représentés au parlement

- Permettre aux électeurs d'exprimer un large éventail de préférences lors du vote

- Augmenter la présence des petits partis au parlement

- Renforcement les liens entre l'intention de l'électeur et l'élection des représentants

- Des députés qui mettent l'accent sur ce qui est mieux pour le pays

- Des gouvernements qui ont une forte représentation de toutes les régions

- Garder les partis qui ont des points de vue extrêmes hors du parlement

- Des gouvernements qui collaborent avec les autres partis au parlement

- Assurer la sécurité du processus électoral

- Un parlement où tous les points de vue sont représentés

- Veiller à ce que les résultats des élections reflètent les préférences des électeurs

- Augmenter le taux de participation des électeurs

- Une plus grande diversité au parlement

- Des députés qui passent la majeure partie de leur temps dans leur communauté locale

- La possibilité de voter en ligne lors des élections

Représentation équitable au Canada a également fait remarquer qu'il n'y avait pas de questions sur l'allocation des sièges au parlement aux partis politiques en fonction du pourcentage de voix. Dans une question, on demande aux Canadiens de déclarer leur niveau de confiance dans une religion organisée, les forces armées, les écoles publiques, les tribunaux, la fonction publique, les syndicats, la police, le gouvernement fédéral, votre gouvernement provincial, la grande entreprise et les médias.

Dans une autre question, on demande aux Canadiens d'indiquer leur degré d'accord ou de désaccord sur les points suivants :

- Je ne me sens pas à l'aise de prendre des risques

- Je préfère les situations qui présentent des résultats prévisibles

- Avant de prendre une décision, je voudrais être absolument certain de comment les choses vont tourner

- J'évite les situations qui présentent des résultats incertains

- Je me sens confortable d'improviser dans une situation nouvelle

- Je me sens nerveux quand je dois prendre des décisions dans des situations incertaines

Le directeur de Vox Pop Labs, Clifton van der Linden, a déclaré dans une lettre aux médias après la publication de l'enquête que « ces dernières semaines Vox Pop Labs a effectué un certain nombre d'études sur l'opinion publique concentrées sur ce que pensent les Canadiens du fonctionnement du parlement. Ce sont des études pilotes et les commentaires que nous recevons des Canadiens servent à éclairer l'élaboration d'une initiative en ligne innovante, parrainée par le gouvernement du Canada qui sera à la disposition de tous les Canadiens en temps opportun. »

« À cause d'une erreur de programmation dont Vox Pop Labs assume l'entière responsabilité, un sous-ensemble des répondants à la dernière itération de notre étude pilote a été par inadvertance présenté avec une batterie d'éléments de sondage de politologie (tirés d'études universitaires existantes) qui ne devaient pas être inclus dans cette étude. [...] Plusieurs, toutefois pas tous, des éléments 'fuités' actuellement diffusés sur les médias sociaux et présentés dans différents articles faisaient partie de cette batterie. » Cependant, Clifton van der Linden ne précise pas quelles questions « ne devaient pas être incluses dans cette étude ».

Les libéraux doivent être en effet dans une situation difficile pour avoir recours à des stratagèmes aussi insensés et absurdes pour se donner de la légitimité. Les institutions dites démocratiques et les méthodes tordues que proposent les libéraux pour accéder au pouvoir ne confèrent pas de légitimité à leurs actions. Le recours à ces stratagèmes et outils irrationnels par Vox Pop Labs pour attaquer la conscience collective des Canadiens ne confère aucune légitimité, peu importe combien de fois les libéraux répéteront que les résultats soutiennent leurs actions. Les efforts pour imposer de nouvelles méthodes de gouvernance dans le dos du peuple sont autant futiles que méprisables.

Notes 

1. Les libéraux ont fait d'autres promesses sur la réforme des lois électorales qui n'ont pas été incluses dans le mandat du comité, comme par exemple : « abroger les mesures antidémocratiques prévues par la Loi sur l'intégrité des élections de Stephen Harper », « Réviser le plafond des dépenses électorales et limiter les dépenses entre les élections » et « donner à Élections Canada les ressources dont elle a besoin pour enquêter sur les cas de fraude ou de dissuasion électoraux, sur le financement illégal et sur toute autre affaire qui menace l'intégrité du processus électoral ».

2. Lors d'une réunion à Victoria, en Colombie-Britannique, le 28 octobre, madame Monsef a répété les commentaires de Justin Trudeau que « personne ne réclame de changements comme sous l'ancien gouvernement », et elle a ajouté : « Même si le premier ministre a une préférence, même si j'ai une préférence pour un système spécifique avec certains éléments, nous n'irons pas de l'avant sans le soutien des Canadiens. »

En réponse à une personne de l'assistance qui lui demandait d'appliquer la représentation proportionnelle mixte, la ministre Monsef a déclaré qu'elle ne peut rien promettre parce qu'elle n'avait pas « entendu cela venant d'une majorité écrasante dans tout le pays » et elle a expliqué que c'est la raison pour laquelle « le classement des principes est important » pour le gouvernement avant de prendre une décision. Elle a également montré les difficultés auxquelles le gouvernement faisait face : « Cette salle est pleine en ce moment mais je dois vous dire que dans la plupart des réunions dans le pays, il n'y a pas eu que des salles combles. »

La ministre a également dit combien c'était « décourageant » quand son engagement et celui du premier ministre envers la réforme sont remis en question. « Les gens ont paniqué » quand les libéraux ont voulu créer un comité où ils étaient majoritaires, s'est plainte la ministre. « Je me démène tous les jours, 24 heures par jour, pour le changement », a-t-elle fini par dire.

 3. « Le gouvernement s'apprête à lancer une nouvelle consultation en ligne sur la réforme électorale », LML, Numéro 138 - 12 novembre 2016.

(Avec National Post, Creekside Blog, iPolitics)

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À titre d'information

Le Comité spécial présente son rapport

Le 1er décembre, le Comité spécial sur la réforme électorale a présenté son troisième rapport intitulé Renforcement de la démocratie au Canada : Principes, processus et engagement du public en vue de la réforme électorale. Le rapport a été présenté officiellement aux médias par le président du Comité, Francis Scarpalegia, le député conservateur Scott Reid, le député néodémocrate Nathan Cullen et le député du Bloc québécois Luc Thériault. Suite à la présentation officielle du rapport, les députés du Parti libéral siégeant au comité ont tenu leur propre conférence de presse et la chef du Parti Vert Elizabeth May en a fait de même.

Le comité avait pour mandat « d'identifier et de mener une étude sur les systèmes de vote alternatif viable pour remplacer le système de scrutin uninominal et d'examiner le vote obligatoire et le vote en ligne ».

Le rapport complet des travaux du Comité comprend 356 pages. Il est composé de neuf chapitres :

1) Introduction
2) La réforme électorale et la Constitution
3) Leçons apprises : historique de la réforme du système électoral aux paliers fédéral et provincial
4) Valeurs et systèmes électoraux : vers une solution proprement canadienne
5) Civisme, devoirs et droits : le vote obligatoire
6) Le vote en ligne et le vote électronique
7) Diversité et participation : un parlement à l'image du Canada
8) La participation des électeurs
9) Se lancer dans la réforme du système électoral : une question de processus

Le rapport comporte sept annexes qui énumèrent et mettent en lumière les témoins entendus, les mémoires reçus, les rapports des assemblées tenues par les députés et un résumé des réponses aux consultations électroniques du Comité. L'index final contient une classification des mémoires reçus par le Comité selon qu'ils étaient pour ou contre un système électoral particulier ou obligatoire et le vote en ligne.

Le rapport fait 13 recommandations. Le Parti libéral du Canada a publié un « avis complémentaire ». Le Nouveau parti démocratique et le Parti vert ont également présenté un « avis complémentaire » conjoint.

On peut trouver le texte intégral du rapport ici.

Les recommandations mises de l'avant dans le rapport sont les suivantes :

Recommandation 1 : Le Comité recommande que le gouvernement, aux fins de l'élaboration d'un nouveau système électoral, utilise l'indice de Gallagher pour réduire au minimum la distorsion entre la volonté populaire de l'électorat et la répartition des sièges au Parlement. Le gouvernement devrait chercher à élaborer un système qui atteint un indice de Gallagher de 5 ou moins.

Recommandation 2 : Le Comité recommande que, bien que les modes de scrutin de liste pure peuvent atteindre un indice de Gallagher de 5 ou moins, ils ne doivent pas être pris en considération par le gouvernement car ceux-ci rompent le lien entre les électeurs et leur député.

Recommandation 3 : Le Comité recommande que le vote obligatoire ne soit pas mis en oeuvre pour l'instant.

Recommandation 4 : Le Comité recommande que le vote en ligne ne soit pas mis en oeuvre à l'heure actuelle.

Recommandation 5 : Le Comité recommande qu'Élections Canada explore, en collaboration avec les parties prenantes, l'utilisation d'outils technologiques permettant d'améliorer l'accessibilité du vote, tout en assurant l'intégrité de l'entièreté du processus électoral.

Recommandation 6 : Le Comité recommande que la Chambre des communes renvoie au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre la question de l'amélioration de l'accessibilité du vote pour les Canadiens ayant un handicap, tout en assurant l'intégrité de l'entièreté du processus électoral.

Recommandation 7 : Le Comité recommande que toute réforme électorale vise à améliorer la possibilité d'augmenter le taux de participation et à renforcer la capacité de se faire élire de membres de groupes historiquement défavorisés et sous-représentés (c.-à-d. les femmes, les personnes handicapées, les Autochtones, les minorités visibles, les jeunes et les Canadiens plus démunis). [cette recommandation est liée aux chapitres 7 et 8]

Recommandation 8 : Le Comité recommande que le gouvernement, par modification de la Loi électorale du Canada, crée un incitatif financier (par exemple par le remboursement des dépenses de campagne) qui encouragera les partis politiques à présenter davantage de candidates dans une perspective de parité.

Recommandation 7 [répétition] (sic) ...

Recommandation 9 : Le Comité recommande que, de concert avec les provinces et les territoires, le gouvernement examine des manières dont les jeunes de moins de 18 ans pourraient s'inscrire sur le Registre national des électeurs, préférablement par l'intermédiaire du système scolaire, au plus deux ans avant d'atteindre l'âge minimal pour voter.

Recommandation 10 : Le Comité recommande que le gouvernement octroie à Élections Canada le mandat supplémentaire d'encourager la participation électorale, notamment au moyen d'initiatives comme Vote étudiant organisé par Civix, et de meilleurs efforts de sensibilisation des Canadiens aux options de vote avant le jour des élections (vote par anticipation, vote par la poste, vote à n'importe quel bureau d'Élections Canada), et qu'il lui accorde les ressources nécessaires pour s'en acquitter.

Recommandation 11 : Le Comité recommande qu'une réforme électorale soit accompagnée d'une étude exhaustive des effets sur les autres aspects de l'« écosystème de gouvernance » du Canada, à savoir : la relation entre les pouvoirs législatif et exécutif du gouvernement, et leur fonctionnement respectif ; la relation entre la Chambre des communes et le Sénat, et leur fonctionnement respectif ; la procédure et les conventions parlementaires liées à la formation et à la dissolution des gouvernements ; le fonctionnement des partis politiques.

Recommandation 12 : Observation : Le Comité reconnaît que, de ceux qui voulaient du changement, la grande majorité des témoignages était en faveur de la représentation proportionnelle. Par ailleurs, le Comité reconnaît l'utilité de l'indice de Gallagher, un outil développé pour mesurer la disproportion relative entre les votes reçus et les sièges obtenus à l'intérieur d'un système électoral.

Par conséquent, le Comité recommande :

que le gouvernement organise un référendum dans lequel le système actuel est sur le bulletin de vote ;

que le référendum propose l'implantation d'un système électoral proportionnel qui atteint une note de 5 ou moins sur l'indice 'Gallagher' ;

que le gouvernement complète la conception du système électoral alternatif proposé au référendum avant le début de la campagne référendaire.

Recommandation 13 Le Comité recommande qu'Élections Canada élabore et rende publique de la documentation sur tout nouveau système proposé, y compris des cartes des circonscriptions potentielles selon le nouveau système et le format du bulletin de vote, et ce, avant le début de la campagne référendaire.

Opinions complémentaires

L'opinion du Parti libéral

Le Parti libéral dans son opinion complémentaire explique ses préoccupations quant au manque « d'engagement » des Canadiens envers les travaux du Comité ainsi que son opposition à l'utilisation de l'indice Gallagher et à un référendum. Les libéraux décrivent les mesures contenues dans les recommandations qu'ils appuient, en insistant sur la mise en place d'un système de préinscription des jeunes pour être inscrits.

Ils soulèvent aussi des inquiétudes quant aux autres changements au système politique canadien que cela pourrait entraîner en raison des changements apportés au système électoral :

« Avant d'envisager la refonte de notre système électoral, nous sommes convaincus qu'un pourcentage beaucoup plus élevé de la population canadienne doit être à la fois conscient des types de changements préconisés et des effets de ces changements. Dans le cadre du processus de mobilisation, nous croyons que les Canadiens et les partis politiques doivent avoir une compréhension approfondie des ramifications que des changements fondamentaux au système électoral apporteraient, non seulement en termes de conséquences, mais aussi d'incidence sur le gouvernement dans son ensemble. »

Leur opinion se conclut par cette déclaration : « En fin de compte, nous considérons que le niveau de mobilisation sur le processus de réforme électorale au sein de la population canadienne a été insuffisant pour définir clairement un mandat. Nous recommandons en outre que des mesures de nature plus consultative soient prises pour présenter une proposition de réforme électorale conforme à la volonté des Canadiens. »

Opinion conjointe du NPD et du Parti Vert

Les opinions exprimées saluent généralement les travaux du Comité et leurs auteurs disent que le Comité a pris la décision d'appuyer la représentation proportionnelle, qu'ils ont qualifiée de « tournant historique et une date déterminante pour le renforcement de la démocratie canadienne ».

Ils ont également formulé des recommandations sur des modèles précis qui, selon eux, devraient être pris en considération par le gouvernement et « résulteraient tous deux en un score Gallagher inférieur à quatre ».

Ils recommandent :

- La représentation proportionnelle mixte (RPM) en vertu de laquelle « les deux tiers des membres de la Chambre des communes sont élus pour représenter directement des circonscriptions, et le dernier tiers est constitué de députés régionaux de compensation. Ces derniers peuvent être élus à partir d'une liste ouverte et souple, selon la recommandation de la Commission de réforme du droit, ou ils peuvent être élus à titre de « meilleurs deuxièmes », comme dans le système du Bade-Wurtemberg ».

- La représentation proportionnelle rurale-urbaine (PRU) par laquelle « en vertu de ce système, les limites actuelles des circonscriptions sont conservées, mais les circonscriptions urbaines sont groupées en circonscriptions plurinominales de trois à cinq députés chacune. » Ce système a d'abord été présenté par l'ancien directeur général des élections, Jean-Pierre Kingsley, lors de son témoignage devant le comité.

L'avis a porté également sur la question de la « validation et participation ». Ils soulèvent des inquiétudes concernant la tenue d'un référendum sur la réforme électorale et affirment que « les témoignages confirment la nécessité d'un changement, mais non celle d'un référendum ». « Si le gouvernement décide qu'il doit tenir un référendum sur la réforme électorale, la RPM et le système de représentation PRU devraient figurer tous deux sur le bulletin de vote, et les Canadiens âgés de 16 ans et plus devraient être autorisés à voter. »

L'opinion se termine ainsi :

« Nous croyons que le gouvernement -- fort d'un solide mandat électoral donné par près des deux tiers de la population canadienne en 2015 et, après une consultation nationale de cinq mois, de la recommandation formulée par un comité multipartite en faveur de la représentation proportionnelle -- dispose maintenant du mandat, du plan et des outils nécessaires pour faire de l'élection de 2015 la dernière à avoir lieu avec un système uninominal majoritaire à un tour, et qu'il a l'obligation d'agir en ce sens. »

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Le gouvernement introduit des modifications
à la Loi électorale du Canada

Le 24 novembre, la ministre des Institutions démocratiques, Maryam Monsef, a déposé le projet de loi C-33, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et d'autres lois en conséquence. Le même jour, en conférence de presse, la ministre Monsef a dit que le projet de loi est composé de sept mesures qui mettent fin aux obstacles inutiles à l'exercice du vote tout en « renforçant l'efficacité et l'intégrité des élections ». Elle a dit que le projet de loi est une réponse aux consultations des libéraux « avant les élections » et après, et que ses mesures « représentent un solide engagement envers le changement ». Quatre des mesures annulent certaines des modifications apportées à la Loi électorale du Canada par la loi C-23 du gouvernement Harper, Loi sur l'intégrité des élections.

Ces mesures modifient la loi pour:

- « éliminer les restrictions imposées aux activités d'éducation et d'information du public menées par le directeur général des élections » ;
- « retirer l'interdiction au directeur général des élections d'autoriser l'avis de confirmation d'inscription (communément appelé 'carte d'information de l'électeur') comme pièce d'identité » ;
- « remplacer, dans le cadre de l'identification de l'électeur, la possibilité d'une attestation de résidence avec l'option de répondre de l'identité et du lieu de résidence » ; et
- « réinstaller le commissaire aux élections fédérales au sein du Bureau du directeur général des élections et prévoir que le commissaire sera nommé par le directeur général des élections, après consultation avec le directeur des poursuites pénales, pour une période non renouvelable de dix années. »

Une mesure est en réponse à une poursuite en cours devant les tribunaux, qui conteste une limite de cinq ans au droit des Canadiens vivant à l'étranger de voter aux élections fédérales et supprime toute restriction fondée sur le temps passé à l'extérieur du Canada.

Les deux autres mesures sont les suivantes :

- « établir un registre des futurs électeurs dans lequel les citoyens canadiens de 14 à 17 ans peuvent consentir à être inclus » ; et

- « autoriser le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration à fournir au directeur général des élections des renseignements sur les résidents permanents et les ressortissants étrangers en vue de la mise à jour du registre des électeurs ».

Ces deux mesures semblent répondre aux recommandations du directeur général des élections d'Élections Canada, Marc Mayrand, à la suite de la 42e élection générale, décrite dans un rapport du 27 septembre déposé à la Chambre des communes. Mayrand a fait un total de 132 recommandations dans le rapport. La disposition du projet de loi C-33 visant à obtenir des renseignements sur les résidents permanents et les ressortissants étrangers correspond à la recommandation de Mayrand. En ce qui a trait à la création d'un registre des futurs électeurs, Mayrand avait seulement recommandé qu'Élections Canada puisse recueillir des renseignements sur les jeunes de 16 et 17 ans afin de les « pré-inscrire » pour faciliter leur ajout au Registre national des électeurs (RNDE) .

Des mesures de la Loi sur l'intégrité des élections laissées en place

Le projet de loi C-33 n'abroge pas entièrement la Loi sur l'intégrité des élections mais seulement ce que les libéraux appellent ses « éléments antidémocratiques ». La myriade d'autres changements intéressés que le gouvernement Harper a introduits, qui selon le Parti marxiste-léniniste ont aggravé l'incohérence et l'irrationalité des lois électorales canadiennes, sont laissées en place.

Parmi les nombreux changements qui n'ont pas été renversés dans le projet de loi C-33, sont les dispositions de la Loi sur l'intégrité des élections qui exemptent du plafond de dépenses permises pendant une campagne électorale tout ce qui est déclaré comme une « activité de collecte de fonds » par les partis cartellisés provenant de gens ayant déjà donné 20 $ ou plus à un parti . À ce sujet, le directeur général des élections , Marc Mayrand, a déclaré en 2014 : « L'exception s'appliquant aux activités de financement crée une lacune potentielle dans le régime de dépenses électorales. Comme il existe une importante zone grise entre la promotion et les activités de financement, l'exception pourrait être utilisée pour éviter d'avoir à déclarer quelque chose à titre de dépense électorale. Les partis bénéficiant d'un groupe de donateurs bien établi auront un avantage sur les autres. Il serait impossible pour Élections Canada et difficile pour le vérificateur externe du parti de vérifier si l'on a communiqué uniquement avec les donateurs ayant déjà versé une contribution. »

Depuis 2007, Élections Canada a attribué à chaque électeur un numéro d'électeur unique et a demandé aux personnes chargées du scrutin de fournir aux candidats des listes, connues sous le nom de cartes bingo, montrant ceux qui ont voté grâce à leur numéro d'identification. Les deux principaux objectifs ont été d'aider les partis cartellisés à maintenir des bases de données sur les électeurs (sans un identificateur unique pour chaque individu, cela devient fastidieux) et à surmonter le manque de bénévoles qui surveilleraient qui a voté dans chaque bureau de scrutin.

La Loi sur l'intégrité des élections allait plus loin en obligeant les directeurs du scrutin à fournir aux candidats toutes les cartes bingo après l'élection, confirmant que le but de la manoeuvre n'est pas de « faire sortir le vote », mais de faire du microciblage et du profilage des électeurs. Lorsque la Loi sur l'intégrité des élections a été débattue, Marc Mayrand a déclaré : « Le projet de loi propose d'élargir l'utilisation des cartes bingo au-delà de son but initial (faire sortir le vote le jour du scrutin). Maintenant les partis vont être en mesure d'amasser et de documenter systématiquement, après le vote, tous les Canadiens qui ont voté et qui n'ont pas voté. La collecte de cette façon des renseignements personnels fondamentaux qui permettent de savoir si les gens ont voté ou pas va au-delà de l'objectif opérationnel lié au vote le jour du scrutin. »

En ce qui concerne la façon dont les partis politiques utilisent l'information d'Élections Canada, la ministre Monsef a déclaré lors de la conférence de presse du 24 novembre que « les partis politiques, lorsqu'ils recueillent de l'information, sont guidés par la Loi sur la protection des renseignements personnels  » et « les Canadiens à travers le pays ne m'ont pas fait mention de cette question ». Lors d'une séance d'information technique pour les journalistes suite à l'annonce, un employé du Bureau du Conseil privé a précisé que les partis politiques « ne sont pas assujettis à la Loi sur la protection des renseignements personnels  ». C'est vrai et ils ne sont pas guidés par elle non plus, comme le prétend Monsef. Les partis cartellisés se sont délibérément assurés de ne pas être soumis à la Loi sur la protection des renseignements personnels ou à toute autre mesure législative qui limiterait leur capacité à recueillir et à utiliser des renseignements provenant des électeurs ou à suivre de près le vote au fil du temps. Les sondages menés par Élections Canada après les élections fédérales de 2011 ont révélé que 69 % des électeurs ne pensent pas qu'il est important que les partis politiques puissent recueillir des renseignements personnels provenant des électeurs [1].

Les autres aspects de la Loi sur l'intégrité des élections qui demeurent en place sont les suivants :

- l'augmentation calculée au prorata de la limite de dépenses pour les partis et les candidats si la période électorale est supérieure à 36 jours, ce qui a donné lieu lors des élections fédérales de 2015 à des niveaux record de dépenses des partis et de remboursement public ;

- les restrictions aux capacités du commissaire aux élections fédérales de fournir au public des renseignements sur les enquêtes, sauf dans des circonstances très limitées ;

- les exigences pour le directeur général des élections d'émettre aux partis politiques, suite à une demande, des avis écrits sur la mise en oeuvre de la Loi électorale du Canada qui lient alors les partis politiques. Le Comité consultatif d'Élections Canada a observé en 2014 « une préoccupation quant à l'utilisation du régime à des fins partisanes », qui pourrait prendre la forme de demandes d'avis sur la conduite d'autres partis ou d'utiliser la mesure pour mettre à l'épreuve les limites de la oi électorale ;

- les exigences imposées au Conseil du Trésor d'approuver les dépenses du directeur général des élections pour la rémunération d'experts techniques ou de spécialistes ;

- les directeurs du scrutin dans les bureaux de scrutin sont choisis sur la base d'une recommandation du parti dont les candidats ont reçu le plus de votes dans leur circonscription respective au cours de l'élection précédente.

Note

1. L'utilisation du microciblage et les réformes actuelles, LML, 15 octobre 2016

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Processus visant à «nettoyer les données»
du Registre des électeurs

Lors de la conférence de presse du 24 novembre et dans les communiqués de presse officiels il est question de mesures dans le projet de loi C-33 touchant à la liste des électeurs visant à « aider Élections Canada à nettoyer les données du Registre national des électeurs ». Aussi, dans les reportages au sujet du projet de loi, la notion de « nettoyer les données » a constamment été soulevée. Qu'en est-il ?

Au sujet de ses recommandations à l'effet qu'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) partage avec Élections Canada l'information sur les non-citoyens, le directeur général des élections Marc Mayrand dit : « Bien qu'il n'y ait pas de répertoire unique de renseignements sur la citoyenneté au Canada, IRCC possède des renseignements sur les personnes résidant au pays qui n'ont pas la citoyenneté canadienne. Ces renseignements permettraient à Élections Canada de veiller à ce que seuls les citoyens canadiens soient inscrits au Registre national des électeurs. Des études internes indiquent qu'environ 0,2 % des individus inscrits au Registre ne sont peut-être pas des citoyens canadiens. Si Élections Canada avait accès aux données d'IRCC sur les non-citoyens, il serait possible de repérer les noms de ces personnes sur la liste du Registre et de les supprimer de la liste sur une base continue. Élections Canada pourrait également comparer ces données avec celles d'autres sources pour confirmer l'exactitude des entrées dans le Registre national des électeurs ».

Les mesures prévues dans le projet de loi C-33 sont les premières à fixer un processus dans La loi électorale du Canada visant à la vérification ciblée et à la suppression du registre d'individus qui ne sont plus éligibles, ou qui ne sont plus éligibles en tant qu'électeurs en vertu de leur statut de citoyenneté.

Le Registre des électeurs est mis à jour de façon continuelle et de façon générale les données qui s'y trouvent proviennent d'informations confiées par les électeurs à Élections Canada ou par les électeurs qui ont autorisé un ministère fédéral ou un organisme fédéral à transmettre ces informations à Élections Canada.

Un bon exemple de cela est lorsque les citoyens autorisent qu'ils soient ajoutés au registre lorsqu'ils produisent leur déclaration de revenu. Le projet de loi C-33 affirme que le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration peut désormais, « à la demande écrite du directeur général, lui communiquer les renseignements sur une personne qui sont contenus dans les banques de données que le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration tient concernant les résidents permanents et les étrangers » - nom, sexe, date de naissance et adresse - « en vue d'aider celui-ci à mettre à jour le Registre des électeurs, notamment en y radiant le nom des personnes qui ne sont pas des électeurs ».

Selon le libellé de la Loi électorale du Canada - libellé qui ne changera pas suite aux amendements - il est affirmé qu'on peut demander à un individu qui produit une déclaration de revenu d'indiquer s'il est citoyen canadien « en vue d'aider le directeur des élections à mettre à jour le Registre des électeurs ». Toute personne qui se voit accorder le statut de citoyen canadien peut aussi choisir si au cours du processus elle veut être inscrite au Registre.(2) Parmi les autres sources d'information il y a les bureaux d'immatriculation provinciaux et territoriaux, les agences de statistiques essentielles, les agences électorales provinciales et territoriales qui peuvent contribuer de l'information aux listes d'électeurs permanents. Il y a aussi les électeurs qui décident de s'inscrire aux listes d'électeurs ou de mettre à jour leur inscription pendant ou après les élections. Élections Canada affirme aussi que le nom d'électeurs décédés peut être radié du Registre et que quiconque veut demander que son nom soit radié peut le faire.

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Un registre de futurs électeurs

Le projet de loi C-33 crée un Registre des futurs électeurs qui fonctionne de pair avec le Registre des électeurs, à ce point que la section 4 de la Loi électorale du Canada intitulée « Registre d'élection » se nommera dorénavant « Registre des électeurs et Registre des futurs électeurs ».

La recommandation de Marc Mayrand suite aux élections fédérales de 2016 était à l'effet qu'Élections Canada soit autorisée à recueillir de l'information sur des individus âgés de 16 et de 17 ans afin de faciliter le processus visant à les ajouter au Registre des électeurs « avec leur consentement » lorsqu'ils atteindraient l'âge de 18 ans. Il avait dit à ce moment-là qu'une telle mesure permettrait à Élections Canada de communiquer avec les jeunes, de « mener des campagnes d'inscription » et de les encourager « à s'inscrire à l'avance ». La recommandation visait à relever le défi posé à Élections Canada de veiller à ce que les jeunes entre 18 et 34 ans soient inscrits, un groupe d'âge « sous-représenté dans les listes électorales comparativement aux autres groupes d'âge ». Mayrand disait alors : « Il serait très utile qu'Élections Canada puisse recueillir les renseignements concernant les jeunes âgés par exemple de 16 et 17 ans, de façon à pouvoir, avec leur consentement, activer leur inscription au Registre national des électeurs lorsqu'ils atteindront l'âge de 18 ans ».

Le nouveau Registre des futurs électeurs est défini comme étant un registre de « personnes ayant qualité de futurs électeurs », ce qui signifie sans doute des citoyens. Tout comme le Registre des électeurs, il contiendra « les noms, prénoms, sexe, date de naissance et adresses municipale et postale » et autres informations. Le registre contiendra également un « identificateur unique, généré de façon aléatoire » ou autrement dit un numéro d'identité de l'électeur. On ne précise pas si ce futur numéro d'identité de l'électeur sera conservé lorsque le futur électeur deviendra électeur. Le Registre des futurs électeurs peut « continuer à contenir des renseignements concernant un futur électeur après qu'il soit devenu électeur, et ce, jusqu'à ce qu'il soit inscrit au Registre des électeurs ». Aussi, l'inscription d'un futur électeur au Registre des futurs électeurs « n'est pas subordonnée au consentement de ses mère ou père ou tuteur ».

La façon de donner son consentement pour être ajouté au Registre des futurs électeurs se fera essentiellement de la même façon que lorsque quelqu'un ajoute son nom au Registre des électeurs, c'est-à-dire, en cochant une case au moment de remplir un quelconque formulaire. En réalité, le Registre des futurs électeurs est mis à jour selon le même procédé que le Registre des électeurs. Par exemple, des amendements qui définissent le Registre des futurs électeurs et son fonctionnement sont faits en ajoutant simplement « et le Registre des futurs électeurs » après « Le registre des électeurs » ou encore, « un futur électeur » après « électeur » dans toute la section quatre de la Loi électorale du Canada. L'utilisation de l'information obtenue dans le Registre des futurs électeurs se limiterait à « la mise à jour du Registre des électeurs », à « la communication d'un renseignement transmis dans le cadre des programmes d'information et d'éducation populaire » et à « tout organisme chargé, au titre d'une loi provinciale, d'établir une liste d'électeurs ou de futurs électeurs ».

En d'autres mots, il n'existe pas en ce moment une cueillette d'information personnelle qui permettrait aux « partis enregistrés, aux membres et aux candidats de communiquer avec les électeurs » comme le permet le Registre des électeurs. Un futur électeur peut demander, par écrit, que son information serve seulement à la « mise à jour du Registre des électeurs et à la communication d'un renseignement transmis dans le cadre des programmes d'information et d'éducation populaire ».

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Le Canada tient une rencontre internationale sur la Syrie

Le dilemme du Canada suite
aux élections américaines

Lors de la réunion internationale sur la Syrie tenue à Mont-Tremblant, le ministre des Affaires étrangères, Stéphane Dion, a lancé l'appel à la coopération internationale en Syrie. Les participants à la réunion étaient des représentants de l'« opposition politique syrienne » et de la « société civile » syrienne qui, selon Dion, sont les groupes d'opposition légitimes en Syrie.

Les commentaires de Dion sur la « complexité » de la situation et sur la nécessité d'une « résolution politique » ne sont rien d'autre qu'une mascarade visant à perpétuer la fraude à l'effet que les États-Unis et les forces qui leur sont liées comme le Canada et l'OTAN sont vraiment intéressés à ce qu'il y ait des négociations et une résolution pacifique du conflit en Syrie alors que toutes leurs « négociations » se ramènent à une agression au service de leur objectif de changement de régime.

L'ironie de la chose c'est que ce n'est pas cette voie que la présidence américaine sous le régime Trump a dit vouloir emprunter, ce qui laisse en plan le Canada et ses coconspirateurs contre la paix. Nous verrons dans la période qui vient s'ils vont ou bien s'accommoder à cette nouvelle réalité ou poursuivre dans leur voie actuelle. Les contradictions au sein de la classe dominante aux États-Unis autour du problème de comment réaliser l'hégémonie impérialiste américaine sur les pays d'Asie, d'Afrique, d'Amérique latine et des Caraïbes sont très aiguës reflétant les contradictions interimpérialistes au sein des oligopoles qui bénéficient du commerce de même que de l'agression et de la guerre.

En dépit de l'angoisse qui habite Dion sur la suite des choses avec Trump au pouvoir, il affirme que le Canada va jouer un « rôle constructif » de concert avec les États-Unis. Quel sera ce rôle ? Le Canada va-t-il emboîter le pas à tout ce que le nouveau président des États-Unis va décider, d'une façon « constructive » bien sûr ? Est-ce que le Canada va continuer à cultiver son rôle de « faiseur de paix déterminé » peu importe ce que le nouveau président des États-Unis va faire en Syrie et avec la Russie ? Est-ce que l'image du Canada que le gouvernement Trudeau a essayé de projeter à l'échelle internationale, où l'agression et le changement de régime sont déguisés en « conviction responsable » et « responsabilité de protéger », aura sa place sous le régime Trump de pouvoir sans limites des oligopoles américains ayant recours aux pouvoirs policiers pour obtenir le « deal » que Trump recherche pour les États-Unis ?

Afin de cacher le sale rôle que joue le Canada en Syrie, Dion s'est assuré de dire qu'« aucune issue n'est possible sans diplomatie et, tout compte fait, sans solution politique ». Il souffre sans doute d'un choc post-traumatique dû à l'élection de Trump. La mascarade entretenue par Dion va s'effondrer devant lui parce que selon Trump les seuls qui peuvent faire avancer les choses ce sont les coupe-gorge capables de conclure des « deals » et non ceux qu'il méprise comme des diplomates faiblards dont il n'a pas une très bonne opinion.

Dion dit : « Le Canada ne cesse de réclamer un cessez-le-feu immédiat et la reprise de négociations sérieuses entre les groupes d'opposition légitimes ». Donald Trump n'a pas de temps à perdre à convaincre quelqu'un de qui est « légitime » et qui ne l'est pas. Ou bien un adversaire a le calibre nécessaire pour forcer la conclusion d'un « deal » ou bien il est mangé tout rond. En ce qui concerne ce qui va advenir des soi-disant groupes d'opposition « légitimes » que Dion a réunis à Mont-Tremblant, les paris sont ouverts.

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Un complot contre la paix

Lors d'une réunion internationale sur la Syrie organisée à Mont-Tremblant, au Québec, le ministre des Affaires étrangères du Canada, Stéphane Dion, a appelé à la « coopération internationale » suite aux élections américaines. Il a dit de la situation en Syrie qu'elle était « complexe » et la conséquence de différends ethniques et religieux. Ce sont ces différends que les impérialistes essaient à tout prix d'exploiter afin de dresser les peuples de la région les uns contre les autres. Tout cela est fait au nom de la défense des droits de ces groupes, ce qui ne fait que nous montrer à quel point est usé à la corde le discours qui nie les droits de citoyenneté en y mêlant des considérations fondées sur la couleur, l'origine nationale, la race, la religion et les croyances.

Parmi les « groupes terroristes » qu'il accuse d'avoir déstabilisé la Syrie, Dion nomme spécifiquement le Hezbollah, comme s'il était de la même nature que l'État islamique, afin de masquer le fait que le Hezbollah est un parti politique du peuple libanais qui dirige un puissant mouvement de résistance qui entrave l'agression et l'expansion israéliennes et les efforts actuels d'Israël pour contrôler les hauteurs du Golan syrien et le Liban lui-même. C'est inadmissible de dire d'un mouvement de résistance qu'il est une source de déstabilisation. Le Hezbollah a joué un rôle dans la défaite de l'État islamique au Liban et en Syrie, minant les efforts des États-Unis d'imposer un changement de régime.

Lorsqu'il nomme le gouvernement syrien, Dion utilise l'expression « le régime Assad ». Il s'agit d'une méthode de police qui sert à criminaliser une « mauvaise chose ». En le détachant des relations sociales et politiques dans lesquelles s'engage le peuple syrien, Dion peut transformer le gouvernement syrien en tout ce qu'il veut. C'est ainsi qu'il peut déclarer que le « régime Assad » a perdu depuis longtemps la légitimité morale de gouverner mais qu'il est appuyé par des forces puissantes, soit la Russie et l'Iran. Dans ce scénario, le peuple syrien et les décisions qu'il prend n'existent pas et tout est ramené à la nécessité d'une action policière de la part des « bonnes » forces extérieures pour restaurer la stabilité, la paix et l'ordre.

Ce discours criminel au sujet de qui est responsable de la déstabilisation de la Syrie n'est rien d'autre qu'un complot contre la paix en ces moments où les impérialistes ont foulé aux pieds la définition de l'après-guerre de ce qui constitue une agression. Dion continue de déformer complètement la réalité en affirmant : « Les gestes commis à Alep [en Syrie] par ce régime et ses partisans, parmi lesquels l'on compte le Hezbollah et les milices chiites afghanes, de même que les bombardements continus et l'absence de cessez-le-feu, rendent impossible toute négociation de paix depuis avril ».

D'où provient l'impossibilité de maintenir un cessez-le-feu ? Pourquoi n'y a-t-il pas eu de pourparlers de paix depuis avril dernier ? C'est une question importante pour tous ceux qui désirent la paix. Pourtant elle est rejetée du revers de la main de la façon la plus puérile par Dion qui jette le blâme sur tous ceux qui n'agissent pas sous le commandement et le contrôle directs des forces étasuniennes. Il ne reconnaît pas les efforts qui ont été faits pour en arriver à un cessez-le-feu et qui ont été détruits par les attaques des États-Unis au moment même de sa mise en oeuvre. Il ne reconnaît pas non plus les cessez-le-feu unilatéraux qui ont été mis en place par les forces syriennes et russes. Est-ce que ce ne sont pas là des faits ? Pourtant, toute force qui n'est pas sous le commandement et le contrôle des États-Unis devient la cause du problème alors que les actions des États-Unis et de leurs alliés sont passées sous silence.

Dion a même soulevé les changements climatiques pour ajouter à la confusion : « Ainsi, le début du conflit durant le Printemps arabe de 2011 -- outre ses causes profondes associées au déficit démocratique et à la lutte pour l'acquisition de droits -- coïncidait avec une hausse marquée du prix des aliments, laquelle coïncidait elle-même avec des modèles climatiques nuisibles à la production alimentaire, lesquels coïncidaient avec le réchauffement de la planète ». En d'autres mots, la situation n'est pas attribuable au conflit entre les conditions et l'autorité résultant des relations sociales qui bloquent la voie vers le progrès. Au nom de la « consolidation résolue de la paix », le Canada attise les flammes d'une guerre encore plus grande. Ce qui complique les choses, c'est que le Canada doit maintenant tenir compte de la présidence de Donald Trump et s'adapter en conséquence.

Après avoir analysé de façon aussi pitoyable les forces qui se concertent et qui rivalisent les unes avec les autres en Asie de l'Ouest, Dion a terminé la réunion en accusant tout le monde pour les problèmes sauf les impérialistes américains et leurs tentatives d'imposer un changement de régime afin d'établir leur hégémonie dans cette région stratégique du monde.

La nécessité pour les peuples du monde de régler ces questions cruciales de guerre et de paix devient plus urgente que jamais.

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La réunion de Mont-Tremblant

Du 11 au 13 novembre, les gouvernements du Canada et des Pays-Bas ont organisé conjointement, à Mont-Tremblant au Québec, une réunion d'« envoyés spéciaux » de 15 pays à laquelle ont aussi participé des représentants de l'« opposition politique syrienne », des Nations unies et de la « société civile syrienne » de même que des « universitaires influents », pour discuter de la situation en Syrie. Le ministre des Affaires étrangères, Stéphane Dion, a aussi rencontré les représentants de l'« opposition syrienne » et de la « société civile » pour « entendre leurs propositions pour accélérer la cessation des hostilités ». L'identité de ces envoyés spéciaux, de ces « universitaires influents » ou des autres participants n'a pas été dévoilée.

Dans ses commentaires à la fin de la réunion, Dion a dit des participants qu'il s'agissait d'« experts et de conseillers essentiels oeuvrant à la résolution d'une des crises les plus pressantes et les plus horribles du monde, en apparence insoluble ». Il a aussi parlé de l'importance d'une réflexion « non seulement sur la façon d'atténuer la tourmente actuelle, mais aussi sur la résolution pacifique du conflit en Syrie ». Il a dit que la réunion permettait de « créer un espace...propice à l'engagement ».

La réunion a eu lieu presqu'au lendemain de l'élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis. Dion a évoqué ce contexte en disant qu'il était certain que ces « derniers jours ont été mouvementés tant en Syrie et dans la région que sur la scène politique mondiale. Je suis convaincu que l'élection d'un nouveau président américain a occupé une grande place dans vos pensées, ainsi que dans vos conversations ici même entre plusieurs d'entre vous. Cela allait de soi, compte tenu du rôle important que jouent les États-Unis dans la région ».

Il a ajouté : « L'impact de la nouvelle administration américaine prendra des semaines et des mois à se faire sentir, et les inconnues restent nombreuses. Le premier ministre Justin Trudeau et le gouvernement du Canada assumeront un rôle constructif avec les États-Unis, sur les plans bilatéral et multilatéral, y compris dans la quête de la paix en Syrie. ».

Par voie de communiqué, le gouvernement a déclaré que les discussions de la réunion à Mont-Tremblant « ont surtout porté sur les conditions nécessaires à une cessation permanente des hostilités, y compris par le régime Assad appuyé par la Russie et l'Iran, ainsi qu'à la reprise des pourparlers de paix » ( le souligné est du LML). Il est important de rappeler les efforts qu'ont déployés les États-Unis et leurs alliés pour imposer comme condition aux pourparlers de paix l'abdication du président Assad ou son renversement, ce qu'ils appellent une « transition politique ».

Dans ses remarques de clôture portant le titre de « Consolidation résolue de la paix », Dion a dit que la lutte en Syrie et en Irak est menée contre des forces puissantes qui déstabilisent le monde aujourd'hui. Selon lui, ces forces sont d'un côté « Daech, al Quaïda, al Nusra, le Hezbollah et d'autres groupes terroristes », et de l'autre le gouvernement syrien de même que la Russie et l'Iran. Pointant du doigt le gouvernement syrien, qu'il nomme de façon méprisante le « régime Assad », Dion a dit qu'il a « depuis longtemps perdu toute légitimité morale pour gouverner ».

Il a conclu ses remarques en lançant un appel à la coopération internationale face à cette « situation complexe » qui afflige la Syrie et toute la région qu'il a décrite ainsi : « J'ai déjà parlé du soutien qu'offrent la Russie et l'Iran au régime Assad. Certains groupes kurdes inquiètent aussi la Turquie, dont les préoccupations sont partagées par d'autres dans la région. Il existe des tensions entre l'Arabie saoudite et l'Iran, ce qui alimente la méfiance entre de nombreuses communautés sunnites et chiites. Et la tension monte également entre la Russie et la majorité de l'Occident, ce qui est ressenti de l'Europe de l'Est jusqu'en Méditerranée. »

En terminant, Dion a fait porter la responsabilité de cette situation à tout sauf au rôle des États-Unis et de leurs alliés et à leur obsession à provoquer un changement de régime en Syrie. « Le début du conflit durant le Printemps arabe de 2011 -- outre ses causes profondes associées au déficit démocratique et à la lutte pour l'acquisition de droits -- coïncidait avec une hausse marquée du prix des aliments, laquelle coïncidait elle-même avec des modèles climatiques nuisibles à la production alimentaire, lesquels coïncidaient avec le réchauffement de la planète », a-t-il dit.

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L'anniversaire des attentats de Paris de novembre 2015

Les pouvoirs d'exception et la violation des droits humains deviennent la nouvelle normalité


Manifestation de Rennes contre l'état d'urgence, 30 janvier 2016. Cette manifestation est l'une des nombreuses manifestations qui ont eu lieu dans toute la France le 30 janvier 2016 pour exiger la fin de l'état d'urgence déclaré après les attentats de Paris.

Le président de la France, François Hollande, et son premier ministre, Manuel Valls, ont tous deux indiqué que le gouvernement français allait prolonger l'état d'urgence en place depuis les attentats du 13 novembre 2015 à Paris.

Dans une interview à la BBC à l'occasion de cet anniversaire, Valls a évoqué l'attentat du 14 juillet à Nice et dit qu'il y a un risque que de tels attentats se reproduisent et que le pays doit rester sûr en vue des élections présidentielles et législatives au printemps.

« Il est difficile aujourd'hui de mettre fin à l'état d'urgence. D'autant plus que nous allons nous engager dans une campagne présidentielle dans quelques semaines avec des meetings, avec des réunions publiques. Donc il faut aussi protéger notre démocratie », a expliqué Manuel Valls. Le 15 novembre, il a confirmé que son gouvernement allait demander à l'Assemblée nationale une nouvelle prolongation de l'état d'urgence.

Le président François Hollande a déclaré au Figaro le 15 novembre : « « Je veux prolonger l'état d'urgence jusqu'à la présidentielle. » Face aux risques terroristes, « nous avons besoin de mesures qui sont, c'est vrai, exceptionnelles. Et dès lors qu'il va y avoir ces prochaines semaines une élection présidentielle, des rassemblements, le gouvernement m'a fait la proposition de prolonger l'état d'urgence et ce sera soumis au Parlement », a-t-il dit.

Ainsi on voit comment le Parti socialiste a mis en place une stratégie visant à se présenter comme le défenseur d'un gouvernement de lois contre la droite (les républicains) et l'extrême-droite (Marine LePen et le Front National), dans le cadre de l'état d'urgence et de ses mesures exceptionnelles. Avec l'annonce faite le 1er décembre de Hollande de ne pas être candidat à l'élection présidentielle, au renouvellement de son mandat, il est fort probable que Valls déclarera sa candidature à la primaire présidentielle socialiste de janvier 2017. [1] Il est également probable qu'il prendra le relais de Hollande pour la promotion de l'état d'urgence et l'utilisation accrue des pouvoirs de police en France. Au sujet de la décision de François Hollande, Manuel Valls a déclaré le 2 janvier 2016 : « Nous devons défendre le bilan de François Hollande, son action. Je le ferai. »

Lorsque l'état d'urgence a été déclaré la première fois, LML a souligné que les pouvoirs de police qui opèrent en dehors de l'état de droit sont en train d'être codifiés dans la loi :

« Dans son discours du 16 novembre [2015] devant le Parlement réuni en Congrès, la réunion de l'Assemblée nationale et du Sénat, le président de la France, François Hollande, a déclaré que les pouvoirs publics français ne peuvent agir contre le terrorisme dans le cadre de l'état de droit. Étant donné que la France est un pays qui agit conformément à l'état de droit, a-t-il dit, l'état de droit tel qu'inscrit dans la Constitution doit être révisé. » [2]

Quand Valls dit « Il est difficile aujourd'hui de mettre fin l'état d'urgence », ce qu'il indique c'est que le gouvernement va rendre permanentes les violations des droits, les « constitutionnaliser » sans passer par une modification de la constitution, et les présente comme « une protection de la démocratie ». Les élections présidentielles vont se dérouler sous l'état d'urgence avec toutes ses mesures exceptionnelles, comme les interdictions de manifester, les assignations à résidence, les limites de la liberté d'expression, l'espionnage et les provocations des agences de l'État et leurs pouvoirs policiers.

LML a également souligné que sous l'état d'urgence :

« La police peut agir et même tuer avec impunité. Elle peut procéder à des fouilles sur des personnes et perquisitionner sans contrôle des pouvoirs judiciaires et peut détenir les gens sans porter d'accusations. Toute personne soupçonnée par la police de représenter une menace pour l'État peut être assignée à résidence de façon indéfinie. Même en étant libérés de ce confinement, les suspects peuvent être interdits de rencontrer des personnes que la police a signalées et fichées. On peut se servir de marquage électronique pour surveiller l'assignation à résidence et pour traquer des individus. Les autorités étatiques bloqueront les sites internet qu'ils jugent dangereux. Les manifestations publiques sont interdites et les groupes ciblés par la police peuvent être dissous. » [3]

Ce sont les conditions qui existent en France depuis un an.

Les prolongations répétées de l'état d'urgence


Manifestation d'Annecy contre l'état d'urgence, 30 janvier 2016

La France vit dans un état d'urgence permanent depuis plus d'un an. La première période de 12 jours déclarée 13 novembre 2015, a été prolongée le 20 novembre 2015 pour une période de trois mois, jusqu'au 26 février 2016. Le 16 février 2016, l'Assemblée nationale a voté, à 212 voix pour et 31 contre, la prorogation de l'état d'urgence pour un autre trois mois après l'échéance de février. Le premier ministre, Manuel Valls, avait déclaré à l'époque qu'il doit rester en place « jusqu'à ce que nous puissions nous débarrasser de [l'État islamique] ». En mai, l'état d'urgence a été reconduit pour deux autres mois, jusqu'à la fin de juillet, avec la justification qu'il était nécessaire pour assurer la sécurité de l'Euro 2016 et du Tour de France. Le 14 juillet, a lieu l'attaque de Nice où un poids-lourd a percuté la foule rassemblée pour la fête nationale. Peu après, Hollande déclare que c'était une attaque « dont le caractère terroriste ne peut être nié » alors que son auteur n'était pas sur les listes de surveillance, n'avait pas de liens connus avec des organisations terroristes, n'était pas connu pour être religieux et avait des antécédents de problèmes psychologiques. L'Assemblée nationale vote la prolongation de l'état d'urgence pour encore six mois, jusqu'au milieu de janvier 2017. Le 13 juin, un policier et son épouse (une agente administrative de la police) sont tués à Magnanville, une commune située à l'ouest de Paris, l'ÉI en revendique la responsabilité par la suite. Le 26 juillet, un prêtre de Rouen est tué par deux jeunes, l'ÉI revendique plus tard que ces jeunes lui avaient juré allégeance. Bien que la prorogation antérieure de l'état d'urgence soit toujours en vigueur, l'anniversaire des attentats de Paris de novembre 2015 est utilisé par le gouvernement pour annoncer qu'il va demander une prorogation jusqu'en mai 2017.

Ce qui ressort, c'est que l'on nous dit que pour que la vie continue normalement, il faut des mesures d'exception. Des événements comme le Tour de France et de l'Euro 2016 ont été utilisés pour maintenir ces mesures. Maintenant, c'est pour que l'élection présidentielle se déroule en toute sécurité que la prorogation est imposée malgré que l'état d'urgence n'a pas empêché les événements de Nice, de Magnanville et de Rouen.

Compte tenu de tout cela, avec le rôle infâme des agences de sécurité d'État qui perpétuent des actes terroristes et en rejettent la responsabilité sur les autres, il n'est pas difficile de voir que l'état d'urgence va continuer d'être reconduit indéfiniment, que l'État français est incapable de résoudre les problèmes sociaux et économiques auxquels fait face le peuple. La crise dans laquelle sont plongés l'État français et le projet d'édification nationale, qui l'a engendré à la révolution française et depuis, s'aggrave rapidement. C'est le refus de faire face à cette crise qui crée les conditions pour la promotion du racisme par l'État et ses institutions et celle de la démagogie xénophobe.

L'utilisation abusive des pouvoirs de police n'est pas
une aberration mais la nouvelle normalité


Manifestation de Lille contre l'état d'urgence, 30 janvier 2016

L'état d'urgence est supposé protéger le peuple et contrer le problème du terrorisme. Cependant, depuis la déclaration de l'état d'urgence, l'État français a abusé du chagrin et de l'émotion du peuple face aux événements tragiques de Paris et l'a détourné vers des objectifs qui n'avaient rien à voir avec sa sécurité. Un clair exemple de cela est l'interdiction de toutes les marches et manifestations sur la place publique à la Conférence sur le climat COP21 à Paris, qui s'est tenue du 30 novembre au 15 décembre 2015. Les gens ont de profondes inquiétudes sur la protection de l'environnement social et naturel, et les actions de masse lors de ces conférences visent à s'assurer que ces revendications sont mises à l'ordre du jour et reçoivent une attention mondiale, quel que soit l'ordre du jour que les États-Unis, la France, le Canada et les autre pays industrialisés souhaitent imposer au reste du monde.

En plus de la COP21, des syndicalistes français ont déclaré à la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH) que « au motif du manque d'effectifs pour assurer la sécurité des citoyens, certaines manifestations ont été interdites, ou alors l'autorisation a été donnée la veille, ce qui fausse complétement l'organisation des manifestations et empêche concrètement leur déroulement ». [4]

La Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), dans son Avis sur le suivi de l'état d'urgence du18 février 2016, a relevé d'autres exemples où les dispositions de l'état d'urgence ont été utilisées pour violer le droit de manifester. Tel est notamment le cas d'interdictions de manifester dans le cadre :

- d'une grève de salariés ayant eu lieu à Paris au sein d'une entreprise de multimédias ;

- d'un rassemblement de syndicats de retraités à Toulouse ;

- d'un rassemblement devant la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Rhône-Alpes, à la suite de la mise en oeuvre d'une procédure de licenciement à l'encontre d'un salarié protégé.

Également, lorsque les travailleurs ont commencé à manifester contre la Loi Travail anti-ouvrière en mars 2016, l'état d'urgence a été utilisé pour interdire aux travailleurs de participer aux manifestations et restreindre les itinéraires de celles-ci. De nombreuse manifestions ont été interdites, parmi ces interdictions, il y a eu :

- le 14 juin 2016, 130 personnes ont été interdites de manifestation à Paris contre la Loi Travail ;

- le 22 juin, la manifestation contre la Loi Travail a été interdite à Paris, puis autorisée sur un parcours restreint ;

- le 22 juin, la manifestation contre la Loi Travail de Nantes a été interdite et 100 manifestants ont été arrêtés.

Dernièrement, d'autres manifestations ont été interdites en utilisant les mesures de l'état d'urgence :

- le 1er octobre, la manifestation de la Coalition internationale des sans-papiers et migrants (CISPM) pour soutenir les migrants de Calais a été interdite à Calais et dans les municipalités environnantes ;

- le 22 octobre, à Saint-Étienne, dans le centre de la France, la manifestation pour « le désarmement de la police et la démilitarisation des conflits » a été interdite.

Le rapport de juin 2016 de la FIDH donne un aperçu de l'activité policière sous l'état d'urgence, notamment des descentes et des perquisitions effectuées par la police. Pour la FIDH, « les entretiens menés par les chargés de mission ont permis de se rendre compte que de nombreuses mesures prises dans le cadre de l'état d'urgence, et notamment des perquisitions, ont été prises à d'autres fins que celles de la lutte contre le terrorisme ».

Dans la partie de son rapport intitulée « L'utilisation des mesures de l'état d'urgence à des fins étrangères à la lutte contre le terrorisme », la FIDH écrit : « Un représentant de la CGT Police rencontré par les chargés de mission a en effet expliqué que la plupart des perquisitions avaient été effectuées par des membres de la brigade des stupéfiants en particulier dans la région parisienne. Dès lors les perquisitions administratives prévues par les dispositions sur l'état d'urgence ont été utilisées dans le cadre d'enquêtes qui ne sont pas liées au terrorisme. Selon l'Union syndicale de la magistrature (USM) : « On nous a dit que le Préfet, pour alimenter les perquisitions administratives, s'est rapproché du procureur pour lui demander quels individus pourraient en faire l'objet, même si elles n'avaient aucun lien avec le terrorisme. Cette pratique a été dénoncée comme une volonté des préfectures de faire du chiffre avec beaucoup de perquisitions et donc avec une utilisation opportuniste du pouvoir de perquisition pour des personnes qui relevaient en réalité du droit commun, en utilisant un supposé lien direct entre trafic de stupéfiants et terrorisme. »

[...]

« Ainsi, une partie des perquisitions administratives ont été effectuées dans le cadre de la lutte contre le trafic de stupéfiants avec comme motif affiché la supposition que le trafic de stupéfiants serait une source de financement du terrorisme. »

Plus loin dans son rapport, la FIDH souligne la violence, les préjugés et l'impunité dont s'accompagnent les perquisitions : « La violence inhérente aux perquisitions, notamment de nuit, a été d'autant plus vivement ressentie que de nombreux témoignages font état d'humiliations, de propos racistes, d'une absence totale de précaution à l'égard des mineurs ou de destructions inutiles. À plusieurs reprises, aucun document justifiant la perquisition n'a été notifiée aux intéressés, mettant ainsi les personnes perquisitionnées dans l'impossibilité de prouver qu'elles l'ont été.

« Les assignations à résidence ont souvent eu pour conséquences la perte d'un emploi et/ou un trouble important de santé ou dans la vie familiale, sans compter que dans nombre de cas il s'est accompagné d'une volonté de nuire manifeste (pourquoi faire pointer un individu à plusieurs kilomètres de distance de son domicile alors qu'il existe un lieu plus proche ?).

« Au total, si l'état d'urgence était justifié durant les 12 premiers jours, les pouvoirs publics français n'ont pas fait la démonstration d'une quelconque efficacité de l'état d'urgence au regard des raisons qui ont entraîné son application : la lutte contre les actes de terrorisme. » [5]

Le 13 novembre 2016, le ministère de l'Intérieur établissait le bilan de l'état d'urgence à :

- 4 000 perquisitions administratives ;
- 95 assignation à résidence, dont 46 en vigueur depuis novembre 2015 (elles étaient de 405 en février 2016) ;
- 500 interpellations ;
- 80 arrêtés d'expulsion ;
- 600 armes à feu saisies ;
- 430 interdictions de sorties du territoire ;
- 201 interdictions administratives du territoire (IAT) ;
- 24 mosquées, salles de prière et lieux de culte fermés ;
- 54 sites internet fermés.

L'utilisation abusive des pouvoirs étendus des agence de sécurité de l'État en France pour faire des perquisitions pour lutter contre le trafic des stupéfiants, et l'utilisation des mesures antiterroristes pour violer le droit de manifestation conduisent à certaines conclusions sur l'utilisation de l'état d'urgence dans son ensemble par l'État français et les milieux dirigeants. À savoir, l'état d'urgence est en soi du terrorisme organisé par l'État et donc n'a pas comme objectif la lutte au terrorisme. Son but est d'assurer que les pouvoirs de police aient priorité dans la société tandis que les violations des droits par l'État deviennent la norme. L'objectif de ce gouvernement de pouvoirs de police n'est pas de trouver une solution aux problèmes auxquels font face la France et la société française mais de réprimer la lutte du peuple pour exercer le contrôle de sa vie et ouvrir la voie du progrès sur la base de l'affirmation des droits dans le présent, comme il l'a fait dans le passé. Cette fois, ce n'est pas l'affirmation de ce qu'on appelle les droits civils qui ouvrira la voie du progrès, mais l'affirmation des droits qui appartiennent aux êtres humains à cause de leur humanité. Seule la création d'une conscience collective basée sur l'activation du facteur humain/conscience sociale permettra d'en finir avec l'emprise terrible des pouvoirs de police sur la France.

En novembre 2015, LML écrivait :

« Cette irrationalité dans laquelle les pouvoirs de police plongent le monde montre très clairement qu'aucune solution ne sera apportée aux problèmes de notre époque sans priver l'autorité policière de son privilège de supprimer le mouvement émancipateur du peuple. Aujourd'hui, la sécurité des êtres humains est dans la lutte pour les droits de tous, afin de leur fournir une garantie. C'est cette vérité qui rend irrationnelle la demande du président français de réviser la constitution pour inscrire les pouvoirs de police dans le gouvernement de lois. Ce n'est pas sans conséquence et cette conséquence ne sera pas favorable aux dirigeants moribonds qui président aujourd'hui aux massacres des peuples et s'accordent l'impunité. »


Manifestation de Rouen contre l'état d'urgence, 30 janvier 2016

Notes

1. Dans sa déclaration du 1er décembre 2016, Hollande ne dit pas un mot sur l'état d'urgence mais déclare que « animé que par l'intérêt supérieur du pays », il est fier de son bilan comme président et dit : « Notre arsenal pénal a été durci sans mettre en cause à aucun moment nos libertés. J'ai également procédé à des recrutements massifs dans nos armées, dans la Gendarmerie, dans la Police parce que nous en avons besoin et qu'il y a encore beaucoup à faire. » Il dit également : « J'ai engagé nos forces armées au Mali, en Centrafrique, en Irak, en Syrie pour défendre nos valeurs... »

Comme raison de ne pas se présenter pour un second mandat, il dit ne pas pouvoir se résoudre à « l'éclatement de la gauche » parce que cela la « priverait de tout espoir de l'emporter face au conservatisme et pire encore, face à l'extrémisme ».

François Hollande est le premier président en exercice de la Ve République qui renonce à briguer un second mandat. La date pour se présenter comme candidat à la présidence aux primaires de la gauche est le 17 décembre 2016. Le premier tour des élections présidentielles en France aura lieu le 23 avril 2017 tandis que le second tour aura lieu le 7 mai 2017.

2. Pour un examen complet des mesures contre le terrorisme mises en place en France en novembre 2015, voir « Proposition irrationnelle du président français de légaliser les mesures d'exception et violation des droits par la révision de la Constitution », LML, Numéro 44 - 24 novembre 2015

3. « Mesures de sécurité pour interdire les marches et autres événements sur la place publique durant la Conférence sur le climat », LML, Numéro 44 - 24 novembre 2015

4. France, Rapport de mission internationale d'enquête, mesures antiterroristes contraires aux droits humains : Quand l'exception devient la règle, La Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH), juin 2016.

5. « Avis sur le suivi de l'état d'urgence », La Commission nationale consultative des droits de l'homme, 18 février 2016.

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Le gouvernement français annonce la création d'un gigantesque fichier d'informations personnelles

Le gouvernement socialiste de François Hollande a créé par décret le 30 octobre une gigantesque base de données pour récolter et emmagasiner les informations personnelles de quelque 60 millions de personnes sur une population de 66 millions. Le ministre de l'Intérieur est responsable de la base de données et a donné une justification apparemment inoffensive, disant que c'est une façon administrativement et financièrement efficiente de combattre les fraudes d'identité, que le système est à l'abri du piratage et ne sera utilisé que pour confirmer l'identité des gens, pas pour enquêter sur eux. L'annonce de la base de données, connue sous le nom de « Titres électroniques sécurisés » (TES) ou documents électroniques sécurisés, a lieu au milieu d'un état d'urgence prolongé en France dans lequel les pouvoirs policiers étendus des agences de sécurité de l'État ont été utilisés abusivement à plusieurs reprises pour violer les droits en toute impunité au nom de la lutte contre le terrorisme.

Le fichier TES est un fichier administratif auquel pratiquement tous les organes de répression comme la police, la gendarmerie, les tribunaux peuvent accéder depuis la Loi Renseignement du 24 juillet 2015. Les services des douanes et de renseignement y auront aussi accès au nom de la « prévention et de la répression des atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation et des actes de terrorisme ». Selon le Code de la sécurité intérieure, ces « intérêts fondamentaux » sont larges. Ils vont de la lutte contre « les atteintes à la forme républicaine des institutions » à « la criminalité et la délinquance organisées » en passant par les « violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique », indique Le Monde dans un article du 2 novembre.

Le TES unifiera toutes les données des passeports ou des cartes nationales d'identité, dépendant de lequel une personne détient. Cela inclut son nom et prénom, son adresse, la couleur des yeux, son poids, son état matrimonial, une photographie et les empreintes digitales de presque tout le monde en France (à l'exception des mineurs de 12 ans et moins). Ce traitement doit être complété d'ici la fin 2016. Les données des passeports seront conservées pendant 15 ans et 20 ans pour les cartes d'identité nationales.

Marc Rees, journaliste au site Web NextINpact, qui a sorti la nouvelle le 31 octobre, écrit : « Le décret prévoit d'ailleurs que 'dans le cadre de ces échanges [d'information entre agences de sécurité], des données à caractère personnel [pourront] être transmises aux autorités' étrangères. [...] Un article 6 autorise cependant la France à transmettre à Interpol et au SI Schengen [système d'information Schengen, concernant le système de voyages sans visa pour l'UE - note du LML] plusieurs informations comme celles relatives aux numéros des titres perdus, volés ou invalidés. Pour Schengen, ce flux pourra d'ailleurs être complété par les noms, prénoms, date de naissance, date de délivrance du titre. »

Rees a exprimé son scepticisme face aux affirmations du gouvernement que la base de données sera à l'abri des pirates, citant le piratage récent de Yahoo lors d'une entrevue avec CBC. En ce qui concerne la promesse du gouvernement que l'utilisation des données sera limitée, il a dit : « C'est systématique : même si une loi est limitée à une utilisation spécifique, finalement, il y aura intérêt à l'utiliser à d'autres fins. Ce n'est pas une question de savoir si, mais quand. »

Parlant aussi à CBC sur la question, l'activiste français des droits civils, Yasser Louati, a précisé le contexte dans lequel interviennent les, mentionnant les lois de surveillance adoptées suite à l'attaque de janvier 2015 contre Charlie Hebdo qui sont disproportionnées à leurs objectifs apparents.

« Nous vivons très certainement dans un État policier, dit-il. Ce n'est pas une sorte de déclaration idéologique. C'est le cas. Rappelez-vous : la Loi Renseignement a été adoptée l'année dernière par une écrasante majorité.

« Et cette loi permet au gouvernement de mettre sous écoute vos conversations téléphoniques, de suivre votre navigation sur le Web, les livres que vous lisez, les films que vous regardez, les personnes que vous rencontrez, votre compte de messagerie, vos comptes de médias sociaux et votre localisation en vous suivant sur votre téléphone cellulaire. Ce n'est pas d'un film. C'est la loi. »

Louati a également souligné les attaques de l'État contre les musulmans au nom de l'antiterrorisme :

« Prenez l'état d'urgence lui-même : ils ont ravagé plus de 3 500 domiciles, des domiciles de musulmans, ont saccagé des mosquées, ont saccagé des entreprises, ce qui a donné lieu à seulement six enquêtes liées au terrorisme.

« Alors, ce qu'ils ont fait, c'est d'assigner à résidence toute personne qui semblait suspecte. Ainsi, ces lois ont définitivement mis les musulmans sous l'appareil de sécurité. »

Ajoutant aux doutes sur les intentions du gouvernement pour la base de données est le fait que la dernière fois qu'une telle base de données a existé et a été utilisée en France, c'était sous le régime collaborationniste de Vichy, qui a utilisé des informations de recensement pour aider à expulser les juifs français.

En 2012, les socialistes se sont opposés à un fichier similaire lorsqu'il a été proposé par le gouvernement Sarkozy. À cette époque, Jean-Jacques Urvoas, qui est maintenant ministre de la Justice dans le gouvernement Hollande et un défenseur du TES, a mis en garde contre un tel système parce qu'il pourrait être piraté. « Aucun système informatique est impénétrable. Toute base de données peut être piratée. C'est seulement une question de temps. », écrivait-il. Par la suite, le Conseil constitutionnel a banni le fichier de Sarkozy, qui aurait permis à la police de l'utiliser pour enquêter sur les gens, parce qu'il n'était pas protégé contre le risque d'une utilisation arbitraire. »

Cependant, la décision du gouvernement Hollande de publier un décret pour créer ce fichier au lieu de soumettre un projet de loi à l'Assemblée nationale a également soulevé des questions sur la légalité de la base de données, note France 24 dans un rapport du 4 novembre.

Antoine Chéron, un avocat spécialisé dans les technologies émergentes de la firme française ACBM, a dit à France 24 : « On pourrait penser que le gouvernement cherche à contourner le Conseil constitutionnel en adoptant un décret, car le seul moyen de le contester est de saisir le Conseil d'État [la plus haute cour administrative de France]. » Il a ajouté : « D'un point de vue juridique, rien n'interdit au gouvernement de créer un tel fichier par décret, mais certains politiques considèrent qu'un tel fichier, par son ampleur, ne devrait pas pouvoir exister sans qu'il y ait un grand débat public. »

Face à la condamnation unanime du décret du gouvernement et du TES par les organisations de défense des droits, le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a annoncé le 10 novembre que : « les utilisateurs qui ne souhaitent pas voir leurs empreintes digitales ajoutées à la base de données nationale sécurisée, peuvent refuser. Mais ils ne bénéficieront pas dans ce cas des services associés à cette collection de données. » De toute évidence, cela signifie que ceux qui refusent de donner leurs empreintes digitales auront toutes les difficultés concevables pour obtenir une carte d'identité ou un passeport qui, en France, sont essentiels pour établir leur identité aux nombreux contrôles de police dans les rues, avoir accès aux services de santé, aux écoles, collèges et universités, obtenir un permis de conduire ou passer un examen. Ils deviendront des sans-papiers et seront marginalisés.

(CBC, France 24, NextINpact, Le Monde)

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Nouvel accord de paix ratifié en Colombie

Le processus de paix est défendu


Des jeunes surveillent le vote au Congrès sur l'Accord de paix définitif et final
le 30 novembre 2016.

Le 12 novembre, les FARC-EP et le gouvernement de Colombie en sont venus à un accord de paix suite à l'échec du plébiscite du 2 octobre sur l'accord conclu à la fin août, après cinq années de pourparlers. Le plébiscite a été perdu par une mince marge, résultat d'une campagne délibérée de désinformation pour détruire la capacité des Colombiens de réfléchir d'une manière calme et rationnelle sur ce que l'accord représentait.[1]

La réponse des Colombiens à ce résultat négatif a été de passer immédiatement à l'action pour s'assurer que la perspective de mettre fin à plus de cinquante années de guerre ne soit pas éteinte. Les jeunes et les étudiants ont pris les devants avec une campagne « C'est à nous maintenant ». Des gens de tous les milieux sont descendus dans la rue soir après soir pour défendre l'accord conclu à La Havane et exiger la reprise des négociations sans sacrifier les principes fondamentaux de l'accord original. Plusieurs nouvelles organisations ont vu le jour, les femmes et les victimes de la guerre se sont mobilisées à plusieurs reprises pour s'exprimer en faveur de la réconciliation. Un camp pour la paix a été établi sur la Place Bolivar à Bogota et est resté sur place jusqu'à la conclusion du nouvel accord.

Encouragés par l'appui massif, les équipes de négociation des FARC-EP et du gouvernement se sont réunies après l'échec du référendum et après avoir reçu des propositions et avoir rencontré différentes organisations sur les façons d'améliorer le premier accord. Cela a été suivi d'une courte période de négociations intenses qui ont mené à la conclusion de l'Accord de paix final et définitif du 12 novembre.

Le nouvel accord a été signé le 24 novembre par le président Juan Manuel Santos et le commandant en chef des Forces armées révolutionnaires de Colombie -- Armée du peuple (FARC-EP), Timoleón Jiménez (aussi connu sous le nom de Timochenko). Il a été ensuite ratifié par le Congrès par un vote le 29 novembre au Sénat et le 30 novembre à la Chambre des représentants. Il y a eu de grands rassemblements devant les édifices gouvernementaux ces deux jours-là pour presser les élus à voter en faveur du nouvel accord. Des jeunes et étudiants se sont regroupés dans des organisations de « surveillance citoyenne » pour tenir les sénateurs et représentants responsables de leur vote. Les jeunes ont monté des tableaux des élus avec photos et renseignements sur chacun, avec l'heure d'arrivée et s'ils ont voté pour ou contre.

Au Sénat, le vote était de 75 à 0 et à la Chambre des représentants, 130 à 0, représentant une majorité de trois-quarts dans les deux chambres. Les membres du parti Centro Democratico du sénateur et l'ex-président Alvaro Uribe ont refusé de prendre part au vote, déclarant qu'il était « illégitime » et qu'un second plébiscite était nécessaire pour évaluer « la volonté populaire ».

Parlant le 24 novembre lors d'une cérémonie de signature tenue à l'historique Teatro Colón à Bogota, le dirigeant des FARC-EP Timochenko a déclaré :

« Pour réaliser la signature de cet accord définitif, nous avons vécu plus de sept décennies de violence, un demi-siècle de guerre ouverte, trente-trois ans de processus de paix, cinq ans de débats à La Havane, le désenchantement du plébiscite du 2 octobre et l'effort le plus historique pour atteindre le consensus majoritaire de la nation.

« Dans cette dernière étape, nous avons enrichi et modifié l'Accord précédent, en tenant compte des préoccupations et des propositions, des clarifications et des définitions spécifiques des groupes et des organisations sociales les plus divers, des secteurs d'opinion ainsi que des partis et mouvements politiques. Nous avons étudié avec soin et attention tout ce qui a été mis à l'étude des parties à la table de négociation par les différents groupes et nous avons introduit des modifications importantes et nombreuses, ainsi que des modifications substantielles des anciens textes jusqu'à ce que l'Accord final devienne l'Accord définitif. »

Dans ses remarques, le dirigeant des FARC-EP a reconnu les organisations des femmes colombiennes et la communauté LGBT pour leurs contributions au nouvel accord. Le nouvel accord contient plusieurs clarifications et un nouveau libellé pour dissiper les craintes irrationnelles alimentées dans les secteurs religieux conservateurs pour les amener à voter Non au plébiscite basé sur les mensonges propagés par la campagne du Non de l'ex-président Alvaro Uribe au sujet d'allégations de menaces à la famille traditionnelle contenues dans l'Accord.

Il a également rendu hommage aux jeunes et à d'autres sections de la population dont le soutien a été crucial pour la conclusion d'un nouvel accord dans un court laps de temps :

« Notre sentiment de solidarité et d'admiration pour les milliers de compatriotes qui sont descendus dans la rue des villes et des villages pour exprimer leur désapprobation de la guerre, leur appui aux fondements de l'Accord final et pour obliger les parties assises à la table de négociation de ne pas s'arrêter avant de signer un accord définitif. Notre sentiment de solidarité s'adresse aux jeunes et étudiants universitaires qui ont réussi à susciter une véritable mobilisation nationale à la défense d'une solution politique et qui ont promu et réalisé un Pacte pour la Paix de la Jeunesse avec le soutien d'une majorité des représentants politiques des différents partis et mouvements, y compris le Parti conservateur et le Centre démocratique.

« Aux communautés autochtones, paysannes et afro-descendantes, aux leaders agraires et communaux ayant une longue histoire dans l'oeuvre pour la paix dans les territoires, les dizaines de milliers de familles qui ont rejoint les FARC dans les vigiles pour la paix, les personnalités de l'Église catholique, de la science et du monde de l'art, des universitaires de différentes universités, des plateformes pour la paix qui se sont formées dans les villes du pays, qui ont rejoint les marches du silence, les fleurs, les victimes de l'Union patriotique, qui ont fondé les camps pour la paix, à ceux qui ont appelé à des actes pour la paix dans différentes villes du monde. Cet accord final leur appartient parce qu'ils ont contribué à le construire avec leurs espoirs et leurs actions. »

Timochenko a également tenu à dénoncer la hausse préoccupante des assassinats de militants sociaux et communautaires - la plupart d'entre eux membres du mouvement Marcha Patriotica - probablement par les escadrons de la mort paramilitaires. Ces forces continuent d'émettre des menaces de mort contre ceux qu'elles qualifient de « collaborateurs des FARC », rappelant l'extermination systématique du Parti Union patriotique qui a commencé dans les années 80 après que les FARC-EP eurent déposé leurs armes à la suite d'un processus de paix antérieur.

« La première exigence nationale est de mettre un terme à l'utilisation des armes en politique et de garantir le droit à la dissidence, à s'opposer, à protester contre les mauvaises administrations, les lois injustes, l'arbitraire et l'abus de pouvoir, a déclaré Timochenko. Que la vie, l'intégrité personnelle, la liberté de mouvement et de pensée deviennent réelles. C'est pour cela que la Colombie resserre ses rangs autour de cet accord définitif. »


Célébration de la signature de l'accord de paix à Bogota le 24 novembre 2016

Avec le nouvel accord ratifié, la phase critique de la mise en oeuvre commence. Le calendrier établi dans l'Accord stipule que le mouvement vers les zones spéciales doit être terminé 30 jours après la ratification de l'Accord. Le gouvernement maintient que cela a eu lieu et que le jour « D », qui établit le calendrier, était le 1er décembre et que le mouvement vers les zones doit commencer le jour D + 5 comme convenu.

Reste à savoir si les réformes constitutionnelles nécessaires peuvent être instituées rapidement pour garantir que les membres des FARC ne seront pas arrêtés quand ils se rendront dans les zones de transition désignées. Le gouvernement a dit qu'il déposera son projet d'amnistie au Congrès le 5 décembre dans l'espoir qu'il soit entériné par le tribunal constitutionnel. On ne sait pas ce que le tribunal décidera.

LML félicite les FARC-EP d'avoir conclu un nouvel accord définitif avec le gouvernement colombien, malgré les nombreux obstacles qui empêchent cette réalisation historique. De plus, LML encourage les Canadiens à continuer de soutenir le peuple colombien au cours de la période à venir car son processus de paix entre dans une nouvelle phase critique, exigeant de lui qu'il reste en action dans les semaines, mois et années qui viennent pour assurer que l'Accord et ses engagements envers la non-répétition et la réconciliation soient honorés afin que la paix stable et durable à laquelle les Colombiens aspirent puisse être réalisée.

Note

 1. Voir LML du 8 octobre 2016

(Photos: FARC-EP, @ConsejeríaDDHH, @PazALaCalleCol)

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Un appel urgent du Réseau en défense de l'humanité

Campagne de pétition pour la libération
d'Oscar López Rivera

Le Réseau d'intellectuels, d'artistes et des mouvements sociaux en défense de l'humanité se joint à la campagne lancée par le Réseau national des droits humains Boricua pour exiger la libération d'Oscar López Rivera.

Oscar López Rivera, maintenant âgé de 73 ans, est le prisonnier politique qui a été détenu le plus longtemps de l'histoire de Porto Rico. Il a été accusé de conspiration séditieuse, la même accusation qui avait été portée contre Nelson Mandela, pour sa participation au mouvement pour l'indépendance de Porto Rico. Il n'a jamais été accusé d'avoir blessé qui que ce soit ou d'avoir participé à un crime violent. Le crime d'Oscar, c'est sa lutte pour la liberté de son pays. L'an dernier, de nombreux chefs d'État qui participaient à l'assemblée générale annuelle de l'OÉA l'ont proclamé le « Nelson Mandela de l'Amérique latine ».

FAITES CIRCULER CETTE PÉTITION LE PLUS LARGEMENT POSSIBLE - NOUS AVONS BESOIN DE RECUEILLIR 100 000 SIGNATURES EN 30 JOURS

Le réseau en défense de l'humanité appelle toutes les organisations et toutes les communautés et tous les syndicats, églises, activistes et partis politiques à DEMANDER À LEURS MEMBRES de signer cette pétition et de répandre le mot car le temps presse !

Nous devons recueillir 100 000 signatures d'ici le 11 décembre.

Pour signer la pétition, cliquer ici.

Liberté immédiate pour Oscar López Rivera !

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