Numéro 66
1er décembre 2022
43e législature de l'Assemblée nationale du Québec
L'ordre du jour du gouvernement Legault
Manifestation devant l'Assemblée nationale
du Québec, le 29 novembre 2022, lors de l'ouverture de la
nouvelle législature, en soutien au rejet de la monarchie et du
serment d'allégeance au roi d'Angleterre.
• L'allégeance du gouvernement Legault aux intérêts privés de McKinsey et compagnie
43e législature de l'Assemblée nationale du Québec
L'ordre du jour du gouvernement Legault
La première session de la 43e législature de l'Assemblée
nationale du Québec s'est ouverte le 29 novembre.
Le 20 novembre, le Parti marxiste-léniniste du Québec (PMLQ) a tenu une deuxième rencontre de discussion et d'échange sur les résultats des élections québécoises et sur l'ordre du jour du gouvernement Legault.
Cette rencontre très instructive a couvert un éventail de préoccupations d'intérêt pour la classe ouvrière et le peuple du Québec, qui réclament leurs droits et le rétablissement des programmes sociaux et s'opposent à la violence et à la discrimination de l'État envers les peuples autochtones, les immigrants, les travailleurs migrants et les réfugiés, ainsi qu'aux politiques pro-guerre et anti-Haïti du Canada, entre autres politiques canadiennes.
Le refus des députés du Parti québécois de prêter le serment d'allégeance au roi Charles III d'Angleterre comme condition pour siéger à l'Assemblée nationale a également été abordé.
En ce qui concerne l'ordre du jour du premier ministre François Legault, la directrice du PMLQ, Christine Dandenault, a noté la nature de son prétendu nationalisme, soulignant qu'un nationalisme sans contenu social et qui n'investit pas le peuple du pouvoir de décision est inacceptable. Dans ses remarques d'introduction, elle a également placé l'ordre du jour du gouvernement Legault dans le contexte des développements actuels au Canada, aux États-Unis et dans le monde.
L'offensive néolibérale antisociale est en crise profonde en conséquence de l'usurpation des pouvoirs de l'État par des intérêts privés étroits et supranationaux. Des intérêts privés supranationaux, comme McKinsey, gèrent les dépenses gouvernementales, tandis que les agences de renseignement des États-Unis et l'armée américaine dictent les politiques et les besoins en infrastructures en fonction d'une économie qui sert la production de guerre et la quête de domination mondiale des États-Unis. Les oligopoles regroupés en cartels et coalitions ont usurpé le pouvoir de décision. Les corps législatifs ont perdu leur raison de représentants de toute souveraineté nationale, laquelle, à toutes fins utiles, n'existe plus.
Des informations ont été présentées sur les stratagèmes et les méthodes utilisés pour payer les riches et détruire l'éducation, privatiser la santé, brader les ressources du Québec et payer les riches pour les infrastructures. Des informations ont également été présentées sur les mesures mises en place pour que l'armée américaine puisse prendre le contrôle des mines et des usines canadiennes et québécoises au nom de la sécurisation des chaînes d'approvisionnement, des transports, des communications, de l'énergie et des corridors de sécurité. Pour ce faire, les gouvernements s'arment de pouvoirs de police illimités, qui font tous par ailleurs partie de ce qu'on appelle « la démocratie du roi », inscrite dans la Loi constitutionnelle de 1867 et la Loi constitutionnelle de 1982.
Ce qui se passe au Canada et dans le monde est vraiment alarmant, a souligné Christine dans son introduction. Mais, a-t-elle poursuivi, le plus important est de ne pas perdre de vue le rôle que jouent la classe ouvrière et les peuples lorsqu'ils luttent pour l'affirmation des réclamations qu'ils sont en droit de faire à la société. Notre avenir est dans la lutte pour les droits de toutes et tous, et non dans l'entretien de faux espoirs dans des politiciens corrompus et des institutions politiques anachroniques, qui servent tous des intérêts de classe étrangers et antinationaux, a-t-elle dit, soulignant une fois de plus que le peuple doit compter sur sa propre sagesse, sa créativité et sa capacité à faire naître de nouvelles formes qui le servent.
La représentante du PMLQ a ensuite parlé du nationalisme de François Legault. Elle a souligné que c'est un nationalisme centré sur des intérêts commerciaux étroits et dépourvu de contenu social. Il est basé sur l'utilisation des pouvoirs de police pour imposer les décisions prises par ces intérêts privés étroits supranationaux qui se sont emparés du pouvoir politique et les agences de renseignement au service des États-Unis, qui visent à établir leur hégémonie sur le monde entier. C'est un ordre du jour qui prétend frauduleusement défendre les droits humains, les droits des femmes et les droits des peuples autochtones, mais qui vise plutôt à préserver les valeurs et institutions coloniales racistes basées sur le « fardeau de l'homme blanc », la notion des États-Unis en tant que « nation indispensable » et la supériorité des institutions anglo-américaines prétendument démocratiques devenues dysfonctionnelles.
Dans le nouveau normal des gouvernements de pouvoirs de police, les êtres humains sont des choses à utiliser et à jeter. Tout souvenir d'édification nationale est oublié et abandonné. Un nationalisme québécois sans contenu social et sans représentation du peuple en l'investissant du pouvoir de décider est inacceptable, a souligné Christine.
La thèse avancée par le PMLQ est qu'aujourd'hui la classe ouvrière doit devenir la nation et investir le peuple du pouvoir souverain, a-t-elle dit. Elle a présenté un bref aperçu de la façon dont la question nationale s'est posée aux gouvernements fédéral et québécois dans le passé pour illustrer la faillite de la soi-disant position nationaliste du gouvernement Legault aujourd'hui. Le compte-rendu met en évidence comment la lutte du peuple pour les droits s'est posée à chaque tournant et qu'aujourd'hui les droits ne sont pas une abstraction, basée sur une fausse interprétation de valeurs coloniales présentées comme éternelles. Aujourd'hui la défense des droits de toutes et tous est une question d'affirmation du droit d'être.
Après cette introduction, des intervenants représentant la
classe ouvrière du Québec ont fait des présentations qui
illustrent l'ordre du jour que poursuit le gouvernement Legault.
Ces présentations seront publiées dans Le
Marxiste-Léniniste dans les prochains jours afin
d'attirer l'attention des lecteurs sur la direction que prend le
gouvernement Legault au Québec. Il faut changer la direction de
l'économie et faire respecter les droits de toutes et tous en
travaillant pour un renouveau démocratique et un ordre
constitutionnel qui placent l'être humain au centre de ses
préoccupations.
L'allégeance du gouvernement Legault aux intérêts privés de McKinsey et compagnie
Le cabinet-conseil McKinsey & Company est de retour dans les nouvelles, cette fois en lien avec Hydro-Québec. On lui a laissé le champ libre dans la gestion des institutions publiques du Québec. Cette fois, on prétend que la firme « gère les barrages hydroélectriques ».
Selon un article du Devoir, Hydro-Québec a confirmé que McKinsey travaille sur des « mandats stratégiques, des questions d'approvisionnement et d'innovations ». Ce jargon, typique des firmes de consultants, n'explique rien au sujet de ce que fait exactement McKinsey. Pourquoi le gouvernement Legault accorde-t-il une telle place de choix à McKinsey avec qui il entretient, en toute vraisemblance, une relation intime entourée de la plus grande discrétion.
S'il est vrai que McKinsey est lui-même entouré du secret, de confidentialité et de non-divulgation, il y a tout de même suffisamment d'information qui circule à son sujet permettant de démystifier le narratif d'une firme dont l'unique mission est de prodiguer des conseils à grands coups de millions de dollars. Il est bien connu que l'expertise d'Hydro-Québec est de renommée mondiale. Quelle expertise peut-elle donc solliciter de McKinsey dont on dit qu'elle est l'institution privée la plus puissante et la plus influente de la planète ?
Un documentaire de CNBC informe que dans les années 1950 McKinsey a aidé la Maison-Blanche dans l'organisation de son personnel, ce qui aurait amené à la création du rôle du chef d'état-major. Aujourd'hui, cet accès intime au gouvernement américain et le fait que la firme participe aux affaires gouvernementales est clairement exprimé sur le site web de McKinsey. Par exemple, un employé de McKinsey, un ancien officier de l'armée américaine, explique comment lui et un « groupe de partenaires » travaillent au sein du gouvernement fédéral des États-Unis. Il parle de son engagement à faire du gouvernement fédéral américain « le meilleur gouvernement au monde ». Il est actif dans diverses agences allant du département de la Défense à celui des Anciens combattants, en passant par l'Agence pour la protection de l'environnement, mettant à leur disposition les meilleurs experts et ressources que la firme peut offrir. Ceux-ci portent le nom d'« équipe d'intervention tactique (SWAT) des analystes ». SWAT veut dire « armes et tactiques spéciales ».
Parmi les anciens de McKinsey, on trouve Sundar Pichai, PDG de Google, James Gorman, PDG de Morgan Stanley, Jorgen Vig Knudstorp, président et ancien PDG de The Lego Group, Sheryl Sandberg, ancienne cheffe de l'exploitation chez Facebook, ainsi que Susan Rice, directrice du Domestic Policy Council de l'administration Biden et ancienne conseillère pour la sécurité nationale à l'époque de la présidence d'Obama. La firme fait affaire avec 90 des 100 plus importantes compagnies selon Fortune. Dans le documentaire de CNBC, Duff MacDonald, auteur de « The Firm : The Story of McKinsey and Its Secret Influence on American Business » (La firme : l'histoire de McKinsey et son influence secrète sur le monde des affaires américain), souligne : « McKinsey est partout. Ils ont bâti une machine qui fait en sorte que l'interaction du réseau des anciens avec le cabinet se fait de façon autonome, un véritable cercle vertueux d'honoraires et d'engagements. C'est assez incroyable de voir cela. »
McKinsey gère un fonds d'investissement de plusieurs milliards de dollars qui, selon le New York Times, jouerait un rôle dans le résultat de certaines restructurations financières auxquelles la firme participe, dont sa participation aux efforts pour « remettre sur pied » les finances publiques de Porto Rico.
Le 22 juin 2020, dans un article du Balkan Insight intitulé « La sous-traitance de la demande d'asile : le rôle secret de McKinsey dans la crise des réfugiés en Europe », il est souligné qu'en 2016 et 2017, McKinsey était au centre « des efforts en Europe pour accélérer le processus de demandes d'asile sur les îles grecques surpeuplées et pour formuler une entente controversée avec la Turquie, soulevant des inquiétudes face à la sous-traitance de la politique publique en matière de réfugiés ».
En septembre 2016, McKinsey a soumis une proposition à l'Agence de l'Union européenne pour l'asile (AUEA) intitulée « Appuyer la commission européenne par le recours à une gestion intégrée de réfugiés ». Ce qui sous-tendait l'intervention de McKinsey était la « productivité maximale », c'est-à-dire, traiter le plus grand nombre de demandes d'asile dans le moins de temps possible, que les demandeurs soient déplacés vers le continent grec si leur demande est acceptée, ou déportés en tant que « migrants retournables » vers la Turquie. Durant ces années, les gens fuyaient des pays que les impérialistes américains avaient déstabilisés, attaqués, occupés ou détruits — et dans certains cas, les quatre à la fois, en particulier la Syrie, l'Irak et l'Afghanistan.
Le pacte qui a suivi a été très controversé. Les organisations de droits humains ont dit que cela représentait un danger pour le droit même des demandeurs d'asile. Aussi controversés étaient le degré d'influence jusque-là bien cachée de McKinsey sur la mise en oeuvre des accords en matière de réfugiés et les efforts déployés par les organismes de l'Union européenne pour dissimuler ce rôle.
En octobre 2017, l'ombudsman de l'Union européenne, l'Office européen de lutte antifraude (OLAF) a entrepris une enquête sur l'AUEA, qui avait directement eu à faire avec McKinsey, en particulier pour faire la lumière sur les « irrégularités et les méfaits » touchant aux règles en matière de marchés publics et au harcèlement du personnel. Selon le Balkan Insight, le rapport de 1 500 pages d'OLAF fait la lumière sur le rôle d'une des principales firmes privées de consultants dans le domaine de ce qui était traditionnellement considéré comme celui de la politique publique — le droit à l'asile.
Certains soulignent aussi que McKinsey a joué un rôle majeur dans la reconstruction de l'Afghanistan, ou plutôt à chercher des ouvertures pour les compagnies américaines alors que des milliards de dollars étaient versés à des fins dites de reconstruction. Plus récemment, un rapport a été commandé par le Groupe de travail du Pentagone pour les opérations d'affaires et de stabilité (TFBSO), demandant entre autres à McKinsey « d'identifier des projets potentiels dans des provinces prioritaires » et de « définir les priorités stratégiques du TFBSO en Afghanistan. »
À la lumière de ce qui précède, il est légitime que les Québécois soient préoccupés par le rôle et l'influence de McKinsey dans la prise en charge du fonctionnement de l'État québécois. Cela coûte cher au peuple et montre plus que jamais la nécessité pour les Québécois de se doter d'une constitution moderne qui enchâsse une raison d'État qui leur est favorable. Le gouvernement Legault a déjà annoncé qu'il compte augmenter le nombre de projets hydroélectriques pour répondre aux besoins de compagnies étrangères, surtout américaines, en électricité bon marché, au nom de l'« énergie propre ». On connaît bien également ses plans pour faire du Québec un pôle pour l'extraction et le raffinage de minéraux critiques, pour le lithium et la production de batteries pour véhicules électriques, comme partie intégrante de la Stratégie de sécurité nationale et des « intérêts vitaux » des États-Unis. Cela est en lien direct avec la production de guerre des États-Unis et sa course à l'hégémonie mondiale.
En ce début de la nouvelle session de l'Assemblée nationale où le gouvernement Legault est majoritaire, il ressort qu'il est important de connaître exactement le rôle que joue McKinsey, et la place de cette firme dans les prises de décision loin des yeux des travailleurs québécois et du peuple québécois et à l'encontre de leurs préoccupations économiques, politiques et environnementales. Le gouvernement Legault doit rendre des comptes pour ses ententes secrètes et pour la place privilégiée qu'il accorde aux intérêts privés dans la sphère publique et dans les affaires politiques du Québec.
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