Jeudi 14 novembre 2024
États-Unis
Qu'attendre de Trump en matière d'expulsions et de la frontière sud
Manifestation à New York contre le décret de Biden visant à fermer la frontière sud et à bloquer illégalement les réfugiés demandant l'asile, 6 juin 2024.
• Qu'attendre de
Trump en matière d'expulsions et
de la frontière sud
• L'« ennemi intérieur » comme cible
États-Unis
Qu'attendre de Trump en matière d'expulsions et de la frontière sud
Comme Donald Trump l'a clairement indiqué tout au long de la campagne électorale et depuis qu'il est devenu président élu, la fermeture de la frontière sud des États-Unis et l'expulsion d'un grand nombre de personnes sont des priorités absolues.
Le 6 novembre, Karoline Leavitt, attachée de presse nationale de Trump, a déclaré sur Fox News qu'il avait « le mandat de gouverner comme il l'a fait pendant la campagne, de tenir les promesses qu'il a faites, ce qui inclut, dès le premier jour, le lancement de la plus grande opération d'expulsions de masse ». Il parle d'expulser environ 13 millions de sans-papiers, qui vivent et travaillent aux États-Unis, souvent depuis des décennies. Ces expulsions massives se feraient sans procédure régulière, probablement au moyen de raids effectués par le Service de l'immigration et des douanes des États-Unis (ICE), et leur coût est estimé à plus de 315 milliards de dollars.
Le 10 novembre, Donald Trump a annoncé que Tom Homan, l'ancien directeur par intérim de l'ICE qui avait soutenu sa politique de « tolérance zéro » lors de son premier mandat, rejoindrait son administration en tant que « tsar des frontières ». Trump a déclaré sur Truth Social que Tom Homan serait « chargé des frontières de notre pays, y compris, mais sans s'y limiter, de la frontière sud, de la frontière nord, de toute la sécurité maritime et aérienne ».
De même, « Tom Homan sera responsable de toutes les expulsions d'étrangers en situation irrégulière vers leur pays d'origine », a déclaré Donald Trump. Homan promet déjà des raids sur les lieux de travail et a déclaré que la séparation des familles pourrait être évitée en expulsant les familles ensemble (c'est-à-dire en expulsant les enfants nés aux États-Unis au nom de la non-séparation des familles).
Le président élu persiste dans ce projet non seulement parce qu'il est lui-même raciste, tyrannique et enclin à commettre des crimes contre l'humanité, ce qui est vrai. Il le fait aussi parce qu'il pense qu'en agissant ainsi, il peut unir les secteurs militaires et éviter une guerre civile. En déclarant les immigrants et les réfugiés « ennemis intérieurs » des États-Unis et en procédant à leur expulsion, il espère rallier tous les racistes à sa cause.
Trump représente la personne de l'État dont la mission principale est de préserver l'Union. Dans le cadre de cet effort d'unification de l'armée, il cible également ce qu'il appelle « les réseaux criminels de migrants » pour justifier la criminalisation des personnes considérées comme des membres de gangs ou des trafiquants d'êtres humains et de drogue et les qualifier de « terroristes ».
D'ores et déjà, des responsables militaires discutent avec des responsables mexicains de la nécessité d'une « coopération transnationale » et d'une intervention de l'armée et des forces de police américaines pour « aider à lutter contre le crime organisé ».
L'élection présidentielle et les élections au Congrès et au Sénat n'ont en rien atténué le problème que pose toujours le danger d'une guerre civile ouverte et violente entre les factions au pouvoir et contre les peuples qui se soulèvent pour exiger une autre direction pour le pays. Faire tout ce qui est possible pour renforcer le pouvoir du président d'agir en toute impunité est le programme que s'est donné Donald Trump, ce qu'aurait également fait Kamala Harris, soit dit en passant, et il est en fait déjà mis en oeuvre par l'administration Biden de multiples façons. Joe Biden est déjà engagé dans la fermeture de la frontière et l'internement de personnes à Guantanamo, en violation des obligations des États-Unis dans le traitement des demandeurs d'asile.
En tant que président, Trump est également chargé d'éliminer les barrières comprises dans la Constitution à une plus grande utilisation des pouvoirs de police et de l'impunité de la présidence contre les factions rivales et surtout contre les peuples, y compris l'utilisation de l'armée à l'intérieur du pays, et contre les pouvoirs détenus par les autorités au niveau de l'État.
Par exemple, en ce qui concerne les relations avec les États, la gouverneure du Massachusetts, Maura Healey, à qui l'on demandait si la police de l'État aiderait Trump dans ses efforts d'expulsion, a répondu : « Non. Absolument pas. » « Je pense qu'il est important que nous reconnaissions tous qu'il y aura beaucoup de pression sur les États et les fonctionnaires des États, a-t-elle ajouté. Tous les outils de la boîte à outils doivent être utilisés pour protéger nos citoyens, nos résidents et nos États, et pour maintenir la démocratie et l'état de droit en tant que principe de base. »
Le Massachusetts, comme New York, l'Illinois et la Californie, a connu un afflux important d'immigrants et de réfugiés au cours de l'année écoulée. Pour monter les peuples les uns contre les autres tout en justifiant les expulsions, on prétend que les réfugiés sont la cause d'un manque de fonds pour le logement, l'éducation, la santé, etc., en particulier dans des villes comme Chicago et New York. Le financement massif de la guerre, le financement des nombreuses agences de maintien de l'ordre et le paiement des dettes publiques ne sont pas mentionnés lorsqu'il est question de pénurie de fonds.
L'application des lois sur l'immigration est manifestement considérée comme un moyen d'imposer la volonté du président par la coercition et la force. Elle peut servir à briser une barrière existante concernant les pouvoirs des États, de leurs agences de police et de leur Garde nationale, toutes deux contrôlées par le gouverneur de l'État. Les lois sur l'immigration peuvent également être utilisées pour justifier une répression accrue de la population au nom de la « sécurité nationale », notamment en faisant appel aux services de police fédéraux et à l'armée, si nécessaire, comme le dit Donald Trump.
À cet égard, un projet de loi a déjà été présenté à la Chambre des représentants, peut-être en vue d'un vote accéléré sans débat, sous le nom de « loi pour arrêter le financement du terrorisme et abolir les pénalités fiscales pour les otages américains », également appelé loi H.R. 9495. Cette loi accorderait au secrétaire du département du Trésor le pouvoir unilatéral, sans preuve ni explication, de révoquer le statut d'exonération fiscale de toute organisation à but non lucratif considérée comme une « organisation soutenant le terrorisme ». Cela les empêcherait effectivement de recevoir des dons et des subventions et obligerait nombre d'entre elles à fermer leurs portes. Cela servirait à augmenter le recours aux accusations de « terrorisme » contre les étudiants et beaucoup d'autres personnes, et à accroître les pouvoirs de police de la présidence.
On peut constater qu'en dehors des guerres de territoire, les problèmes abordés par Trump ne sont pas principalement ceux de la fermeture de la frontière comme telle. Les peuples des États-Unis se préparent à ses tentatives de préserver l'Union en augmentant les pouvoirs de police fédéraux et en sapant la résistance et l'unité des peuples.
L'« ennemi intérieur » comme cible
Dans son discours de victoire à la suite de l'élection présidentielle du 5 novembre, le président élu Donald Trump a parlé d'unité et d'aider « le pays à guérir ». Il a dit : « Nous allons réparer nos frontières, nous allons réparer tout ce qui touche à notre pays ». « Nous allons sceller les frontières, et nous allons devoir laisser les gens entrer au pays. Nous voulons que les gens reviennent. Nous devons les laisser revenir, mais ils doivent entrer en toute légalité », a-t-il dit.
L'appel à « laisser les gens entrer au pays [...] en toute légalité » reflète, en partie, les besoins des oligopoles étasuniens en main-d'oeuvre immigrante bon marché, souvent réduite à l'esclavage, ne recevant pas leur salaire, comme c'est le cas surtout pour les travailleurs agricoles et de la construction. C'est aussi vrai que lorsque les réfugiés entrent au pays en vertu de lois internationales dont les États-Unis sont signataires, ils sont toujours « légaux » puisqu'ils peuvent entrer à n'importe quel point de la frontière pour demander asile, et non seulement aux postes frontaliers officiels. Pour Trump et Biden, les passages non officiels aux frontières sont illégaux et les demandeurs d'asile qui entrent par ces passages sont accusés d'être illégaux.
Pendant sa campagne, Trump a parlé en termes militaires de certaines villes des États-Unis, dont Aurora, au Colorado. Il a dit qu'elles étaient « sous occupation » et « en proie aux invasions ». Il a ajouté : « Suivant le Modèle Eisenhower, nous allons mener au pays la plus importante opération d'expulsions de l'histoire américaine ».
Le 7 novembre, Trump a dit : « Nous n'avons pas le choix » pour ce qui est des expulsions. Au sujet des centaines de milliards de dollars requis pour réaliser de telles expulsions de masse, probablement 1 billion de dollars au cours de plusieurs années, Trump a dit : « Le coût a peu d'importance ».
Le contrôle du trésor public est un des quelques pouvoirs qui restent au Congrès. Il a toujours été au coeur de la représentation, exprimée par le slogan « Pas de taxation sans représentation », mis de l'avant à l'époque de la lutte d'indépendance contre la Grande-Bretagne. Le fait que le Congrès contrôle les dépenses est censé être le principal obstacle à l'impunité du président. Mais même sur cette question, les rivalités au sein des factions dirigeantes sont tellement intenses que les budgets ne sont pas adoptés et le gouvernement menace de ne pas fonctionner d'un mois à l'autre. Trump espère pouvoir prendre le contrôle du Congrès mais les factions au sein des partis cartellisés sont toujours là, ce qui fait que le résultat du vote sur des questions spécifiques demeure toujours imprévisible.
Pour mener ce programme d'expulsions à bien et pour faire en sorte que le coût de la fermeture de la frontière au sud ait « peu d'importance », Trump laisse entendre qu'il pourrait puiser à même les fonds destinés au Pentagone, qui reçoit à chaque année près de 800 milliards de dollars, même s'ils devraient servir à autre chose. Il s'agit d'une autre façon de faire tomber les obstacles au contrôle des fonds publics. C'est à même ces fonds que Biden a puisé à répétition pour les donner à l'Ukraine ainsi qu'à Israël. En outre, avec des méga-milliardaires comme Elon Musk, Trump pourrait avoir recours aux partenariats publics-privés, ainsi qu'aux mercenaires privés pour intervenir, comme ce fut le cas en Afghanistan, en Irak, en Syrie, en Libye, en Ukraine, au Soudan et dans d'autres pays.
En outre, s'adressant à plusieurs rassemblements électoraux, Trump a dit : « Je vais invoquer la Loi sur les ennemis étrangers de 1798 pour cibler et démanteler chaque réseau criminel de migrants opérant en sol américain ». Il a dit qu'il aura recours à cette loi pour entreprendre une initiative fédérale appelée Opération Aurora, pour mettre fin à ce qu'il appelle des « occupations » de villes comme Aurora, au Colorado. Il a aussi déclaré qu'il y aurait recours pour mettre au pas les États et les villes dits sanctuaires – comme la Californie, le Colorado, l'Illinois, New York, le Massachusetts et plusieurs autres dans toutes les régions du pays[1]. De telles mesures ciblent les représentants municipaux et d'États et leur autorité et visent à consolider le diktat fédéral et le commandement des forces policières. Ces mesures pourraient aussi aller dans le sens d'accuser ces représentants de protéger des « ennemis étrangers » et des « criminels ». Compte-tenu des lois actuelles pour combattre le terrorisme et « le soutien matériel au terrorisme », il est fort possible que le président s'en prenne aux « ennemis intérieurs », comme Trump l'a répété à maintes reprises.
Malgré les plans et les nombreuses menaces de Trump, des organisations partout au pays se préparent déjà à défendre les droits des immigrants et des réfugiés, en continuant d'exiger que tous les camps de détention soient fermés, y compris Guantanamo. Les dirigeants étasuniens ont sans doute oublié les traditions militantes et révolutionnaires qui animent les Mexicains et que ceux-ci apportent à la lutte de la classe ouvrière des États-Unis dont ils sont partie intégrante et à l'unité d'action dans tout le pays pour les droits de tous et toutes. Comme l'ont affirmé les organisateurs de ces actions : « Pas de crimes contre l'humanité dans nos communautés ! »
Action pour les droits des migrants à l'occasion du Premier Mai en 2022 à Milwaukee
Note
1.Pour voir la liste intégrale, voir : « Map, Sanctuary Cities, Counties and States », Centre d'études sur l'immigration, novembre 2024.
(Pour voir les articles individuellement, cliquer sur le titre de l'article.)
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