L'« ennemi intérieur » comme cible

Dans son discours de victoire à la suite de l'élection présidentielle du 5 novembre, le président élu Donald Trump a parlé d'unité et d'aider « le pays à guérir ». Il a dit : « Nous allons réparer nos frontières, nous allons réparer tout ce qui touche à notre pays ». « Nous allons sceller les frontières, et nous allons devoir laisser les gens entrer au pays. Nous voulons que les gens reviennent. Nous devons les laisser revenir, mais ils doivent entrer en toute légalité », a-t-il dit.

L'appel à « laisser les gens entrer au pays [...] en toute légalité » reflète, en partie, les besoins des oligopoles étasuniens en main-d'oeuvre immigrante bon marché, souvent réduite à l'esclavage, ne recevant pas leur salaire, comme c'est le cas surtout pour les travailleurs agricoles et de la construction. C'est aussi vrai que lorsque les réfugiés entrent au pays en vertu de lois internationales dont les États-Unis sont signataires, ils sont toujours « légaux » puisqu'ils peuvent entrer à n'importe quel point de la frontière pour demander asile, et non seulement aux postes frontaliers officiels. Pour Trump et Biden, les passages non officiels aux frontières sont illégaux et les demandeurs d'asile qui entrent par ces passages sont accusés d'être illégaux.

Pendant sa campagne, Trump a parlé en termes militaires de certaines villes des États-Unis, dont Aurora, au Colorado. Il a dit qu'elles étaient « sous occupation » et « en proie aux invasions ». Il a ajouté : « Suivant le Modèle Eisenhower, nous allons mener au pays la plus importante opération d'expulsions de l'histoire américaine ».

Le 7 novembre, Trump a dit : « Nous n'avons pas le choix » pour ce qui est des expulsions. Au sujet des centaines de milliards de dollars requis pour réaliser de telles expulsions de masse, probablement 1 billion de dollars au cours de plusieurs années, Trump a dit : « Le coût a peu d'importance ».

Le contrôle du trésor public est un des quelques pouvoirs qui restent au Congrès. Il a toujours été au coeur de la représentation, exprimée par le slogan « Pas de taxation sans représentation », mis de l'avant à l'époque de la lutte d'indépendance contre la Grande-Bretagne. Le fait que le Congrès contrôle les dépenses est censé être le principal obstacle à l'impunité du président. Mais même sur cette question, les rivalités au sein des factions dirigeantes sont tellement intenses que les budgets ne sont pas adoptés et le gouvernement menace de ne pas fonctionner d'un mois à l'autre. Trump espère pouvoir prendre le contrôle du Congrès mais les factions au sein des partis cartellisés sont toujours là, ce qui fait que le résultat du vote sur des questions spécifiques demeure toujours imprévisible.

Pour mener ce programme d'expulsions à bien et pour faire en sorte que le coût de la fermeture de la frontière au sud ait « peu d'importance », Trump laisse entendre qu'il pourrait puiser à même les fonds destinés au Pentagone, qui reçoit à chaque année près de 800 milliards de dollars, même s'ils devraient servir à autre chose. Il s'agit d'une autre façon de faire tomber les obstacles au contrôle des fonds publics. C'est à même ces fonds que Biden a puisé à répétition pour les donner à l'Ukraine ainsi qu'à Israël. En outre, avec des méga-milliardaires comme Elon Musk, Trump pourrait avoir recours aux partenariats publics-privés, ainsi qu'aux mercenaires privés pour intervenir, comme ce fut le cas en Afghanistan, en Irak, en Syrie, en Libye, en Ukraine, au Soudan et dans d'autres pays.

En outre, s'adressant à plusieurs rassemblements électoraux, Trump a dit : « Je vais invoquer la Loi sur les ennemis étrangers de 1798 pour cibler et démanteler chaque réseau criminel de migrants opérant en sol américain ». Il a dit qu'il aura recours à cette loi pour entreprendre une initiative fédérale appelée Opération Aurora, pour mettre fin à ce qu'il appelle des « occupations » de villes comme Aurora, au Colorado. Il a aussi déclaré qu'il y aurait recours pour mettre au pas les États et les villes dits sanctuaires – comme la Californie, le Colorado, l'Illinois, New York, le Massachusetts et plusieurs autres dans toutes les régions du pays[1]. De telles mesures ciblent les représentants municipaux et d'États et leur autorité et visent à consolider le diktat fédéral et le commandement des forces policières. Ces mesures pourraient aussi aller dans le sens d'accuser ces représentants de protéger des « ennemis étrangers » et des « criminels ». Compte-tenu des lois actuelles pour combattre le terrorisme et « le soutien matériel au terrorisme », il est fort possible que le président s'en prenne aux « ennemis intérieurs », comme Trump l'a répété à maintes reprises.

Malgré les plans et les nombreuses menaces de Trump, des organisations partout au pays se préparent déjà à défendre les droits des immigrants et des réfugiés, en continuant d'exiger que tous les camps de détention soient fermés, y compris Guantanamo. Les dirigeants étasuniens ont sans doute oublié les traditions militantes et révolutionnaires qui animent les Mexicains et que ceux-ci apportent à la lutte de la classe ouvrière des États-Unis dont ils sont partie intégrante et à l'unité d'action dans tout le pays pour les droits de tous et toutes. Comme l'ont affirmé les organisateurs de ces actions : « Pas de crimes contre l'humanité dans nos communautés ! »

Action pour les droits des migrants à l'occasion du Premier Mai en 2022 à Milwaukee

Note

1.Pour voir la liste intégrale, voir : « Map, Sanctuary Cities, Counties and States », Centre d'études sur l'immigration, novembre 2024.



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Jeudi 14 novembre 2024

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