Numéro 20 - 18 avril 2023

Nouvelles et commentaire

Les travailleuses et travailleurs de la fonction publique iront en grève si une entente de principe n'est pas conclue immédiatement


AFPC Ontario, 29 mars 2023

Le projet de loi anti-briseurs de grève du NPD en Ontario

– Enver Villamizar –



Nouvelles et commentaire

Les travailleuses et travailleurs de la fonction publique iront en grève si une entente de principe n'est pas conclue immédiatement

L'Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC) a annoncé que 120 000 travailleuses et travailleurs du Conseil du Trésor et 35 000 de l'Agence du revenu du Canada, soit un total de 155 000 travailleuses et travailleurs, déclencheront la grève à 0 h 01 le 19 avril si aucune entente de principe n'est conclue d'ici 21 h le 18 avril. Parmi les employés du Conseil du Trésor il y a entre autres ceux de Service Canada, d'Immigration Canada, de Transports Canada, de la Garde côtière, du Service correctionnel et d'Anciens Combattants Canada. L'AFPC a fait cette annonce lors d'une conférence de presse dans la matinée du 17 avril.

Les représentants de l'AFPC ont dit que même si des progrès ont été réalisés aux tables de négociation au cours des deux dernières semaines, le gouvernement continue d'exiger des concessions sur les salaires, la sécurité d'emploi, le télétravail et d'autres questions. Ils soulignent que les comités de négociation du syndicat tentent en vain de négocier une entente depuis juin 2021. L'absence d'augmentation salariale depuis juin 2020 signifie que les employés fédéraux ont vu leur pouvoir d'achat réduit de plus de 10 %.

L'offre salariale du gouvernement est bien en deçà du taux d'inflation, ce qui constitue une offensive contre tous les travailleurs canadiens, a déclaré le président de l'AFPC Chris Aylward.

« Lorsque le gouvernement fédéral fait pression à la baisse sur les salaires de ses propres employés, il fait pression sur les salaires des travailleurs de tout le pays, syndiqués ou non, du secteur privé ou du secteur public », a déclaré Chris Aylward. « C'est une tentative de leur faire porter le fardeau de l'inflation », a-t-il ajouté, signalant que ce ne sont pas les travailleurs qui sont à l'origine de l'inflation, alors que les entreprises privées engrangent des bénéfices records. Les travailleurs de tout le Canada doivent s'assurer qu'aucun d'entre eux n'est laissé pour compte, a-t-il dit.

AFPC région des Prairies, 14 avril 2023

Le président de l'AFPC a clairement indiqué que son syndicat est déterminé à rester à la table de négociation, mais qu'il est maintenant nécessaire de recourir à la grève pour faire avancer les choses si une entente n'est pas conclue sans tarder. Les négociations traînent depuis trop longtemps, a-t-il dit.

Chris Aylward a également mis en garde le gouvernement fédéral contre l'utilisation d'une loi de retour au travail si les travailleurs sont contraints d'aller en grève. Le droit de grève doit être respecté, a-t-il affirmé.

À un journaliste qui lui demandait ce qui se passerait en termes de piquets de grève, il a répondu qu'il y aurait des piquets de grève dans tout le pays, que le syndicat choisirait des endroits très stratégiques pour les piquets de grève afin d'avoir un impact maximal sur le gouvernement et un impact aussi faible que possible sur les services à la population. Si la grève se poursuit, il y aura des retards dans les services tels que les demandes d'immigration, les demandes d'assurance-emploi et le traitement de l'impôt sur le revenu.

L'AFPC a accepté de maintenir la présence d'un certain nombre de travailleurs essentiels si la grève est déclenchée. Pour éviter la grève et l'interruption des services, le gouvernement doit signer une entente acceptable pour les travailleuses et les travailleurs, a déclaré Chris Aylward.

Le vice-président exécutif régional de l'AFPC pour le Québec, Yvon Barrière, a dit que les travailleuses et travailleurs ne veulent pas faire la grève, mais qu'ils ne peuvent pas se permettre de voir leur pouvoir d'achat réduit à cause de l'intransigeance du gouvernement.

Le mandat de grève très ferme que les 155 000 employés du Conseil du Trésor et de l'Agence du revenu du Canada ont donné à leur syndicat lors de votes partout au pays du 22 février au 11 avril montre que les travailleurs sont convaincus qu'ils ne peuvent plus attendre pour obtenir les salaires et les conditions de travail qu'ils demandent.

Le Conseil du Trésor offre une augmentation de salaire de 2,06 % par année en moyenne entre 2021 et 2025, ce qui représente une perte de salaire continue en raison de l'inflation. L'AFPC signale qu'il y a également d'autres questions importantes à l'ordre du jour :

Sécurité d'emploi : L'AFPC essaie d'améliorer l'Appendice sur le réaménagement des effectifs. Elle propose un processus équitable et transparent. Le Conseil du Trésor, lui, demande des concessions qui limiteraient la capacité des fonctionnaires mis à pied ou excédentaires de trouver un autre emploi au gouvernement.

Télétravail : Le télétravail fait maintenant partie du quotidien de bien des gens. On a vu pendant la pandémie que les fonctionnaires peuvent travailler aussi efficacement à la maison qu'au bureau. Il est grand temps d'intégrer le télétravail dans nos conventions collectives. Toute modification unilatérale des conditions de travail, comme l'imposition du retour au bureau, est une violation flagrante du droit à la négociation collective.

Racisme systémique au travail : La lutte contre le racisme et l'amélioration de la diversité au sein de la fonction publique sont censées être des priorités du gouvernement. Il devrait travailler avec nous pour éliminer les barrières et démanteler les structures qui perpétuent le racisme dans nos milieux de travail.

Conciliation travail-vie personnelle : L'AFPC défend le droit à la déconnexion, parce que personne ne devrait se sentir enchaîné à son travail et être obligé de vérifier ses courriels et sa boîte vocale en dehors de ses heures de travail.

Sous-traitance et privatisation : Quand l'argent des contribuables finance le secteur privé, la population est perdante sur toute la ligne : les risques sont plus élevés et on finit par payer plus cher pour des services de moins bonne qualité. On n'a qu'à penser aux résultats désastreux des foyers de soins privés pendant la pandémie.

L'AFPC encourage également les travailleurs fédéraux à communiquer avec le ministre du Travail, Seamus O'Reagan (seamus.oregan@parl.gc.ca), et la présidente du Conseil du Trésor, Mona Fortier (mona.fortier@parl.gc.ca), pour dénoncer les courriels de leur employeur qui encouragent les membres de l'AFPC à continuer de travailler en cas de grève. « C'est une tactique antisyndicale connue qui vise à saper nos efforts pour décrocher un bon contrat de travail, avec des salaires décents qui tiennent compte du coût de la vie et qui ne vous obligent pas à subir l'équivalent d'une baisse de salaire », a déclaré l'AFPC. « C'est même plutôt hypocrite de la part d'un gouvernement qui a promis de déposer une loi anti-briseurs de grève dans la fonction publique fédérale. Il dit vouloir appuyer les travailleuses et les travailleurs, mais au lieu de respecter le droit de grève de ses propres fonctionnaires, il les incite à franchir les lignes de piquetage », ajoute l'AFPC.

La Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral désigne les employés dont les fonctions sont jugées essentielles à la sécurité du public et qui doivent continuer à travailler pendant une grève. L'AFPC et le gouvernement ont conclu une entente sur les services essentiels. Parmi les exemples de services essentiels figurent certaines fonctions exercées par les agents des services frontaliers, les pompiers et les membres qui traitent la paye des Canadiens.

Tandis que l'employeur décide quelles fonctions doivent être considérées comme essentielles, le syndicat peut présenter des arguments quant au nombre de membres nécessaires et aux tâches exactes qu'ils accompliront dans le cadre de leur travail. En fin de compte, c'est le Conseil des relations du travail et de l'emploi dans le secteur public fédéral qui statue sur ces différences. Les employés sont informés par leur employeur si leur poste est considéré comme essentiel une fois que le syndicat est en position de grève.

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Le projet de loi anti-briseurs de grève
du NPD en Ontario

– Enver Villamizar –


Piquetage secondaire des travailleurs de Sel Windsor au transport Charron le 30 mars 2023, qui transporte du sel hors des installations de Sel Windsor pendant la grève.

Le 29 mars, le NPD de l'Ontario a déposé le projet de loi 89, Loi modifiant la Loi de 1995 sur les relations de travail en ce qui concerne les travailleurs suppléants, à l'assemblée législative de l'Ontario. Le projet de loi a été jugé irrecevable sans aucune explication, mais il semble maintenant avoir été redéposé sous le nom de projet de loi 90[1].

Le projet de loi était parrainé par les députés provinciaux : France Gélinas (Nickel Belt); Lisa Gretzky (Windsor-Ouest); Wayne Gates (Niagara Falls); Jamie West (Sudbury); et Jennifer French (Oshawa). Résumant le projet de loi en première lecture, Mme Gélinas a déclaré qu'il « rétablit les dispositions qui ont été incorporées à la Loi sur les relations de travail par la Loi sur les relations de travail et le statut de l'emploi de 1992 et qui ont été abrogées en 1995 ».

« Les dispositions rétablies empêchent un employeur de remplacer un employé en grève ou en lockout par un travailleur de remplacement, sauf dans des situations d'urgence précises », a expliqué la députée néodémocrate.

En 1995, le gouvernement de Mike Harris a abrogé la loi anti-briseurs de grève qui avait été adoptée par le gouvernement néodémocrate de Bob Rae. Depuis, le NPD a déposé un projet de loi similaire à presque toutes les sessions du parlement ontarien, sans jamais le faire adopter. Plus récemment, le même projet de loi a été déposé par France Gélinas en mars 2019, mais il n'a pas franchi l'étape de la première lecture. L'avant-projet de loi établit des règles permettant de déterminer quand et comment une entreprise peut ou ne peut pas avoir recours à des briseurs de grève, ainsi que les règles à suivre lorsqu'elle fait appel à des briseurs de grève. Il interdirait le recours à des briseurs de grève – qu'ils soient recrutés en tant que nouveaux employés ou qu'ils proviennent de l'unité de négociation elle-même ou d'autres établissements – pour effectuer le travail de travailleurs qui sont en grève légale ou en lockout.

La loi n'interdit pas aux cadres qui travaillent déjà dans un établissement de travailler dans cet établissement en tant que briseurs de grève – comme c'est actuellement le cas à Sel Windsor. Mais elle interdit de faire appel à des cadres d'autres établissements pour faire le travail de l'unité de négociation. Des exceptions sont prévues pour permettre l'emploi de briseurs de grève dans les cas suivants : garde en milieu fermé, soins résidentiels pour les personnes handicapées et les enfants, refuges d'urgence ou intervention en cas de crise, communication de répartition des urgences, services d'ambulance ou clinique ou poste de premiers secours. Des exceptions sont également prévues pour ce qui est décrit comme une « urgence », qui n'est pas définie dans la législation. Dans ces cas, le syndicat peut consentir à l'utilisation de travailleurs de remplacement ou de membres de sa propre unité de négociation, si les membres sont d'accord.

Selon le projet de loi, les briseurs de grève sont autorisés pour éviter : une menace à la vie, la santé ou la sécurité, la destruction ou la détérioration grave de machines, d'équipements ou de locaux, ou de graves dommages à l'environnement.

Il est important de considérer que ces dernières exceptions sont précisément les justifications que les propriétaires de Sel Windsor ont données pendant la grève actuelle pour obtenir une injonction contre le blocage du mouvement du sel entreposé à l'intérieur des installations. La société a prétendu qu'elle avait besoin de cette injonction pour empêcher le grippage de l'équipement et pour prévenir les éventuels dommages environnementaux qui résulteraient d'une fuite des tuyaux transportant la saumure à l'avenir.

Le fait que l'entreprise ait utilisé l'injonction pour continuer à vendre du sel révèle les objectifs cachés qu'elle poursuit en soulevant des questions de sécurité et d'environnement. Elle retire le sel gemme et le sel de table pour continuer à le vendre, ce qui prolonge la grève. Cela souligne le fait que les travailleurs peuvent être protégés ou non par des lois, mais que c'est la force de leur nombre et de leur organisation qui est décisive pour atteindre leurs objectifs. Les objectifs des intérêts privés étroits ne sont pas les mêmes que les leurs, ce qui signifie que leur véritable protection réside dans leur lutte pour leurs droits et les droits de toutes et tous dans des situations concrètes, indépendamment de ce que dit la loi. Ce sont eux qui conçoivent les tactiques qu'ils peuvent utiliser dans une situation donnée pour unir tout le monde dans l'action afin de faire valoir une cause juste.

L'État soutient systématiquement les entreprises lorsqu'elles détournent la loi à leur profit. La loi n'est pas neutre. Aujourd'hui, toutes les dispositions que les lois auraient pu contenir et qui, dans les conditions actuelles, sont considérées comme limitant les entreprises dans leur capacité à faire ce qu'elles veulent, sont supprimées. Cela est fait au nom de la stabilité, de la sécurité et de la nécessité d'avoir des pouvoirs ministériels illimités.

Des mineurs et des sympathisants bloquent la sortie du sel de la mine, 23 février 2022.

Selon le libellé du projet de loi, c'est à la Commission des relations de travail de l'Ontario qu'il revient de décider ce qui constitue un recours « légitime » à des briseurs de grève. Selon l'interprétation mythique du rôle de l'État, la Commission des relations de travail serait « neutre », ce qui n'est pas le cas, comme tous les travailleurs le savent. Dans les faits, et non dans la fiction, elle fait partie de l'appareil d'État dont l'allégeance va « au Roi et au Pays ». Cela signifie qu'elle a le devoir de faire respecter les revendications qui servent les intérêts du capital au détriment de ceux du travail, car agir autrement équivaut à saper la sécurité « du Roi et du Pays ».

En outre, le projet de loi contient également une disposition qui légaliserait la pratique courante par laquelle une entreprise supprime les avantages sociaux des travailleurs en cas de grève légale ou de lockout. Elle décrit comment le syndicat peut accepter de verser à ses membres les prestations comme pour la santé par l'intermédiaire de leur régime de prestations existant, ce que l'entreprise doit accepter. Cela constitue un feu vert à la réduction des prestations et met le syndicat dans l'obligation de prendre en charge les prestations de santé des travailleurs.

La santé et le bien-être des travailleurs constituent un avantage direct pour toute entreprise, mais celle-ci est autorisée à supprimer les prestations de santé pendant une grève ou un lockout. Cela reflète une conception du monde dans laquelle les avantages sociaux reliés à la santé ne sont pas un droit mais un privilège. La pratique consistant à supprimer les prestations des travailleurs pendant une grève ou un lockout devrait en fait être totalement interdite et ne devrait pas pouvoir être utilisée comme mécanisme de pression pour forcer les travailleurs à accepter une entente sous la contrainte.

En fin de compte, la loi doit être considérée dans le contexte de l'offensive antisociale brutale en cours et du point de vue des travailleurs. Aidera-t-elle les travailleurs à résoudre les crises d'une manière qui favorise les réclamations qu'ils sont en droit de faire à la société du fait qu'ils sont des êtres humains et du fait qu'ils produisent toutes les richesses dont dépend la société ? Cela aidera-t-il les travailleurs à priver les gouvernements et les entreprises de leur capacité d'agir en toute impunité ? Tant que les lois seront utilisées pour criminaliser la résistance des travailleurs et leur lutte pour la démocratie, il restera important de voir les choses du point de vue que les travailleurs eux-mêmes établissent dans toutes les conditions et circonstances.

À ce stade, personne ne s'attend à ce que le projet de loi soit adopté car, avec le système de gouvernement de partis cartellisés, le NPD n'a aucun poids au sein de l'actuelle assemblée législative de l'Ontario. Dans ce contexte, le projet de loi est considéré comme faisant partie du modus operandi au sein du système de partis cartellisés, qui consiste à faire quelque chose pour obtenir des félicitations pour avoir représenté la circonscription que l'on prétend représenter. En fait, cela n'aide pas à organiser les travailleurs à obtenir quelque chose qui leur profitera de manière significative, ce qui, dans les conditions de l'offensive antisociale, est sérieusement souhaité.

La coalition libérale-néodémocrate au niveau fédéral a déclaré qu'elle présenterait également un projet de loi anti-briseurs de grève au début de l'année 2023.

Note

1. Projet de loi 90, Loi de 2023 sur les briseurs de grève

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