Numéro 92 - 6 octobre 2021
Un semblant de consultation sur
la réforme de l'assurance-emploi
La réforme doit reposer sur les
demandes des travailleurs et de leurs
organisations
• Notre
revendication est un régime d'assurance-emploi
juste et universel
- Entrevue avec France Simard
Ontario
• Des rassemblements «
Debout pour les soins de longue durée »
réclament des actions du gouvernement pour
protéger les aînés recevant des soins
Un semblant de consultation sur la
réforme de l'assurance-emploi
Lors d'un point de presse le 1er septembre 2021,
pendant l'élection fédérale, des
militants pour la défense des droits des chômeurs
discutent des changements qui doivent être
apportés
au régime de l'assurance-emploi.
Tous les travailleurs sont visés par le semblant
de consultation que le gouvernement fédéral a
lancée en vue d'une réforme du régime de
l'assurance-emploi (AE), qualifiée de
modernisation du régime. La consultation a été
lancée en août 2021, peu avant le
déclenchement de l'élection fédérale, et a débuté
par la publication d'un
questionnaire en ligne qui peut être rempli
jusqu'au 8 octobre. Loin de moderniser le
régime de l'assurance-emploi d'une manière qui
bénéficie aux travailleurs, la réforme visée
repose sur la prémisse de combler les besoins du
marché du travail. Ceci n'est pas une base
acceptable pour une réforme du régime de
l'assurance-emploi qui est
favorable aux travailleurs et à la société.
L'objectif de l'assurance-emploi ne doit pas être
d'adapter les travailleurs et le régime de l'AE
aux aléas du marché du travail mais bien de
protéger les travailleurs en fournissant un revenu
décent de standard canadien à ceux qui en sont les
victimes. Le marché du travail est un instrument
dans les mains des grands intérêts privés en
concurrence les uns avec les autres pour réaliser
le maximum de profits privés aux dépens des
économies nationales, régionales et locales. Le
marché du travail traite les travailleurs comme
étant jetables. Maintenir que l'admissibilité au
régime de l'assurance-emploi et les prestations
sont conditionnelles à une contribution à ce «
marché du
travail » veut dire que l'exclusion massive
des chômeurs du régime de l'assurance-emploi va se
poursuivre.
La déclaration qui annonce la consultation,
signée par la ministre de l'Emploi, du
Développement de la main-d'oeuvre et de
l'Inclusion des personnes handicapées et deux
commissaires de la Commission de l'assurance
emploi du Canada, le confirme. On y lit : «
Il est dans l'intérêt commun des travailleurs, des
employeurs et du
gouvernement du Canada de revitaliser et de
moderniser le régime d'assurance emploi du Canada
afin qu'il puisse s'adapter à la nature en
évolution du travail et aider véritablement à
combler les besoins du marché du travail
actuel. »
En plus, la pandémie de la COVID-19 a, entre
autres choses, démontré de manière dramatique la
faillite du régime de l'assurance-emploi à
protéger les travailleurs dans les situations de
crise.
Une réforme acceptable socialement du régime de
l'assurance-emploi doit partir des demandes émises
depuis longtemps par les travailleurs et leurs
organisations, en particulier les organisations de
défense des chômeurs, qui visent précisément à
assurer à tous les chômeurs des conditions de vie
humaines lorsqu'ils sont exclus de la
production.
Forum ouvrier lance l'appel à tous ceux et
celles qui sont concernés, membres d'organisations
ou non, à dénoncer cette réforme envisagée et à
exiger que le régime de l'AE réponde aux besoins
des travailleurs et non à ceux des intérêts privés
pour lesquels les travailleurs sont jetables. Dans
ce numéro, Forum ouvrier publie une
entrevue avec la coordonnatrice du Mouvement
Action-Chômage Lac-Saint-Jean, qui donne des
informations sur les règles actuelles de
l'assurance-emploi et réaffirme les demandes mises
de l'avant par le mouvement à la défense des
droits des chômeurs.
- Entrevue avec France Simard -
France Simard est la coordonnatrice du
Mouvement Action Chômage Lac-Saint-Jean
Forum ouvrier : De
nouvelles règles sont entrées en vigueur
le 26 septembre en ce qui concerne
l'admissibilité aux prestations de
l'assurance-emploi (AE) de même que le montant et
la durée des prestations. Peux-tu nous les
résumer ?
FS : Il y a d'abord une
nouvelle règle qui établit une norme universelle
de 420 heures de travail pour être admissible aux
prestations, contrairement à auparavant, avant la
pandémie, où la norme variait selon le taux de
chômage officiel dans chaque région. Cette norme
unique de 420 heures va rester en vigueur
pendant un an.
Par contre, on revient à ce qui était
le cas avant la pandémie en ce qui concerne le
nombre de semaines de prestations auxquelles le
prestataire aura droit, pour lesquelles on tient
compte du taux de chômage officiel de la région où
vous habitez. [Au plus fort de la pandémie, un
taux de chômage minimum de 13,1 %
était
attribué à toutes les régions économiques de
l'assurance-emploi et les prestataires pouvaient
recevoir jusqu'à un maximum de 50 semaines
de prestations - FO.] Par exemple, quelqu'un
qui a juste travaillé le nombre minimum
de 420 heures aura droit à 14 semaines
de prestations, et ce nombre peut varier selon le
taux
de chômage dans la région où il habite. Et le
nombre de semaines de prestations peut atteindre
un maximum de 45 semaines. Encore une fois,
les heures travaillées et le taux de chômage de la
région sont pris en considération.
Pour ce qui est du taux de prestations, ceux qui
vont faire une demande de prestations entre le 26
septembre et le 20 novembre recevront une
prestation minimum de 300 dollars par
semaine. À partir du 21 novembre, on revient
au calcul du montant des prestations qui existait
avant la pandémie, qui est de 55 %
du salaire brut, sur la base des meilleures
semaines que le prestataire a travaillées. La
quantité des semaines travaillées prises en
considération variera entre 14 et 22.
FO : Quelle est ton évaluation
de ces mesures ?
FS : Le 420 heures comme
norme universelle est acceptable. Cela fait des
années qu'on demande une mesure universelle pour
tout le Canada. Nous la voulons plus basse mais
c'est une amélioration. On ne sait pas ce qu'elle
sera une fois l'année écoulée.
Nous sommes présentement dans une période de
transition parce que les libéraux ont promis de
faire une réforme de l'assurance-emploi. C'est
difficile de prévoir ce qui va se passer au bout
de cette année de transition. Le gouvernement a
instauré une consultation pour un changement du
système. Dans le cadre de la consultation, il y a
un
questionnaire en ligne qui a été affiché avant les
élections, et ce questionnaire se poursuit
jusqu'au 8 octobre. Après cela, selon le
gouvernement, il y aura des consultations dites
ciblées. Ce que cela veut dire est un point
d'interrogation.
On ne veut pas d'une consultation bidon, alors
que le questionnaire est bidon. Cela fait 20
ans qu'on consulte, qu'on présente des mémoires,
on veut travailler, discuter des problèmes
concrets.
On ne veut pas d'une consultation qui est une
façon de justifier de ne pas faire la réforme dont
on a besoin.
On veut travailler sur la base d'un document de
travail avec des pistes de solutions. On pense que
les cotisants au régime, les employeurs et les
travailleurs doivent être représentés, notamment
les syndicats et les groupes de défense des
droits. Nous sommes la voix d'un grand nombre de
prestataires, les prestataires passent par nous.
Nous
connaissons les problèmes sur le terrain. Il faut
consulter au niveau national et aussi dans les
régions. Les régions éloignées n'ont pas la même
réalité que les grandes villes.
FO : Tu peux donner des
exemples du caractère bidon du
questionnaire ?
FS : Il est très biaisé. À la
fin de chaque section, on demande si les
signataires sont prêts à payer plus en cotisations
à l'assurance-emploi si on améliore tel ou tel
aspect du régime. Personne ne va répondre oui. En
plus, avec tous les préjugés qui circulent en ce
moment, que le régime est soi-disant trop
généreux, qu'il
incite les gens à ne pas travailler, le moment
n'est pas choisi pour un tel questionnaire.
FO : Peux-tu réitérer les
principales demandes du Masse (Mouvement autonome
et solidaire des sans-emploi) dont le Mouvement
Action Chômage Lac-Saint-Jean fait partie ?
FS : Notre première
revendication c'est un seuil d'admissibilité
unique à 350 heures ou 13 semaines. La
deuxième revendication c'est un taux de
prestations d'au moins 70 % du salaire
assurable, basé sur les 12 meilleures
semaines de travail. La troisième est un plancher
minimum de 35
semaines de prestations, qui permettrait entre
autres choses d'éliminer le trou noir pour les
travailleurs saisonniers, cette période de temps
où ils sont sans revenu, ayant épuisé leurs
prestations mais n'ayant pas encore retrouvé leur
emploi. La quatrième est l'abolition des
exclusions totales de l'assurance-emploi pour les
travailleurs qui perdent leur
emploi par départ volontaire ou qui sont
congédiés. Et la cinquième est l'accès aux
prestations régulières d'assurance-chômage, en cas
de perte d'emploi, sans égard aux prestations
maternité/parentales/paternité versées. Les femmes
qui viennent d'accoucher et qui perdent leur
emploi pendant leur période de prestations de RQAP
(Régime québécois
d'assurance parentale) ou tout de suite après
n'ont plus le droit à rien. Si elles perdent leur
emploi, ce n'est pas leur faute. C'est de la
discrimination envers les femmes et envers les
hommes aussi parce qu'il y a des hommes qui
reçoivent des prestations parentales et de
paternité.
Notre revendication est un régime
d'assurance-emploi juste et universel.
Ontario
Queen's Park, 4 octobre 2021
Des rassemblements ont eu lieu dans 18
villes de l'Ontario, y compris à Queen's Park
le 4 octobre, le premier jour de la session
d'automne de l'Assemblée législative de l'Ontario.
Organisés par la Coalition ontarienne de la santé
(COS), les rassemblements « Debout pour les soins
de longue durée » avaient pour but de
souligner publiquement l'absence de toute action
de la part du gouvernement Ford pour protéger les
aînés vivant dans des établissements de soins de
longue durée (SLD). Les participants aux actions,
principalement devant les bureaux de
circonscription des députés conservateurs, ont
dénoncé le mépris cruel du gouvernement Ford pour
la vie des
aînés vivant dans des établissements de SLD et
pour leurs proches, un mépris qui a été mis en
évidence par la pandémie de COVID-19.
Près
de 4 000 personnes âgées de l'Ontario
sont mortes de la COVID-19 dans des résidences de
SLD, la majorité dans des résidences exploitées
pour le profit par des propriétaires privés. De
nombreux rapports, une enquête publique et des
actions menées par les travailleurs et leurs
syndicats, ainsi que par les familles des aînés,
ont
mis en évidence les conditions terribles qui
règnent dans de nombreuses résidences de SLD,
notamment les graves pénuries de personnel, le
manque d'équipement de protection pour les
travailleurs, les compressions dans les programmes
de soins et les repas, et la négligence générale.
Face à toutes ces preuves, le gouvernement Ford
n'a absolument rien fait pour protéger les aînés
et les travailleurs et améliorer les conditions.
Le gouvernement Ford a plutôt renforcé la mainmise
des propriétaires privés, leur permettant de
continuer à exploiter les travailleurs et à
compromettre la sécurité, le bien-être et la santé
des travailleurs
et de leurs résidents. Les intervenants lors de
l'action à Queen's Park et aux autres dans toute
la province étaient unis pour demander la défaite
des conservateurs de Doug Ford lors des prochaines
élections provinciales le 2 juin 2022.
Les travailleurs de la santé, les représentants
syndicaux et les dirigeants de la COS ont dénoncé
le bilan du gouvernement Ford. Certains ont cité
la déclaration publique du premier ministre Doug
Ford, lorsque la nouvelle de l'augmentation du
nombre de décès a fait la une des journaux dans
les premiers jours de la pandémie, selon laquelle
il
placerait un « anneau de fer » autour des
résidences SLD pour protéger les aînés vulnérables
qui y vivent. Il s'est avéré, selon un
intervenant, que le seul « anneau de fer »
placé par Doug Ford était celui qui protégeait les
« vautours » qui possèdent et dirigent ces
établissements pour en tirer le maximum de profits
sur le dos des
travailleurs, des résidents et de leurs familles.
Ils ont cité la Loi 218, adoptée à la hâte
par l'assemblée législative l'automne dernier, qui
indemnise les résidences de soins de longue durée
face aux poursuites pour négligence ayant entraîné
des blessures et des décès lors de la pandémie de
COVID-19, ce qui rend plus difficile pour les
familles
de demander justice pour leurs proches qui sont
morts ou ont été lésés d'une autre manière.
De plus, pour tourner le fer dans la plaie, ces
mêmes entreprises se voient maintenant accorder
des prolongations de 30 ans de leurs licences
d'exploitation, ce qui leur permet de continuer de
fonctionner en toute impunité. En raison des bas
salaires et des terribles conditions de travail,
on rapporte qu'au moins 30 % des
préposés
aux services de soutien à la personne envisagent
de quitter leur emploi, ce qui ne fera que
dégrader davantage la qualité des soins offerts
aux résidents.
À
Queen's Park, Natalie Mehra, directrice générale
de la COS, et d'autres ont dénoncé les promesses
vides, les mensonges et les tactiques de poudre
aux yeux qui visent à faire croire au public que
des mesures sont prises pour résoudre la grave
crise des soins de longue durée. Elle a souligné
que le fonctionnement de ces établissements n'a
fait
l'objet d'aucune surveillance pour assurer un
niveau de soins constant. En fait, depuis que le
gouvernement Ford est au pouvoir, il a
complètement abandonné les inspections et a permis
aux propriétaires de résidences privées de
s'autosurveiller, avec des résultats désastreux.
Pas un seul propriétaire n'a été tenu de rendre
des comptes, a-t-elle
dit.
Une des oratrices au rassemblement de Queen's
Park, la Dre Vivian Stamatopoulos, chercheuse et
militante pour les SLD a déclaré : « Quand
aurons-nous un peu de justice ? Le
gouvernement Ford crache sur les tombes des gens
qui sont morts. »
Les familles n'ont pas baissé les bras et
beaucoup continuent à demander justice en
intentant des poursuites judiciaires contre le
gouvernement. L'avocate Melissa Miller, qui
représente de nombreuses familles dont les proches
sont morts dans les résidences de SLD pendant la
pandémie, a déclaré qu'elle a examiné
d'innombrables documents et
rapports appelant à des réformes dans la manière
dont les établissements SLD sont gérés en Ontario,
mais qu'absolument rien n'a été fait.
Des intervenants au rassemblement à Queen's Park
ont dénoncé le plan du gouvernement de poursuivre
l'expansion de la capacité des établissements
privés de soins de longue durée et d' envisager le
recrutement de travailleurs étrangers temporaires
peu formés pour travailler comme préposés aux
soins personnels et occuper d'autres emplois. Ce
plan a été annoncé le 12 août par le ministre des
Soins de longue durée, Rod Phillips, au nom
d'atténuer la crise dans les résidences de SLD.
Les participants aux rassemblements ont exprimé
la détermination de la COS, des syndicats
représentant les travailleurs des résidences de
SLD, des membres des familles et des groupes de
soutien à poursuivre la lutte pour mettre fin aux
soins privés à but lucratif et pour obtenir un
système de soins de longue durée financé et géré
par le secteur
public en Ontario, doté d'un personnel suffisant
pour que les aînés puissent vivre dans la dignité
et la sécurité.
(Pour voir les articles
individuellement, cliquer sur le titre de
l'article.)
PDF
NUMÉROS
PRÉCÉDENTS | ACCUEIL
Site web: www.pccml.ca
Email: forumouvrier@cpcml.ca
|