Forum ouvrier

Numéro 72 - 20 août 2021

Le gouvernement du Québec démantèle le régime
de santé et sécurité au travail

Défendons le droit des travailleurs à un environnement de travail sécuritaire

Entrevues
Kevin McLean, président du comité de santé-sécurité-environnement à la Fédération des employées et employés de services publics-CSN
Sonia Charette, représentante syndicale pour les Métallos pour l'Abitibi-Témiscamingue


Le gouvernement du Québec démantèle le régime de santé et sécurité au travail

Défendons le droit des travailleurs à un environnement de travail sécuritaire

Malgré la forte et vaste opposition des travailleurs, des syndicats et des organisations de défense des travailleurs accidentés, le gouvernement du Québec poursuit les préparatifs en vue de l'adoption du projet de loi 59, Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail. La Commission qui étudie le projet de loi 59 a repris ses travaux le 17 août. Elle étudie article par article le projet de loi que le gouvernement Legault entend passer à l'automne, à la suite de la reprise des travaux de l'Assemblée nationale le 14 septembre.

Les travailleurs du Québec intensifient leur lutte contre ce projet de loi antiouvrier et antisocial. Le 26 août, ils organisent une manifestation sur l'heure du midi devant l'Assemblée nationale pour exiger que ce projet de loi ne soit pas adopté et d'autres actions seront organisées bientôt.

Le gouvernement sert des intérêts privés étroits en traitant la santé et la sécurité des travailleurs comme un coût pour les employeurs et en traitant les travailleurs comme s'ils sont remplaçables. Le gouvernement ne permet plus aux organisations des travailleurs d'avoir leur mot à dire sur les lois qui les affectent ce qui met leur santé et leur vie en danger. Cela ne doit pas passer !

Pour en savoir plus sur le projet de loi 59, lire « Le projet de loi 59 antiouvrier et antisocial doit être retiré! » et « Le projet de loi 59 signifie moins d'accès aux indemnités et une plus grande pauvreté pour les travailleuses et travailleurs accidentés et malades ».

(Photo: CSD)

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Entrevues

Kevin McLean, président du comité de santé-sécurité-environnement à la Fédération des employées et employés de services publics-CSN

Mon syndicat de provenance est le Syndicat du transport de Montréal, je suis électro-mécanicien et j'effectue des réparations sur les composantes mécaniques du métro de Montréal. Le projet de loi 59 est rétrograde. C'est un projet de loi entièrement pro-employeur. Cela fait longtemps que les patrons revendiquaient des reculs dans la santé et la sécurité, parce qu'ils veulent avoir le moins d'impact possible des mesures de santé et sécurité dans leurs affaires parce que la santé-sécurité c'est très contraignant. Quand les travailleurs se mettent à respecter les normes de sécurité, ils peuvent bloquer rapidement une entreprise si les conditions ne sont pas sécuritaires. C'est pour cela que dans le projet de loi, les conditions de santé et sécurité sont laissées à la discrétion de l'employeur.

En ce qui concerne notre syndicat, nos conditions de santé et sécurité sont conventionnées, elles font partie de la convention collective. On peut présumer que lors de la prochaine convention, ils vont demander des concessions là-dessus, ils vont dire que la loi ne prévoit pas ces choses-là, ils vont vouloir nous les enlever, il va falloir se battre même pour conserver nos acquis.

Nous avons fait une enquête sur nos syndicats, et nous avons constaté que plusieurs conventions collectives stipulent que les normes de santé et sécurité sont celles qui sont dans la loi. Si la loi change, la convention collective vient automatiquement de changer par la bande et les normes aussi. Il va falloir se battre pour équiper nos syndicats pour leur donner des clauses en santé et sécurité, garder nos acquis et donner des forces à ceux qui font référence à la loi comme norme en santé et sécurité. Ils vont perdre beaucoup sinon.

À titre d'exemple, ma convention collective dit clairement qu'il y a six personnes, qui font 40 heures-semaine en santé-sécurité, payées par le patron, on se rencontre deux fois par mois avec l'employeur pour faire un comité de santé-sécurité. On amène des points, on discute, on participe aux enquêtes, tout cela est écrit dans notre convention collective. Dans les conventions où c'est la loi qui est la référence, et que la loi change, la situation peut changer du jour au lendemain. C'est peut-être légal mais c'est honteux. C'est inacceptable qu'on doive modifier nos conventions collectives pour être protégés. Par exemple, dans le projet de loi, les heures en santé-sécurité sont laissées à la discrétion des employeurs, ce qui n'a aucun sens. Il y a aussi la question du multi-établissement. Selon le projet de loi, il sera possible maintenant pour les employeurs qui ont plusieurs établissements de mettre en place un seul programme de prévention, un seul comité de santé et sécurité et un seul représentant à la prévention pour l'ensemble de leurs établissements Cela pourrait nous affecter très sérieusement à la Société de transport de Montréal, compte tenu du fait par exemple que chaque station de métro a une adresse civique et que nous avons plusieurs ateliers de réparation différents. Qu'est-ce qui va arriver si l'employeur utilise cela pour dire qu'il est en situation de multi-établissements et qu'il peut réduire par exemple le nombre de représentants en prévention ?

La fédération est très active contre le projet de loi 59. Nous participons aux actions démonstratives, nous avons participé à la vigile qui a duré 59 heures devant l'Assemblée nationale à partir du 31 mai.

Les travailleurs visitent les bureaux des membres de l'Assemblée nationale, janvier 2021

Nous avons demandé à nos membres de contacter le député de leur circonscription, qu'il ou elle soit au pouvoir ou dans l'opposition. C'est très différent comme méthode que d'avoir simplement une centrale syndicale qui écrit au ministre. On a eu des réactions de députés. Ils ne sont pas habitués à cela, à se faire interpeller de la sorte, à se faire demander de prendre position.

Puis, nous avons fait une phase deux. Nous avons fait une tuile Facebook qui disait que les derniers amendements du ministre Boulet proposés au projet de loi 59 sont non seulement insuffisants, mais carrément rétrogrades et que la loi sur la santé et sécurité au travail doit protéger tous les travailleurs. C'est moi qui la signais, et on a demandé aux syndicats de l'envoyer aux membres et de dire aux membres de la mettre sur leur page Facebook et de tagger leur député et leur ministre. On avait donné la liste des ministres selon les circonscriptions.

Nous continuons à faire pression. Nous n'allons pas lâcher. Nous avons besoin d'une loi en santé et sécurité qui protège tous les travailleurs et toutes les travailleuses.

(Photos: FTQ)

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Sonia Charette, représentante syndicale pour les Métallos pour l'Abitibi-Témiscamingue


Vigile contre le projet de loi 59 devant l'Assemblée nationale du Québec, 1er juin 2021

La réforme apportée par le projet de loi ne nous aide pas du tout, mais elle va au contraire appauvrir tout le volet prévention et le volet réparation pour la reconnaissance des maladies professionnelles chez les travailleurs.

En ce qui concerne la prévention, l'essentiel était les 4 mécanismes de prévention qui étaient là pour les secteurs prioritaires à l'adoption de la Loi sur la santé et la sécurité du travail en 1979 et qui, en 1985, devaient s'appliquer à tous les secteurs, mais cela n'a jamais été fait. Le ministre Boulet nous dit que le projet de loi est bon parce que maintenant les mécanismes de prévention vont s'appliquer à tous les secteurs. Ce qu'il ne dit pas c'est que ces mécanismes de prévention sont dilués dans le projet de loi. Avant, dans la loi, il y avait des minimums que l'employeur devait respecter. Dans le projet de loi, ces minimums n'existent plus. Il n'y aura plus de minimum pour les heures de représentation pour les représentants en prévention, plus d'heures minimum pour les comités de santé et de sécurité. Pour les deux autres mécanismes, le programme de prévention et le programme de santé spécifique à l'établissement, le projet de loi donne à l'employeur le pouvoir d'établir ces programmes unilatéralement. La notion de paritarisme est éliminée, où les travailleurs et les employeurs discutent ensemble des problèmes et de comment y remédier. Quand les travailleurs participent à la solution des problèmes, ils sont plus enclins à mettre en oeuvre les mesures de prévention nécessaires. L'objectif avoué du projet de loi est de faire épargner 4,3 milliards $ aux employeurs pendant dix ans Ils vont le faire sur le dos des travailleurs qui ne seront plus capables, ou qui auront beaucoup de difficultés à faire reconnaître les maladies professionnelles, à obtenir une indemnisation, et plusieurs vont se retrouver sur l'aide sociale.

Un autre volet qui n'est pas abordé par le projet de loi c'est le volet psychologique. Déjà, à l'heure actuelle pour tout ce qui est lésion psychologique, le burnout par exemple, 9 fois sur 10 les travailleurs se font refuser à la CNEEST. Le projet de loi manque le bateau, il n'y a rien sur les lésions psychologiques, sauf un petit volet chocs post-traumatiques. Ils ont juste mis dans le projet de loi ce que la jurisprudence a déjà déterminé. Ils n'ont rien ajouté de nouveau. À la mine Westwood, nous avons connu un éboulement il y a quelques mois, et il y en a eu cinq dans les dernières années. Cela cause des chocs à nos travailleurs et ils n'arrivent pas à faire reconnaître leur choc comme une lésion psychologique par la CNESST. Un autre enjeu majeur dans les mines, c'est la surdité. Le projet de loi va augmenter le seuil pour la reconnaissance de la surdité professionnelle.

Nous avons rencontré l'ensemble des députés de la région pour les sensibiliser aux impacts de ce projet de loi-là. On élit des gens pour nous représenter, mais on ne leur demande pas de comptes après. Alors ils font ce qu'ils veulent parce qu'ils ne nous rendent pas de comptes. Ils doivent penser à la région et non à leur parti.

Nous, les métallos, sommes persuadés que si ce projet de loi passe, cela va amener des conflits de travail au niveau des négociations de conventions collectives. Comme il n'y a plus de minimum dans la loi sur le volet prévention, le besoin de les négocier va créer plus de conflits de travail.

(Photos: ATTAAT, FTQ)

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