Numéro 70 - 16 août 2021
Les travailleurs et travailleuses
d'hôpitaux de l'Ontario en action
Des manifestations à l'échelle
de la
province pour exiger
le retrait de la Loi 124
Les conditions des travailleurs migrants
• Des dangers accrus pour
les travailleurs étrangers temporaires agricoles
- Diane Johnston
Les travailleurs et travailleuses
d'hôpitaux de l'Ontario en action
Selon le premier ministre Justin Trudeau, la
pandémie de COVID-19 est terminée et il est prêt à
recevoir un mandat d'après-pandémie des électeurs.
La pandémie n'est pas terminée, comme l'a souligné
l'administratrice en chef de la santé publique du
Canada qui a indiqué que nous sommes en fait
entrés dans la quatrième vague. Dans sa
déclaration du 13 août, elle a dit que « les
dernières moyennes nationales pour
les 7 derniers jours (du 6 au 12
août) indiquent que 1 609 nouveaux cas
sont signalés sur une base quotidienne, ce qui
représente une hausse de 70 % de la
semaine précédente », et qu'il existe des
signes précurseurs d'une hausse de tendances
graves, compte tenu d'une augmentation
de 14 % depuis la semaine précédente du
nombre de gens hospitalisés.
En plus, aucun bilan n'a été fait des conditions
à l'échelle du pays. La crise du système de soins
de santé en est un bon exemple. La crise du
système dans son ensemble s'aggrave, en
particulier à cause de la privatisation et de la
continuation implacable et acharnée de programmes
pour payer les riches et de la conception selon
laquelle les
travailleurs sont remplaçables.
Dans ce cadre, les travailleurs d'hôpitaux de
l'Ontario font face aux mêmes problèmes que
les travailleurs de la santé des autres
provinces. Ces problèmes existaient avant la
pandémie mais ils se sont aggravés, le plus
significatif étant celui de la pénurie de
personnel. Sans un personnel suffisant, la santé
des patients est compromise. Au lieu d'augmenter
les
investissements dans les soins de santé, notamment
la formation et le recrutement dans tous les
secteurs, ceux qui travaillent dans les soins de
santé ont été placés dans des situations de
surcharge de travail intenable et ont été privés
du repos nécessaire, ce qui affecte leur santé et
leur bien-être de même que ceux de leur famille et
de leurs patients.
Depuis juillet,
les 70 000 travailleurs et travailleuses
d'hôpitaux membres du Conseil des syndicats
d'hôpitaux de l'Ontario/Syndicat canadien de la
fonction publique (CSHO-SCFP) et de l'Union
internationale des employés de service (UIES)
organisent des actions devant les hôpitaux de la
province sous les mots d'ordre «
Respectez-nous ! Protégez-nous ! »
et « Abrogez la Loi 124 ». L'objectif
des rassemblements est de mobiliser les membres et
le public en appui aux revendications des
travailleurs d'abroger la Loi 124, et que
l'Association des hôpitaux de l'Ontario
entreprenne des négociations avec les syndicats
pour une
nouvelle convention collective sans le diktat du
gouvernement sur ce qui peut et ne peut pas être
négocié. Les travailleurs d'hôpitaux, comme tous
les travailleurs du secteur public, sont visés par
la Loi 124, adoptée par le gouvernement de
Doug Ford en 2019. La Loi 124, Loi
de 2019 visant à préserver la viabilité du
secteur
public pour les générations futures, impose
une « période de modération » de trois ans
aux travailleurs du secteur public, pendant
laquelle les augmentations de la rémunération,
soit les salaires et les avantages sociaux, sont
limitées à 1 % par année. Le taux d'inflation
actuel est de 3,6 %, ce qui signifie
qu'une
augmentation de 1 % est en fait une coupure
de 2,6 %.
C'est inacceptable que le gouvernement Ford
insiste pour mettre en oeuvre les clauses de la
Loi 124 en réduisant les salaires et en
éliminant les protections de sécurité d'emploi qui
existent.
En plus de la tentative d'imposer ce plafond sur
la rémunération, les syndicats indiquent que
l'Association des hôpitaux de l'Ontario (AHO) leur
a présenté une liste de concessions en ce qui
concerne la sécurité d'emploi qui éliminent les
protections déjà négociées, en attaquant les
droits des travailleurs dans une situation de
sous-traitance et en
éliminant l'ancienneté en tant que facteur
important de l'obtention d'un emploi.
S'adressant à la presse lors du rassemblement
devant
l'Hôpital Renfrew Victoria le 27 juillet, la
secrétaire-trésorière du CSHO Sharon Richer a
expliqué la situation à laquelle les travailleurs
d'hôpitaux font face après avoir travaillé pendant
des mois dans des conditions extrêmement
difficiles pendant la
pandémie. Elle a parlé des
sacrifices que le personnel des hôpitaux a faits,
alors que plusieurs n'ont pas pu prendre de
vacances
ou de congés, ont été assignés à des
emplois qui ne sont pas les leurs ou à travailler
dans des
foyers de soins de longue durée. Dans plusieurs
cas, les
employés ont été séparés de leur
famille pendant de longues périodes afin de ne pas
amener la
COVID-19 à la maison et dans les communautés. Elle
a
dit : « Tous craignent d'amener la COVID-19 à
la
maison parce que plusieurs n'ont pas travaillé
avec les
ÉPI adéquats pendant 20 mois. » Plus
de 23 000 travailleurs de la santé en
Ontario ont
contracté la COVID-19 et 24
en sont morts.
Pendant la pandémie, les travailleurs d'hôpitaux
ont continué d'assumer leurs responsabilités, au
péril de leur santé et de leur vie, pour prendre
soin des patients d'hôpitaux et des résidents des
centres de soins de longue durée. Par contre, les
gouvernements et les employeurs comme l'AHO
n'agissent pas de façon responsable. Les
gouvernements ont la
responsabilité sociale de garantir à tous le droit
à des soins de santé et ceci comprend les salaires
et les conditions de travail dont les travailleurs
ont besoin pour faire leur travail. Les réductions
de salaires et les autres concessions ne vont
qu'aggraver le problème de rétention et
d'attraction du personnel d'hôpital. Les
travailleurs exigent que leurs
voix soient entendues et dénoncent les décrets
gouvernementaux qui les mettent en danger, eux et
leurs patients.
Forum ouvrier appelle tous les
travailleurs à appuyer la lutte des travailleurs
d'hôpitaux pour le retrait de la Loi 124 en
Ontario et pour des salaires et des conditions de
travail que les travailleurs eux-mêmes jugent
acceptables au Québec et partout au pays.
Les conditions des travailleurs
migrants
- Diane Johnston -
« Cette année, de plus en plus de travailleurs
agricoles sont approchés par des recruteurs dans
les rares lieux publics qu'ils fréquentent, comme
les épiceries, les lieux de restauration rapide ou
les parcs », souligne un article publié dans
Le Devoir du 29 juillet. Les auteurs
de l'article sont Danièle Bélanger et
Guillermo Candiz, respectivement professeur et
chercheur postdoctoral à l'Université Laval,
Michel Pilon et Véronique Tessier, directeur
général et coordonnatrice du bureau du Québec du
Réseau d'aide aux travailleuses et travailleurs
agricoles migrants du Québec (RATTMAQ), ainsi que
Eugénie Depatie-Pelletier, présidente de
l'Association pour
la défense des droits du personnel domestique de
maison et de ferme (ADDPD).
Pour nombre de ces travailleurs, la pénurie de
main-d'oeuvre et la pandémie contribuent à créer «
des conditions de vie et de travail encore plus
difficiles que celles des années
antérieures ».
De
plus, le fait que leur permis de travail soit
fermé (ils ne peuvent pas changer d'employeur) «
crée un lien de dépendance qui fait en sorte que
plusieurs sont victimes d'abus ». Le travail
de terrain des auteurs et les nombreuses
interventions de leurs organisations attestent que
pour de nombreux travailleurs, « le harcèlement
psychologique, le non-paiement des jours fériés,
les accidents de travail non déclarés, les
congédiements sans motifs valables et la saisie
des documents personnels » sont monnaie
courante.
Et même si en 2019, le gouvernement fédéral
a créé un programme pour que les victimes d'abus
puissent demander un permis de travail ouvert afin
de changer d'employeur, la procédure est complexe
et nécessite l'aide d'intervenants qualifiés. De
plus, la peur d'être dénoncé par un employeur et
les répercussions potentielles en empêchent
plusieurs d'emprunter cette voie.
Leur grande vulnérabilité et leur absence de
recours, soulignent les auteurs, ouvrent la porte
à la création de réseaux de recrutement de
travailleurs au noir, un marché stimulé par un
manque criant de main d'oeuvre dans certains
secteurs. « Ce cercle vicieux, déjà bien développé
en Europe, en Asie et aux États-Unis, fait
désormais
son oeuvre au Canada et au Québec »,
écrivent-ils.
Ces recruteurs offrent un emploi et un logement à
ceux qui osent quitter leur lieu de travail et
entrer dans la clandestinité, ce qui peut sembler
particulièrement attrayant pour les travailleurs
qui ont contracté des dettes pour venir au Canada
et qui rencontrent des difficultés à rembourser ce
qu'ils doivent.
À tout cela s'ajoute la situation de ces
travailleurs en fait d'isolement, de restrictions
de mouvement et de conditions de logement et de
travail difficiles, ce qui peut en inciter
certains à décider d'entrer dans la clandestinité
dans l'espoir d'améliorer leur sort. Mais en
agissant ainsi, ils courent le risque d'être
expulsés et de se retrouver dans un
environnement de travail encore plus abusif.
Les auteurs notent que la
fermeture des frontières dans le contexte de la
pandémie peut également contribuer au
développement de réseaux de trafiquants, qui
approchent les travailleurs étrangers et leur
proposent de passer clandestinement aux
États-Unis, en leur faisant miroiter des emplois
mieux rémunérés ou une plus grande liberté de
mouvement. Toutefois, certains travailleurs de la
région de Québec qui ont accepté les offres des
trafiquants pour lesquelles ils ont payé
environ 5 000 dollars ont été
interceptés par la GRC, tandis que d'autres ont
été appréhendés par la police aux États-Unis.
Fernand Borja, directeur général de la Fondation
des entreprises en recrutement de main-d'oeuvre
agricole étrangère (FERME), a indiqué qu'au début
du mois d'août, 53 travailleurs étrangers, en
majorité du Guatemala, ont quitté leur employeur
québécois en 2021 et que, « si ça continue,
ce sera une année record ».
Si la plupart de ces travailleurs se dirigent
vers les États-Unis, certains vont aussi en
Ontario, où l'on trouve une forte concentration de
production maraîchère en serre.
Michel Pilon note que « les arnaqueurs sont très
actifs et on voit que le phénomène prend de
l'ampleur ». Il ajoute qu'il y a quelques
semaines à peine, quatre travailleurs agricoles
ont été interceptés du côté américain et ont été
renvoyés au Canada. À sa connaissance, cela est
arrivé à une vingtaine de personnes en 2021.
L'existence de permis de travail fermés, disent
les auteurs, entraîne une précarité supplémentaire
qui, dans le contexte actuel, donne lieu à des
situations non réglementées et dangereuses pour
ces travailleurs.
Plus vite ces travailleurs étrangers obtiennent
des permis de travail ouverts sur les marchés du
travail canadien et québécois, « plus nous
pourrons réduire les risques que ces derniers se
retrouvent entre les mains des réseaux frauduleux
qui mettent leur vie et leur intégrité en
danger ».
Selon les chiffres du gouvernement canadien,
environ 50 000 à 60 000
travailleurs agricoles étrangers viennent
travailler au Canada chaque année, ce qui
représente environ 60 % de tous les
travailleurs qui peuvent entrer au Canada dans le
cadre du Programme des travailleurs étrangers
temporaires. Plus
de 41 000 travailleurs sont arrivés à ce
jour en 2021.
«
Le gouvernement du Canada prend très au sérieux la
sécurité et la dignité des travailleurs étrangers.
Tout le monde mérite d'évoluer dans un milieu de
travail sans danger et où les droits de la
personne sont respectés », s'est vanté le
ministre canadien de l'Immigration, Marco
Mendicino, dans un communiqué de presse du 26
juillet annonçant des « modifications
réglementaires accrues » visant à « améliorer
les protections pour les travailleurs étrangers
temporaires en obligeant les employeurs à leur
fournir des renseignements sur leurs droits au
Canada; en interdisant les représailles des
employeurs à l'endroit des travailleurs qui
portent plainte; et en
mettant en place des exigences réglementaires clés
pour que tous les employeurs offrent un accès
raisonnable aux services de soins de santé, de
même qu'une assurance maladie au besoin. Les
modifications proposées interdiraient également
d'imposer des frais de recrutement aux
travailleurs et rendraient les employeurs
responsables des actions des
recruteurs à cet égard. »
Presque deux ans après le début de la pandémie et
de telles mesures ne sont annoncées que
maintenant ? Que peut-on attendre d'autre
d'un gouvernement prêt à « les trahir et à les
vendre » pour des gains personnels et de
classe ? Cette expression, qui trouve son
origine dans la traite des esclaves, reste la
réalité à laquelle sont
confrontés ces travailleurs.
Les êtres humains sont le bien le plus précieux
de la société et la contribution que ces
travailleurs ont toujours apportée, pandémie ou
pas, mérite un statut d'immigration complet et
permanent pour eux et leurs familles.
Mettons tout en oeuvre pour que cela devienne une
réalité !
(Pour voir les articles
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