Numéro 69 - 13 août 2021
Les travailleurs d'hôtellerie continuent de
défendre
leurs droits et leur dignité
Les femmes dirigent un rassemblement
militant en appui aux travailleurs congédiés et
en lock-out
de la Colombie-Britannique
- Anne Jamieson -
• Réintégrez
la dirigeante syndicale montréalaise Aida
Gonçalves!
- Pierre Soublière
Non aux «
consultations » de coulisses du
gouvernement de l'Ontario
• Les
groupes de travailleurs accidentés exigent
l'annulation des
compressions dans l'indemnisation des
travailleurs accidentés
Les travailleurs d'hôtellerie
continuent de défendre leurs droits et leur
dignité
- Anne Jamieson -
La section locale 40 de Unite Here ! a
organisé un rassemblement et un sit-in pour
souligner le premier anniversaire de la lutte des
travailleurs d'hôtellerie de la
Colombie-Britannique contre les mises à pied et
les autres mesures draconiennes des hôtels des
Basses-terres continentales pendant la pandémie.
Plus de 300
travailleurs d'hôtellerie et leurs alliés se sont
rassemblés devant l'hôtel Hilton Metrotown à
Burnaby où les travailleurs sont en lock-out
depuis le 15 avril. On pouvait entendre un
orchestre de tambours et de cymbales des
kilomètres à la ronde. Les participants ont fait
du bruit avec des sifflets et en frappant sur des
casseroles au milieu de
pancartes rouges disant « En lock-out –
Section locale 40, Unite Here ».
De nombreux membres d'autres syndicats se sont
joints aux travailleurs d'hôtellerie, notamment
les dirigeantes du Congrès du travail du Canada,
de la Fédération du travail de la
Colombie-Britannique, du Syndicat canadien de la
fonction publique – Colombie-Britannique, du
Syndicat des employés généraux de la
Colombie-Britannique, du
Syndicat des travailleurs et travailleuses des
Postes, de la Fédération des enseignants et
enseignantes de la Colombie-Britannique, du
Syndicat des employés d'hôpitaux et du Syndicat
des Travailleurs unis de l'alimentation et du
commerce. Il y avait une mer de drapeaux
syndicaux, dont ceux de la section
locale 1724 du Syndicat uni du
transport, des Travailleurs unis de la
construction et de l'entretien, de l'Association
des Sciences de la santé, des enseignants de
Richmond, et d'autres. Migrante
Colombie-Britannique, dont certains des
travailleurs d'hôtellerie sont parmi leurs
membres, et des politiciens des niveaux locaux,
provincial et fédéral se sont aussi joints à
l'action.
Sur une des pancartes bien en vue, on pouvait lire
: « Ne vous servez pas de la pandémie comme excuse
pour nous remplacer » et « Les normes sont
élevées, mais les salaires sont bas ».
Une organisatrice de la
section locale 40 de Unite Here ! a
parlé la première. Dans son discours concis,
militant et passionné, elle a déclaré que 97
employés avaient été licenciés à la mi-avril par
Hilton Metrotown après une année de pandémie.
Lorsque les employés ont protesté en organisant
une journée de grève le 15
avril, l'hôtel les a mis en lock-out et ils le
sont toujours. Elle a souligné que les actions
draconiennes de Hilton font partie d'une attaque
plus large contre les travailleurs de l'hôtellerie
partout dans la province. La majorité de ces
travailleurs sont des femmes, a-t-elle dit,
souvent monoparentales, ajoutant : « Nous
n'allons pas rester muettes
face à ceux qui profitent de la pandémie ».
Deux travailleuses d'hôtellerie ont expliqué
comment elles avaient toujours travaillé avec
soin, contribuant au succès de l'hôtel, pour
ensuite se faire traiter de façon irrespectueuse
et méprisante. Leurs vies, ont-elles dit, sont
devenues très difficiles. Une représentante de la
Fédération des
enseignants et enseignantes de la
Colombie-Britannique a dit : « Il faut
arrêter de tirer profit de la
pandémie ! » Plusieurs syndicats de la
province se servent fréquemment du Hilton
Metrotown pour des réunions, des rencontres
sociales et pour loger des membres venus de
l'extérieur pour participer à des événements dans
la
région des basses terres et boycottent
présentement l'hôtel jusqu'à ce qu'il s'engage à
réembaucher tous les travailleurs.
Après les discours, la foule a marché jusqu'à
l'intersection principale Kingsway et Willingdon,
bloquant l'intersection à l'heure de pointe et
scandant les slogans : Que
voulons-nous ? Le respect ! Un
contrat ! Quand le voulons-nous ?
Maintenant ! Nous ne lâcherons pas !
Assez, c'est
assez ! Pas de paix sans justice ! Pas
de paix sans respect ! Pas de paix sans
soins de santé ! Pas de paix sans
convention collective ! R-E-S-P-E-C-T. Tout
ce que nous voulons, c'est la dignité !
Tous les participants sont ensuite retournés en
marchant à l'hôtel sur la rue Mackay, où
l'orchestre de tambours et de cymbales a continué
de jouer avec entrain, les gens tapant du pied au
rythme des instruments. Avant de partir, les
participants ont levé le poing en disant : «
Nous reviendrons ! Nous
reviendrons ! »
- Pierre Soublière -
Aida Gonçalves à la tête d'un rassemblement de
travailleurs de l'hôtellerie
La Confédération des syndicats nationaux (CSN)
au
Québec a annoncé le 23 juillet que la
présidente du Syndicat des travailleurs
d'hôtellerie de
l'hôtel Marriott Château Champlain à Montréal
avait été congédiée par son employeur la
semaine précédente. Aida Gonçalves a
été à l'emploi de l'hôtel pendant plus
de 30 ans.
La présidente du syndicat a été suspendue, puis
congédiée, après que les travailleurs ont mené une
« campagne de visibilité » dans l'entrée de
l'hôtel le 8 juillet pour exiger le
renouvellement de leur convention collective.
L'employeur refuse maintenant de négocier avec le
syndicat si sa présidente est à la table.
Le congédiement a eu lieu dans un contexte où les
travailleurs d'hôtellerie de partout sont en
action à la défense de leurs conditions de travail
et de leur gagne-pain tandis que les
propriétaires, qui se lamentent de pénuries de
personnel, refusent de respecter le droit de
rappel et l'ancienneté des travailleurs au moment
où ceux-ci retournent au
travail à la suite des mesures prises face à la
pandémie. Le 22 juillet, les travailleurs
d'hôtellerie de la Ville de Québec ont manifesté
devant les hôtels Delta et Hilton, pour exiger une
convention collective qui respecte leur droit de
rappel et leur ancienneté rétroactivement
au 13 mars 2020. Ils réclament aussi des
augmentations de
salaire de 2,1 % à 4 % pour
chaque année d'une convention collective de quatre
ans.
Le 22 juillet, les travailleurs d'hôtellerie
du Québec ont organisé un piquetage symbolique
devant l'hôtel PUR pour exprimer leur solidarité
avec les 97 travailleurs congédiés, en pleine
pandémie de COVID-19, par l'hôtel Hilton Metrotown
en Colombie-Britannique, propriété de DSDL Canada
Investments. Les travailleurs de l'hôtel
PUR ont aussi organisé une campagne d'envoi de
lettres visant les propriétaires d'hôtels ainsi
qu'une aide financière pour les travailleurs
congédiés et en lock-out du Hilton Metrotown,
exigeant que DSDL cesse de maltraiter les
travailleurs d'hôtellerie partout au Canada. La
Fédération du Travail de la Colombie-Britannique a
appelé à un boycott
du Hilton Metrotown, demandant que tous les
clients syndiqués ne fassent pas affaire avec
l'hôtel. Un boycott a aussi été appelé par la
Fédération du Travail de l'Alberta des hôtels
Varscona, Mettera et Matrix à Edmonton, dont DSDL
est aussi le propriétaire.
Dans ce contexte, le congédiement d'Aida
Gonçalves doit être condamné largement en tant que
nouvelle attaque contre les travailleurs
d'hôtellerie partout au Canada et contre la classe
ouvrière dans son ensemble. Elle doit être
réintégrée et ceci est une condition nécessaire à
l'obtention d'une convention collective
satisfaisante et respectueuse
des travailleurs. Comme dans d'autres secteurs
tels que la santé, les pénuries de personnel, là
où elles existent, ne peuvent être résolues qu'en
améliorant les conditions de travail et de vie, et
non en les détériorant.
Manifestation des travailleurs d'hôtel dans le
hall du Marriott Château Champlain le 8
juillet 2021
Non aux « consultations » de
coulisses du gouvernement de l'Ontario
Le 10 août, le Groupe de soutien des
travailleurs accidentés de Thunder Bay & du
district (TBDIWSG) a organisé une réunion Zoom
pour rejeter fermement les « consultations »
du ministère du Travail de l'Ontario et son plan
sur ce qu'il faut faire avec ce qu'il appelle les
« surplus » de la Commission de la sécurité
professionnelle et de l'assurance contre les
accidents du travail (CSPAAT).
Le gouvernement a tenu une « consultation »
de 26 jours qui s'est terminée le 10
août. Ce n'est que grâce au travail des
travailleurs accidentés de Thunder Bay que l'on a
appris que cela se tenait, car ni les
organisations de travailleurs accidentés ni les
organisations syndicales, comme la Fédération du
travail de l'Ontario
(FTO), n'ont été informées des consultations ou
invitées à y participer. L'annonce a plutôt été
enterrée dans les pages des « employeurs » du
site Web de la CSPAAT.
Malgré les tentatives de faire taire les voix des
travailleurs accidentés, le Réseau ontarien des
groupes de travailleurs accidentés (ONIWG) a
soumis ses propositions sur la façon dont les
fonds devraient être utilisés, tout comme la FTO
et un certain nombre de travailleurs accidentés
qui ont soumis leurs propositions en leur propre
nom. Le fait
que les travailleurs accidentés et leurs alliés
aient pu se réunir immédiatement pour contester
cette nouvelle suppression de leurs voix en dit
long sur leur travail continu pour la justice et
pour mettre fin à leur marginalisation, ainsi que
sur leur persistance à poursuivre les discussions
et les actions malgré les difficultés imposées par
la pandémie.
Le modérateur Jules Tupker, du TBDIWSG, a déclaré
que les travailleurs accidentés s'opposent
vigoureusement à ce que le ministère du Travail
tienne des consultations sur la manière de
répartir les surplus sans la participation des
personnes directement touchées - les travailleurs
accidentés.
La présidente de l'ONIWG, Janet Paterson, a lancé
la discussion en faisant un bref historique des
compressions effectuées dans les prestations
versées aux travailleurs accidentés au cours de la
période récente. Elle a rappelé que le passif non
provisionné de la CSPAAT a été éliminé
depuis 2018 par des compressions et des
suppressions
des réclamations des travailleurs accidentés. Le
gouvernement a la responsabilité de veiller à ce
que la CSPAAT respecte l'accord historique en
vertu duquel les travailleurs ont renoncé au droit
de poursuivre leurs employeurs en échange d'un
système d'indemnisation financé par l'employeur
qui doit les indemniser entièrement aussi
longtemps que
dure leur blessure ou leur maladie, a dit Janet
Paterson.
Avant de discuter de
l'existence de « surplus » dans le système et
de la façon d'accorder des ristournes aux
employeurs, il faut annuler les réductions des
prestations de la CSPAAT, a souligné Janet
Paterson, et ensuite, tous les fonds
supplémentaires disponibles devraient servir à
améliorer les prestations des travailleurs
accidentés dont
beaucoup vivent dans la pauvreté.
La présidente de la FTO, Patty Coates, a souligné
que le gouvernement a l'habitude d'étouffer les
voix des travailleurs, et que ce cas n'est pas
différent. Ce que le gouvernement propose de faire
est plus qu'insultant pour les travailleurs
accidentés, pour ceux qui ont perdu la vie et pour
leurs familles, a-t-elle déclaré. Le mémoire de la
FTO fait
écho à celui de l'ONIWG, qui demande entre autres
le rétablissement des prestations de la CSPAAT à
leur niveau d'avant 1995, avant les compressions
du gouvernement de Mike Harris.
Orlando Buonastella, de Injured Workers'
Consultants, a souligné que pendant 26 ans,
les travailleurs accidentés ont été sacrifiés sur
l'autel du soi-disant « passif non
provisionné », qui n'était en fait pas une
dette et ne menaçait pas la viabilité de la
CSPAAT. Le Régime de pensions du Canada, par
exemple, fonctionne sur la base
d'une capitalisation de 40 %. En raison
de ce faux « passif non provisionné », les
travailleurs accidentés ont subi deux séries de
compressions. La première, en 1995, sous le
gouvernement de Mike Harris, a réduit le système
de 15 milliards de dollars au total, ce qui a
entraîné des coûts humains énormes pour les
travailleurs accidentés. La deuxième série, sous
le gouvernement de Dalton McGuinty, a réduit le
financement de moitié. Entre-temps, les taux payés
par les employeurs à la CSPAAT ont été réduits
de 47,1 % et cette dernière consultation
porte sur la façon de réduire à nouveau les taux
que paient les employeurs.
Ted Bobrowski, président
du TBDIWSG, a dit que les consultations du
ministère du Travail avaient été présentées lors
d'une réunion du Comité de la plateforme pour le
changement de l'organisation, qui a décidé qu'une
action immédiate était nécessaire pour arrêter le
plan du ministère. Il a déclaré que le surplus
de 4 milliards de dollars
des fonds de la CSPAAT est une escroquerie contre
la population de l'Ontario qui paie le coût
lorsque le système de la CSPAAT n'indemnise pas
équitablement les travailleurs accidentés et les
force plutôt à recourir à des programmes sociaux
tels que le Programme ontarien de soutien aux
personnes handicapées. Il est important que les
travailleurs
accidentés prennent position, mais aussi que tous
les travailleurs élèvent la voix et s'opposent à
ces mesures qui nous touchent tous, a-t-il dit.
Steve Mantis, président du Comité de
recherche-action de l'ONIWG, qui étudie le système
d'indemnisation depuis 43 ans, a été le
dernier à faire une présentation. Il a expliqué
comment le fardeau du remboursement du passif non
provisionné, qui devait à l'origine provenir des
cotisations des employeurs à la CSPAAT, s'est
retrouvé sur
le dos des travailleurs accidentés lorsque les
cotisations des employeurs ont été réduites. Il a
fourni des informations sur la situation à
laquelle sont confrontées les personnes ayant subi
des blessures graves au travail qui sont
incapables de retourner sur le marché du travail
et qui ont été abandonnées par le gouvernement de
l'Ontario.
Après la présentation, la parole a été donnée,
d'abord aux questions des médias, puis aux
interventions des nombreux travailleurs accidentés
et de leurs défenseurs qui participaient à
l'événement.
Pierre Chénier, représentant le Centre ouvrier du
PCC(M-L), a dit que l'expérience des travailleurs
accidentés est similaire à celle des chômeurs. Le
gouvernement fédéral
a également invoqué la fraude du passif non
provisionné du système pour s'attaquer à la vie
des chômeurs en réduisant drastiquement
l'admissibilité et en diminuant les prestations,
ce qui a conduit à un « surplus » de plus
de 60 milliards de dollars dont il s'est
ensuite emparé et qu'il a utilisé pour payer les
riches par le biais de divers stratagèmes. En
ce moment, a-t-il dit, les travailleurs se battent
contre le démantèlement du régime de santé et de
sécurité au travail au Québec dont le but déclaré
est d'économiser 4 milliards de dollars
en 10 ans pour les employeurs. Là aussi la
voix des travailleurs accidentés est exclue. Ils
ont dû protester vigoureusement pour être
même entendus durant les audiences publiques,
a-t-il dit. Il a demandé aux groupes de
travailleurs accidentés d'élaborer sur le travail
qu'ils font pour faire entendre leur voix.
Plusieurs travailleurs ont répondu, soulignant la
nécessité de faire entendre la voix des
travailleurs accidentés auprès du public,
d'éduquer les gens sur leurs conditions et leurs
demandes et sur le fonctionnement du système
d'indemnisation. Steve Mantis a parlé du travail
des écoles de conférenciers organisées par l'ONIWG
et ses organisations
membres dans 8 à 10 communautés afin de
fournir aux travailleurs accidentés les
compétences et le soutien dont ils ont besoin pour
pouvoir faire face au goliath d'un système qui
exerce beaucoup de contrôle sur leur vie et les
pénalise encore plus lorsqu'ils s'expriment.
Une discussion animée s'est ensuivie, au cours de
laquelle des personnes ont fait part de leur
expérience en matière d'organisation pour la
défense de leurs droits et ont présenté les
mémoires qu'elles avaient préparés pour les
consultations du ministère du Travail sur ce qu'il
faut faire avec les « surplus ». Les
intervenants ont exprimé leur
conviction que le changement est nécessaire
maintenant et que leurs voix doivent être
entendues. Ils ont également exprimé leur
détermination à être actifs lors des prochaines
élections de 2022 en Ontario et à demander
des comptes à tous les partis politiques et à tous
les politiciens.
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