Numéro 65 - 4 août 2021
Non au recours aux pouvoirs de police face
à l'itinérance et
pour attaquer la dignité humaine!
Évictions brutales répétées des résidents
des campements à Toronto
La police évince brutalement les itinérants du
campement du parc Lamport Stadium.
(N.
Lachance)
• Démantèlement
du campement des sans-abris de la rue Notre-Dame
à Montréal
• Rapport sur les
conditions de vie au Centre d'hébergement
d'urgence de Gatineau - Alexandre
Deschênes
Non au recours aux pouvoirs de
police face à l'itinérance et
pour attaquer la dignité humaine!
Au cours des mois d'été à Toronto, il y a eu une
intensification des attaques contre les personnes
itinérantes vivant dans plusieurs campements dans
les parcs de la ville, des évictions forcées
effectuées par la police, pour faire respecter un
avis d'entrée non autorisée émis le 12 juin
par la Ville de Toronto. L'avis met en garde les
personnes itinérantes qu'elles pourraient être
expulsées et subir, si condamnées, une amende
pouvant atteindre 10 000 $, comme
si les personnes vivant l'itinérance pouvaient
payer de telles amendes. Les attaques ont soulevé
une opposition massive de la part des personnes
itinérantes, des organisations luttant pour le
droit au logement pour tous et d'autres
sympathisants.
La plus récente intervention violente par la
police pour démanteler un campement et évincer ses
résidents a eu lieu le 21 juillet au parc
Lamport Stadium, où 26 personnes ont été
arrêtées. Aliya Pabani, une bénévole du Réseau
d'appui aux campements de Toronto a dit à CBC News
qu'elle avait été attaquée au poivre de cayenne et
que plusieurs autres manifestants avaient été
blessés par la police. « Des gens ont subi de
graves blessures », a dit Pabani. « Ils ont
asséné des coups de poing aux gens... exercé une
pression sur leur cou avec leurs genoux. »
Elle a dit que l'attaque avait été «
brutale » et « un déploiement de force
dégoûtant », ajoutant que certaines personnes
ont dû recevoir des points de suture pour leurs
blessures.
Pour des vidéos de l'éviction, cliquer
ici
La veille de l'évincement du parc Lamport Stadium,
la police avait attaqué et évincé des gens du parc
Alexandra, où au moins neuf personnes ont été
arrêtées. Comme cette éviction avait suscité
l'opposition de centaines de personnes, le
lendemain, une clôture temporaire a été érigée tôt
le matin au parc Lamport pour tenter de tenir les
opposants ainsi que les médias à l'écart, pour que
la police puisse mener son assaut avec impunité.
Domenico Saxida, un résident du campement, a dit
de l'expulsion des gens du parc par la police et
la sécurité qu'elle n'était « pas du tout
nécessaire ». Il a dit à CBC News que
plusieurs résidents avaient déjà commencé à
quitter les lieux, certains ayant choisi de se
déplacer vers des hôtels et des refuges, alors que
d'autres avaient réussi à se trouver un logement
plus permanent. Domenico Saxida a dit qu'il ne
savait pas où lui-même irait maintenant et qu'il
s'inquiétait pour les autres qui avaient été
évincés du campement. « Il y a quelques femmes
dans ce parc. J'aimerais savoir, où
iront-elles ? Que feront-elles ? Les
refuges débordent, et il en va de même pour les
hôtels. Ceux-ci sont dangereux », a-t-il dit.
Assaut et éviction par la police au parc
Alexandra
Le 22 juin, des centaines de personnes se
sont rassemblées au parc Trinity Bellwoods pour
résister et tenir responsable la police présente
en grand nombre pour évincer de force le campement
d'itinérants du parc. Près de 400 à 500
personnes ont tenu tête à près de 100
policiers armés de gaz lacrymogène, de balles en
caoutchouc pour les empêcher de détruire le
campement et d'évincer les près de 25
personnes itinérantes qui y vivaient. Le
face-à-face avec la police a duré 12 heures
avant que les personnes itinérantes ne soient
évincées. Certaines des personnes défendant les
droits des personnes itinérantes ont été arrêtées.
Le personnel de la ville est arrivé tôt le matin
pour procéder aux évictions. On a avisé les
résidents du campement qu'ils avaient quelques
heures pour ramasser leurs biens et quitter. Selon
les médias, on les aurait avisés de se déplacer
vers des refuges désignés.
Pour la vidéo de l'éviction des sans-abris du
campement de Trinity Bellwoods, cliquer
ici
À la suite de ces événements, le 23 juillet,
cinq conseillers municipaux ont signé et publié
une lettre appelant à mettre fin à la violence
exercée lors des évictions forcées aux campements
des personnes itinérantes dans les parcs de la
ville, avant que n'ait lieu la prochaine éviction
qui doit avoir lieu au parc Moss au cours des
semaines à venir. « Avant que n'ait lieu cette
éviction, nous exigeons que cessent la violence et
tout déploiement de force extrême. Il n'y a
absolument pas lieu d'avoir recours aux matraques,
au poivre de cayenne ou aux armes à feu, alors que
ces interventions relèvent du personnel municipal
déployé pour reloger les personnes itinérantes et
d'autres travailleurs communautaires »,
ont-ils écrit[1].
Avant la publication de la lettre des
conseillers, le 9 juillet, une autre lettre a
été envoyée au maire Tory, intitulée « Une voie
vers l'avant », signée par 207
organisations et dirigeants communautaires, «
exigeant que le maire John Tory et la Ville
mettent fin à l'éviction forcée des campements et
au recours à la force par la police contre les
personnes itinérantes, et s'engagent à respecter
une approche conforme aux droits humains dans
leurs interactions avec les personnes itinérantes[2]. » La
lettre avait été soumise en vue de la réunion du
Conseil municipal du 15 juillet, mais elle
n'a pas été ajoutée à l'ordre du jour par le
Conseil ou le maire.
Chaque nuit, il peut y avoir dans les rues de
Toronto près de 10 000 personnes
itinérantes. Les conditions de surpeuplement dans
les refuges de Toronto ont engendré une crise qui
menace les nombreuses personnes vulnérables qui
ont recours à ces espaces ainsi que le personnel
des refuges, les bénévoles et les communautés
locales, selon l'Association canadienne des
libertés civiles.
Le maire John Tory accuse les personnes qui
défendent les droits des personnes itinérantes de
créer un problème, les accusant de profiter de la
situation pour « passer un message ». Le
maire maintient que les campements contreviennent
à plusieurs articles du Code municipal et ne sont
pas une solution à l'itinérance.
La Ville programme ces règles et cette
réglementation sans se préoccuper de la nécessité
que la société canadienne respecte son engagement
de fournir des logements adéquats en tant que
droit fondamental du peuple. De telles «
règles » sont une violation des lois et
conventions internationales dont le Canada est
signataire.
Le Haut-Commissariat aux Droits de l'homme des
Nations unies stipule sans ambigüité : « Le
Comité des droits économiques, sociaux et
culturels de l'ONU a souligné qu'il convenait de
ne pas donner du droit à un logement convenable
une interprétation trop étroite, mais de le
considérer comme étant le droit de vivre en un
lieu dans la sécurité, la paix et la dignité. Le
droit à un logement convenable recouvre des
libertés, parmi lesquelles : la protection
contre les expulsions forcées et la destruction ou
la démolition arbitraire de son logement[3]. »
Les actes du Canada en disent plus long que ses
paroles. Forum ouvrier condamne les
évictions par la force des personnes itinérantes
et la présence policière massive déployée contre
elles. Le logement et les refuges adéquats sont un
droit fondamental !
Notes
1. «
Lettre ouverte au maire Tory – Il faut mettre fin
aux interventions policières dans les évictions
de campements », 23 juillet 2021
2. «
Une voie vers l'avant, Lettre au maire
Tory », 9 juillet 2021
3. Le
droit à un logement convenable,
Haut-Commissariat des Nations unies aux droits
de l'homme
(Photos : Hamilton ESN, SHJN,
S. Punwasi, M. Reis, C. Leung, S. Jama)
Le matin du lundi 7 décembre 2020,
vers 6 heures du matin, la police de Montréal
s'en est violemment pris aux sans-abris pour les
expulser du campement qu'ils avaient érigé sur la
rue Notre-Dame, dans l'est de Montréal. En
avril 2020, une dizaine de sans-abris ont
commencé à ériger un campement de sans-abris dans
le quartier Hochelaga-Maisonneuve. Depuis juin,
alors que les centres d'accueil temporaires qui
les ont hébergés pendant la première vague de la
pandémie COVID-19 fermaient les uns après les
autres, et avec la 2e vague, le campement a
grossi jusqu'à 300 tentes.
Tout au long de l'été et de l'automne, les
occupants se sont organisés en collectif pour
veiller les uns sur les autres en créant entre
autres un espace cuisine et un espace d'échange.
Chaque jour, ils recevaient l'appui des résidents
sous forme de visites, de dons de matériel et de
nourriture. Ils ont été actifs sur les réseaux
sociaux pour faire connaître leurs revendications
et montrer la façon dont ils s'organisaient
quotidiennement pour distribuer le matériel et les
dons selon les besoins des campeurs. Ils ont
déclaré sur la place publique que la question
posée et à résoudre est l'accessibilité à des
logements décents sous toutes leurs formes, à des
prix et des conditions sanitaires qui défendent la
dignité humaine. Aux visiteurs et aux médias qui
venaient les rencontrer, ils ont expliqué que les
règlements entourant l'accès aux refuges – pas d'arrivée
avant 20 h, interdiction d'avoir un compagnon
ou une compagne dans sa chambre, départ
obligatoire pour 6 h le matin, etc., ne sont
pas des conditions acceptables pour personne.
L'énorme appui qu'ils ont reçu des organisations
et de la population démontre combien l'affirmation
de la dignité humaine doit être défendue par des
mesures sociales concrètes que tous les paliers de
gouvernements doivent fournir.
Le matin du 7 décembre, des centaines de
policiers ont établi un périmètre de «
sécurité » autour des campeurs en utilisant
menaces, arrestations et violence pour les
expulser de force. « Mobiliser 250 policiers
à cheval, en vélo, en voiture, avec des
anti-émeutes et même un hélicoptère, c'était
complètement démesuré. Ils ont même menacé les
campeurs d'arrestation, en les obligeant à
quitter. C'est inacceptable », a dit à la
presse Marine Armengaud, du Comité BAILS,
organisme de défense du droit au logement dans le
quartier Hochelaga-Maisonneuve. Traitant les
sans-abris comme des criminels, les policiers ont
interdit que les personnes-ressources de
différentes organisations d'aide puissent entrer
dans la zone d'expulsion pour donner leur support
aux campeurs, ne serait-ce que pour les aider à
rassembler leurs effets personnels. Sylvie Boivin,
directrice de l'Anonyme, une autre organisation
venant en aide aux sans-abris, a déclaré aux
journalistes qu'« il est totalement inacceptable
qu'on ait refusé l'accès au site aux intervenants
qui offrent un soutien psychosocial aux campeurs
depuis plusieurs mois dans ces moments
difficiles. »
Le Service de sécurité incendie de Montréal a
aussi participé au démantèlement du camp, le
prétexte étant qu'une bougie avait déclenché un
incendie dans une des tentes le samedi précédent.
Les gens ont demandé que, si le but est d'assurer
la sécurité de tous, comment le Service d'incendie
et la Ville de Montréal peuvent-ils le faire en
expulsant avec violence des personnes, leur
causant de grands traumatismes. Qu'en est-il de
leur revendication de la construction de logements
abordables et sécuritaires? Les participants au
campement ont été forcés d'observer leurs maigres
possessions et leur tentes se faire jeter
pêle-mêle dans des camions de collectes des
ordures.
Valérie Plante, mairesse de Montréal a dit aux
médias « [...] quand le Service des incendies a
décidé que le site n'était plus sécuritaire, qu'il
fallait évacuer, j'ai entériné cette décision avec
le ministère des Transports. » Malgré le fait
que la mairesse demande depuis longtemps que le
gouvernement du Québec investisse les sommes
nécessaires pour la construction de logements
sociaux, ce sont les pouvoirs de police qui sont
appelés pour criminaliser les personnes victimes
d'une crise sociale du logement connue et reconnue
depuis des années à Montréal, et ce, à moins
de 48 heures de la Journée internationale des
droits humains.
La même journée, des organisations de défense du
droit au logement ont publié un communiqué
dénonçant la répression et la criminalisation de
ceux qui luttent pour vivre dans la dignité. Le
recours aux pouvoirs de police au lieu d'un
échange sérieux avec les sans-abris et
intervenants qui ont l'expérience des besoins en
logement et qui proposent des solutions depuis des
années a été très justement dénoncé. Le communiqué
souligne : « [...] L'itinérance a augmenté
de 60 % à Montréal depuis le mois de
mars 2020, selon les mots de la mairesse
Valérie Plante. Cela fait des années que la Ville
et les gouvernements surinvestissent dans des
opérations policières et privilégient des
solutions d'hébergement d'urgence plutôt que
d'investir dans des solutions de long terme comme
le logement social, il est grand temps que ça
change. Nous avons des propositions concrètes et
aimerions être enfin entendus. [...] Le RAPSIM, la
TOMS et le Réseau de la communauté autochtone de
Montréal, en soutien au Collectif On ne laisse
personne derrière, interpellent la Ville de
Montréal depuis des mois sur des solutions
adaptées à apporter aux personnes présentes en
campement, notamment une formation en prévention
du feu par les pompiers et le développement
d'installations sécuritaires. Les campements se
multiplient sur l'île de Montréal et des réponses
urgentes sont demandées. »
Montréal vit une crise du logement depuis des
années. C'est un problème social qui exige une
solution prosociale, pas l'intervention violente
des forces policières. La Ville de Montréal et le
gouvernement Legault doivent prendre leurs
responsabilités sociales en prenant comme point de
départ les revendications des sans-abris et des
organisations qui se vouent à leur défense pour la
réalisation du droit d'avoir un logement.
- Alexandre Deschênes -
Le rapport suivant décrit les conditions de
vie des résidents et les conditions de travail
du personnel du Centre d'hébergement d'urgence
de Gatineau mis en place à l'aréna
Robert-Guertin dans le secteur de Hull de
Gatineau en mars 2020. Le refuge a continué
à fonctionner jusqu'au 1er
juillet 2021, date à laquelle les résidents
ont été relogés dans des motels et autres
logements.
Résumé
Le 13
février 2021, le Collectif régional de lutte
à l'itinérance en Outaouais (CRIO) a été mandaté
par la Soupe populaire de Hull pour mener une
mission d'observation sur les conditions de vie au
Centre d'hébergement d'urgence à l'Aréna
Robert-Guertin (ARG). Le CRIO a mené une
observation sur place et des discussions avec les
citoyens hébergés, la direction et la coordination
de la Soupe populaire de Hull (SPH) ainsi que
d'autres acteurs et partenaires.
Le rapport produit met en lumière le contexte
particulier dans lequel ce centre a été ouvert. Il
analyse la disposition physique des lieux mal
adaptée aux besoins des trois catégories de
citoyens hébergés qui y demeurent. Il met en
lumière de multiples enjeux vécus tant par les
citoyens hébergés (détérioration de la santé
mentale, enjeux de santé et sécurité, difficultés
à rencontrer des critères pour accéder à des
logements de transition en raison de la structure
même de l'hébergement, etc.) que le personnel
(surcharge, épuisement, roulement, violence,
insécurité, etc.) Il montre en quoi la forme
actuelle de la structure de gestion complique la
mise sur pied de changements. Le rapport souligne
aussi l'impossibilité de respecter certains droits
fondamentaux dans les conditions de vie actuelle
qui perdurent au-delà de l'échéancier initial,
même si l'aréna est considéré à la base comme une
solution temporaire qui malgré cela s'étire dans
le temps.
Finalement, le rapport émet des recommandations
claires, qui se découpent en trois axes
principaux : la relocalisation des citoyens
hébergés; la création d'un comité de coordination
mixte entre les partenaires; et la valorisation
d'une approche participative, qui s'avère
néanmoins impossible dans le contexte actuel.
1. Mise en contexte
La situation de pandémie mondiale qui nous
affecte a forcé les autorités publiques et
sanitaires à réorganiser les places en refuge. Un
centre d'hébergement d'urgence dit «
temporaire » a été installé hâtivement en
mars 2020 pour accueillir des personnes en
situation d'itinérance. Le premier site retenu au
centre Père Arthur Guertin dans le quartier
Lambert ne convenait pas à la demande
grandissante. Des difficultés de cohabitation
furent aussi vécues avec les résidents du quartier
devant un si grand nombre de citoyens hébergés.
Les autorités civiles décidèrent de déménager
l'hébergement à l'ARG au mois de mai 2020. Ce
site est toujours en vigueur à ce jour.
Ce centre est géré par la SPH. Cependant, ce
qui se voulait une situation temporaire
s'échelonne au-delà du temps imparti initialement.
Les rencontres concertées entre les divers acteurs
autour des tables d'un comité de relocalisation
n'ont abouti à aucune solution à long terme. L'ARG
peut accueillir une capacité maximale déterminée
de 59 citoyens hébergés. Si au début cela
répondait à la demande, l'arrivée des temps froids
ainsi que la hausse significative du nombre de
personnes en situation d'itinérance ont causé un
point de rupture. La capacité d'accueil maximale
atteinte, certaines personnes se voient refuser
l'accès à l'entrée.
Par suite du prolongement de l'occupation des
lieux, les tensions entre citoyens hébergés, la
détérioration de leur santé mentale ainsi que la
précarité des conditions de travail ont été
maintes fois soulignées par le gestionnaire du
site à l'ARG. C'est donc à titre d'observateur que
le Collectif régional de lutte à l'itinérance
(CRIO) a été mandaté pour produire un rapport des
possibles transgressions aux droits de la personne
à l'intérieur du centre d'hébergement.
Le présent rapport présente donc nos observations
et émet des recommandations pour assurer le
respect de ces droits. Nous démontrerons tout au
long du rapport que les changements suggérés
relèvent d'instances provinciales, qui dépassent
celles communautaires et administratives qui
gèrent actuellement l'ARG.
L'observation s'est effectuée sur une période de
trois heures à l'intérieur de l'ARG. Quatre hommes
et une femme (8,7 % de la population
présente) ont été interviewés. À notre arrivée, 2
lits étaient encore vacants. La coordination de
l'hébergement d'urgence à l'ARG a également été
consultée ainsi que le directeur général de la SPH
et la direction du refuge le Gîte Ami. Des
intervenants communautaires et humanitaires ont
été contacté à des fins consultatives.
2. Rapport d'observation et commentaires des
citoyens hébergés
2.1 Le lieu physique
Les 59 cubicules faisant office de chambres
sont disposés de façon elliptique sur le pourtour
de la patinoire. Séparés seulement que par des
draps noirs tout en ayant le devant ouvert vers le
centre, l'intimité y est ainsi compromise voire
inexistante. En ce sens, un citoyen hébergé
mentionne « ma chambre est située juste devant où
sont les intervenants. Y a juste un petit mur qui
me sépare. Ils peuvent tous me voir. Je n'en ai
pas d'intimité ». Qui plus est, puisqu'aucune
insonorisation n'est possible avec des draps, le
bruit est constant, sans compter les hurlements
incessants de personnes en situation de crises en
raison d'un état de santé mentale demandant un
suivi médical ou de personnes en état de
consommation. Cette situation crée un
environnement de constante tension, hautement
anxiogène non seulement pour les hébergés, mais
également pour les intervenants. Nous avons pu
observer un effet domino d'un événement isolé, qui
a mené à la désorganisation de plusieurs personnes
hébergées et qui s'est terminé par l'arrivée des
forces policières.
Il est à noter que des lignes orange de
délimitation sont visibles à l'avant du cubicule
pour circonscrire non seulement l'espace, mais
également la frontière à respecter pour se
conformer aux mesures prises pour contenir les
possibles infections à la COVID-19.
De grandes tables sont installées au centre, les
chaises étant disposées à intervalle de deux
mètres pour respecter les mesures sanitaires. Or,
en raison de la quantité de personnes, mais
surtout de leur état psychologique, les mesures
exigées par la santé publique sont difficilement
applicables sans créer de nouvelles tensions entre
employés et personnes hébergées. En effet, une
certaine stabilité cognitive et émotionnelle est
requise pour la compréhension de l'ampleur de la
crise pandémique et de l'importance de mesures
telles que le port d'équipement de protection
personnelle ou la distanciation physique. Or, pour
des raisons diverses (personnes en
désorganisation, personnes en état de
consommation, personnes en état de survie), il y a
un certain clivage dans la compréhension des dits
enjeux chez certains résidents de l'ARG, ce qui
empêche une application totale des mesures et
favorise un sentiment d'injustice vécu par ces
personnes qui ne saisissent pas l'urgence des
impacts pandémiques. La volonté de conserver un
climat le plus calme possible prime ainsi
l'application des mesures dans un milieu de vie
hautement cacophonique, voire instable. Cela
entraîne un flou concernant l'application des
règles et crée un cercle vicieux lorsqu'il y a
tentative de contrôle. À cet égard, un autre
citoyen hébergé affirme : « On nous demande
de ne pas entrer dans la chambre pour garder les
deux mètres, mais on peut dîner à moins de deux
mètres. Les masques, nous on est obligés, mais la
personne en psychose non ».
Le reste de la place est utilisé pour le
déplacement. Une télévision y est installée, seule
réelle activité à l'intérieur des murs. Si la SPH
aimerait offrir des ateliers et activités aux
citoyens hébergés, un manque d'intervenants sur le
plancher empêche cette initiative. La situation de
survie à laquelle fait face l'organisme, en raison
d'une insuffisance des ressources humaines, nuit à
son adoption d'une approche d'intervention axée
sur le cheminement et le rétablissement des
citoyens hébergés. Cela se traduit par une
observation inquiétante : plusieurs personnes
hébergées font les 100 pas de façon
incessante, le symptôme d'un confinement dans un
endroit inadapté pour des gens nécessitant un
suivi médical en santé mentale. Au moment de
l'observation, aucune buanderie n'est disponible
sur place, compromettant le droit à l'hygiène et à
la santé. Un citoyen hébergé mentionne : « Ça
nous coûte le taxi aller-retour, la buanderie
avec. J'ai pas 50 $ à mettre dans le
lavage à chaque semaine ». Pour ce qui est
des commodités d'hygiène corporelle, une autre
renchérie : « L'eau [de la douche] est soit
glacée ou bouillante. Ça donne pas pantoute le
goût. Pis en plus, y en a plein qui la prenne
jamais. C'est pas vivable ». La tuyauterie
est vieille et pas adaptée à un aussi gros groupe.
Un autre exprime : « Les toilettes sont tout
le temps pétées, pis y nous reste juste un lavabo
pour toutes les hommes ». La SPH dit devoir
fréquemment appeler le « 311 » puisque
les toilettes sont souvent bloquées, parfois
plusieurs fois par jour. Finalement, dans leurs
doléances, les citoyens hébergés soulignent le
manque de prises d'électricité pour leur téléphone
et que l'endroit réservé à cet effet (le centre de
la patinoire) favorise le vol. « Comment tu veux
qu'on se trouve une job si on a pas de
téléphone », demande une des personnes
rencontrées. Notons aussi que, selon la SPH,
puisque les citoyens hébergés n'ont pas de chambre
avec porte, ni d'espace fermé personnel pour le
rangement, ils se font souvent voler leurs effets,
ce qui ajoute à leur charge mentale et a comme
conséquence de les rendre hypervigilants.
2.2 Roulement de personnel important
Il a été soulevé que depuis un an, 180
employés ont été répertoriés par les ressources
humaines. Le haut taux de roulement compromet non
seulement l'intégration des connaissances, mais
également leur acquisition en plus de rajouter une
charge supplémentaire aux employés devant
constamment refaire la formation. Aussi, les liens
de confiance entre intervenants et citoyens
hébergés deviennent impossibles à développer. Ce
lien est pourtant vital pour la stabilité de la
personne qui reçoit les interventions, donc dans
une perspective plus globale, pour l'ambiance
générale. Le manque d'expérience de nouveaux
employés favorise une autorégulation par les
citoyens hébergés, autorégulation qui se fait
cependant souvent par la violence verbale,
l'intimidation, les menaces comme nous avons pu
l'observer. De plus, les lois de la rue créent une
dialectique néfaste avec les règles de vie que la
SPH tente tant bien que mal d'implanter, ce qui
compromet la sécurité interne pour tout le monde.
Autre effet : le personnel d'intervention qui
démissionne juge souvent que les conditions de
travail dans le milieu communautaire (en général)
sont non avantageuses, ce qui met en péril le
processus d'embauche non seulement de la SPH, mais
aussi des autres organismes. Cela donne une
mauvaise réputation à la SPH, dont la capacité à
attirer des gens spécialisés est affectée.
2.3 Trois groupes de gens requérant des
installations adaptées à leur besoin
Nous avons pu constater que les gens qui ont
trouvé refuge à l'ARG se découpent en trois
catégories principales : personnes autonomes,
personnes semi-autonomes et personnes nécessitant
des suivis cliniques continus en santé mentale. Le
mélange de ces trois catégories dans un seul
endroit compromet grandement la santé et la
sécurité des dites personnes, mais également des
travailleurs. Les personnes autonomes se voient
couper l'accès à une amélioration de leur sort,
comme le souligne des commentaires tels que :
« Quand tu donnes ton adresse pis c'est l'aréna,
oublie ça pour la job pis le logement. Y te
rappelle juste pas quand il te raccroche pas
directement au nez »; et « Tsé les conditions
pour aller dans le transitoire, oublie ça, c'est
ben trop sévère, pas possible de se rendre
jusque-là ». Cette impression peut venir du
fait que les critères vers les places
transitoires, quoique tout à fait atteignables,
sont difficilement remplis par les personnes qui
habitent dans l'AGR puisque cet endroit n'a pas à
la base été dessiné dans un esprit d'hébergement.
Par exemple, quoique l'approche participative et
la prise en charge individuelle des citoyens
hébergés soit un critère d'admissibilité à un
logement de transition, l'ARG telle qu'organisée
actuellement (forte densité et mixité sociale,
atmosphère non propice au repos, inaccès à des
services de base, désorganisation d'autrui) ne
favorise pas l'engagement des citoyens hébergés,
qui se retrouvent en situation de survie. Ainsi,
la structure interne et les enjeux qui lui sont
associés peuvent constituer un obstacle
supplémentaire à répondre aux critères
d'admissibilité soit au transit, soit au projet
St-Antoine. Que ce soit par manque de place ou par
manque de préparation, un échec transitoire peut
avoir des impacts sur la motivation des citoyens
hébergés. Soulignons que ces projets sont
porteurs, structurant, et doivent être multipliés
toujours de manière adaptée aux besoins
spécifiques des trois grandes catégories de
personne.
Trois personnes rencontrées recherchent
activement un logement, mais la crise actuelle,
voir permanente en Outaouais, marquée par une
pénurie de logements vacants dans le parc locatif
et une hausse des prix, rendent cette option
inatteignable. La mixité avec les personnes aux
multiples enjeux de santé mentale affecte leur
sommeil de façon considérable. Le manque
d'activité pousse à la consommation : «
Quessé tu-veux qu'on fasse d'autre ? ».
Si ce problème existe pour les personnes
autonomes, il est encore plus vrai pour celles et
ceux en situation de semi-autonomie, l'accès à
l'accompagnement étant pratiquement inexistant,
les intervenants étant constamment en gestion de
crise. Pour ce qui est des personnes demandant un
suivi clinique continu, aucun intervenant ne peut
se substituer à des soins psychiatriques adaptés
et adéquats. Les psychoses, toxiques ou non, sont
un enjeu majeur à l'intérieur de l'aréna. L'ajout
de gardiens de sécurité n'est pas une solution
viable pour les interventions envers ces
personnes, puisqu'ils n'ont pas la formation
requise pour désamorcer une crise. Ce groupe de
personnes demande une évaluation médicale pour
diriger la personne vers une hospitalisation, une
désintoxication, des soins psychiatriques, etc.
En contrepartie, il est important de mentionner
que certains des citoyens hébergés mentionnent se
sentir plus en sécurité. Ce que nous disons, c'est
que s'il y a un ajout d'agents de sécurité, il
doit être proportionnel à un ajout d'intervenants
qualifiés.
2.4 Les dangers pour le personnel
L'ensemble des facteurs nommés ci-haut instaure
un climat de méfiance envers les employés, qui
servent alors d'exutoire de la frustration des
citoyens hébergés. Les menaces et l'intimidation
sont constantes. Le manque de respect est flagrant
et le lien de confiance est soit fragile, soit
brisé. Tout le long des entrevues, nous avons
senti ce clivage encore plus grand envers les
employés de nuit. L'anxiété est palpable. Les
conditions actuelles ne favorisent aucunement un
accomplissement professionnel. Il est difficile de
retirer une fierté d'un emploi lorsque les
insultes et menaces sont omniprésentes. Selon le
personnel de la SPH, il y a une augmentation de la
violence physique non seulement entre les citoyens
hébergés, mais aussi dirigées envers les
intervenants et les agents de sécurité. La
présence d'armes blanches dans les cubicules a
d'ailleurs été soulevé par les équipes
d'intervention et la direction de la SPH. Cela
contribue au sentiment d'insécurité générale tout
en augmentant les risques de dérapage, risque qui
se concrétise à la hauteur d'un incident par
semaine. Nous nous inquiétons de la santé des
travailleuses et des travailleurs qui font preuve
d'une grande résilience.
Qui plus est, ce projet qui devait avoir une
durée de quelques mois est mis sur pied depuis
près d'un an. Organisé comme un service temporaire
et inadapté sur le plan « long terme », les
intervenants éteignent constamment des feux et
peinent à se sortir la tête de l'eau. Des
incertitudes persistantes quant à une
relocalisation engendre une anxiété chez les
citoyens hébergés, mais aussi chez les
intervenants puisque tous deux n'ont aucune
emprise sur le processus décisionnel.
2.5 Autres commentaires des citoyens hébergés
Nous avons entendu à plusieurs reprises des
commentaires de type : « chu pus capable », «
m'a viré fou icitte ». Certaines personnes
ont abordé la crainte de perdre leur place une
fois mises en accès limité, se sentir abandonnées
à leur sort, l'impossibilité de socialiser, les
soins non adaptés autant au niveau physique que de
la santé mentale, la quantité insuffisante de
contenants jaunes pour récolter le matériel de
consommation qui se retrouve en abondance à
l'intérieur et à l'extérieur de l'ARG, ainsi qu'un
sentiment d'injustice vis-à-vis certaines
interventions. En ce qui concerne ce dernier
point, des citoyens hébergés ont mentionné une
moins grande tolérance de certains intervenants ou
gardiens de sécurité envers des citoyens hébergés
ayant une orientation sexuelle non hétérosexuelle.
Or, rien n'indique que ce soit généralisé :
il s'agit d'un ou deux événements isolés. Cela
peut-être un indicateur d'un lien de confiance
fragilisée, ou tout simplement que la structure
contextuelle ne favorise pas le lien de confiance.
3. Analyse complémentaire
Ce qui devait être temporaire devient de plus en
plus une solution permanente mal adaptée à la
situation. Que ce soit par l'architecture même des
lieux ou par les commodités inadéquates voire
inexistantes à l'intérieur de l'édifice, nous nous
retrouvons face à un environnement qui entrave le
droit à la dignité humaine, droit entériné dans le
préambule même de la Déclaration universelle des
droits de l'homme de l'Organisation des Nations
unies qui stipule dès l'article 1 que : «
Tous les êtres humains naissent libres et égaux en
dignité et en droits [...] ».
En novembre 2009, la Commission de la santé
et des services sociaux sur l'itinérance au Québec
déposait un rapport à l'Assemblée nationale où il
est mentionné que « pour réduire les risques liés
à la situation d'itinérance, il ne s'agit pas
simplement de donner à la personne un lit, de la
nourriture et des vêtements, mais de lui redonner
la capacité de sortir de l'impasse de l'urgence
sociale[1]. »
Or, cette approche demande une intervention
adaptée et concertée, qui n'est pas implémentée
dans le contexte actuel, soit par manque
d'effectif, roulement de personnel ou tout
simplement par la mixité des catégories distinctes
des différents citoyens hébergés qui se retrouvent
en forte densité. La Commission soulignait en ce
sens qu'il était « indispensable que les réseaux
public et communautaire donnent des services de
façon continue et harmonisée, et ce, de la
situation d'urgence à la réinsertion sociale
[...] », tout en s'inquiétant « de sa
capacité réduite à traiter les personnes ayant des
problèmes multiples[2]. »
Ce constat s'applique aux conditions prévalentes à
l'ARG.
Selon Michel Simard, « les refuges et les
hébergements d'urgence [...] jouent un rôle
analogue aux urgences médicales dans le réseau de
la santé. De la même manière qu'il est nécessaire
d'essayer le plus possible de désengorger les
urgences médicales, il est nécessaire de
désengorger l'urgence sociale[3] ». La
dynamique même d'entassement d'une population à
l'intérieur de l'aréna, qui n'est pas structurée
de façon à les aider à sortir de cet
environnement, représente un constat d'échec
flagrant à cet égard.
Et cela a pour conséquence néfaste que le
gestionnaire est incapable de remplir son mandat
premier, se voyant confiné dans un rôle de gestion
de crise et imposé des mesures restrictives pour
conserver tant bien que mal un climat minimalement
sécuritaire. Le gestionnaire se retrouve ainsi
devant une situation intenable qui ne lui permet
pas de créer un environnement propice à une
intervention de première ligne qui vise à diriger
les citoyens hébergés vers les services
nécessaires ou vers une sortie de leurs conditions
de grandes précarités. Ces mesures ont l'autre
effet pernicieux de multiplier les accès limités,
et ce, malgré une plus grande tolérance de la part
des intervenants durant les temps froids, comme
moyen de protection ultime, afin d'assurer un
milieu de travail sécuritaire pour les employés.
Ces accès créent un débordement au service de
halte-chaleur et entachent la mission de celle-ci,
puisqu'elle accueille ultimement principalement
les personnes en situation de crise et de grande
détresse. Quoique le personnel de la SPH n'est pas
favorable à l'usage des accès limités, dans la
structure actuelle, avec le manque de personnel et
de soutien clinique, cela est le seul moyen qui
leur est disponible pour assurer un milieu
sécuritaire.
Comprenons bien qu'il n'y a pas de jugement sur
la pratique ou la gestion interne comme
telle : ce n'est pas à l'organisme de se
substituer aux compétences institutionnelles en
santé mentale. Et puisqu'il y a une situation de
coresponsabilité, soit la ville comme
propriétaire, le Centre intégré de santé et des
services sociaux de l'Outaouais (CISSSO) comme
commanditaire et la SPH comme gestionnaire, cela
demande une coordination indépendante. La SPH
administre une structure interne qui lui arrive
pratiquement prédéfinie et qu'elle ne peut pas
changer par elle-même. C'est d'autant plus vrai
considérant que l'aréna abrite également la
halte-chaleur du Vieux-Hull et étant donné la
proximité du site de prévention des surdoses ainsi
que du Gîte Ami, proximité qui emmène d'autres
cultures organisationnelles, étant gérées par
différents organismes autonomes et souverains. Sur
ce point, Simard indique que « Les établissements
publics ont un rôle central et essentiel à jouer
dans la création de cet espace de coresponsabilité
[...] parce qu'ils ont des mandats de services
qu'ils sont les seuls à pouvoir exercer ».[4]
Si le CISSSO est impliqué dans l'offre de service
et que la ville est impliquée dans le processus de
localisation, leur implication se doit d'être
suffisante et adaptée aux besoins internes des
citoyens hébergés et du gestionnaire.
Somme toute, dans ce contexte de complexe
coresponsabilité où l'organisme communautaire
gestionnaire n'est ultimement pas le décideur de
ce qu'il administre, et où sont impliquées deux
autorités (municipalité et CISSSO) aux mandats
différents, les prises de décision sont difficiles
et les changements ardus. Ultimement, nous
insistons que le gouvernement du Québec doit être
pointé du doigt à priori, mettant les différents
partenaires dans un environnement inconfortable et
minant le partenariat nécessaire à cette sortie de
crise. En effet, nous déplorons l'inaction de
Québec, qui avait pourtant promis de prendre en
charge le dossier, son manque de direction, son
refus de financement pour supporter les projets.
4. Conclusion et recommandations
Nous ne nommons rien ici qui n'a pas déjà été
souligné. La SPH avait d'ailleurs produit un
document de recommandations sur l'hébergement
d'urgence en septembre 2020. Les autorités
civiles reconnaissaient elles-mêmes qu'au-delà de
la vocation temporaire du lieu, l'endroit était
mal adapté aux besoins à long terme. La
multiplication des comités de relocalisation et de
cohabitation soutient cette affirmation. Nos
recommandations s'opérationnalisent en quelques
scénarios possibles. Nous resterons ici dans une
logique de structure favorisant le respect des
droits fondamentaux et non dans une de formalité
terrain, les acteurs impliqués étant à même de
proposer la mise en place de mesures de gestion
interne.
4.1 Coordination indépendante
Nous suggérons de créer un comité de gestion de
tous les services communautaires, qui serait
composé des différents partenaires, d'observateurs
externes et de représentants de citoyens hébergés
(voir point 4.2). Ce comité déterminera le
rôle de chacun des partenaires et coordonnera les
ressources humaines et matérielles tout en
harmonisant les pratiques et protocoles afin que
les besoins fondamentaux soient comblés et que la
mission première du projet soit respectée. Cette
nouvelle coordination pourra trancher lors de
sujet épineux sur une base démocratique et
permettra aux partenaires d'avoir un regard
objectif et global de la situation quotidienne, et
ainsi d'assurer le bon déroulement des opérations.
Cela enlèvera également une charge morale au
gestionnaire de projet, tout en responsabilisant
les autres partenaires. Elle pourra agir
finalement de médiateur au besoin.
4.2 Approche participative
Nous préconisons une approche participative des
citoyens hébergés dans leur milieu de vie. Un
comité de citoyens hébergés est nécessaire pour
assurer que leurs voix et préoccupations soient
entendues sur une base régulière. L'objectif étant
de les responsabiliser, mais surtout d'utiliser
leur pouvoir d'agir et leur potentiel dans le
processus de décision pour leur hébergement. Cela
donnera aussi au gestionnaire une certaine liberté
d'adapter ses pratiques au besoin, tout en
diminuant l'accumulation d'irritants vécus par ces
derniers. Mentionnons qu'un représentant des
comités de citoyens hébergés doit siéger sur le
comité de coordination indépendante (voir le
point 4.1) avec un pouvoir décisionnel au
même titre que les autres membres du comité.
Puisque les citoyens hébergés sont des citoyens à
part entière et que les décisions affectent
directement leur milieu de vie, il est primordial
qu'ils fassent partie intégrante des solutions et
de leur mise en application. Cela a le double
effet de responsabiliser les citoyens hébergés et
leur permettre de se diriger vers une plus grande
autonomie pour un jour espérer se sortir de leur
situation avec accompagnements. Nous jugeons
cependant les lieux actuels de l'ARG inadéquats à
cette approche. Ce qui nous emmène au point
suivant. Finalement, des ateliers divers doivent
être instaurés et donnés par du personnel
compétent, que ce soit artistique, juridique, de
recherche d'emploi ou tout autres jugés pertinent
pour créer un milieu de vie sain, dynamique,
accueillant en plus de les doter d'outils qui leur
serviront dans leur démarche d'améliorer leur
condition.
4.3 Relocalisation
4.3.1 Dans le même secteur
Une relocalisation est nécessaire dans le même
secteur en raison de la proximité des services
communautaires dont le site de prévention de
surdoses (SPS). Cependant, deux centres sont à
préconiser, soit un pour les gens semi-autonomes
et l'autre pour les personnes ayant besoin de
suivis médicaux continus. Dans le premier, le
gestionnaire communautaire est préconisé tandis
que le second doit être pris en charge par la
santé publique avec services psychiatriques,
équipe médicale soutenue sans pour autant se
délester d'un soutien communautaire. Pour les
personnes en situation d'autonomie, puisque
l'évaluation pour le logement transitoire est
impossible à l'aréna, nous recommandons leur
déplacement temporaire dans un milieu pour
personnes semi-autonomes afin d'assurer une
certaine stabilité requise pour évaluer leurs
besoins
4.3.2 Relocalisation dans un autre secteur
avec ajout de services
Sur un autre plan, une relocalisation pourrait
également être envisagée dans un autre quartier,
dans la mesure où on divise le nombre de personnes
en situation d'autonomie et de semi-autonomie dans
deux centres et ajoute un deuxième SPS. Cela aura
pour effet de réduire l'impact de cohabitation
dans le quartier choisi tout en bonifiant l'offre
de service du quartier.
4.3.3 Statu quo
Il s'agit d'une non-alternative. Si le statu quo
est privilégié, cela demandera une configuration
majeure des lieux pour s'assurer que la sécurité
des employés et des citoyens hébergés prime, que
l'intimité soit respectée, qu'une séparation soit
effective pour les différents besoins. Construire
à neuf est souvent plus facile que réparer
l'irréparable.
Nous partageons l'inquiétude du gestionnaire de
l'aréna quant à la sécurité des lieux. Nous
concluons que les droits à la dignité, à la
sécurité, au logement des citoyens hébergés ne
sont pas reconnus dans de telles conditions. Que
leur chance de sortie dans de telles conditions
est compromise, voire inexistante. Qu'une telle
situation au Québec en 2021 est inacceptable.
Que des projets temporaires ne peuvent se
transformer en alternative à des projets
structurants.
Nous sommons le gouvernement du Québec à prendre
ses responsabilités vis-à-vis le respect des
droits de la personne de tous ses citoyens et de
remédier à la situation, et ce sans délai.
Notes
1. «
Itinérance : Agissons
ensemble », 2009, Assemblée nationale
du Québec, p 59
2. «
Itinérance : Agissons
ensemble », 2009, Assemblée nationale
du Québec, p 38
3. Simard,
Michel, « L'itinérance dans les sociétés
modernes contemporaines », 2016, p 140
4. Ibid,
page 140
(Pour voir les articles
individuellement, cliquer sur le titre de
l'article.)
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