Démantèlement du campement des sans-abris de la rue Notre-Dame à Montréal

Le matin du lundi 7 décembre 2020, vers 6 heures du matin, la police de Montréal s'en est violemment pris aux sans-abris pour les expulser du campement qu'ils avaient érigé sur la rue Notre-Dame, dans l'est de Montréal. En avril 2020, une dizaine de sans-abris ont commencé à ériger un campement de sans-abris dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve. Depuis juin, alors que les centres d'accueil temporaires qui les ont hébergés pendant la première vague de la pandémie COVID-19 fermaient les uns après les autres, et avec la 2e vague, le campement a grossi jusqu'à 300 tentes.

Tout au long de l'été et de l'automne, les occupants se sont organisés en collectif pour veiller les uns sur les autres en créant entre autres un espace cuisine et un espace d'échange. Chaque jour, ils recevaient l'appui des résidents sous forme de visites, de dons de matériel et de nourriture. Ils ont été actifs sur les réseaux sociaux pour faire connaître leurs revendications et montrer la façon dont ils s'organisaient quotidiennement pour distribuer le matériel et les dons selon les besoins des campeurs. Ils ont déclaré sur la place publique que la question posée et à résoudre est l'accessibilité à des logements décents sous toutes leurs formes, à des prix et des conditions sanitaires qui défendent la dignité humaine. Aux visiteurs et aux médias qui venaient les rencontrer, ils ont expliqué que les règlements entourant l'accès aux refuges  pas d'arrivée avant 20 h, interdiction d'avoir un compagnon ou une compagne dans sa chambre, départ obligatoire pour 6 h le matin, etc., ne sont pas des conditions acceptables pour personne. L'énorme appui qu'ils ont reçu des organisations et de la population démontre combien l'affirmation de la dignité humaine doit être défendue par des mesures sociales concrètes que tous les paliers de gouvernements doivent fournir.

Le matin du 7 décembre, des centaines de policiers ont établi un périmètre de « sécurité » autour des campeurs en utilisant menaces, arrestations et violence pour les expulser de force. « Mobiliser 250 policiers à cheval, en vélo, en voiture, avec des anti-émeutes et même un hélicoptère, c'était complètement démesuré. Ils ont même menacé les campeurs d'arrestation, en les obligeant à quitter. C'est inacceptable », a dit à la presse Marine Armengaud, du Comité BAILS, organisme de défense du droit au logement dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve. Traitant les sans-abris comme des criminels, les policiers ont interdit que les personnes-ressources de différentes organisations d'aide puissent entrer dans la zone d'expulsion pour donner leur support aux campeurs, ne serait-ce que pour les aider à rassembler leurs effets personnels. Sylvie Boivin, directrice de l'Anonyme, une autre organisation venant en aide aux sans-abris, a déclaré aux journalistes qu'« il est totalement inacceptable qu'on ait refusé l'accès au site aux intervenants qui offrent un soutien psychosocial aux campeurs depuis plusieurs mois dans ces moments difficiles. »

Le Service de sécurité incendie de Montréal a aussi participé au démantèlement du camp, le prétexte étant qu'une bougie avait déclenché un incendie dans une des tentes le samedi précédent. Les gens ont demandé que, si le but est d'assurer la sécurité de tous, comment le Service d'incendie et la Ville de Montréal peuvent-ils le faire en expulsant avec violence des personnes, leur causant de grands traumatismes. Qu'en est-il de leur revendication de la construction de logements abordables et sécuritaires? Les participants au campement ont été forcés d'observer leurs maigres possessions et leur tentes se faire jeter pêle-mêle dans des camions de collectes des ordures.

Valérie Plante, mairesse de Montréal a dit aux médias « [...] quand le Service des incendies a décidé que le site n'était plus sécuritaire, qu'il fallait évacuer, j'ai entériné cette décision avec le ministère des Transports. » Malgré le fait que la mairesse demande depuis longtemps que le gouvernement du Québec investisse les sommes nécessaires pour la construction de logements sociaux, ce sont les pouvoirs de police qui sont appelés pour criminaliser les personnes victimes d'une crise sociale du logement connue et reconnue depuis des années à Montréal, et ce, à moins de 48 heures de la Journée internationale des droits humains.

La même journée, des organisations de défense du droit au logement ont publié un communiqué dénonçant la répression et la criminalisation de ceux qui luttent pour vivre dans la dignité. Le recours aux pouvoirs de police au lieu d'un échange sérieux avec les sans-abris et intervenants qui ont l'expérience des besoins en logement et qui proposent des solutions depuis des années a été très justement dénoncé. Le communiqué souligne : « [...] L'itinérance a augmenté de 60 % à Montréal depuis le mois de mars 2020, selon les mots de la mairesse Valérie Plante. Cela fait des années que la Ville et les gouvernements surinvestissent dans des opérations policières et privilégient des solutions d'hébergement d'urgence plutôt que d'investir dans des solutions de long terme comme le logement social, il est grand temps que ça change. Nous avons des propositions concrètes et aimerions être enfin entendus. [...] Le RAPSIM, la TOMS et le Réseau de la communauté autochtone de Montréal, en soutien au Collectif On ne laisse personne derrière, interpellent la Ville de Montréal depuis des mois sur des solutions adaptées à apporter aux personnes présentes en campement, notamment une formation en prévention du feu par les pompiers et le développement d'installations sécuritaires. Les campements se multiplient sur l'île de Montréal et des réponses urgentes sont demandées. »

Montréal vit une crise du logement depuis des années. C'est un problème social qui exige une solution prosociale, pas l'intervention violente des forces policières. La Ville de Montréal et le gouvernement Legault doivent prendre leurs responsabilités sociales en prenant comme point de départ les revendications des sans-abris et des organisations qui se vouent à leur défense pour la réalisation du droit d'avoir un logement.

(Photos: FRAPRU, RAPSIM)


Cet article est paru dans

Numéro 65 - 4 août 2021

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