Numéro 60 - 23 juin 2021
Des attaques inacceptables contre les
travailleurs d'Exceldor et d'Olymel au Québec
Défendons la dignité et les droits des
travailleurs d'abattoir!
• Les
travailleurs d'Olymel et d'Exceldor exigent un
nouvel équilibre et refusent d'être considérés
comme des travailleurs sans droits -
Normand Chouinard
Des attaques inacceptables contre
les travailleurs d'Exceldor et
d'Olymel au Québec
En ce moment, les 1200 travailleurs de l'usine
d'abattage de porc d'Olymel de Vallée-Jonction en
Beauce sont en grève depuis le 28 avril dernier,
et les 600 travailleurs de l'usine d'abattage de
poulet d'Exceldor à Saint-Anselme dans la région
de Québec le sont depuis le 23 mai. Les
travailleurs de Vallée-Jonction signalent que
depuis 2015, plus de 1 800 travailleurs ont été
embauchés à Olymel Vallée-Jonction et près de 1
700 ont quitté leur emploi parce que les salaires
et les conditions de travail sont si mauvais. Les
travailleurs se battent pour des salaires qu'ils
considèrent comme acceptables et qui maintiendront
les travailleurs à l'usine. Plusieurs travailleurs
migrants sont aussi employés dans ces deux usines,
comme c'est le cas dans de nombreuses usines de
transformation de la viande au Canada.
Les
travailleurs d'Exceldor disent également que les
conditions de travail de l'usine sont
inacceptables, en particulier en ce qui a trait à
leur santé et à leur sécurité. Ils soulignent que
l'assurance collective est aussi un enjeu dans
leur grève, car elle leur offre un certain niveau
de protection financière lorsqu'un travailleur se
blesse ou tombe malade et doit s'absenter du
travail. Ces travailleurs ont nourri la population
dans un contexte de pandémie, souvent au risque de
leur santé et de leur vie. Leurs efforts pour
négocier une nouvelle convention collective et
leur grève montrent l'urgente nécessité d'avoir
des conditions de travail qui garantissent leur
sécurité et celle du public. L'expérience des
travailleurs de la transformation de la viande
partout au Canada montre à quel point faire
entendre la voix des travailleurs est essentiel
pour défendre leurs droits et défendre les vies et
que notre devoir est de les aider à briser le
silence sur leur situation et sur le pouvoir
dictatorial qui empêche toute amélioration de leur
situation.
Loin d'être le moindrement préoccupés pour ces
travailleurs, les gouvernements du Québec et du
Canada ne reconnaissent rien de ce que les
travailleurs disent et vivent. Le premier ministre
du Québec François Legault et son ministre du
Travail Jean Boulet ne peuvent pas prononcer un
mot sans parler de « pénurie de
main-d'oeuvre », qui selon eux est un des
principaux problèmes de l'économie, et pourtant
ils calomnient ces travailleurs qui cherchent à
s'attaquer à ce problème par leurs revendications
et leur grève.
Les gouvernements québécois et fédéral de même
que les médias ont décrété que le problème soulevé
par cette grève est le « gaspillage
alimentaire », c'est-à-dire l'euthanasie des
poulets qui ne peuvent pas être envoyés à
l'abattoir. Comment des gouvernements peuvent-ils
monter les poulets euthanasiés contre les êtres
humains ? Ils disent qu'ils se soucient des
poulets euthanasiés mais ils ne se soucient pas
des êtres humains. S'ils ne veulent pas des
poulets euthanasiés, qu'ils s'occupent des êtres
humains et il n'y aura pas de poulets euthanasiés.
Ce ne sont pas les travailleurs qui nuisent à
l'approvisionnement alimentaire. Ces travailleurs
ne sont pas considérés comme des personnes
humaines qui ont le droit même à des choses aussi
élémentaires que des salaires et des conditions de
vie acceptables, le droit à avoir l'esprit en paix
et qui ne sont même pas autorisés à s'exprimer en
luttant pour leurs revendications. Cela démontre
bien que la lutte de toute l'humanité aujourd'hui
est la lutte pour le droit d'être des êtres
humains. Sans cela, sans la dignité de tous les
êtres humain, parler de garantir des choses comme
l'approvisionnement alimentaire ou de combler
quelque besoin de la société que ce soit ne veut
rien dire.
Le gouvernement du Québec a demandé l'arbitrage
exécutoire pour le conflit à Exceldor, ce que les
travailleurs et le syndicat ont rejeté parce
qu'ils devraient mettre fin à leur grève et se
feraient imposer une entente non négociée. Le
premier ministre François Legault a dit : «
On ne devrait pas avoir le droit de gaspiller
aussi bêtement des quantités énormes de
nourriture. C'est indécent. » Il a demandé au
syndicat d'accepter l'arbitrage. Son ministre de
l'Agriculture, André Lamontagne, a lancé un appel
au « sens civique » des travailleurs et du
syndicat, ajoutant qu'ils ont une « responsabilité
morale » envers les Québécois. La ministre
fédérale de l'Agriculture Marie-Claude Bibeau a
dit : « Ça ne peut plus durer. Franchement,
c'est intolérable de laisser des animaux destinés
à l'alimentation être abattus pour aucun usage »,
exhortant le syndicat à accepter l'arbitrage.
Attaquer ceux et celles
qui produisent la richesse sociale et livrent les
services, qui nourrissent et protègent la
population, et tenter de tourner le peuple contre
eux, est criminel. Avoir recours aux pouvoirs de
prérogative des exécutifs gouvernementaux et aux
agences de l'État pour attaquer et réduire au
silence les travailleurs ne fait qu'aggraver les
problèmes. Nous l'avons vu clairement avec les
arrêtés ministériels qui ont été imposés aux
travailleurs de la santé et des services sociaux
au Québec depuis mars 2020. Ces mesures ont
accéléré le saccage du système de santé en
imposant des conditions intenables au personnel et
en tentant de les réduire au silence. La voix des
travailleurs est essentielle pour résoudre les
problèmes, défendre leurs droits et les droits de
tous et toutes et défendre les vies. C'est pour
cela que luttent les travailleurs d'Exceldor et
d'Olymel.
Forum ouvrier appelle tous les travailleurs à
multiplier nos efforts communs pour dénoncer les
attaques des gouvernements, des médias et d'autres
contre ces travailleurs en grève et tous les
travailleurs, en particulier les plus vulnérables
qui doivent se débrouiller seuls. La lutte des
travailleurs des abattoirs est une lutte pour les
droits et la dignité de tous.
- Normand Chouinard -
Les travailleurs en grève d'Olymel à
Vallée-Jonction se joignent aux grévistes
d'Exceldor
sur leur ligne de piquetage le 2 juin 2021
Les travailleurs de l'usine d'abattage de porc
d'Olymel de Vallée-Jonction en Beauce et les
travailleurs de l'usine d'abattage de poulet
d'Exceldor à Saint-Anselme dans la région de
Québec poursuivent leurs grèves. Les médias de
masse, le gouvernement et des organisations comme
l'Union des producteurs agricoles exercent des
pressions pour que ces grèves cessent, sans
traiter et se soucier des revendications des
travailleurs pour de meilleurs salaires et de
meilleures conditions de travail, notamment en ce
qui concerne leur santé et leur sécurité. Un
nouveau thème est apparu récemment pour augmenter
la pression, celui du gaspillage alimentaire causé
par les grèves parce que la rupture de la chaîne
d'abattage nécessite l'euthanasie de poulets et de
porcs sur les fermes où ils sont élevés.
Les médias monopolisés ont même parlé d'interdire
toute grève dans les usines d'abattage ou de les
restreindre fortement en déclarant que l'abattage
qui s'y fait est un service essentiel. Lorsque
l'animateur d'une émission de télévision a demandé
au ministre du Travail du gouvernement de la
Coalition Avenir Québec, Jean Boulet, si c'était
possible de déclarer l'abattage service essentiel,
celui-ci a dit que l'idée mérite d'être discutée
mais que l'état du droit du travail au Québec ne
le permet pas en ce moment. La catégorie de
services essentiels dans le droit du travail
s'applique uniquement aux services publics, a-t-il
dit. Il a ajouté que les entreprises peuvent
cependant plaider auprès du Tribunal administratif
du travail que leurs services s'apparentent à des
services essentiels et demander une décision du
tribunal pour restreindre la grève. Évidemment,
les gouvernements passent depuis longtemps des
lois spéciales de retour au travail contre les
travailleurs du secteur privé dans la
construction, dans le transport aérien et
ferroviaire et ailleurs et une loi spéciale de
retour au travail demeure toujours possible.
Les travailleurs d'Olymel et d'Exceldor ont
déclenché la grève parce que les conditions dans
l'industrie imposées par les monopoles privés sont
intenables. Une nouvelle direction est nécessaire
pour arriver à un nouvel équilibre tant pour les
travailleurs eux-mêmes que pour les producteurs
agricoles.
Restructuration antiouvrière de l'industrie au
début des années 2000
On doit se rappeler que les travailleurs de ces
deux usines se sont vu imposer depuis plusieurs
années des concessions salariales de près
de 20 % et que les travailleurs d'Olymel
ont été les victimes de grandes réorganisations de
la part de la compagnie au début des années 2000.
En 2006, Olymel s'en est pris aux
travailleurs de Vallée-Jonction avec l'aide du
gouvernement et de l'ancien premier ministre
Lucien Bouchard, qui agissait en tant que
médiateur. À l'époque, Olymel avait effectué une
grande restructuration de ses activités avec la
fermeture de plusieurs usines et des demandes de
concessions de la part des travailleurs. Elle
avait concentré ses plus grands efforts à sa plus
grande usine, celle de Vallée-Jonction, là où la
résistance ouvrière aux concessions était la plus
grande. En mettant en échec les travailleurs de
Vallée-Jonction cette année-là, elle a pu
poursuivre ses activités antiouvrières dans les
années qui ont suivi jusqu'à aujourd'hui. Cela lui
a permis de faire la pluie et le beau temps dans
l'industrie agroalimentaire au Québec et dans une
certaine mesure au Canada. Elle a connu une
croissance rapide par l'acquisition au prix de
plusieurs milliards de dollars d'entreprises
oeuvrant dans le même domaine notamment
l'entreprise Agromex et ses installations
agricoles au coût de plus de deux milliards, pour
ne nommer que celle-là. Ces acquisitions ont fait
d'Olymel une des plus grandes entreprises
agroalimentaires au Canada et un joueur
relativement majeur en Amérique du Nord avec
également l'acquisition d'entreprises en Ontario,
en Alberta et en Saskatchewan. Ce qu'on a appelé
le « modèle québécois » imposé par Olymel à
cette époque a inspiré beaucoup d'entreprises du
même genre qui voulaient en profiter pour établir
le même schéma. Exceldor en fait partie comme
beaucoup d'autres.
Ce « modèle québécois » comprend plusieurs
caractéristiques dont les principales sont :
1. Un contrôle étroit des salaires des
travailleurs dans les régions, soit par des
concessions ou par des augmentations de salaires
très faibles.
2. L'utilisation de main-d'oeuvre immigrante bon
marché recrutée par des agences dans les grandes
villes et transportée par autobus directement dans
les usines matin et soir et même sur les quarts de
nuit.
3. L'utilisation du programme des travailleurs
étrangers temporaires via des agences
internationales dont certaines appartiennent à ces
entreprises.
4. L'obtention de subventions de l'État comme la
récente subvention de 150 millions du
gouvernement québécois pour maintenir le siège
social d'Olymel au Québec.
5. Le développement d'un contrôle vertical de la
chaîne de production, de l'élevage jusqu'au
produit fini et finalement à la vente des produits
sur les marchés nationaux et internationaux.
Comme on le voit, ce « modèle québécois »
n'est rien d'autre que le copié-collé de ce qui
existe aux États-Unis et n'a rien à voir avec la
question de développer l'économie nationale sans
parler de bâtir un projet d'édification nationale.
Les grandes entreprises agroalimentaires ont
profité de ce système qui a créé de facto
plusieurs catégories de travailleurs dans le but
de les exploiter d'avantage et d'exproprier une
plus grande partie de la valeur nouvelle qu'ils
créent. La demande des travailleurs canadiens est
de garantir les droits de tous et toutes, peu
importe d'où proviennent les travailleurs et la
manière dont les monopoles vont les embaucher.
La lutte des travailleurs dans ces deux usines
est une lutte pour la vie, pour la vie de leur
région, de leur communauté, pour leur moyen de
subsistance et leur droit d'être. C'est une prise
de position catégorique contre le « modèle
québécois » d'exploitation de la classe
ouvrière qui divise les travailleurs et viole
leurs droits, et c'est également un appel à
l'unité de la classe ouvrière pour affirmer leur
droit à défendre leurs vies.
Les
travailleurs des usines de transformation des
aliments ont été les premières victimes de la
pandémie de la COVID-19 à cause des conditions de
travail dans les abattoirs et les usines de
transformation de la viande. Dès le départ ils se
sont battus pour défendre leur droit à la sécurité
et ensemble ils ont appris à s'organiser.
Maintenant, les paroles creuses des monopoles
selon lesquelles les travailleurs agroalimentaires
sont essentiels durant la pandémie ont fait place
aux attaques les plus brutales contre leurs
droits, notamment le droit de grève des
travailleurs.
Les appels à un retour au travail forcé des
travailleurs par une loi spéciale pour soi-disant
éviter le gaspillage alimentaire ou une pénurie
alimentaire sont inacceptables. Les travailleurs
défendent leurs droits et luttent pour une
industrie organisée pour répondre aux besoins du
peuple et non pour quelques intérêts privés en
quête d'un empire mondial.
Les producteurs de porc et de volaille qui
fournissent les animaux pour les abattoirs doivent
s'allier aux travailleurs industriels pour mettre
fin au contrôle de l'industrie par les oligopoles
qui se basent sur l'exploitation des travailleurs.
Cela comprend la traite d'êtres humains qui fait
partie des arrangements en place aujourd'hui dans
tous les secteurs agricoles. Les producteurs
doivent joindre leurs voix à la revendication de
garantir une autosuffisance alimentaire tout en
ayant un système qui garantit les droits de toutes
et tous dans l'ensemble de l'industrie
agroalimentaire.
Ce système impérialiste néolibéral est une
faillite totale et inhumaine. Les grèves des
travailleurs d'Olymel et d'Exceldor sont une lutte
pour les droits et la vie. Ces grèves ont lieu
dans le contexte d'une situation intenable à
laquelle font face les travailleurs de l'industrie
partout en Amérique du Nord. Cela montre la voie
vers l'avant pour une industrie agroalimentaire
indépendante des grands monopoles supranationaux
et indépendante des arrangements impérialistes et
du droit de monopole. Cette lutte est partie
intégrante du combat pour transformer la
situation. En défendant leurs droits, les
travailleurs défendent les droits de tous. Ces
travailleurs, qui ont bravé les pires conditions
de travail durant la pandémie, font preuve d'un
courage exemplaire qui exige notre appui
indéfectible.
Défendons les droits et la
lutte des travailleurs de Vallée-Jonction et
d'Exceldor !
(Photo: Stovj Vallée-Jonction)
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