Forum ouvrier

Numéro 53 - 4 juin 2021

Les travailleurs industriels et du secteur public tiennent une vigie devant l'Assemblée nationale au Québec

Les travailleurs s'expriment contre
le démantèlement du régime de santé et sécurité au travail

Ce que des participants ont dit à la vigie


Les travailleurs industriels et du secteur public tiennent une vigie devant l'Assemblée nationale au Québec

Les travailleurs s'expriment contre le démantèlement du régime de santé et sécurité au travail

Du 31 mai au matin au 2 juin à 17 h, soit pendant 59 heures, des centaines de travailleurs ont participé à une vigie devant l'Assemblée nationale à Québec pour empêcher l'adoption du projet de loi 59 du gouvernement du Québec, Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail. Dans les déclarations qu'ils ont faites pendant la vigie, ils ont tous rejeté le projet de loi comme étant inacceptable. Si le projet de loi était adopté, il réduirait dramatiquement l'accès aux traitements et aux indemnisations pour les travailleurs blessés ou devenus malades au travail afin de faire « épargner » aux employeurs plus de 4 milliards de dollars en dix ans. Le projet de loi donne aussi un pouvoir unilatéral aux employeurs en ce qui concerne la détermination des programmes de prévention et de santé, des heures consacrées à la prévention, du fonctionnement des comités mixtes de santé et sécurité et de nombreux autres aspects du régime.

Parmi les syndicats et les organisations de défense des travailleurs accidentés qui ont participé à la vigie, on compte le Syndicat des Métallos, l'Union des travailleuses et travailleurs accidentés ou malades (UTTAM), le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP-Québec), Unifor, le Syndicat de professionnelles et de professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ), l'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS), le Syndicat québécois des employées et employés de services (SQEES) et plusieurs autres. Les centrales syndicales comme la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), la Confédération des syndicats nationaux (CSN) et la Centrale des syndicats démocratiques (CSD) ont aussi assuré une présence régulière à la vigie.

Les travailleurs d'ArcelorMittal se joignent à la vigie contre le projet de loi 59, le 1er juin 2021.

Les travailleurs en grève d'Olymel à Vallée-Jonction participent à la vigie, le 2 juin 2021.

Le premier juin, environ 200 travailleurs en grève chez ArcelorMittal qui accèdent à la Côte-Nord par navette aérienne sont venus participer à la vigie. Le 2 juin, ce fut au tour d'environ 200 travailleurs d'Olymel en grève à Vallée-Jonction en Beauce de venir y participer. Les travailleurs ont clairement indiqué qu'un des aspects importants de leur grève est précisément les conditions de santé et sécurité aux endroits de travail, notamment le refus d'ArcelorMittal de faire les investissements nécessaires pour rendre sécuritaires les lieux et les équipements, et les demandes de concessions en santé et sécurité de la part d'Olymel. Ils ont déclaré qu'ils mènent la lutte contre le diktat de ces monopoles et que la situation ne ferait que s'aggraver avec l'adoption du projet de loi 59 qui renforce leur pouvoir au nom de la « modernisation ».

Les participants à la vigie ont passé beaucoup de temps à discuter avec les gens sur la rue et aussi avec les députés de l'Assemblée nationale, leur expliquant ce que fait le projet de loi et pourquoi il ne doit pas passer. Cela faisait suite à des semaines d'activités de la part d'activistes syndicaux qui ont parlé au téléphone ou tenu des rencontres virtuelles avec les députés de leur circonscription et de leur région pour leur présenter leur position et leur demander de prendre position contre le projet de loi et à la défense de la santé et de la sécurité des travailleurs.

Les mois d'actions et de mobilisation contre ce démantèlement du régime de santé et de sécurité ont fait en sorte qu'il est maintenant pratiquement impossible pour l'Assemblée nationale d'adopter le projet de loi avant son ajournement pour l'été prévu le 11 juin. Le projet de loi 59 modifie deux lois majeures, la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP) et la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST) et l'étude article par article du projet de loi par la Commission de l'économie et du travail n'a pas encore abordé les articles qui se rapportent à la LSST.

Les travailleurs ont appris le 1er juin que la Commission ne siégerait pas les 1er et 2 juin comme elle devait le faire. Le climat surréel dans lequel le gouvernement manoeuvre a bien été exprimé lors de la session du 31 mai pendant laquelle le ministre du Travail Jean Boulet a dit qu'il appréciait que tout le monde, supporters comme opposants au projet de loi, reconnaît la « légitimité » du projet de loi 59. Il a ajouté que si on arrivait à le convaincre que le projet de loi doit être amélioré, il le ferait ! Ceci, au moment où des centaines de travailleurs manifestaient non loin de là pour déclarer que son projet de loi va détruire des vies et est inacceptable de A à Z. 

Ces déclarations pathétiques, qui montrent que les ministres du gouvernement sont au service des intérêts privés étroits, en disent long sur le fossé qui existe entre ce qui est appelé l'autorité publique, qui exerce des pouvoirs de prérogative au nom des riches, et les travailleurs qui font le travail et font vivre l'économie. Les travailleurs ont le droit à des conditions salubres et sécuritaires et d'avoir tous les services dont ils ont besoin en ce qui conerne les traitements, la réadaptation, l'indemnisation et la formation professionnelle s'ils se blessent ou tombent malades au travail. Ces services doivent être payés par ceux qui achètent leur capacité de travailler.

Les options qui s'offrent au gouvernement alors que s'achève la session actuelle de l'Assemblée nationale, sont la continuation de l'étude article par article à la fin de l'été ou en septembre, l'invocation du bâillon pour forcer l'adoption du projet de loi, son retrait pur et simple ou son abandon en le laissant mourir au feuilleton.

Le gouvernement de la Coalition Avenir Québec ferait mieux d'y penser à deux fois avant d'invoquer le bâillon ou de reprendre l'étude article par article. Les actions collectives des travailleurs ne vont pas s'arrêter, à cause des vies qui sont en jeu. La mobilisation des derniers mois et l'action collective de la vigie les a rendus plus confiants et plus déterminés à avoir un impact en prenant la parole sur les changements à faire qui leur sont favorables et qui sont favorables à la société. Le projet de loi doit être retiré. Aucune réforme ne peut être faite au régime de santé et sécurité au travail sans que les travailleurs y aient un mot décisif à dire, sans qu'elle ne soit basée sur leurs revendications, leurs droits et leurs besoins.

Forum ouvrier appuie fermement les actions qu'entreprennent les travailleurs du Québec pour faire entendre leur voix et créer l'opinion publique pour empêcher l'adoption du projet de loi 59.

(Photos : CSN, FTQ)

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Ce que des participants ont dit à la vigie

Dominic Lemieux, directeur québécois des Métallos

Le premier jour de la vigie, le 31 mai, Dominic Lemieux a dit : « Le projet de loi 59 tel qu'il est doit être abandonné. Il faut le retravailler et revenir avec une nouvelle mouture, parce qu'il y a trop de choses qui ne fonctionnent pas avec ce projet de loi. »

Il a fait plusieurs déclarations pendant ces trois jours.

S'adressant à une journaliste du Soleil, le 1er juin, il a dit :

« La portion la plus importante du syndicalisme, c'est vraiment la sécurité et la santé des membres qu'on représente. Je sais ce que c'est. Nos grands-parents se faisaient tuer, plus de 200 mineurs mourraient chaque année. Maintenant, c'est un par année. Il ne faut pas arrêter les efforts de prévention. On veut les mêmes outils pour faire de la prévention dans l'ensemble des secteurs du Québec, ce n'est pas plus compliqué. C'est majeur. On parle de notre vie. »

Dans un communiqué du 1er juin du Syndicat des Métallos, il déclare :

« Le projet de loi 59 amène des reculs importants en prévention dans nos milieux de travail et des coupures dans l'indemnisation des travailleurs et travailleuses accidentés. S'il est adopté ainsi, des protections actuellement prévues dans la loi ne le seront plus et les syndicats devront négocier pour compenser dans les conventions collectives. C'est désastreux pour les non syndiqués et c'est une menace à la paix industrielle, puisqu'on risque d'avoir des conflits de travail sur des enjeux qui étaient auparavant réglés dans la loi. »

Appréciant la présence des travailleurs en grève d'ArcelorMittal à la vigie, il écrit dans le même communiqué : « Cela montre que la distance n'est pas une barrière à la solidarité, alors que les grévistes métallos viennent de partout. La communauté, la solidarité, c'est à travers les gens qu'elles vivent avant tout ».

Félix Lapan, porte-parole de l'Union des travailleuses et travailleurs accidentés ou malades (UTTAM)

Le premier matin de la vigie, le 31 mai, Félix Lapan a dit :

« Nous sommes ici devant l'Assemblée nationale avec des militantes et des militants du mouvement syndical pour 59 heures. Pour nous, comme pour les Métallos, cela ne passe pas. Ce projet de loi ne passe pas à cause des reculs en réparation, des reculs dans la reconnaissance des maladies professionnelles, des reculs au droit à l'assistance médicale, des reculs au droit à la réadaptation, un paquet de reculs à nos droits. On connaît la situation. On défend les victimes d'accidents et de maladies du travail. Ce projet de loi est inacceptable et on va se battre jusqu'au bout contre lui. »

Chantal Ide, vice-présidente du Conseil central métropolitain de la CSN

Le premier matin de la vigie, elle a dit :

« Nous sommes ici pour dénoncer ce projet de loi, pour démontrer que nous sommes toutes et tous unis derrière notre revendication d'avoir une loi en santé-sécurité qui nous protège vraiment. La santé et la sécurité des travailleuses et travailleurs ça ne se négocie pas. Il n'y a pas de concessions à faire de côté-là. On va tenir cette vigie pendant 59 heures, on va se battre jusqu'au bout pour obtenir une loi qui va vraiment protéger les travailleuses et les travailleurs du Québec.

Karine Sénéchal, présidente de la section locale 5778 du Syndicat
des Métallos

Karine Sénéchal représente les travailleurs et les travailleuses d'ArcelorMittal de la mine du Mont-Wright à Fermont, en grève depuis le 10 mai. Le complexe minier comprend un concentrateur où les travailleurs sont très préoccupés par le niveau de bruit et de poussière, notamment la poussière de silice, et le risque de contracter la silicose.

« On doit porter des équipements de protection respiratoire individuelle pour travailler au concentrateur parce que l'employeur n'a pas complété les travaux pour réduire les risques à la source. Imaginez si la loi devient moins exigeante pour les compagnies, ça va avoir un effet domino à la baisse encore plus », a-t-elle dit à la vigie.

Martin Maurice, président du Syndicat des travailleurs d'Olymel
Vallée-Jonction–CSN

Le syndicat représente les travailleurs d'Olymel à Vallée-Jonction, en grève depuis le 28 avril.

Après avoir manifesté dans les rues de Québec, les travailleurs se sont joints à la vigie le 2 juin, où le président du syndicat a dit :

« Dans le cadre de notre négociation, en plus des reculs qui touchent à nos conditions de travail, Olymel a également déposé des demandes de recul en matière de santé et sécurité du travail. À notre usine, nous suivons une cadence rapide, nous travaillons fort et pour nous qui faisons face à environ 400 accidents de travail chaque année, souvent des problèmes musculosquelettiques, nous sommes plus que préoccupés par les trous qu'il y a dans le projet de loi 59. Au fil du temps, nous avons réussi à négocier des avancées incluses dans notre convention collective visant à protéger les travailleuses et les travailleurs en cas d'accident et, actuellement, notre employeur et le gouvernement attaquent et veulent retirer les seuls outils qui nous permettent de nous occuper de celles et ceux qui sont victimes d'accidents de travail ».

(Photos : CSD, FTQ, ATTAAT)

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