Forum ouvrier

Numéro 47 - 21 mai 2021

Quatre travailleurs décèdent de la COVID-19
dans les
sables bitumineux de l'Alberta

Des éclosions inacceptables de COVID-19 dans les sites d'extraction des sables bitumineux

Les travailleurs des sables bitumineux parlent de leurs conditions


Quatre travailleurs décèdent de la COVID-19 dans les sables
bitumineux de l'Alberta

Des éclosions inacceptables de COVID-19 dans les sites d'extraction des sables bitumineux

La région de Wood Buffalo en Alberta où est situé Fort McMurray a été touchée par une augmentation rapide du nombre de personnes infectées par la COVID-19. Trois travailleurs sont décédés dans la plus grande éclosion, à la mine Canadian Natural Resources Ltd. (CNRL) et à l'usine de valorisation, à 70 km au nord de Fort McMurray. Un agent de sécurité de l'usine de base de Suncor est également décédé après avoir contracté la COVID-19. Forum ouvrier exprime ses profondes sympathies aux familles, aux amis et aux collègues de ces travailleurs décédés dans l'anonymat et aux personnes qui luttent pour leur vie.

http://www.pmlq.qc.ca/images/2016/LacMegantic/160710-Megantic/160710-LacMegantic-14.JPGCNRL et d'autres exploitations et sites d'extraction in situ de sables bitumineux connaissent des éclosions depuis de nombreux mois. Des cas ont commencé à se multiplier en avril après le début de la période d'entretien régulière connue sous le nom d'arrêts de maintenance. À elle seule, la période d'exécution des travaux d'entretien chez CNRL a mobilisé  au plus fort des activités une main-d'oeuvre de 5 000 travailleurs de plus que de la moyenne quotidienne normale. Il est récemment devenu public que 258 travailleurs ont été testés positifs entre octobre 2020 et le 1er mai, et 1169 travailleurs ont été testés positifs entre le 2 avril et le 13 mai, alors qu'au 13 mai 447 cas demeuraient actifs.

CNRL fait également face à des éclosions à ses sites de Jackfish et Albian. Il y a aussi des éclosions aux sites Imperial Oil Kearl Lake, MEG Energy Conklin, Suncor Firebag, Fort Hills et Mackay River, et chez Syncrude Aurora et Mildred Lake.

Le gouvernement de l'Alberta et les autorités sanitaires ont délibérément supprimé les informations sur les éclosions. Cela a été rendu possible en partie parce que les travailleurs qui font la navette sont inclus dans le décompte des cas dans leur ville ou région d'origine, de sorte que l'impact réel des flambées dans les camps et les lieux de travail est caché. La majorité des 10 000 travailleurs qui participent actuellement aux opérations d'entretien viennent de l'extérieur de la région de Wood Buffalo. Un grand nombre de travailleurs des sables bitumineux font également la navette, et certains sites sont strictement accessibles par avion où tous les travailleurs font la navette, travaillant des quarts de travail de 12 heures pendant 14 jours et rentrant ensuite chez eux pendant 14 jours.

Les services de santé de l'Alberta (AHS) ne se sont pas rendus sur le site de CNRL Horizon depuis mars malgré la crise et ont plutôt déclaré que « des contacts réguliers avec le site se poursuivent ». La Commission de la santé et de la sécurité au travail de l'Alberta est complètement silencieuse. CNRL a répondu aux rapports des travailleurs faisant état d'un manque de mesures sanitaires et de traitements appropriés pour les travailleurs qui sont en quarantaine ou qui ont besoin d'un traitement médical en disant qu'elle prend toutes les mesures nécessaires. Les Services de santé de l'Alberta ont poursuivi leur approche de « non-intervention », permettant à CNRL et aux autres monopoles des sables bitumineux de « s'autosurveiller ». La même approche a été adoptée avec Cargill l'année dernière, qui a été suivie d'une éclosion massive là-bas, puis d'importantes éclosions dans d'autres usines de transformation de viande de l'Alberta et maintenant dans les sables bitumineux. Les travailleurs de la production chez CNRL ne sont pas syndiqués. Les travailleurs mobilisés dans les arrêts de maintenance proviennent de différents métiers, non seulement de l'Alberta mais de tout le Canada et le Québec.

http://www.pmlq.qc.ca/images/Slogans/StopImpuniteCR.jpgLors de leur dernière visite sur place à Horizon en mars, les AHS ont noté qu'il était nécessaire de prendre des mesures de base telles que du désinfectant pour les mains en quantité suffisante, des contrôles supplémentaires pour permettre une distanciation physique et des produits de nettoyage supplémentaires disponibles dans les remorques.

Les services de santé déclarent également qu'ils ont fourni aux entreprises des sables bitumineux un grand nombre de tests rapides et propose désormais des cliniques de vaccination sur place dans les campements et les sites industriels de Wood Buffalo, où CNRL Horizon a été le premier site complété, selon un courriel envoyé à Global News. « Plus de 136 000 tests rapides ont été fournis à CNRL pour ses deux sites afin d'aider à détecter la COVID-19 et de protéger les travailleurs », ont déclaré les AHS. 

Le refus du gouvernement et des agences de santé d'assumer leur responsabilité sociale envers les travailleurs et leurs communautés a montré à quel point le gouvernement considère les travailleurs des sites industriels qu'il a jugés essentiels comme « sacrifiables ». Les travailleurs et d'autres personnes dénoncent le mépris des exploitants et du gouvernement à l'égard de leur santé et de celle de leurs familles et de leurs communautés.


Logements d'un campement de travail à un site d'extraction des sables bitumineux au nord de Fort McMurray. (Narwhal)

(Photos : FO, Narwhal)

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Les travailleurs des sables bitumineux
parlent de leurs conditions

Les travailleurs de Canadian Natural Resources Ltd. (CNRL), à la fois ceux qui font de la maintenance entre les périodes de production et les travailleurs de la production ainsi que leurs familles, prennent la parole sur des conditions de vie et de travail dangereuses et inacceptables qui les exposent à de graves dangers. En brisant le silence, ils démasquent les fraudes perpétrées par les entreprises, le gouvernement et les Services de santé de l'Alberta. Si les travailleurs ne prennent pas la parole, les gouvernements s'en tirent à bon compte alors qu'ils protègent les monopoles et les crimes qu'ils commettent aux dépens des travailleurs et de l'environnement social et naturel du Canada.

http://www.cpcml.ca/images2017/WorkersEconomy/PostOffice/File/160806-Montreal-Postiers-63cr.jpgLes Services de santé de l'Alberta n'ont pas visité le site de CNRL Horizon depuis le mois de mars. Les travailleurs soulèvent que les conditions sont les mêmes et pires encore que celles que les AHS ont identifiées en mars. Parmi ces conditions, il y a la distanciation physique inadéquate, les salles à dîner surpeuplées, les salles de bain partagées par au moins 50 travailleurs ce qui rend la désinfection impossible, et les autobus bondés qui vont du campement à l'endroit de travail.

« Dans les salles de bain, il n'y a même pas de désinfectant pour les mains », a dit un travailleur à CBC. « Je partage ma salle de bain et ma douche avec quelqu'un qui a la COVID, et chaque semaine j'ai été dans une salle à dîner avec 36 personnes dont 34 avaient eu un test positif à la COVID. »

Les travailleurs soulignent que des tests de dépistage hebdomadaires ne sont pas suffisants face à ce genre d'éclosion. En outre, des travailleurs ont dit à Forum ouvrier que le CNRL était responsable du traçage des contacts, mais que ni le CNRL ni les Services de santé de l'Alberta ne fournissaient les ressources humaines nécessaires pour faire ce traçage et que les travailleurs se sont fait dire qu'ils avaient été en contact étroit avec une personne infectée lorsque la période de quarantaine était presque terminée.

Les travailleurs parlent de comment ils ont été traités lorsqu'ils sont tombés malades, laissés à eux-mêmes dans des pièces de la taille d'un placard sur les « étages de confinement » du campement, sans soins médicaux adéquats, sans nourriture et sans paie. Des travailleurs infectés ont aussi été transportés dans des hôtels.

La conjointe d'un travailleur qui est maintenant dans une unité des soins intensifs à Edmonton a dit à Global News que son conjoint avait eu un test positif le 23 avril, à peu près un mois après son arrivée au chantier de CNRL Horizon à la fin de mars pour le travail de maintenance. « Cet emploi était important pour notre famille parce qu'à cause de la COVID-19 l'endroit de travail de mon conjoint a été fermé il y a presque un an », a-t-elle expliqué. Après avoir eu un test positif, il est resté dans le camp où il était en rotation de quarts de travail – 12 jours de travail, 2 jours de repos – et a commencé à ressentir des symptômes, après quoi il est devenu très malade. Pendant toute une semaine en confinement, il n'a eu aucune aide médicale. Lorsqu'il a lancé un appel à l'aide avec l'encouragement de sa famille, il a été évalué par un paramédic et immédiatement transporté à l'hôpital de Fort McMurray. Il est maintenant dans une unité de soins intensifs à Edmonton où son état demeure critique.

Les travailleurs déclarent qu'ils ne se sentent pas en sécurité, mais continuent tout de même de travailler parce qu'ils ont besoin de ce travail, la saison de la « maintenance » étant une source importante de travail pour un grand nombre de métiers. Le fait que ces oligarques mondiaux et les gouvernements qui les servent traitent les travailleurs, dont le dur labeur crée la richesse, comme quelque chose de sacrifiable est intolérable et doit être traité pour ce qu'il est, de la négligence criminelle. Lorsqu'ils prennent la parole, la discussion se développe et les travailleurs contribuent à briser la norme qui leur est imposée selon laquelle cette situation est acceptable. Il faut forcer les employeurs à assumer leur responsabilité envers les travailleurs qui deviennent malades aux endroits de travail et il faut forcer les gouvernements à assumer leur responsabilité envers les actions des employeurs. Les travailleurs ne sont pas sacrifiables. Ils doivent être payés lorsqu'ils deviennent malades ou perdent leur emploi de façon indépendante de leur volonté. Notre sécurité est dans la lutte pour défendre les vies de tous et de toutes ! C'est en luttant pour les droits de tous et de toutes qu'on défend les vies de tous et de toutes !

(Photo : FO)

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