Numéro 44 - 14 mai 2021
La situation à l'Université Laurentienne
Sudbury dit NON! au démantèlement de
l'Université Laurentienne par la LACC
- David Starbuck -
• Les
professeurs, les étudiants et la communauté
prennent la parole
La situation à l'Université
Laurentienne
- David Starbuck -
Les résidents de Sudbury sont furieux contre le
démantèlement de l'Université Laurentienne par
l'oligarchie financière au moyen de la Loi sur
les arrangements avec les créanciers des
compagnies (LACC). L'administration
laurentienne, qui avait déclaré faillite et
demandé le 1er février la protection contre
les créanciers en vertu de la LACC, a annoncé son
plan de restructuration le 12 avril, qui
annule 69 programmes (58 programmes de
premier cycle et 11 programmes d'études
supérieures) et met fin à l'emploi
d'environ 150 employés (du corps professoral
et du personnel).
Cela fait suite au démantèlement de la Fédération
Laurentienne avec les trois autres universités
nordiques et à l'annulation de tous les programmes
offerts par les universités fédérées. Cette
restructuration a décimé en particulier les
programmes de langue française, autochtones et de
la Faculté des arts.
Le 2 mai, le juge
Geoffrey Morawetz de la Cour supérieure de
l'Ontario a approuvé la restructuration de
l'université, y compris la fin de la Fédération.
L'avocat de la Laurentienne, D.J. Miller, a
soutenu que la Laurentienne devait conserver
les 7,7 millions de dollars en subventions et
en financement, qu'elle verserait normalement aux
partenaires fédérés, afin de rassurer son prêteur
et de se qualifier pour un autre prêt de 10
millions de dollars. Dans sa décision, le juge a
approuvé le plan de restructuration de la
Laurentienne et approuvé le nouveau prêt
de 10 millions de dollars qui permet à
l'université de continuer à fonctionner « à l'abri
des créanciers » jusqu'au 31 août.
Un grand nombre de ceux qui ont été licenciés ont
officiellement perdu leur emploi à midi le 30
avril. Des rassemblements en voitures ont été
organisés ce jour-là à Sudbury ainsi qu'à Toronto,
Ottawa, Kingston et Kitchener-Waterloo pour
protester contre le démantèlement de l'Université
Laurentienne, le sous-financement chronique de
l'enseignement secondaire et le refus du premier
ministre Doug Ford et de son gouvernement de
défendre l'éducation publique en Ontario, de
fournir un financement d'urgence à la Laurentienne
et d'arrêter les procédures de la LACC.
Plus tôt dans le mois,
le 16 avril, un rassemblement de protestation
de quatre heures qui a observé la distanciation
physique, a eu lieu près de la résidence du
président de la Laurentienne. Environ deux cents
personnes étaient présentes à différents moments
de la journée et il y avait un concert de klaxons
de voitures en appui. L'événement était organisé
par des étudiantes dans le programme en
sages-femmes de la Laurentienne qui a été annulé.
Il était l'un des trois programmes de sages-femmes
en Ontario et le seul programme de sages-femmes
bilingue au Canada. L'annulation du programme de
sages-femmes, sous prétexte de faibles
inscriptions, est particulièrement choquant, car
le programme comptait trois cents demandes pour
trente places dans le programme et les coûts du
programme étaient entièrement couverts par les
frais de scolarité et les subventions
provinciales.
Sudbury et la communauté laurentienne sont
également choqués par l'étendue et l'ampleur des
annulations de programmes : des programmes en
sciences de l'environnement où la Laurentienne est
un chef de file mondial dans la réhabilitation des
terres contaminées par les processus industriels;
son programme de physique qui a joué un rôle
déterminant dans le développement de
l'Observatoire des neutrinos de Sudbury (SNOLAB)
dont le directeur, Arthur McDonald (Ph.D.) a
remporté le prix Nobel de physique en 2015. Les
programmes de philosophie et de sciences
politiques sont disparus, même chose pour les
programmes en génie et en soins infirmiers de
langue française. Les coupures ne sont pas non
plus limitées aux programmes académiques.
L'Université a également supprimé les programmes
de hockey et de natation universitaires. Le Club
de natation de la Laurentienne a remporté deux
médailles d'or olympiques pour le Canada
en 1984.
Les étudiants et les
professeurs de la Laurentienne ont révélé
l'insensibilité avec laquelle le processus de la
LACC est mis en oeuvre à la Laurentienne par
l'administration universitaire et l'oligarchie
financière. Normalement, lorsque les
établissements d'enseignement annulent des
programmes, les programmes demeurent offerts sous
une forme ou une autre aux étudiants déjà
inscrits. En vertu de la LACC, ce n'est pas le cas
à la Laurentienne. Les étudiants ont été
abandonnés à leur sort. On a dit aux étudiantes du
programme de sages-femmes de passer aux soins
infirmiers. Les étudiants en sciences politiques
ont été invités à suivre des études
interdisciplinaires. Les étudiants ne croient pas
que ces options leur permettent de poursuivre les
études auxquelles ils se sont consacrés.
Les professeurs ont montré comment ils ont été
acculés au mur pour qu'ils acceptent les
conditions de la restructuration financière de la
Laurentienne en vertu de la LACC. Les employés
licenciés ont été informés par des réunions Zoom
obligatoires, une procédure que le corps
professoral jugeait dégradante et insultante.
Le Sénat a eu quatre heures pour approuver le
plan de restructuration, à huis clos, sans aucune
possibilité de consulter ses collègues, sous la
menace que si le Sénat n'approuvait pas le plan de
restructuration de la LACC, l'Université
Laurentienne cesserait d'exister à la fin du mois
d'avril.
Le lendemain, l'Association des professeures et
des professeurs de l'Université Laurentienne
(LUFA) s'est vu remettre une nouvelle convention
collective avec une réduction de 5 % de
la rémunération et des autres avantages, y compris
l'indemnité de départ pour les employés licenciés.
Ils ont eu douze heures pour l'accepter sous la
menace que l'Université tout entière cesserait
d'exister s'ils refusaient.
La situation à la
Laurentienne a retenu l'attention nationale. C'est
la première fois que la LACC est utilisée pour un
établissement d'enseignement postsecondaire
public. Si l'oligarchie financière réussit à
détruire la Laurentienne au moyen du processus de
la LACC, elle pourra faire la même chose pour
n'importe quelle institution du secteur
public : créer une crise, proclamer la
faillite, faire une demande à la LACC et réécrire
toutes les relations sociales, économiques et
politiques en faveur de l'oligarchie financière.
Le 15 avril, un débat d'urgence sur la
situation à l'Université Laurentienne a eu lieu à
la Chambre des communes, mais aucune solution n'a
été proposée et le 19 avril, Paul Lefebvre,
député libéral de Sudbury, a annoncé qu'il n'y
aurait pas d'aide financière fédérale pour la
Laurentienne.
La communauté laurentienne a reçu des messages de
soutien et d'opposition au démantèlement de
l'Université Laurentienne sous la LACC de la part
de syndicats, d'organisations de professeurs,
d'organismes communautaires et de particuliers de
partout au Canada. Deux personnes qui avaient reçu
des doctorats honorifiques de la Laurentienne ont
retourné ces diplômes en signe de protestation. Le
chancelier de l'Université Laurentienne a
démissionné en signe de protestation.
Sudbury, le Nord de l'Ontario et la communauté
laurentienne ont mis de l'avant plusieurs
revendications face au processus de la LACC à
l'Université Laurentienne :
1) que les procédures de la LACC à l'Université
Laurentienne soient arrêtées immédiatement;
2) que le gouvernement de l'Ontario fournisse à
l'Université Laurentienne des fonds suffisants
pour qu'elle fonctionne, en maintenant toutes les
offres de programmes existants; pendant que
3) Sudbury, le Nord de l'Ontario et la communauté
laurentienne examinent les programmes, les
opérations, les structures organisationnelles et
les finances de l'Université Laurentienne sur une
période de deux ou trois ans dans le but de bâtir
une université qui sert les intérêts et les
besoins de toute la communauté; et que
4) le gouvernement de l'Ontario fournisse le
financement nécessaire pour faire fonctionner
l'Université Laurentienne en tant qu'institution
bilingue et triculturelle de façon continue.
Arrêtez les procédures de la
LACC ! Financez l'Université Laurentienne!
Les étudiants, les professeurs, les membres de
la communauté et plusieurs représentants des
étudiants et du corps professoral prennent la
parole contre le recours à la LACC pour
restructurer l'Université Laurentienne sur le dos
des professeurs, des étudiants et de la communauté
et détruire les programmes d'études qui servent
les besoins uniques des communautés nordiques.
Forum ouvrier reproduit ci-dessous
quelques-unes de ces prises de position :
Le Conseil des Métis de Sudbury
Lettre ouverte en appui au legs des fondateurs
des Études autochtones à l'Université
Laurentienne
Cher Dr Haché,
Au nom du Conseil de Sudbury de la Nation métisse
de l'Ontario, nous exhortons l'Université
Laurentienne à préserver le corps professoral du
département des Études autochtones de l'Université
de Sudbury.
Le rôle de la communauté et des relations dans
les épistémologies autochtones ne peut être
sous-estimé. Les contextes et les lignées du
transfert et de la transmission du savoir sont
essentielles aux approches autochtones de la
compréhension du monde. Avec son expertise dans
cette discipline, sans oublier ses langues et ses
discours, la faculté d'Études autochtones telle
qu'elle existe joue un rôle unique pour perpétuer
l'héritage qui forme ses racines, l'héritage de
certains des aînés, gardiens des savoirs et
protecteurs autochtones de l'eau et de la terre
les plus respectés de l'île de la Tortue.
Les citoyens métis inscrits à ce programme nous
ont informés de l'arrangement qu'envisage
l'Université Laurentienne de se défaire du corps
professoral des Études autochtones, mais de
conserver les titres et les dollars du
gouvernement fédéral qui y sont associés.
Mettre en oeuvre ce plan est un acte de violence
qui extirpe du programme son coeur même, soit ceux
qui l'ont façonné. Cet arrangement sous-estime les
Études autochtones en tant que discipline
distincte comprenant l'apprentissage et
l'expertise et démontre du mépris envers les
épistémologies et les conceptions du monde
autochtones, et mine notre confiance en tant que
peuple autochtone dans la capacité de l'université
de décoloniser l'éducation de nos étudiants.
Dans cet esprit, et en appui aux étudiants, le
Conseil des Métis de Sudbury exhorte l'université
à maintenir le corps professoral ainsi que le
programme. Agir autrement serait une grave perte
et un important recul pour le travail de la
réconciliation.
Cordialement,
Maurice Sarrazin, président du Conseil des
Métis de Sudbury
Kirsten McPherson, secrétaire du Conseil
des Métis de Sudbury
Kristen Lavallée, titulaire d'un baccalauréat en
travail social autochtone
Après avoir fait part de son expérience, qui est
celle d'un grand nombre d'étudiants d'être privés
par l'université de ce dont ils ont besoin pour
compléter leurs cours, elle soulève la question
plus large en ce qui concerne ce qui est fait du
programme des Études autochtones :
« L'administration actuelle de l'Université
Laurentienne tente d'accaparer les savoirs des
gardiens du savoir autochtones qui ont créé le
programme des Études autochtones à l'Université de
Sudbury. C'est une tentative d'apaiser les
étudiants souhaitant le développement des savoirs
dans une perspective autochtone à l'Université
Laurentienne.
La dissolution des fédérations, la détérioration
des savoirs et l'imposition du silence aux
étudiants constituent des efforts
coloniaux. »
Dieter K. Buse, Ph. D. (Histoire) professeur
émérite du département d'histoire de l'Université
Laurentienne
« Hier, l'Université Laurentienne est passée
d'une université au service de la communauté à une
université au service de l'industrie. Je signale
qu'une administration incompétente et non
représentative et des cadres dirigeants négligents
ont changé la nature fondamentale de l'éducation
supérieure locale d'une institution au service de
la communauté en une institution qui sert
étroitement l'industrie. Le collège technique qui
sera créé n'aura pas l'équilibre nécessaire pour
avoir une réputation d'excellence. »
Reuben Roth, coordonnateur congédié du Programme
d'études
sur les endroits de travail et le travail
En réponse à la question d'un étudiant dans un
forum sur Facebook à savoir si le tribunal de la
LACC pourrait proposer une alternative à la
proposition de restructuration de Robert
Haché:
« La détresse des étudiants ne les attendrira
pas, ce sont des avocats et des juges du monde des
affaires. Les tireurs de précision comme l'avocat
D.J. Miller ont bâti une carrière d'un quart de
siècle en ayant recours aux lois de la faillite et
de l'insolvabilité pour démanteler des compagnies
et les vendre pour quelques sous. Ils ont
couramment mis fin aux régimes de retraite des
travailleurs, déchiré leurs conventions
collectives et enrichi leurs clients aux dépens
des employés qui n'ont jamais été dans des
positions de pouvoir. C'est ce qu'ils font et ils
sont bien payés pour ce qu'ils font.
« En outre, ils ont détruit la vie des familles
de ces employés, bien avant que mes étudiants ne
voient le jour. Il faut tirer la leçon :
n'espérez pas de la sympathie de la part de
sociopathes. [...]
« Le sauvetage d'Air Canada par le gouvernement
fédéral pourrait sauver l'Université
Laurentienne 677 fois. Ce n'est pas une
blague. Les universités meurent pendant que les
entreprises sont renflouées par les gouvernements.
« Pour ce qui est de cette loi, la Loi sur
les arrangements avec les créanciers des
compagnies, il faut l'abroger ou la
réformer. Que ce soit dans le secteur public ou le
secteur privé, elle est responsable d'avoir
détruit la vie de familles ouvrières depuis des
décennies. »
La Fédération canadienne des étudiantes et
étudiants – Ontario
Voici un extrait d'une déclaration intitulée «
Des promesses non tenues et des compressions
dévastatrices pour les étudiants de l'Université
Laurentienne » :
« L'administration et le gouvernement provincial
ont recours à ce mécanisme pour éviter toute
supervision et consultation qui mobilisent les
étudiants, les professeurs et le public en général
tout en imposant un processus autoritaire de
restructuration alors que les gens touchés font
face à la contrainte et des échéanciers
inadéquats. Kayla Weiler, la représentante
exécutive nationale de la Fédération canadienne
des étudiantes et étudiants – Ontario,
souligne :
'Il est inacceptable que les étudiants, qui ont
tant investi dans leur éducation, subissent les
conséquences de difficultés financières engendrées
par des décisions administratives irresponsables
et l'érosion du financement de l'université
publique. La crise créée de toutes pièces à
l'Université Laurentienne pourrait aisément être
éradiquée par le gouvernement de l'Ontario. Le
budget de 2021 est le troisième budget de
suite qui réduit le financement de l'enseignement
postsecondaire. Il est grand temps d'investir dans
tous les étudiants peu importe où ils vivent en
Ontario.' »
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