Forum ouvrier

Numéro 43 - 12 mai 2021

Négociations dans le secteur public au Québec

Les syndicats rejettent la position inacceptable du gouvernement

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Le point de référence impérialiste du premier ministre du Québec
François Legault
- K.C. Adams


Négociations dans le secteur public au Québec

Les syndicats rejettent la position inacceptable
du gouvernement


Piquetage devant l'Assemblée nationale le 6 mai 2021

Peu après leur rencontre, le 2 mai, avec le premier ministre du Québec, François Legault, et la présidente du Conseil du trésor, Sonia Lebel, plusieurs dirigeants syndicaux du secteur public qui représentent 550 000 travailleurs et travailleuses ont tenu une conférence de presse où ils ont déclaré que la rencontre n'avait pas été organisée pour résoudre le problème de faire progresser les négociations. Ils ont dit que c'était une opération de relations publiques de la part du gouvernement pour diviser les travailleurs et dresser le public contre eux.

Les dirigeants syndicaux ont réfuté l'affirmation du gouvernement qu'il a présenté une offre de 8 % d'augmentation salariale sur trois ans. En fait, le gouvernement offre 5 % sur trois ans et un 3% additionnel en montant forfaitaire qui n'augmente pas les salaires et ne contribue pas aux régimes de retraite, ce qui n'a rien à voir avec une augmentation de salaire. Ils ont dénoncé la tactique de diviser pour régner du gouvernement par des offres différenciées selon les différents secteurs d'emploi. Ils ont dit que les travailleurs du secteur public forment un tout, un collectif qui travaille ensemble à chaque jour pour fournir les services à la population et que chacun d'entre eux est important.

Les dirigeants syndicaux ont réitéré que la crise d'attraction et de rétention dans les services publics est grave et ne peut être résolue que par l'augmentation des salaires et l'amélioration des conditions de travail de chacun. Ils ont souligné qu'avec des offres aussi insuffisantes, il n'est pas possible de rebâtir les services publics qui ont été saccagés par plus de trente années de coupures et de privatisation et que ce n'est donc pas possible de se préparer pour la prochaine crise. Finalement, ils ont dit que si le gouvernement désire réellement une résolution rapide comme il le dit, il doit donner à ses négociateurs un véritable mandat de négocier pour que des discussions sérieuses se tiennent entre les syndicats et le gouvernement et abordent les justes revendications des travailleurs du secteur public.

Le premier ministre Legault et la présidente du Conseil du trésor ont tenu eux aussi une conférence de presse quelques heures après la rencontre avec les dirigeants syndicaux. Il est apparu clairement que le premier ministre savait très bien que les syndicats allaient rejeter son offre et que son objectif était de tenter de dresser la population contre les travailleurs et les travailleuses du secteur public. François Legault y est allé du mantra néolibéral usé à la corde que la pandémie a créé une situation budgétaire très difficile pour le Québec, rendant le retour à l'équilibre budgétaire dans un proche avenir très difficile. Il a déclaré qu'en tant que « gestionnaire de l'argent des contribuables », il serait impensable pour lui d'offrir plus parce que cela nécessiterait d'augmenter les impôts, ce qu'il se refuse à faire.

Alors que les Québécois reconnaissent la valeur immense pour l'économie que créent les travailleurs et les travailleuses du secteur public, le gouvernement Legault refuse de reconnaître la réclamation que les travailleurs et les travailleuses du secteur public font à la valeur qu'ils créent. Le gouvernement n'a aucune intention de prendre ses responsabilités envers leur bien-être ou celui des services publics ou même de tenir une discussion publique sur comment financer les services publics. Les paroles faciles au sujet de défendre les intérêts des soi-disant contribuables ne peuvent pas masquer que son gouvernement s'attaque à ceux qui livrent les services lorsqu'il met en péril les services et ceux qui les livrent.

Avec son « offre », le gouvernement nie aussi la réalité de la crise profonde qui affecte les services publics, notamment le problème d'attraction et de rétention de la main-d'oeuvre, le problème d'une intense pénurie de main-d'oeuvre dans les services, largement causée par le refus d'offrir des salaires et des conditions de travail que les travailleurs trouvent acceptables. L'exode du personnel des services publics, que ce soit par le changement de carrière, le recours à la retraite anticipée ou la migration vers les agences privées de main-d'oeuvre, est devenu un enjeu critique pour les travailleurs, les services et la population. Des lits sont fermés dans les hôpitaux alors qu'on en a tellement besoin à cause du manque de personnel, largement dû à cet exode. Le gouvernement cherche délibérément à satisfaire les agences privées, ce qui a aggravé la crise causée par l'offensive antisociale. C'est vraiment criminel de sa part, et c'est précisément ce problème auquel les employés du secteur public essaient de s'attaquer en revendiquant de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail.

La tentative du premier ministre de dresser le public contre les employés du secteur public est pitoyable. Il a dit qu'il a été très patient jusqu'ici avec les travailleurs du secteur public, que sa patience commence à s'effriter et qu'il s'attend à une résolution des négociations d'ici quelques semaines. Il faut mettre les négociations « derrière nous », a-t-il dit, ce qui est vraiment malhonnête quand on sait que c'est le gouvernement qui refuse de négocier de bonne foi. Ses paroles sont perçues comme une menace de nouvelles attaques, y compris d'une loi pour décréter les salaires et les conditions de travail des employés du secteur public. Cela s'ajouterait aux arrêtés ministériels qui existent déjà dans la santé et les services sociaux qui permettent de déclarer nulles et non avenues les conventions collectives du secteur et de changer unilatéralement les conditions de travail.

Tous ne vont pas tarder à voir ce que fait François Legault avec les « impôts du peuple », soit de payer les agences privées par le biais de contrats lucratifs pour fournir de la main-d'oeuvre pour occuper les emplois du secteur public.

(Photos: APTS, J. F. Couto)

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Le point de référence impérialiste du
premier ministre du Québec François Legault

Les travailleurs du secteur public revendiquent des salaires et des conditions de travail qui leur sont acceptables, et non sur la base du point de référence de François Legault.

Le premier ministre François Legault a pris la parole lors d'une conférence de presse le 2 mai au sujet des négociations pour les conventions collectives des infirmières, des enseignants, des travailleurs en soins pour personnes âgées et les autres employés du secteur public du Québec. Il a utilisé sa plateforme de chef du gouvernement non pas pour négocier de bonne foi avec les dirigeants syndicaux des collectifs des travailleurs, mais pour exprimer son opinion en tant que représentant de l'élite néolibérale qui mène l'offensive antisociale. Il a dit : « On est au bout de notre capacité de payer [...]. Alors lorsque les chefs syndicaux disent 'Nous voulons plus d'argent', eh bien, nous n'avons pas plus d'argent. » Faisant référence aux discussions entourant les conventions collectives des travailleurs du secteur public qui languissent depuis un an, il a réitéré sa position antiouvrière en disant : « Je pense que c'était important de le dire clairement aux chefs syndicaux : même si vous continuez pendant six mois, pendant un an, il n'y aura pas plus d'argent sur la table. »

Pas d'argent dans le trésor public est le refrain constant et le point de référence du gouvernement du Québec, avec la promesse de ne pas augmenter les impôts. À partir d'une réalité fantaisiste inventée dans son cerveau, François Legault demande aux travailleurs du secteur public de renoncer à leurs revendications d'augmentations de salaire et de conditions de travail acceptables pour eux-mêmes et à ce qu'ils jugent nécessaire pour maintenir des services publics dynamiques dont le peuple, l'économie et la société ont besoin.

Le point de référence de Legault ne correspond pas à la réalité

En échange de la vente de leur capacité de travail, les travailleurs du secteur public revendiquent la valeur individuelle et sociale reproduite qu'ils produisent avec leur travail. Les salaires et les conditions de travail qu'ils jugent nécessaires de recevoir proviennent de la nouvelle valeur qu'ils produisent en tant que travailleurs productifs dans les secteurs sociaux de l'éducation, des soins de santé, des soins de longue durée et ailleurs. Ils ne revendiquent pas des salaires et des conditions de travail qui sont payés par les impôts mais à même une partie de la nouvelle valeur qu'ils produisent.

La valeur qu'ils produisent doit être réalisée (payée) dans un échange approprié avec ces entreprises de l'économie qui la consomment et en tirent un profit. Le gouvernement a la responsabilité sociale de s'assurer que cela se produise. Le gouvernement, en tant qu'employeur et acheteur de la capacité de travail des travailleurs, a autorité sur la valeur que produisent les travailleurs du secteur public. Le devoir du gouvernement dans cette situation est de s'assurer que la valeur produite par les travailleurs du secteur public se réalise dans l'économie québécoise et canadienne en général. La valeur sociale que les travailleurs produisent existe matériellement et ne s'évapore pas dans les airs, mais elle est consommée partout au Québec et au-delà comme valeur produite socialement. Sans la production et la consommation de cette valeur produite socialement, l'économie et en fait la société ne pourraient pas fonctionner ou même exister. Alors qu'arrive-t-il à cette valeur produite socialement ? Où est-elle allée et pourquoi une partie réalisée de celle-ci n'est-elle pas disponible pour répondre aux justes revendications des travailleurs qui l'ont produite ?

Le point de référence de François Legault de ne pas avoir d'argent dans le trésor public nous donne une idée d'où est allée la valeur produite socialement. L'argent du trésor public provient principalement des impôts prélevés individuellement des travailleurs. L'argent n'est pas venu sous forme de paiement, en échange avec les entreprises privées et publiques de l'économie, de la valeur socialement produite qu'elles consomment. Elles refusent de le faire. Elles refusent de payer (réaliser) la valeur que les travailleurs du secteur public produisent bien qu'elles en bénéficient et la consomment régulièrement par le biais des travailleurs qu'elles emploient et par d'autres moyens, et ne pourraient pas fonctionner ou survivre sans elle.

La valeur socialement produite se trouve dans les travailleurs instruits et en bonne santé qui vendent leur capacité de travailler aux employeurs, et dans la reproduction et le maintien des travailleurs et des autres personnes de la naissance à la mort. La valeur existe tout autant que la valeur de l'électricité existe pour alimenter et répondre aux besoins des entreprises privées et publiques dans l'ensemble de l'économie. Les travailleurs d'Hydro-Québec réclament une partie de la nouvelle valeur qu'ils produisent lorsque l'électricité est réalisée par les entreprises qui la consomment. Le gouvernement ne peut pas prétendre faussement que ses coffres sont vides et qu'il ne peut pas payer aux travailleurs d'Hydro-Québec ce qu'ils jugent nécessaire. La valeur que produisent les travailleurs d'Hydro-Québec est promptement consommée et réalisée dans l'économie aux yeux de tous. Eh bien, la classe ouvrière peut également voir que la valeur sociale produite par les travailleurs de l'éducation, de la santé et des autres travailleurs du secteur public est également promptement consommée, sinon l'économie et la société s'effondreraient !

Le point de référence farfelu de François Legault a été concocté au fil des ans en tant que stratagème pour payer les riches afin que les grandes entreprises, les oligopoles et les élites qui ont usurpé le pouvoir exploitent les travailleurs du secteur public. Elles le font en expropriant la nouvelle valeur produite par les travailleurs du secteur public non pas directement en les employant et en expropriant la valeur ajoutée qu'ils produisent sous forme de profit, mais en volant la valeur produite socialement en refusant de la payer dans un échange approprié.

http://cpcml.ca/francais/Images2016/Slogans/150802-Montreal-HarperMontreal-12cr.jpgLes travailleurs du secteur public et les autres travailleurs n'acceptent pas le point de référence de François Legault et ne sont pas d'humeur à permettre qu'il soit utilisé comme une matraque pour attaquer leurs justes revendications et leurs réclamations à la nouvelle valeur qu'ils produisent. Le gouvernement doit respecter leurs justes revendications et trouver une méthode permettant de réaliser adéquatement et intégralement la valeur sociale que les travailleurs du secteur public produisent. Une partie de l'argent perçu en échange de leur valeur produite socialement devrait être consacrée aux salaires. Leurs salaires ne devraient pas venir de l'augmentation des impôts que le peuple paie. Ils doivent venir d'un échange approprié avec les entreprises qui consomment la valeur que les travailleurs produisent et sans laquelle elles ne pourraient pas exister. En plus, il faut forcer les gouvernements à arrêter de conclure des contrats de services publics avec des agences privatisées qui fournissent de la main-d'oeuvre avec des frais élevés pour elles-mêmes. Si le gouvernement payait des salaires adéquats et cessait d'être socialement irresponsable en ce qui concerne les conditions de travail et arrêtait d'imposer des lois qui décrètent des heures de travail impossibles, les problèmes actuels ne seraient pas une cause d'inquiétude. Organiser une telle chose est la responsabilité du gouvernement. La classe ouvrière prend la parole et demande ce qui revient de droit à elle-même et à la société.

Les travailleurs rejettent le point de référence néolibéral, antipeuple, antisocial et antinational de François Legault ! Qu'il y ait beaucoup d'argent dans le trésor public provenant des impôts ou qu'il y en ait peu ne change pas le fait que les travailleurs du secteur public ont une réclamation légitime à la nouvelle valeur qu'ils produisent. Le gouvernement du Québec doit satisfaire les revendications des travailleurs du secteur public pour des salaires et des conditions de travail qui leur sont acceptables ! Ils produisent la valeur; ils ont droit à leur réclamation à la valeur qu'ils produisent !

(Photos : FO, FIQ)

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