Numéro 40 - 4 mai 2021
Les travailleurs du transport prennent la
parole
Organiser pour obtenir des résultats
qui favorisent les intérêts
des travailleurs et de la société
• Les
camionneurs persistent à bâtir les organisations
dont ils ont besoin pour défendre leurs droits
- Normand Chouinard
• Garder les travailleurs
et la société en sécurité et défendre les droits
des travailleurs - Rob Ashton
Les travailleurs du transport
prennent la parole
- Normand Chouinard -
Normand Chouinard est un camionneur du
secteur du commerce au détail.
Quand on parle du camionnage au
Canada et de la vie des camionneurs, on parle à la
fois du camionnage à l'intérieur du Canada et du
camionnage transfrontalier. Ce qui ressort le plus
de la vie au travail des camionneurs depuis le
début de la pandémie est qu'ils s'organisent pour
se donner une voix collective. Ils n'ont cessé
d'affirmer que leur sécurité doit être garantie
pour que la chaîne d'approvisionnement soit
garantie. Ils ont immédiatement exigé que les
normes sanitaires de base soient présentes partout
et que des arrangements sécuritaires et
nécessaires à l'exécution de leur travail soient
établis tout le long des réseaux routiers, autant
dans les points de service privés que dans les
haltes routières publiques. Ils ont même émis des
demandes auprès de leur entreprise respective pour
que les fournisseurs, les expéditeurs ainsi que
les clients respectent les mesures sanitaires
mises en place par la santé publique.
Dès le premier confinement en
avril/mai 2020, une pression énorme reposait
sur les épaules des travailleurs du transport pour
acheminer la marchandise coûte que coûte, sans que
des mesures ne soient prises pour les protéger. La
résistance des routiers a fait en sorte que les
changements ont été relativement rapides et que
des aménagements ont été réalisés et des mesures
sanitaires ont été prises.
Entre autres choses, durant la dernière année, les
différentes communautés de camionneurs ont
travaillé très fort pour construire des
organisations de défense. Ce fut particulièrement
le cas aux États-Unis où des actions ont eu lieu
partout et où les camionneurs se sont fait
entendre lors de rassemblements devant les
capitoles des différents États dont celui qui a
duré près de 20 jours devant la
Maison-Blanche. Pendant ces vingt jours, ils se
sont organisés pour satisfaire tous leurs besoins
en nourriture et en mesures sanitaires, ont
organisé des discussions de rue et plusieurs
autres activités. La situation est semblable au
Québec et au Canada. Les camionneurs intensifient
leur mouvement pour créer les organisations dont
ils ont besoin pour garantir leur sécurité, en
dépit des difficultés causées par la
pandémie.
Bien que les gouvernements aient adopté certaines
mesures de sécurité pour les camionneurs, la
réalité est que les camionneurs ont fait face à
l'augmentation de leurs cadences de travail pour
répondre à la demande d'une consommation de masse
qui fluctuait énormément. Les camionneurs ne
connaissent pas de stabilité en ce qui concerne le
rythme de leur travail. Au contraire, la pression
pour réaliser n'importe quel horaire de livraison
que dictent les compagnies a été plus forte que
jamais. Les camionneurs n'ont droit à aucun repos
réel. Maintenant, aux États-Unis, au nom des
causes humanitaires de Biden, toute la
réglementation normale concernant les charges et
les heures de travail admissibles peut être mise
de côté. Cette situation dans les deux pays a créé
des conditions de travail très dangereuses qui ont
mené à plusieurs accidents de travail et accidents
de la route.
Les camionneurs américains rassemblés devant la
Maison-Blanche, le 1er mai 2020, pour une action
qui a duré près de 20 jours
Pour ces raisons, la Journée de commémoration
du 28 avril au Canada a revêtu cette année un
caractère particulier. Les camionneurs ont
commémoré leurs disparus, leurs blessés et tous
ceux et celles qui, durant cette dernière année
très difficile marquée par la pandémie, ont pris
leurs responsabilités de garantir
l'approvisionnement constant de biens pour leur
communauté tout en luttant sans relâche pour leur
sécurité. Entre autres événements, ces
commémorations ont compris un événement en ligne
organisé par l'organisme à but non lucratif
Syndrome post-traumatique chez les camionneurs
(SSPT) qui a tenu une session virtuelle le Premier
Mai. Des organisations syndicales, tant nationales
que locales, ont également souligné la Journée de
commémoration.
La Journée de commémoration et le Premier Mai
cette année ont été l'occasion de réaffirmer les
revendications principales des camionneurs qui
sont l'amélioration sans compromis de leurs
conditions de travail par la participation directe
des travailleurs du transport à la modernisation
de la Loi sur les transports au Canada et
l'amélioration de toutes les conditions dans
l'industrie du transport. Cela inclut le droit
d'avoir leur mot à dire sur l'établissement et la
mise en oeuvre des réglementations mais, chose
encore plus importante, leur droit inhérent de
définir la direction des lois et des règlements
qui les concernent, ce qui comprend garantir leur
propre sécurité.
(Photos: FO, FTQ, C. Lee)
- Rob Ashton -
Les débardeurs de Colombie-Britannique expriment
leur solidarité avec les débardeurs
de Montréal, le 27 avril 2021.
Rob Ashton est le président du Syndicat
international des débardeurs et magasiniers.
Nous avons assez bien réussi à maintenir la
COVID-19 loin des quais. Dans l'industrie du
débardage, nous avons pu, de mars à mars,
maintenir la situation à environ 140 cas
positifs ou présumés sur un total
de 7 000 personnes. Nous avons de très
bons protocoles en place sur les quais que nous
avons élaborés au cours de la dernière année, la
plupart élaborés conjointement, certains par les
sections locales des syndicats. Chaque section
locale a ses propres protocoles avec les
employeurs. Si nos cas se mettent à augmenter, si
quelqu'un est testé positif, l'éclosion est
rapidement tuée dans l'oeuf grâce aux politiques
que nous avons mises en place. Nous avons changé
la façon dont nous procédons pour la répartition
des affectations dans quelques sections locales
jusqu'à ce que la pandémie soit terminée, car nous
ne pouvons pas maintenant tous venir au même
endroit pour l'attribution des tâches, de sorte
que certaines sections locales se sont tournées
vers une répartition automatisée ou par téléphone.
Tout le monde s'enregistre au début du quart de
travail. Il y a des équipes de nettoyage sur la
plupart des sites, presque à chaque quart de
travail, selon le terminal.
Maintenant, avec les vaccins, le gouvernement
provincial offre la vaccination dans différents
endroits de travail, et il a oublié nos gens qui
travaillent sur les quais, amènent les navires,
font la répartition des pilotes des navires,
travaillent dans les terminaux céréaliers, tous
ceux qui sont associés à l'industrie du transport.
Lorsque nous négocions et qu'il pourrait y avoir
une grève ou un lockout, le gouvernement s'énerve
qu'il y ait une perte d'un demi-milliard de
dollars par jour et il dit « Oh mon Dieu, la
fermeture, nous ne pouvons pas les laisser faire
ça », mais quand il est question de vacciner,
que peut-être il y aura des fermetures dues à la
COVID-19, ils nous ont oubliés. Dans l'industrie
du débardage, si 15 personnes qui occupent
des emplois clés dans l'industrie tombent malades
avec la COVID-19, un terminal entier pourrait être
fermé. Nous avons rédigé quelques lettres et en
avons corédigé aussi quelques-unes avec le port de
Vancouver et nos employeurs. Ces lettres sont
jusqu'à présent restées sans réponse du
gouvernement. Cela cause beaucoup de stress à nos
membres. Chaque jour, vous vivez avec une bombe à
retardement. Tout le monde dans notre industrie
connaît les ramifications d'une éclosion, mais
ceux qui sont au pouvoir et ceux qui dirigent
l'administration des vaccins ne le comprennent
pas. Tous les travailleurs qui veulent le vaccin
devraient l'obtenir, les employés des épiceries,
les personnes dans les services d'urgence, les
travailleurs de la santé et toutes les personnes
qui font tourner l'économie, dans l'industrie des
transports, les chauffeurs d'autobus, les
chauffeurs de taxi.
À propos de la situation à
Montréal : les travailleurs luttent pour une
meilleure conciliation travail/famille. À l'heure
actuelle, un débardeur à Montréal est obligé de
travailler 17 à 19 jours d'affilée sans avoir
le droit de prendre un congé. Imaginez ce que cela
fait à une famille. Les travailleurs ne voient pas
leur famille pendant des jours, ne peuvent pas se
rendre à des rendez-vous médicaux. S'ils ne
travaillent pas, ils peuvent être frappés de
mesures disciplinaires. Ce que dit l'employeur,
c'est qu'ils n'ont pas le droit de se plaindre
parce que le salaire est bon. C'est bien beau mais
ils veulent une vie aussi. Ils luttent pour ce que
les syndicats revendiquent depuis toujours, huit
heures de travail, huit heures de loisirs et huit
heures de repos.
Ils ont commencé à faire du piquetage les fins de
semaine parce que les employeurs continuaient de
jouer avec leurs horaires et de prendre des
mesures disciplinaires contre eux. Si
l'Association des employeurs maritimes (AEM) avait
simplement accepté de négocier l'année dernière,
rien de tout cela ne se serait produit. Ils
doivent se défendre et la seule façon de le faire
dans les négociations contractuelles est de
retirer leur travail, ce qui est un droit protégé
par la Charte. À l'heure actuelle, l'employeur n'a
rien à faire, il peut simplement s'asseoir pendant
que le gouvernement intervient et impose une
convention collective. La première année où ils
ont négocié, ils sont allés au conseil fédéral du
travail, le Conseil canadien des relations
industrielles (CCRI), parce que l'employeur disait
qu'ils n'avaient pas le droit de faire la grève
parce qu'ils étaient essentiels pour que tout
continue de fonctionner. Le CCRI a jugé qu'ils ne
sont pas essentiels, que l'employeur a eu tort.
Cela a pris un an. Il n'y a pas eu de négociation
pendant ce temps-là, et maintenant, l'employeur ne
négocie toujours pas et il attise les flammes en
ajustant les règles de travail, ce qui oblige le
syndicat à réagir. Maintenant, le gouvernement a
pratiquement neutralisé le syndicat avec cette
loi. Il existe des liens très étroits entre le
gouvernement libéral et l'AEM
L'avocat de l'employeur dans cette audience
devant le CCRI était Nicola Di Iorio, l'ancien
député libéral de Saint-Léonard-Saint-Michel au
Québec d'octobre 2015 à janvier 2019. Il
travaillait comme conseiller à l'AEM en 2018
alors qu'ils tentaient de nier le droit de grève
des travailleurs.
L'AEM fait la même chose que certains hôtels en
Colombie-Britannique, profitant de la situation de
la pandémie pour maltraiter les travailleurs. Ils
profitent certainement de la situation, tout comme
le gouvernement canadien. À l'heure actuelle, le
gouvernement fédéral tente d'introduire une
nouvelle réglementation sur la sécurité. Le
gouvernement nous a dit récemment qu'il
envisageait peut-être de modifier la
réglementation qu'il applique sur les
vérifications des antécédents en matière de
sécurité auxquelles il soumet certains de nos
travailleurs, ceux qui travaillent avec les
navires de croisière et pour certains emplois dans
les terminaux à conteneurs. Maintenant, ils
veulent que chaque travailleur qui oeuvre dans des
installations de manutention de fret maritime soit
soumis à une vérification approfondie de ses
antécédents et nous leur demandons pourquoi. Rien
n'indique que nous ayons été informés que les
débardeurs représentent un risque pour la
sécurité. Ils nous traitent comme des criminels.
Lors d'une récente réunion, j'ai demandé au
gouvernement : « Faites-vous cela en ce
moment parce que nous ne pouvons prétendument pas
descendre dans la rue à cause de la
pandémie ? Essayez-vous de nous enlever notre
voix ? Vous ne l'avez pas fait au cours des
20 dernières années et vous avez choisi cette
année pour le faire ? C'est bien commode que
nous ne puissions pas descendre dans la rue et
fermer des villes ou prendre l'avion pour aller
parler aux députés. » Ils ont juste haussé
les épaules.
C'est un autre combat que nous devons mener.
Le SIDM souligne la Journée de commémoration à
Vancouver le 28 avril 2021. Le SIDM a déclaré à
cette occasion que pour garantir la sécurité au
travail, il faut plus que jamais écouter la voix
des travailleurs et mettre en oeuvre leurs
demandes.
(Pour voir les articles
individuellement, cliquer sur le titre de
l'article.)
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