Forum ouvrier

Numéro 36 - 29 avril 2021

Organiser pour obtenir des résultats

Les travailleurs du secteur de l'accueil et des postes prennent la parole

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Les revendications des travailleurs du secteur de l'accueil et des travailleurs de soutien dans les campements de travail en Colombie-Britannique - Stephanie Fung
Organiser les postiers à la défense des droits - Roland Schmidt


S'organiser pour obtenir des résultats

Les revendications des travailleurs du secteur de l'accueil et des travailleurs de soutien dans les campements de travail en Colombie-Britannique

Stephanie Fung est spécialiste en communications à la section locale 40 de UNITE HERE en Colombie-Britannique. La section locale 40 de UNITE HERE représente les travailleurs du secteur de l'accueil, des hôtels, des aéroports et des restaurants, et les travailleurs d'entretien et des services alimentaires dans certains campements de travail de l'industrie des ressources en Colombie-Britannique.

La pandémie a dévasté l'industrie de l'hôtellerie et je pense que cela a eu un grand impact sur ces travailleurs, notamment leur santé mentale et leurs conditions de santé et de sécurité au travail.

Ces travailleurs oeuvrent en première ligne. Dans les campements de travail, nous avons des concierges, des serveurs et des préposés au ménage qui nettoient des surfaces qui sont sans cesse touchées dans les hôtels et les campements. Les impacts sont nombreux.

La santé mentale des travailleurs est durement affectée en raison de leurs incertitudes pour leur sécurité d'emploi. Les travailleurs d'hôtel ont été mis à pied lorsque la pandémie a frappé et ils connaissent bien cette insécurité. Ils se demandent s'ils auront toujours un emploi lorsque la pandémie prendra fin, et certains employeurs congédient des groupes de travailleurs et exercent une pression sur eux pour réduire les salaires et se débarrasser des protections de leurs conditions de travail qu'ils ont gagnées au cours des années.

Ceux qui travaillent s'inquiètent de comment se protéger, sans savoir vraiment si les employeurs feront preuve de transparence et vont les informer s'il y a des infections à l'endroit de travail. C'était une grande préoccupation pour les concierges au campement de LNG Canada parce qu'au début ils n'étaient pas informés et ne recevaient pas l'ÉPI adéquat pour se protéger. Ils sont devenus membres du syndicat l'été dernier et viennent de compléter une première convention collective. Ce qui manquait au début, c'était l'ÉPI – gants, masques, lunettes – soit qu'il n'y en avait pas suffisamment ou qu'il était inadéquat. Les autres préoccupations touchaient la charge de travail, le fait de devoir travailler de longues heures, le manque de pauses. Lorsque vous portez autant de matériel et que vous devez vous empresser pour accomplir le travail, les risques d'être infecté sont augmentés. Le manque d'équipement et les charges de travail impossibles mettent les travailleurs à risque. Ils ont organisé dans la communauté et sur les médias sociaux pour appuyer leurs revendications et ont connu du succès. En plus des travailleurs qui vivent dans les villages près des campements, des travailleurs arrivent au camp de loin, par transport aérien – par exemple de l'Alberta et du nord de la Colombie-Britannique. Ainsi, en plus des problèmes de sécurité au travail, ils doivent voyager par avion ou prendre l'autobus avec d'autres pour se rendre aux campements où, au début, les compagnies n'assuraient pas la distanciation sociale, la désinfection des autobus, etc.

À Vancouver, les gestionnaires de l'hôtel Hilton Metrotown ont mis les travailleurs en lockout le 15 avril. L'hôtel Pacific Gateway et le Sheraton près de l'aéroport servent de lieux de quarantaine en vertu de contrats avec le gouvernement fédéral. Tous les travailleurs de Pacific Gateway – dont plusieurs y travaillent depuis des décennies – ont été remplacés par des travailleurs fournis par la Croix-Rouge. Les employeurs utilisent la pandémie comme prétexte pour se débarrasser de travailleurs qui sont là depuis longtemps et réduire au minimum les salaires et les conditions de travail. C'est incroyablement illogique. La pandémie tue des gens et des hôtels comme Hilton Metrotown veulent éliminer les travailleurs qui nettoient l'hôtel, y compris les chambres, alors que nous avons besoin de plus de nettoyage, pas moins, ainsi que de gens qui ont la formation requise. La situation devrait inquiéter les clients et le public. Les hôtels devraient conserver le personnel afin de protéger les gens qui viennent à l'hôtel. Ils tentent plutôt de se débarrasser de leurs travailleurs d'expérience et de les remplacer par des travailleurs moins coûteux. Les hôtels devraient maintenir des protocoles de COVID-19 extrêmement élevés et, plutôt que de les éliminer, veiller à ce qu'il y ait des travailleurs qui font bien leur travail de nettoyage des hôtels.

Pour ce qui est de la responsabilité du gouvernement provincial, le ministre du Travail de la Colombie-Britannique Harry Bains a dit l'automne dernier que le gouvernement ne s'en mêlerait pas, que les choses devaient se régler entre employeurs et employés. Les travailleurs continuent toujours de parler à leurs députés et jouissent de l'appui de plusieurs politiciens municipaux qui condamnent les actions de l'hôtel et exigent que les emplois des travailleurs soient protégés. Nous n'arrêtons pas d'exercer de la pression sur les politiciens pour que la loi soit amendée afin de protéger tous les travailleurs dans ces circonstances exceptionnelles. Le gouvernement doit intervenir pour protéger les emplois des travailleurs – de tous les travailleurs – et empêcher que les employeurs se servent de la pandémie comme prétexte pour congédier les travailleurs.

(Photos : FO, STTP, Section locale 40 de UNITE HERE)

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Organiser les postiers à la défense des droits

Roland Schmidt est le président de la section locale d'Edmonton du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes.

Notre situation est très semblable à celle d'autres secteurs importants comme la santé, en ce sens qu'il y a eu un manque de leadership de la part du gouvernement ou de ses agences. Ils ont été lents à mettre en place les mesures de sécurité nécessaires, surtout au début de la pandémie, et très lents à prendre l'engagement que « Voici le protocole qui doit être en vigueur, voici l'ÉPI qui doit être fourni. »

http://www.cpcml.ca/images2019/WorkersEconomy/Construction/File/180621-MTL-Grutiers-05.jpgNotre expérience à Edmonton est qu'aussitôt que la pandémie a été annoncée, notre bureau local s'est mis à discuter avec Postes Canada et a soulevé que « c'est sérieux ce qui se passe, quels sont vos plans immédiats ? » Postes Canada n'a pas manqué de dire que la situation était sérieuse et qu'ils s'engageaient à faire quelque chose. Mais à chaque fois que nous faisions une proposition spécifique, comme modifier les heures d'ouverture et créer plusieurs quarts de travail pour faire en sorte qu'il y ait moins de monde en même temps dans l'endroit de travail, ils répondaient : « D'accord, mais nous ne sommes pas certains de ce que nous pensons de cette initiative. Nous allons devoir étudier vos propositions et nous vous en reparlerons. » Deux semaines plus tard, ils étaient toujours en train d'étudier la proposition, mais il s'agissait d'une crise. Il fallait entreprendre une action spécifique. Nous en sommes arrivés au point où nous avions toute une liste de protocoles que nous voulions mettre en place : des heures d'ouverture échelonnées, la création de quarts de travail additionnels, une formation en distanciation physique, des trousses sanitaires pour que chaque personne puisse avoir sa propre trousse pour nettoyer son poste de travail et ensuite jeter les matériaux utilisés pour le nettoyage, et l'ÉPI dont nous avions besoin, dont des gants et des masques.

Nous avons soumis la liste à la mi-avril, je pense, et nous avons dit : « Vous avez jusqu'au mois de mai pour la mettre en oeuvre. ». Dans notre convention collective, nous avons le droit de refuser un travail dangereux, et notre clause est un peu plus robuste que ce qu'on trouve dans le Code canadien du travail. Alors nous avons dit : « Il faut mettre ces mesures en oeuvre avant telle date ou nos membres nous ont dit qu'ils sont prêts à refuser, en masse, de faire un travail dangereux. » C'est ce qu'il a fallu pour que l'employeur décide enfin d'agir, et puis très rapidement, après des tergiversations de presque un mois après que nous ayons présenté notre revendication et exprimé notre volonté de la défendre. Voilà que tout à coup ces changements se sont produits dans l'espace d'une fin de semaine. Au début de la semaine suivante, nous avions obtenu tout ce que nous demandions. C'est notre expérience générale – le gouvernement et les patrons tentent toujours de trouver des façons de venir au secours de leurs copains du monde des affaires, et s'ils peuvent intimider les travailleurs ou se traîner les pieds pour ne pas avoir à adopter des mesures plus robustes, ils le feront.

C'est définitivement une situation où « aboyer » ne suffit pas, il faut « mordre » si nous voulons que les mesures soient mises en oeuvre. Tout le travail organisationnel que nous avions fait l'année avant la pandémie a donné des résultats lorsque la pandémie a frappé. Il y a donc un lien avec la question plus large à savoir comment s'organiser pour que les organisations des travailleurs prennent en main leurs affaires.

http://cpcml.ca/francais/Images2018/Slogans/NotreSecurite.jpgLe militantisme ou la capacité d'organiser n'est pas quelque chose qui se produit tout à coup, vous devez vraiment bâtir votre capacité d'avoir un impact et notre section locale était bien préparée. Nous avions un nouvel exécutif, et nous étions très conscients que le syndicalisme basé sur la formulation de griefs avant tout ne fonctionne pas, qu'il est très axé sur l'individu, et qu'il laisse nos membres dans l'obscurité. Nous avons été dynamiques et avons fait des visites sur le plancher et dit aux membres que « le syndicat est fort seulement lorsque les membres s'impliquent ». Nous avons dit « voici un cours de formation d'activistes », et nous avons essayé d'obtenir qu'au moins 10 % des travailleurs de chaque établissement suive le cours. Avec ce cours, nous avons bâti un réseau d'activistes qui savaient comment affronter directement la direction au sujet de problèmes, que ce soit des questions de sécurité qui étaient présentes avant la pandémie, l'intimidation de la part des patrons, et autres choses du genre.

Ainsi, lorsque la pandémie a frappé, nous avions déjà cette expérience, cette formation et cette confiance qui nous ont donné la force d'aller voir Postes Canada et de dire : « Nous avons déjà eu des confrontations avec vous sur des questions passablement moins importantes. Nous sommes en pandémie. Voici nos demandes. Voici ce que nous sommes prêts à faire. » Et ils savaient que nous étions sérieux. C'est le travail réalisé avant la pandémie qui a été décisif. Postes Canada a accepté nos demandes. Nous ne pouvons affirmer avec certitude ce qui serait arrivé sans les mesures que nous avons proposées. Nous savons par contre que si nous avons eu des cas individuels de COVID-19 parmi nos membres, nous n'avons eu aucune propagation dans notre centre ou dans nos dépôts.

La pandémie nous a posé le défi de comment mieux faire pour libérer le potentiel qui existe au coeur du mouvement ouvrier. Par exemple, la pandémie a clairement montré la nécessité que tous les travailleurs aient des congés de maladie payés, et il faut que le mouvement ouvrier soit plus puissant pour les obtenir, qu'il soit en mesure de se mobiliser pour gagner ces mesures en ces temps tout à fait exceptionnels. Comme me l'a dit un ancien président : « Faites toujours confiance aux membres ».

(Photos : FO)

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