Organiser les postiers à la défense des droits
- Roland Schmidt -
Roland Schmidt est le président de la
section locale d'Edmonton du Syndicat des
travailleurs et travailleuses des postes.
Notre situation est très semblable à celle
d'autres secteurs importants comme la santé, en ce
sens qu'il y a eu un manque de leadership de la
part du gouvernement ou de ses agences. Ils ont
été lents à mettre en place les mesures de
sécurité nécessaires, surtout au début de la
pandémie, et très lents à prendre l'engagement que
« Voici le protocole qui doit être en vigueur,
voici l'ÉPI qui doit être fourni. »
Notre
expérience à Edmonton est qu'aussitôt que la
pandémie a été annoncée, notre bureau local s'est
mis à discuter avec Postes Canada et a soulevé que
« c'est sérieux ce qui se passe, quels sont vos
plans immédiats ? » Postes Canada n'a
pas manqué de dire que la situation était sérieuse
et qu'ils s'engageaient à faire quelque chose.
Mais à chaque fois que nous faisions une
proposition spécifique, comme modifier les heures
d'ouverture et créer plusieurs quarts de travail
pour faire en sorte qu'il y ait moins de monde en
même temps dans l'endroit de travail, ils
répondaient : « D'accord, mais nous ne sommes
pas certains de ce que nous pensons de cette
initiative. Nous allons devoir étudier vos
propositions et nous vous en reparlerons. »
Deux semaines plus tard, ils étaient toujours en
train d'étudier la proposition, mais il s'agissait
d'une crise. Il fallait entreprendre une action
spécifique. Nous en sommes arrivés au point où
nous avions toute une liste de protocoles que nous
voulions mettre en place : des heures
d'ouverture échelonnées, la création de quarts de
travail additionnels, une formation en
distanciation physique, des trousses sanitaires
pour que chaque personne puisse avoir sa propre
trousse pour nettoyer son poste de travail et
ensuite jeter les matériaux utilisés pour le
nettoyage, et l'ÉPI dont nous avions besoin, dont
des gants et des masques.
Nous avons soumis la liste à la mi-avril, je
pense, et nous avons dit : « Vous avez
jusqu'au mois de mai pour la mettre en
oeuvre. ». Dans notre convention collective,
nous avons le droit de refuser un travail
dangereux, et notre clause est un peu plus robuste
que ce qu'on trouve dans le Code canadien du
travail. Alors nous avons dit : « Il
faut mettre ces mesures en oeuvre avant telle date
ou nos membres nous ont dit qu'ils sont prêts à
refuser, en masse, de faire un travail
dangereux. » C'est ce qu'il a fallu pour que
l'employeur décide enfin d'agir, et puis très
rapidement, après des tergiversations de presque
un mois après que nous ayons présenté notre
revendication et exprimé notre volonté de la
défendre. Voilà que tout à coup ces changements se
sont produits dans l'espace d'une fin de semaine.
Au début de la semaine suivante, nous avions
obtenu tout ce que nous demandions. C'est notre
expérience générale – le gouvernement et les
patrons tentent toujours de trouver des façons de
venir au secours de leurs copains du monde des
affaires, et s'ils peuvent intimider les
travailleurs ou se traîner les pieds pour ne pas
avoir à adopter des mesures plus robustes, ils le
feront.
C'est définitivement une situation où «
aboyer » ne suffit pas, il faut «
mordre » si nous voulons que les mesures
soient mises en oeuvre. Tout le travail
organisationnel que nous avions fait l'année avant
la pandémie a donné des résultats lorsque la
pandémie a frappé. Il y a donc un lien avec la
question plus large à savoir comment
s'organiser pour que les organisations des
travailleurs prennent en main leurs affaires.
Le
militantisme ou la capacité d'organiser n'est pas
quelque chose qui se produit tout à coup, vous
devez vraiment bâtir votre capacité d'avoir un
impact et notre section locale était bien
préparée. Nous avions un nouvel exécutif, et nous
étions très conscients que le syndicalisme basé
sur la formulation de griefs avant tout ne
fonctionne pas, qu'il est très axé sur l'individu,
et qu'il laisse nos membres dans l'obscurité. Nous
avons été dynamiques et avons fait des visites sur
le plancher et dit aux membres que « le syndicat
est fort seulement lorsque les membres
s'impliquent ». Nous avons dit « voici un
cours de formation d'activistes », et nous
avons essayé d'obtenir qu'au moins 10 %
des travailleurs de chaque établissement suive le
cours. Avec ce cours, nous avons bâti un réseau
d'activistes qui savaient comment affronter
directement la direction au sujet de problèmes,
que ce soit des questions de sécurité qui étaient
présentes avant la pandémie, l'intimidation de la
part des patrons, et autres choses du genre.
Ainsi, lorsque la pandémie a frappé, nous avions
déjà cette expérience, cette formation et cette
confiance qui nous ont donné la force d'aller voir
Postes Canada et de dire : « Nous avons déjà
eu des confrontations avec vous sur des questions
passablement moins importantes. Nous sommes en
pandémie. Voici nos demandes. Voici ce que nous
sommes prêts à faire. » Et ils savaient que
nous étions sérieux. C'est le travail réalisé
avant la pandémie qui a été décisif. Postes Canada
a accepté nos demandes. Nous ne pouvons affirmer
avec certitude ce qui serait arrivé sans les
mesures que nous avons proposées. Nous savons par
contre que si nous avons eu des cas individuels de
COVID-19 parmi nos membres, nous n'avons eu aucune
propagation dans notre centre ou dans nos dépôts.
La pandémie nous a posé le défi de comment mieux
faire pour libérer le potentiel qui existe au
coeur du mouvement ouvrier. Par exemple, la
pandémie a clairement montré la nécessité que tous
les travailleurs aient des congés de maladie
payés, et il faut que le mouvement ouvrier soit
plus puissant pour les obtenir, qu'il soit en
mesure de se mobiliser pour gagner ces mesures en
ces temps tout à fait exceptionnels. Comme me l'a
dit un ancien président : « Faites toujours
confiance aux membres ».
Cet article est paru dans
Numéro 36 - 29 avril 2021
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