Numéro 121 - 17 décembre 2021
Québec
Les travailleurs de la santé
réclament de vraies solutions et la fin des décrets ministériels
États-Unis
• Les travailleurs de la santé réclament du gouvernement des normes fédérales assurant des conditions sécuritaires
À l'échelle mondiale
• Des millions de personnes exigent que les pays
riches cessent de bloquer les dérogations aux brevets pour les vaccins
contre la COVID
• Note aux lecteurs
Québec
Les syndicats de la santé du Québec s'élèvent contre les
modifications annoncées par le ministre de la Santé, Christian Dubé, à
l'arrêté ministériel qui accorde des primes temporaires aux
professionnels de la santé, affirmant qu'elles « ratent la cible ».
Dans un communiqué publié le 26 novembre sur le site du Syndicat
québécois
des employées et employés de services (SQEES) au nom des syndicats de la
santé du Québec, on peut lire que « ces aménagements montrent que le
gouvernement n'entend pas le message de mettre fin à la gestion par
arrêtés et d'implanter les solutions mises de l'avant par les
organisations syndicales qui sont au diapason avec les besoins du
réseau. En outre, elles rappellent que jamais elles ne négocieront un
arrêté ministériel ».
L'arrêté
ministériel a été émis le 16 octobre 2021 et prévoit des primes
offertes à toute infirmière qui signerait une entente pour travailler à
temps plein pendant un an. Selon le gouvernement, cet arrêté permettrait
de régler la crise de pénurie de personnel au Québec. Selon l'arrêté,
pour recevoir la prime, la personne doit accepter des conditions de
travail auxquelles les professionnelles de la santé sont opposées et qui
violent les dispositions des conventions collectives récemment
négociées. Par exemple, elle doit accepter d'être affectée à un poste de
travail en dehors de son poste habituel. Dans l'ordonnance initiale, un
congé sans solde ou une absence non rémunérée pouvait entraîner la
perte de l'admissibilité à la prime ou l'obligation de rembourser une
prime déjà reçue. Avec les changements annoncés le 26 novembre, diverses
mesures d'exclusion et punitives sont maintenues, y compris
l'obligation pour une personne incapable de travailler à temps plein en
raison d'un accident de travail de rembourser la prime, ce qui constitue
une violation des lois du travail.
Les syndicats soulignent que la pénurie de personnel dans le secteur
de la santé est un problème complexe qui exige plus que des mesures
temporaires et invitent le gouvernement à examiner sérieusement les
solutions proposées par les syndicats depuis des années, dont les
mesures déjà contenues dans la convention collective. Ils soulignent
également que plusieurs semaines après la publication de l'arrêté
ministériel, on ne parvient toujours pas à attirer et à retenir les
travailleuses et travailleurs en soins infirmiers et cardiorespiratoires
pour répondre aux besoins urgents sur le terrain, ce qui prouve que le
ministre Dubé fait fausse route.
Les syndicats ont demandé au gouvernement de les rencontrer pour
discuter de solutions durables qui sont fondées sur la reconnaissance du
travail essentiel que font leurs membres et ont présenté 15
propositions en réponse aux problèmes que l'arrêté ministériel a créés.
« En refusant notre main tendue, souligne le communiqué, le
gouvernement rate une belle occasion de prendre les moyens de répondre
aux préoccupations des professionnel-les en soins. Son arrêté
ministériel [à Dubé] n'arrive pas à régler la situation parce que pour le faire,
il faut entendre les solutions des gens qui sont sur le terrain. Avec
son
annonce d'aujourd'hui, le gouvernement montre qu'il est plus intéressé à
tout gérer tout seul qu'à améliorer la situation. Son attitude
antisyndicale a de graves conséquences, car elle a pour effet de priver
la population de son droit aux soins et aux services essentiels dans le
réseau de la santé. Les bris de service sont encore monnaie courante
dans le
réseau. »
Les syndicats réitèrent qu'ils veulent et sont prêts à discuter
de solutions à long terme pour résoudre la crise de la pénurie de
personnel et de l'épuisement professionnel, et ajoutent que le décret de
conditions de travail et d'incitatifs qui contournent les syndicats en
tant que représentants des travailleurs est inacceptable, que les
négociations
sur les conditions de travail doivent se faire avec les syndicats et
être basées sur les lois du travail et la convention collective
existantes. En ce qui concerne le programme d'incitation, ils ont
présenté diverses propositions visant à éliminer les conditions
discriminatoires et punitives.
Pour lire le texte intégral du communiqué de presse, cliquez ici.
États-Unis
Les travailleurs de la santé aux États-Unis n'ont cessé de réclamer
l'adoption de normes fédérales pour assurer des conditions de travail
sécuritaires pour tous, y compris les travailleurs, les patients et les
membres de la communauté. À la suite d'une lutte résolue en
juin 2021, certaines protections contre la COVID-19 pour les
infirmières et les
autres travailleurs de la santé à l'échelle du pays ont été obtenues de
l'Administration de la santé et de la sécurité au travail des États-Unis
(OSHA). Elles étaient loin d'être suffisantes mais comprenaient
néanmoins des protocoles de sécurité de base, comme les masques, ce que
les grands monopoles de la santé auraient dû adopter il y a longtemps.
De l'équipement de protection individuelle (ÉPI) intégral, des tests
gratuits et réguliers, des ratios personnel/patients réduits et des
congés de maladie payés sont parmi les revendications qui sont toujours
mises de l'avant dans plusieurs hôpitaux et résidences pour aînés.
L'OSHA a offert une norme fédérale minimale sous la forme d'une norme
d'urgence temporaire (ETS), qui arrive bientôt à échéance. Présentée
principalement par les Infirmières nationales unies (NNU), un des plus
importants syndicats d'infirmières à l'échelle du pays, la revendication
vise à ce que l'OSHA élargisse la norme et la rende
permanente.
Le NNU écrit : « Les infirmières ont été en première ligne de
cette pandémie dès le départ, luttant pour les vies de millions de
personnes. Être obligées de porter le même respirateur N95 pendant un
mois dans une guerre contre une maladie transmissible par aérosols —
dans une des industries les plus riches dans un des pays les plus
riches — est non seulement insultant mais outrageant, et c'est
incroyablement dangereux pour les infirmières et les autres travailleurs
de la santé. » Cette revendication reflète aussi la responsabilité
sociale dont ont fait preuve les infirmières et les travailleurs de la
santé tout au long de la pandémie en exigeant des conditions
sécuritaires, sur la
base même de l'expérience des travailleurs.
« Les normes que nous avons développées sur la base de notre
expérience de la COVID-19 doivent constituer la fondation d'une norme
distincte et élargie afin de pouvoir faire face aux futures pandémies et
de protéger tous les travailleurs pour qu'ils ne soient pas exposés aux
maladies transmises par aérosols dans les endroits de travail. Afin
de sauver autant de vies que possible et d'assurer la sécurité des
communautés », le NNU demande à l'OSHA de rendre permanente sa
norme d'urgence temporaire pour combattre la COVID et de créer
immédiatement une nouvelle norme pour les maladies infectieuses à venir,
afin d'assurer des conditions de travail sécuritaires pour tous et
toutes.
À l'échelle mondiale
New York, 30 novembre 2021
Plus de 2,5 millions d'infirmières de 28 pays dans le
monde ont déposé une plainte auprès des Nations unies (ONU) le 29
novembre, demandant à l'ONU d'enquêter sur les pays riches qui bloquent
une proposition de dérogation de brevet pour les vaccins contre le
coronavirus. Cette demande intervient alors que de
nouveaux variants de la COVID apparaissent et que la pandémie persiste
dans le monde. La campagne est coordonnée par l'Union syndicale des
infirmiers(ères) du monde (GNU), avec la participation de
syndicats canadiens et américains.
Dans
une lettre détaillée adressée au Dr Tlaleng Mofokeng, rapporteuse
spéciale des Nations unies sur le droit à la santé physique et mentale, des dizaines
de syndicats d'infirmières écrivent que « la fin de cette pandémie
n'est nulle part en vue », car « les cas de COVID-19 continuent
d'augmenter dans plusieurs régions du monde, alors que les
sociétés pharmaceutiques et les gouvernements n'ont pas pris les mesures
nécessaires pour s'assurer que les traitements et les vaccins
essentiels sont distribués ». Au lieu de cela, les vaccins sont
thésaurisés par les pays riches, comme les États-Unis et les pays
européens, et la possibilité de produire les vaccins dans les pays plus
pauvres est
bloquée par des brevets - c'est-à-dire la propriété privée de ce qui est
clairement une nécessité publique.
La lettre poursuit : « Cette distribution inégale des vaccins
est non seulement terriblement injuste pour les personnes des pays à
faible et moyen revenu, qui demeurent à risque élevé de contracter et de
transmettre la COVID-19, mais elle favorise aussi le développement de
nouveaux variants, dont certains peuvent être résistants aux
vaccins actuellement disponibles », peut-on lire dans la plainte
déposée. « Le développement et la propagation de nouveaux variants
constituent un risque grave pour tous les peuples du monde. »
La plainte vise spécifiquement l'Union européenne, la
Grande-Bretagne, la Suisse, la Norvège et Singapour, en tant que pays
clés faisant obstacle à une renonciation au brevet.
Les infirmières déclarent qu'un petit groupe de pays riches « met en
danger des millions de vies dans le monde ». Elles ajoutent : «
Il s'agit d'une violation manifeste de notre droit à la santé - des
infirmières, des soignants et des patients ». En plus de la lettre,
elles ont fait circuler une pétition et vont également entamer des
poursuites devant les tribunaux. Aux Nations unies, elles ont déclaré : « Nous
demandons une enquête urgente sur l'obstruction de la renonciation par
ces criminels de la COVID-19. »
La lettre souligne que les pays les plus riches ont obtenu plus
de 7 milliards de doses de vaccin, tandis que les pays
financièrement plus pauvres n'ont pu obtenir qu'environ 300
millions de doses. Cette situation a créé ce que les défenseurs de la
santé publique du monde entier qualifient d'« apartheid vaccinal ».
Cet apartheid
s'étend également aux travailleurs de la santé, puisque moins d'un
travailleur de la santé sur dix est entièrement vacciné dans les régions
d'Afrique et du Pacifique occidental, par exemple.
« Les infirmières et autres travailleurs de la santé ont été en
première ligne de la réponse à la pandémie de COVID-19, et nous avons
été témoins du nombre stupéfiant de décès et de l'immense souffrance
causés par l'inaction politique », poursuit la lettre. Elle
souligne que le refus persistant des gouvernements de lever les
restrictions
liées aux brevets « entraîne la violation des droits humains des peuples
du monde entier » et accuse « ces pays d'avoir violé nos droits et
les droits de nos patients, et d'avoir causé la perte d'innombrables
vies d'infirmières et d'autres soignants et de ceux et celles dont nous
nous sommes occupés ».
Les infirmières appellent à « un nouvel ordre sanitaire
international » pour vaincre l'inégalité liée aux vaccins et
assurer « un bienfait collectif, basé sur les principes de la
souveraineté, de la solidarité et du droit universel à la vie ».
Genève, Suisse, 30 novembre 2021
Avec ce numéro, Forum ouvrier cesse
sa publication régulière jusqu'à la mi-janvier 2022. Cette pause a pour
but de donner du temps libre à notre équipe éditoriale et technique, qui
travaille dur, de même qu'une occasion de se préparer pour 2022.
Forum ouvrier sera néanmoins publié sur demande, en fonction des
besoins du mouvement ouvrier. Veuillez continuer à envoyer vos
nouvelles, vos communiqués de presse, vos points de vue et vos
photographies, qui sont très utiles pour garder nos lecteurs informés à
l'échelle du pays et les encourager dans leurs propres efforts. Nous
sommes un mouvement ouvrier doté d'un objectif, informé par une riche
expérience dans la lutte pour s'attaquer aux problèmes auxquels nous
sommes tous confrontés, au niveau national, régional, local et à
l'échelle mondiale également.
Le partage de l'expérience est utile à tous ceux qui sont confrontés à
des problèmes similaires. Chose importante, il contribue également à
briser le silence imposé à nos luttes pour nous isoler, nous décourager
et nous faire sentir comme étant sans importance et jetables. Nous
n'accepterons jamais cela et nous nous engageons à intensifier nos
efforts pour renforcer ce travail au cours de la nouvelle année.
Aidez-nous en recrutant de nouveaux abonnés, en distribuant le journal à
vos collègues de travail, en envoyant tout montant qui correspond à vos
moyens ainsi que vos photos et vos nouvelles[1]
. Grâce aux liens
établis avec les travailleurs de tout le pays, nous sommes de facto une
agence de presse qui fournit des informations exactes en temps opportun.
Nous espérons renforcer cela par des reportages audio en temps requis
l'année prochaine.
Sur ce, nous vous remercions pour votre soutien en 2021 et nous vous
souhaitons, à vous et à vos familles, des vacances en toute sécurité,
remplies de solidarité sociale et d'attention aux autres.
Joyeuses fêtes de fin d'année !
Équipe éditoriale et technique
Note
1. Pour contribuer, faites un chèque ou un mandat à l'ordre du
PMLC et envoyez-le à B.P. 666, Succursale C, Montréal, QC, H2L
4L5. Pour plus d'informations ou pour faire une contribution directement
en utilisant paypal, cliquez ici.
(Pour voir les articles individuellement, cliquer sur le titre de l'article.)
PDF
NUMÉROS
PRÉCÉDENTS | ACCUEIL
Site web: www.pccml.ca
Email: forumouvrier@cpcml.ca
|