À l'échelle mondiale
Des millions de personnes exigent que les pays riches cessent de bloquer les dérogations aux brevets pour les vaccins contre la COVID
New York, 30 novembre 2021
Plus de 2,5 millions d'infirmières de 28 pays dans le
monde ont déposé une plainte auprès des Nations unies (ONU) le 29
novembre, demandant à l'ONU d'enquêter sur les pays riches qui bloquent
une proposition de dérogation de brevet pour les vaccins contre le
coronavirus. Cette demande intervient alors que de
nouveaux variants de la COVID apparaissent et que la pandémie persiste
dans le monde. La campagne est coordonnée par l'Union syndicale des
infirmiers(ères) du monde (GNU), avec la participation de
syndicats canadiens et américains.
Dans
une lettre détaillée adressée au Dr Tlaleng Mofokeng, rapporteuse
spéciale des Nations unies sur le droit à la santé physique et mentale, des dizaines
de syndicats d'infirmières écrivent que « la fin de cette pandémie
n'est nulle part en vue », car « les cas de COVID-19 continuent
d'augmenter dans plusieurs régions du monde, alors que les
sociétés pharmaceutiques et les gouvernements n'ont pas pris les mesures
nécessaires pour s'assurer que les traitements et les vaccins
essentiels sont distribués ». Au lieu de cela, les vaccins sont
thésaurisés par les pays riches, comme les États-Unis et les pays
européens, et la possibilité de produire les vaccins dans les pays plus
pauvres est
bloquée par des brevets - c'est-à-dire la propriété privée de ce qui est
clairement une nécessité publique.
La lettre poursuit : « Cette distribution inégale des vaccins
est non seulement terriblement injuste pour les personnes des pays à
faible et moyen revenu, qui demeurent à risque élevé de contracter et de
transmettre la COVID-19, mais elle favorise aussi le développement de
nouveaux variants, dont certains peuvent être résistants aux
vaccins actuellement disponibles », peut-on lire dans la plainte
déposée. « Le développement et la propagation de nouveaux variants
constituent un risque grave pour tous les peuples du monde. »
La plainte vise spécifiquement l'Union européenne, la
Grande-Bretagne, la Suisse, la Norvège et Singapour, en tant que pays
clés faisant obstacle à une renonciation au brevet.
Les infirmières déclarent qu'un petit groupe de pays riches « met en
danger des millions de vies dans le monde ». Elles ajoutent : «
Il s'agit d'une violation manifeste de notre droit à la santé - des
infirmières, des soignants et des patients ». En plus de la lettre,
elles ont fait circuler une pétition et vont également entamer des
poursuites devant les tribunaux. Aux Nations unies, elles ont déclaré : « Nous
demandons une enquête urgente sur l'obstruction de la renonciation par
ces criminels de la COVID-19. »
La lettre souligne que les pays les plus riches ont obtenu plus
de 7 milliards de doses de vaccin, tandis que les pays
financièrement plus pauvres n'ont pu obtenir qu'environ 300
millions de doses. Cette situation a créé ce que les défenseurs de la
santé publique du monde entier qualifient d'« apartheid vaccinal ».
Cet apartheid
s'étend également aux travailleurs de la santé, puisque moins d'un
travailleur de la santé sur dix est entièrement vacciné dans les régions
d'Afrique et du Pacifique occidental, par exemple.
« Les infirmières et autres travailleurs de la santé ont été en
première ligne de la réponse à la pandémie de COVID-19, et nous avons
été témoins du nombre stupéfiant de décès et de l'immense souffrance
causés par l'inaction politique », poursuit la lettre. Elle
souligne que le refus persistant des gouvernements de lever les
restrictions
liées aux brevets « entraîne la violation des droits humains des peuples
du monde entier » et accuse « ces pays d'avoir violé nos droits et
les droits de nos patients, et d'avoir causé la perte d'innombrables
vies d'infirmières et d'autres soignants et de ceux et celles dont nous
nous sommes occupés ».
Les infirmières appellent à « un nouvel ordre sanitaire
international » pour vaincre l'inégalité liée aux vaccins et
assurer « un bienfait collectif, basé sur les principes de la
souveraineté, de la solidarité et du droit universel à la vie ».
Genève, Suisse, 30 novembre 2021
Cet article est paru dans
Numéro 121 - 17 décembre 2021
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