Numéro 115 - 3 décembre 2021
Grève générale d'onze mille
travailleuses des Centres
de la petite enfance au Québec
En luttant pour nos travailleuses,
nous luttons pour que le service aux enfants
soit pérenne
- Entrevue avec Lucie Longchamps -
Travailleuses en grève devant un centre de la
petite enfance à Gaspé, le 1er décembre 2021
Les
travailleurs de la transformation de la viande
en Alberta luttent
pour leurs droits
• Une entente de principe
chez Cargill à la suite d'un vote de grève
massif
Grève générale d'onze mille
travailleuses des Centres
de la petite enfance au Québec
- Entrevue avec Lucie Longchamps -
Le 1er décembre, après des mois de
tentatives infructueuses d'obtenir satisfaction
à leurs revendications de salaires et de
conditions de travail qu'elles jugent
acceptables et qui défendent les services, les
travailleuses des centres de la petite enfance
(CPE) membres de la FSSS-CSN ont déclenché une
grève générale illimitée.
Forum ouvrier reproduit ci-dessous
l'entrevue qu'il a faite avec Lucie Longchamps,
la vice-présidente à la Fédération de la santé
et des services sociaux (FSS-CSN).
Forum ouvrier : Combien de
travailleuses des CPE sont en grève générale en ce
moment, et quel travail effectuent-elles dans les
centres ?
Lucie Longchamps : Ce
sont 11 000 travailleuses de la CSN en
CPE qui sont en grève générale illimitée.
Ces 11 000 travailleuses se répartissent
en 400 CPE, qui comprennent 700
installations parce qu'un CPE peut comprendre plus
qu'une installation. Ces CPE sont répartis à
l'échelle du Québec.
Nous avons plusieurs titres d'emplois dans les
CPE. Il y a l'éducatrice et l'éducatrice
spécialisée, qui sont celles dont on parle le
plus, qui sont au quotidien avec les enfants. Ce
sont des femmes qui ont une formation collégiale,
qui appliquent un programme éducatif, et le but
ultime de ce programme est que chaque enfant,
selon ses capacités,
en vienne à développer son plein potentiel, pour
qu'il arrive à la maternelle à l'âge de cinq ans
avec le plus d'acquis possible et qu'il ne tire
pas de l'arrière par rapport à ses camarades.
L'éducatrice doit aussi identifier les enfants qui
ont des soucis de développement. Cela peut être au
niveau langagier, au niveau de la motricité, au
niveau cognitif,
où on décèle que certains tout petits pourraient
avoir des besoins supplémentaires, et les
éducatrices mettent tout en place pour que cet
enfant-là ait tout ce dont il a besoin pour
développer son potentiel.
Les éducatrices travaillent en étroite
collaboration avec l'agente-conseil en soutien
pédagogique, qui est elle-même une éducatrice qui
a souvent fait des formations supplémentaires et
souvent a beaucoup d'expérience, qui se spécialise
dans l'identification des problèmes et la mise en
place des plans d'intervention avec les outils
nécessaires.
C'est un trio fort important dans les centres de
la petite enfance.
Il y a la responsable à l'alimentation qui n'est
pas uniquement une cuisinière, comme le prétend le
gouvernement, mais qui voit à la gestion de la
cuisine, aux achats, qui s'assure que tous les
enfants qui ont des allergies alimentaires ou des
intolérances ne reçoivent pas les mêmes aliments
que les autres. Ceci, sans oublier tout le
nettoyage de la
cuisine après une longue journée de travail.
Il y a quelqu'un à la désinfection et au
nettoyage, et il y a des agentes administratives
qui sont là pour tout ce qui est dossier de
parents, documents, la paie etc.
FO : Quelles sont vos
principales revendications en ce moment ?
LL : L'élément principal en ce
moment, c'est le rattrapage salarial, parce que
les travailleuses des CPE ont été laissées de côté
par le gouvernement libéral précédent lors des
deux dernières négociations. Cette fois-ci,
disent-elles, c'est leur tour, elles ne veulent
pas manquer l'occasion. Elles réclament un
rattrapage salarial
maintenant. Lors des dernières négociations, elles
ont eu des augmentations de l'ordre
de 1,5 % parfois 2 %, elles
ont perdu des congés fériés, ce n'ont été que des
reculs et on a aussi ajouté à leur tâche.
Il y a une pénurie en ce qui concerne les
éducatrices. Le gouvernement l'a reconnu. Le
rattrapage salarial pour les éducatrices et les
éducatrices spécialisées, c'est à peu près conclu.
Elles ont obtenu une augmentation
de 18 % sur trois ans, qui va les
ramener à peu près au même niveau qu'on retrouve
pour les travailleurs dans les
mêmes titres d'emplois dans le milieu de garde
scolaire dans les écoles.
Ce qu'il reste à régler, en ce qui concerne les
salaires, ce sont les autres groupes d'emploi. On
leur offre entre 6 % et 9,3 %.
Ceci est loin d'être un rattrapage salarial, car
étant déjà en rattrapage de deux négociations,
elles veulent cette fois-ci gagner des salaires
comparables à ce qui existe ailleurs pour les
mêmes
catégories d'emplois. Par exemple, la responsable
en alimentation gagne environ entre 4
à 5 dollars de moins de l'heure qu'une
personne qui fait le même travail dans un CHSLD.
Si on ne réussit pas à combler cet écart, elles
vont aller ailleurs.
C'est là-dessus qu'on se bute en ce moment et
c'est pour cela que nous sommes en grève générale
illimitée. Les travailleuses font preuve d'une
très grande solidarité entre elles. Dans cette
négociation, environ 85 % des
travailleuses des CPE ont obtenu le rattrapage
salarial. Il nous reste à régler le cas
d'environ 15 %
des travailleuses. Mais ce que les 85 %
nous ont dit en assemblée générale, partout au
Québec, dans le cadre d'un vote de grève
de 91,2 %, c'est qu'il n'est pas
question qu'on accepte cette convention collective
si tous nos collègues n'obtiennent pas le
rattrapage salarial auquel elles ont droit.
Une de nos principales revendications est la
diminution de la surcharge de travail. Pendant les
dernières années, sous le règne du gouvernement
libéral, il y a eu énormément de compressions
financières dans les CPE. Pour se conformer au
budget qui leur est alloué, les directions des CPE
ont effectué des changements qui ont causé une
surcharge de travail. Prenons la question des
ratios éducatrices/enfants. Selon le règlement du
ministère de la Famille, il y a un certain nombre
d'enfants qui est prévu, selon l'âge de l'enfant,
par éducatrice. Tant d'enfants de tel âge pour une
éducatrice. Cependant, ce qu'on applique souvent
dans les CPE c'est un ratio-bâtisse. Cela veut
dire que
l'employeur applique un ratio global pour
l'établissement, sur la base d'un calcul qui
comprend tous les employés qui sont à l'intérieur,
en omettant s'ils sont en présence d'enfants ou
non. Cela fait en sorte que des éducatrices se
retrouvent souvent avec plus d'enfants que le
nombre prévu par le règlement. Par exemple, la
direction d'un centre peut gonfler un groupe
au-delà de la norme réglementaire en disant qu'il
y a une personne supplémentaire sur les lieux,
mais cette personne peut très bien ne pas être
présente parmi les enfants. Le ministre n'a rien
fait pour empêcher
que les ratios soient gonflés. Le non-respect des
ratios crée une surcharge et un problème de santé
et de sécurité pour les enfants et les
éducatrices. Nous demandons que les ratios soient
respectés tels qu'ils existent dans le règlement.
Un autre problème important, c'est celui des
enfants avec des besoins particuliers. Nos
travailleuses ont besoin d'aide pour ces
enfants-là. Les conseillères pédagogiques ont très
peu de temps. Elles demandent du temps de
planification, de l'aide pour ces enfants, y
compris de l'aide extérieure pour qu'il y ait plus
d'heures en
accompagnement avec les éducatrices. Si
l'éducatrice spécialisée n'est là que deux heures
par jour, le reste de la journée de travail avec
l'enfant qui a des besoins précis repose sur
l'éducatrice qui a la charge du groupe et elle est
constamment en surcharge de travail.
Une grève générale illimitée dans les CPE c'est
du jamais vu et la solidarité des travailleuses
entre elles est extraordinaire. Nous demandons que
les travailleuses soient respectées, que les
ratios soient respectés, que la valeur de toutes
les travailleuses soit reconnue, que leur
formation soit reconnue, et qu'on les aide en ce
qui concerne les
besoins particuliers des enfants. Toutes les
travailleuses sont importantes. Tout ce que le
premier ministre veut ce sont des centres, avec
des locaux et des enfants dedans. Ce n'est pas une
façon de développer ou même de maintenir ces
centres de la petite enfance.
FO : Voulez-vous ajouter quelque
chose en conclusion ?
LL : Ce que font les travailleuses
des CPE en ce moment est historique, cela démontre
une solidarité hors du commun. Cette grève vise à
sauver le réseau des services de garde éducatifs
au Québec. Sans ces travailleuses, je les nomme au
féminin bien qu'il y ait quelques travailleurs
masculins parmi nous, sans elles, ce
réseau-là ne serait pas ce qu'il est. Chose
certaine, sans leur action, dans quelques années,
le réseau ne sera plus en place. Les travailleuses
aident le Québec dans son ensemble par ce qu'elles
font présentement. Nous sommes encore bien
appuyées des parents malgré les difficultés que
leur cause la grève. Nous recevons des messages
d'appui de
parents qui nous disent que c'est pour eux que
nous luttons. En luttant pour nos travailleuses,
nous luttons pour que le service aux enfants soit
pérenne au Québec.
Premier jour de grève générale dans les CPE au
Québec, 1er décembre 2021
Les travailleurs de la
transformation de la viande en Alberta luttent
pour leurs droits
Les travailleurs à l'usine de transformation de la
viande Cargill de High Rive tiennent
un vote de grève, 24 novembre 2021.
Le 1er décembre, la section locale 401
des Travailleurs unis de l'alimentation et du
commerce (TUAC) a annoncé que le comité de
négociation de Cargill était arrivé à une entente
de principe qui sera présentée aux membres pour
qu'ils se prononcent. « La nouvelle offre de la
compagnie est une très nette amélioration par
rapport
à l'offre que les membres du syndicat ont vue la
semaine dernière et elle améliorera de façon
significative la vie des travailleurs de Cargill.
Si elle est ratifiée, l'offre deviendra la
meilleure convention collective au Canada dans le
secteur de la transformation alimentaire, grâce
entièrement à la force et à la détermination des
membres du syndicat de
Cargill cherchant à obtenir justice »,
peut-on lire dans la déclaration.
L'entente de principe a été obtenue à la suite du
rejet massif de l'offre antérieure de la
compagnie. Le 24 novembre, la section
locale 401 a annoncé que les travailleurs
avaient rejeté l'offre de Cargill par une marge
de 98 %, avec la participation de plus
de 80 % des travailleurs. La section
locale 401
a ensuite fixé comme date de grève le 6
décembre 2021 à minuit une minute.
Cargill a répondu en émettant un avis de lockout,
lui aussi applicable le 6 décembre à minuit
une minute. La compagnie a ensuite commencé à
publier des annonces pour recruter des scabs et à
ériger des clôtures autour de l'usine pour en
limiter l'accès. Le 24 novembre, le syndicat
a annoncé que les négociations reprendraient à
partir du 30 novembre et, le 1er
décembre, il a annoncé la conclusion d'une entente
de principe à la suite d'une séance marathon.
Il y a environ 2 200 travailleurs à
l'usine Cargill High River, située à
environ 70 kilomètres de Calgary, et l'usine
transforme 4 700 têtes de bétail par
jour, ou près d'un tiers de tout le boeuf canadien
transformé. Cargill Inc. a eu des revenus
de 134,4 milliards de dollars US pour l'année
fiscale 2021,
et des bénéfices nets de 4,93 milliards de
dollars pour l'année fiscale 2021, une
augmentation de 60 % par rapport
à 2020. Cargill Inc. appartient à la famille
Cargill-MacMillan, dont la richesse est évaluée
à 47 milliards de dollars US. Cette immense
fortune a été accumulée par ces oligarques à même
le labeur
des travailleurs de Cargill, sans considération
pour leur sécurité et leur bien-être et ceux de
leur communauté. L'expérience vécue des
travailleurs de Cargill leur a appris que c'est
leur unité et leur force collective qui sont
décisives dans leur lutte à la défense de leurs
droits et de leur dignité.
Les principales préoccupations dans ces
négociations sont les salaires et l'amélioration
des avantages sociaux et les questions de santé et
de sécurité. Les travailleurs de Cargill sont
reconnus pour leur courage et leur détermination à
défendre leur droit à des endroits de travail et à
des communautés sécuritaires. Il y a eu trois
pertes de vie
et 949 travailleurs ont été infectés par la
COVID-19 lors de la première vague seulement.
Cargill a tout fait pour ignorer les solutions
proposées par la section locale 401 et le
droit des travailleurs de participer dans les
enquêtes et les prises de décision, mais les
travailleurs ont fini par forcer la compagnie à
agir, et
même à fermer l'usine.
Dans sa déclaration, le syndicat explique que
l'entente de principe comprend une paie
rétroactive, une prime de 1000 dollars à la
signature du contrat et une prime COVID-19
de 1000 dollars, de même que, pour plusieurs
travailleurs, une augmentation de 5 dollars
l'heure (21 % pour la durée de la convention)
et plus
de 6 000 dollars en primes au total.
L'entente de principe prévoit aussi «
d'importantes dispositions contractuelles
facilitant une nouvelle culture de la santé, de la
sécurité, de la dignité et du respect à l'endroit
de travail », ainsi que de meilleurs
avantages sociaux en santé pour les travailleurs
de Cargill et leurs familles.
Le président de la section locale 401 Thomas
Hesse et la secrétaire-trésorière Richelle Stewart
ont souligné que le syndicat sera toujours aux
côtés des membres chez Cargill, qu'ils décident
d'accepter l'entente de principe ou non.
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