Forum ouvrier

Numéro 111 - 24 novembre 2021

À la défense de la santé et de la sécurité des travailleurs des mines

Notre défense de la sécurité est la défense des vies humaines


Les métallos marquent le 25e anniversaire de Westray, le 9 mai 2017

États-Unis
Biden menace d'avoir recours à la Garde nationale dans les ports de la région de Los Angeles



À la défense de la santé et de la sécurité des travailleurs des mines

Notre défense de la sécurité est la défense
des vies humaines

Sean Staddon est un électricien travaillant sous terre et délégué syndical de la section 6500 du Syndicat des Métallos à la mine Totten de Vale à Sudbury.

Forum ouvrier : Ton intervention au congrès de la Fédération du travail de l'Ontario, au début de novembre, sur la nécessité d'éliminer le mépris de la vie humaine sur le lieu de travail, surtout dans les secteurs dangereux comme l'exploitation minière, était éloquente. Peux-tu nous rappeler brièvement ce que tu as dit à cette occasion ?

Sean Staddon : Je parlais d'une résolution demandant l'application de la Loi Westray et je parlais de notre campagne « Vous tuez un travailleur, vous allez en prison »[1]. Mes confrères et consoeurs de la section locale 6500 ne connaissent que trop bien la douleur, la souffrance et le chagrin causés par les accidents mortels au travail. Par conséquent, notre exécutif syndical et nos représentants de la santé et de la sécurité sont devenus des experts dans la participation aux enquêtes du coroner, ce qu'aucune famille ne devrait avoir à vivre. Nos environnements de travail sont dangereux mais le mépris répété de nos employeurs pour la vie humaine l'est tout autant. Ce que nous ressentons en tant que métallos, c'est que lorsqu'un employeur parvient à négocier un plaidoyer et n'est pas tenu responsable, cela témoigne d'un mépris flagrant pour la vie humaine. Nous travaillons pour une grande multinationale minière, elle paie des amendes et poursuit ses activités. L'exploitation minière coule dans les veines de chaque résident de Sudbury et elle a touché chaque membre de notre communauté sous une forme ou une autre. Nous n'avons jamais accepté et nous n'accepterons jamais que perdre des vies est « le prix à payer pour faire des affaires ». Et si vous regardez ce qui se passe chez les sociétés minières dans le monde entier, avec les ruptures de barrage et les autres incidents, il est assez évident que les minéraux sont considérés comme plus importants que la vie humaine à certains égards.

Ce que je voulais dire, c'est que la catastrophe minière de Westray s'est produite il y a 30 ans et que, bien sûr, d'énormes changements ont été apportés à la législation fédérale pour que les employeurs négligents soient tenus criminellement responsables. Mais nous n'avons pas vu les procureurs de la Couronne utiliser cette loi suffisamment quand c'était justifié. C'est une chose que nous préconisons depuis un certain temps, que les procureurs de la Couronne et la police soient formés pour reconnaître la négligence sur le lieu de travail menant à la mort, en fait un meurtre sur un lieu de travail, et le traiter comme tel.

Rien qu'en Ontario, si vous regardez le nombre d'infractions à la Loi sur la santé et la sécurité au travail qui sont rédigées, sans qu'il y ait de mesures de dissuasion pour forcer une entreprise à corriger la violation, une de ces infractions finira par entraîner un décès. Et dans n'importe quelle mine de l'Ontario, lorsque les inspecteurs du ministère du Travail se présentent, ils rédigent des ordonnances, mais il n'y a pas d'amende, seulement des ordonnances écrites pour corriger quelque chose. Il y en a des dizaines à chaque visite. Il n'y a pas vraiment de mesures de dissuasion pour forcer une entreprise à faire mieux et à respecter la loi. Les employeurs continuent d'enfreindre la loi, la police et les procureurs de la Couronne choisissent de ne pas utiliser la législation, et les familles doivent ramasser les morceaux de leur vie brisée.

Nous entendons beaucoup le gouvernement conservateur de Doug Ford dire que nous devons réduire la paperasserie, que nous devons chercher à éliminer les inefficacités dans la façon de faire des affaires et je crains que cela affectera encore plus la santé et la sécurité de mes confrères et consoeurs à l'avenir.

Je suis un jeune travailleur, âgé de 35 ans, et je n'avais que cinq ans lorsque la catastrophe de Westray s'est produite il y a 30 ans. Je crains que Westray ne soit même pas connu de nos jeunes. Je reprends le combat des délégués syndicaux et des travailleurs qui m'ont précédé et qui prennent leur retraite. J'essaie d'en apprendre le plus possible sur les raisons pour lesquelles certaines lois sont en place afin de pouvoir conscientiser les jeunes travailleurs et tous les travailleurs que je représente sur le fait que les normes de santé et sécurité sont là pour vous garder en vie. Nous pouvons tous faire mieux, nous devons tous nous mobiliser pour la santé et la sécurité.

Note

1. La Loi Westray est une loi fédérale qui a été adoptée le 31 mars 2004 et qui a modifié le Code criminel du Canada. Entre autres choses, elle rend les entreprises criminellement responsables lorsque leur négligence cause la mort ou des blessures graves à un travailleur. La loi a été adoptée à la suite de la catastrophe survenue en 1992 dans la mine de charbon de Westray, en Nouvelle-Écosse, où 26 mineurs ont été tués après que du méthane se soit enflammé, provoquant une explosion. Malgré les graves problèmes de sécurité soulevés par les travailleurs, les représentants syndicaux et les inspecteurs gouvernementaux au cours de la période précédant la tragédie, l'entreprise n'a pas apporté de changements pour protéger la santé et la sécurité des travailleurs et la catastrophe s'est produite. La lutte des Métallos à l'époque a contribué à l'adoption de la loi. Depuis lors, les cas où la loi a été utilisée pour mener des enquêtes criminelles ou poursuivre des employeurs sont très rares.

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États-Unis

Biden menace d'avoir recours à la Garde nationale dans les ports de la région de Los Angeles

Le président américain Joe Biden est prêt à avoir recours à la Garde nationale dans les ports privés de Los Angeles et de Long Beach sur la côte ouest du pays où, depuis le 16 novembre, 84 navires attendent d'être déchargés. Il y a aussi un arriéré de conteneurs devant être transportés aux entrepôts. Lorsqu'on lui a demandé le 31 octobre, lors d'une assemblée publique sur CNN, s'il envisageait avoir recours à la Garde nationale, le président Biden a répondu : « Oui, absolument, certainement je le ferais. Mais en plus, il faut faire entrer ces navires et les décharger. » Il a aussi dit qu'il se servirait des hommes et des femmes de la Garde nationale comme camionneurs pour transporter les biens des ports aux entrepôts, ajoutant une menace à sa réponse : « La réponse est oui, si on ne peut pas bouger..., augmenter le nombre de camionneurs, c'est ce que nous sommes en train de faire. »

Les deux terminaux à conteneurs de Los Angeles et de Long Beach sont de propriété privée et traitent près de 40 % de toutes les marchandises entrant aux États-Unis. Le président a aussi clairement démontré quels intérêts il sert : « Je veux remettre les ports en marche, et je veux que les chemins de fer et le terminal ferroviaire et les camions dans les ports soient prêts à bouger, parce que j'ai Walmart et d'autres qui disent 'Nous allons transporter du matériel du port à nos entrepôts'. »

Avant l'assemblée publique, Joe Biden avait rencontré des représentants de Walmart et de compagnies semblables pour discuter de forcer les travailleurs portuaires à travailler un horaire de 24 heures par jour, 7 jours sur 7. Cela contrevient aux conventions collectives existantes des près de 5 000 travailleurs portuaires de Los Angeles et de Long Beach, qui sont membres de la section locale 13 du Syndicat international des débardeurs et magasiniers (SIDM), mais cela a été accepté à la suite des pressions intenses du président et des grandes entreprises. Les travailleurs portuaires luttent aussi pour obtenir de l'équipement de protection individuel (ÉPI) suffisant et des conditions de travail sécuritaires, compte tenu des préoccupations qui persistent en raison de la COVID-19. À cause du manque d'ÉPI et de conditions sécuritaires, plus de 700 membres ont contracté la COVID-19 et au moins 13 sont décédés. Maintenant que le travail se fait 24/7, les inquiétudes au sujet de la sécurité persistent, ce que Biden a totalement ignoré.

On peut se demander pourquoi compte tenu qu'il dit « vous devez faire entrer ces navires et les décharger » il ne parle pas d'utiliser les ports publics à San Francisco et à Oakland, qui fonctionnent 24 heures par jour, 7 jours par semaine depuis longtemps déjà. Il n'y a pas d'arriéré dans ces ports. Les navires pourraient y accoster tout aussi facilement, mais ils ne le font pas. Tout est concentré sur les ports de Los Angeles et de Long Beach. La section locale 10, qui représente les travailleurs portuaires d'Oakland et de San Francisco, a dit que les travailleurs sont prêts et attendent. Elle remet en cause la décision des expéditeurs les compagnies comme Walmart, et maintenant le président Biden de refouler des navires à Los Angeles et à Long Beach. À tout le moins, les conditions ont été créées pour donner libre cours aux menaces et au recours potentiel à la Garde nationale contre les travailleurs portuaires et les camionneurs.

En outre, le problème auquel les camionneurs sont confrontés comme les millions de travailleurs qui démissionnent de leur travail est l'absence de conditions de travail sécuritaires, de salaires et d'avantages sociaux qu'ils jugent acceptables. Le salaire minimum fédéral de 7,25 dollars, très inférieur au seuil de pauvreté, n'a pas été augmenté depuis plusieurs années, quoique 29 États ont un taux supérieur, soit généralement 10 dollars l'heure ou moins. Même la revendication de 15 dollars l'heure, que certains monopoles de restauration rapide offrent maintenant, laisse les familles dans une situation de pauvreté à cause des augmentations importantes du coût de la nourriture, de l'essence, des logements et des soins de santé.

Le transport de conteneurs de marchandises des ports aux entrepôts de détail requiert près de 2 millions de camionneurs aux États-Unis. Selon Joe Biden et les monopoles du camionnage, il y a une « pénurie » de près de 80 000 camionneurs. Comme partout ailleurs cependant, que ce soit dans les soins de santé, dans les établissements de restauration rapide, les magasins à un dollar ou dans plusieurs autres endroits de travail, le problème demeure les conditions non sécuritaires et les bas salaires, y compris le temps supplémentaire obligatoire et l'absence de régimes d'assurance-santé.

Avant 1980, en moyenne, un camionneur syndiqué gagnait plus de 96 000 en dollars d'aujourd'hui, et il produisait beaucoup plus en valeur saisie par les propriétaires privés. En 1974, le membership du syndicat des Teamsters, le principal syndicat à représenter les camionneurs, était de plus de 2 millions de membres. Aujourd'hui, il y a moins de 75 000 membres syndiqués. Le salaire médian des camionneurs est d'environ 45 260 dollars, et 40 % d'entre eux n'ont pas d'assurance-santé. C'est en grande partie le résultat de la dérèglementation de l'industrie en 1980, qui a fortement accru la monopolisation et miné les salaires et les conditions de travail des camionneurs, en plus d'ouvrir la voie à plus de compagnies non syndiquées.

Les camionneurs portuaires se joignent aux millions d'autres travailleurs qui refusent de travailler dans de telles conditions. Les travailleurs de la restauration rapide et des magasins à un dollar, par exemple, démissionnent en groupes, placardant les portes d'enseignes disant « Fermé parce que nous démissionnons ». La majorité des démissions ont lieu dans les emplois à bas salaires qui n'ont pas d'assurance-maladie, dans des conditions où les travailleurs ont affaire au public et où la COVID-19 est toujours un problème. Parmi les personnes qui démissionnent, il y a les travailleurs des services de garde, qui ne gagnent très souvent que 13 ou 14 dollars l'heure. Environ de 3 à 4 millions de personnes démissionnent à chaque mois.

Les millions de démissions sont une forme de résistance, comme le sont les grèves déclenchées par des milliers de travailleurs. Les travailleurs prennent position en refusant de travailler à moins d'avoir des conditions sécuritaires, des salaires plus élevés et des régimes d'assurance-santé. Ils expriment aussi leur conscience sociale en exigeant des conditions sécuritaires pour tous.

(Photo : SIDM)

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