Sean Staddon est un électricien travaillant sous terre et délégué
syndical de la section 6500 du Syndicat des Métallos à la mine Totten de
Vale à Sudbury.
Forum ouvrier : Ton intervention au congrès de la
Fédération du travail de l'Ontario, au début de novembre, sur la
nécessité d'éliminer le mépris de la vie humaine sur le lieu de travail,
surtout dans les secteurs dangereux comme l'exploitation minière, était
éloquente. Peux-tu nous rappeler brièvement ce que tu as dit à
cette occasion ?
Sean
Staddon : Je parlais d'une résolution demandant l'application de la Loi Westray et je parlais de notre campagne « Vous tuez un travailleur, vous allez en prison »[1].
Mes confrères et consoeurs de la section locale 6500 ne
connaissent que trop bien la
douleur, la souffrance et le chagrin causés par les accidents mortels au
travail. Par conséquent, notre exécutif syndical et nos représentants
de la santé et de la sécurité sont devenus des experts dans la
participation aux enquêtes du coroner, ce qu'aucune famille ne devrait
avoir à vivre. Nos environnements de travail sont dangereux mais le
mépris
répété de nos employeurs pour la vie humaine l'est tout autant. Ce que
nous ressentons en tant que métallos, c'est que lorsqu'un employeur
parvient à négocier un plaidoyer et n'est pas tenu responsable, cela
témoigne d'un mépris flagrant pour la vie humaine. Nous travaillons pour
une grande multinationale minière, elle paie des amendes et
poursuit ses activités. L'exploitation minière coule dans les veines de
chaque résident de Sudbury et elle a touché chaque membre de notre
communauté sous une forme ou une autre. Nous n'avons jamais accepté et
nous n'accepterons jamais que perdre des vies est « le prix à payer pour
faire des affaires ». Et si vous regardez ce qui se passe
chez les sociétés minières dans le monde entier, avec les ruptures de
barrage et les autres incidents, il est assez évident que les minéraux
sont considérés comme plus importants que la vie humaine à certains
égards.
Ce que je voulais dire, c'est que la catastrophe minière de Westray
s'est produite il y a 30 ans et que, bien sûr, d'énormes
changements ont été apportés à la législation fédérale pour que les
employeurs négligents soient tenus criminellement responsables. Mais
nous n'avons pas vu les procureurs de la Couronne utiliser cette loi
suffisamment quand c'était justifié. C'est une chose que nous
préconisons depuis un certain temps, que les procureurs de la Couronne
et la police soient formés pour reconnaître la négligence sur le lieu de
travail menant à la mort, en fait un meurtre sur un lieu de travail, et
le traiter comme tel.
Rien qu'en Ontario, si vous regardez le nombre d'infractions à la Loi sur la santé et la sécurité au travail qui
sont rédigées, sans qu'il y ait de mesures de dissuasion pour forcer
une entreprise à corriger la violation, une de ces infractions finira
par entraîner un décès. Et dans n'importe quelle mine de l'Ontario,
lorsque les inspecteurs du
ministère du Travail se présentent, ils rédigent des ordonnances, mais
il n'y a pas d'amende, seulement des ordonnances écrites pour corriger
quelque chose. Il y en a des dizaines à chaque visite. Il n'y a pas
vraiment de mesures de dissuasion pour forcer une entreprise à faire
mieux et à respecter la loi. Les employeurs continuent d'enfreindre la
loi,
la police et les procureurs de la Couronne choisissent de ne pas
utiliser la législation, et les familles doivent ramasser les morceaux
de leur vie brisée.
Note
1. La Loi Westray
est une loi fédérale qui a été adoptée le 31 mars 2004 et qui a
modifié le Code criminel du Canada. Entre autres choses, elle rend les
entreprises criminellement responsables lorsque leur négligence cause la
mort ou des blessures graves à un travailleur. La loi
a été adoptée à la suite de la catastrophe survenue en 1992 dans la
mine de charbon de Westray, en Nouvelle-Écosse, où 26 mineurs ont
été tués après que du méthane se soit enflammé, provoquant une
explosion. Malgré les graves problèmes de sécurité soulevés par les
travailleurs, les représentants syndicaux et les inspecteurs
gouvernementaux au cours de la période précédant la tragédie,
l'entreprise n'a pas apporté de changements pour protéger la santé et la
sécurité des travailleurs et la catastrophe s'est produite. La lutte
des Métallos à l'époque a contribué à l'adoption de la loi. Depuis lors,
les cas où la loi a été utilisée pour mener des enquêtes criminelles ou
poursuivre des employeurs sont très rares.
Cet article est paru dans
Numéro 111 - 24 novembre 2021
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