Forum ouvrier

Numéro 106 - 12 novembre 2021

Nunavut

Les travailleurs luttent pour le respect
et l'élévation du niveau de vie dans
les conditions les plus difficiles

https://cpcml.ca/images2020/Quebec/200528-MontrealPublicSectorProtestLegaultOffce-J-FCouto-02cr.jpghttp://www.pmlq.qc.ca/images/2016/MouvementOuvrier/160501-Montreal-PremierMai-13.jpghttps://cpcml.ca/francais/Images2019/Slogans/NotreDignite-ServicesPubliquesCr.jpg

Manitoba

Le corps professoral de l'Université du Manitoba en grève à la défense de ses droits et de l'éducation publique


Nunavut

Les travailleurs luttent pour le respect et l'élévation du niveau de vie dans les conditions les plus difficiles

Quatre mille travailleurs du secteur public du Nunavut employés par le gouvernement du Nunavut (GDN), dont la convention collective s'est terminée à la fin du mois de septembre 2018, luttent pour leurs droits et leur dignité et pour l'amélioration du niveau de vie de toutes et de tous, dans les conditions les plus difficiles. Ces travailleurs, au nombre de près de 5 000, sont membres du Syndicat des employés du Nunavut (SEN), et comprennent des gardiens d'immeubles, des travailleurs sociaux, des agents de la paie et des infirmières.

Le SEN est une composante de l'Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC), le plus grand syndicat d'employés fédéraux. Parmi les principales revendications de ces travailleurs figurent des augmentations salariales significatives, l'amélioration des avantages sociaux, l'augmentation de l'indemnité de vie dans le Nord (Nunavut), le soutien à la santé mentale et les congés payés pour les victimes de violence conjugale. L'indemnité de vie dans le Nord (Nunavut) est une prestation versée aux employés du gouvernement qui vise à compenser la différence du coût de la vie entre le Nunavut et des centres désignés du Sud et à égaliser la rémunération des employés du Nunavut qui font face à des conditions économiques différentes. Le syndicat souligne qu'il n'y a pas eu d'augmentation de l'indemnité depuis 12 ans.

Les travailleurs du secteur public du Nunavut ont été aux premières lignes de la lutte contre la pandémie. Ils ont travaillé pendant les éclosions de la COVID-19 sans aucune augmentation de salaire pendant cette période.

« Cela cause beaucoup de problèmes de santé mentale, de stress et d'anxiété pour les familles et les personnes qui travaillent très dur et qui doivent prendre des décisions difficiles, comme payer les factures ou mettre de la nourriture sur la table », a déclaré à la presse Jason Rochon, président du SEN.

Un des principaux problèmes auxquels sont confrontés les travailleurs du Nunavut est que près de 90 % du budget du gouvernement territorial provient des transferts fédéraux, le reste provenant de l'imposition des particuliers et des entreprises. Le Nunavut a une population d'environ 35 000 personnes, dont environ 85 % sont des Inuits, et les recettes fiscales sont très limitées. De plus, les transferts fédéraux sont insuffisants pour répondre aux besoins de la population. Le coût de la vie au Nunavut est l'un des plus élevés du pays. Le Nunavut est le plus grand et le plus septentrional des territoires du Canada et la cinquième plus grande division administrative du monde. La population de Nunavut vit dans 25 communautés réparties sur ce vaste territoire, le plus grand nombre, près de 8 000, résidant dans la capitale, Iqaluit. Les déplacements d'une communauté à l'autre se font principalement par avion et une grande partie de la nourriture et des fournitures est expédiée au Nunavut de l'extérieur par avion ou par bateau pendant l'été.

La crise du logement au Nunavut est aiguë. Les résidents y paient les loyers les plus élevés au pays. Selon un rapport publié par l'AFPC-Nord en 2017, près de 50 % de la population vit dans des logements inadéquats, et 57 % dans des logements publics, contre 6 % dans le reste du Canada. Selon l'AFPC, la crise du logement est un facteur important qui contribue aux taux élevés de pauvreté, d'insécurité alimentaire et de suicide.

Une négociation difficile

Les travailleurs du GDN demandent que le gouvernement territorial les soutienne dans l'amélioration de leur niveau de vie. Jusqu'à présent, leur demande n'a pas été satisfaite. Aucune négociation n'a lieu  pour le moment.

En novembre 2019, le GN a réduit de moitié son offre sur l'indemnité de vie dans le Nord, tout en maintenant une offre salariale très inférieure à l'inflation. Le comité de négociation a estimé qu'il n'avait pas d'autre choix que de déposer devant la Cour de justice du Nunavut une plainte de négociation de mauvaise foi, une violation de la Loi sur la fonction publique. La plainte déposée en novembre 2019 n'a pas encore été entendue, ce qui a interrompu les négociations. Le gouvernement du Nunavut a déclaré par la suite que la réduction de son offre en ce qui concerne l'indemnité était en fait une erreur de calcul qui serait corrigée dans le cadre de la médiation mais les négociations sont en suspens depuis. Le syndicat a indiqué clairement qu'il retirerait sa plainte pour négociation de mauvaise foi si le gouvernement revenait à la table et présentait une offre acceptable pour les travailleurs.

Crise de l'eau à Iqaluit

Depuis la deuxième semaine d'octobre, un état d'urgence a été déclaré à Iqaluit  lorsqu'une forte concentration de carburant a été découverte dans un réservoir qui alimente la ville en eau. Depuis, l'état d'urgence a été prolongé plusieurs fois, présentement jusqu'à la fin novembre. Le SEN représente la plupart des employés de la ville d'Iqaluit (leur convention collective est distincte de celle du GDN et a été récemment renouvelée) qui travaillent sans relâche pour résoudre la situation par le biais d'enquêtes, de tests, de réparations et de distribution d'eau. En vertu de l'état d'urgence, les gens ne sont pas autorisés à boire l'eau du robinet ou à l'utiliser pour cuisiner, même si elle est bouillie. Les habitants d'Iqaluit ont dû payer des sommes faramineuses pour obtenir des bouteilles d'eau. De nombreux patients ont  été forcés de voyager en dehors du territoire pour se faire soigner car le personnel hospitalier n'a pas été en mesure de se laver les mains ou de stériliser les instruments pendant plusieurs semaines.

Cette situation pèse lourdement sur la santé physique et mentale de la communauté.  Cependant, ce n'est pas la première fois qu'Iqaluit doit faire face à une eau contaminée. Selon les habitants du Nunavut, cette crise, qui s'ajoute aux trois crises de l'eau survenues au cours des quatre dernières années, révèle un problème chronique. Les communautés du Nord sont touchées par des infrastructures vieillissantes et médiocres qui provoquent des urgences en matière d'eau, et elles continuent de se débattre avec des problèmes de qualité et d'approvisionnement en eau.

« Cette crise résulte des décennies de promesses trahies et d'inégalités qui continuent d'être le lot des populations inuites et autochtones », a déclaré Lorraine Rousseau, vice-présidente exécutive régionale de l'AFPC-Nord. « Pourquoi les gouvernements n'ont pas appris de leurs erreurs et mis en oeuvre les mesures nécessaires pour protéger notre eau et la sécurité de nos communautés ? », a-t-elle demandé.

Dans une conversation avec Forum ouvrier, le président du SEN,Jason Rochon a dit : « Nous essayons de faire revenir le gouvernement à la table. Nous avons des membres qui sont sans convention collective depuis trois ans et nous savons que le coût de la vie a beaucoup augmenté. Cela cause beaucoup de stress, surtout avec la COVID-19. Nous avons des gens qui doivent payer des sommes faramineuses pour l'eau, qui est un droit humain fondamental. Les travailleurs doivent être rémunérés équitablement, ils doivent être traités avec respect. Nous ne pouvons pas accepter que des enfants aillent à l'école le ventre vide. L'insécurité alimentaire est très élevée ici. Et l'indemnité de vie dans le Nord (Nunavut) n'a pas été augmentée depuis 12 ans. Les politiciens le savent et les employeurs le savent. Ils doivent prendre leurs responsabilités et traiter les travailleurs avec respect. »

Il a ajouté que les travailleurs ne veulent pas faire la grève mais qu'un vote de grève se tiendra s'il n'y a pas de progrès dans l'obtention d'une offre que les travailleurs jugent acceptable.

Haut de page


Manitoba

Le corps professoral de l'Université du Manitoba
en grève à la défense de ses droits
et de l'éducation publique

Les professeurs, chargés de cours et libraires, plus de 1 200 membres de l'Association du corps professoral de l'Université du Manitoba (UMFA), ont déclenché la grève le 2 novembre après que les négociations entre l'association et l'administration de l'université ont abouti à une impasse. La principale pierre d'achoppement touche aux augmentations salariales nécessaires pour recruter et retenir le personnel dont les salaires ont été gelés depuis 2016. Ce gel fait en sorte que, selon les données de Statistique Canada, les salaires du personnel d'enseignement à temps plein à l'université arrivent, au deuxième rang des salaires moyens les plus bas sur  les 15 plus grandes universités canadiennes qui se consacrent à la recherche.


Ligne de piquetage des travailleurs en grève devant  la législature du Manitoba à Winnipeg,
9 novembre 2021

Plus tôt cette année, la Cour d'appel du Manitoba a confirmé la décision du tribunal de première instance qui avait jugé que le gouvernement avait agi de façon illégale du fait qu'il s'était ingéré dans les négociations à l'université en 2016. Cependant, l'UMFA rapporte que l'université n'a pas encore indemnisé les membres de l'UMFA pour les augmentations de salaires qui avaient été illégalement retirées de la table de négociation.

L'UMFA rapporte que le président de l'Université du Manitoba, Michael Benarroch, après avoir confirmé que les salaires avaient baissé de 8 % si l'on considère l'inflation, « a avoué que le gouvernement l'avait une fois de plus enjoint à offrir des augmentations salariales conformes à la Loi sur la viabilité des services publics  ».

Le gouvernement du Manitoba a déposé la Loi sur la viabilité des services publics  en 2017. Elle a été adoptée à l'Assemblée législative et, bien qu'elle n'ait jamais été appliquée, elle a été invoquée comme « mandat » pour imposer des restrictions salariales aux travailleurs du secteur public. Le plafond salarial est de 0 % pour chacune des deux premières années d'une entente de 4 ans. En 2020, un juge de la Cour du Banc de la Reine avait décidé que la loi violait le droit des 120 000 membres du syndicat du secteur public à une négociation collective en bonne et due forme. Le gouvernement en a appelé de la décision et, en octobre, la Cour d'appel du Manitoba a infirmé la décision de la Cour de première instance. Le Partenariat à la défense des services publics, un groupe de syndicats représentant plus de 100 000 travailleurs du Manitoba, fera une demande d'autorisation d'appel auprès de la Cour suprême du Canada.

Dans un bulletin d'information publié avant le déclenchement de la grève, l'UMFA a informé les étudiants :

« La séance actuelle de négociation touche à plusieurs questions, y compris l'équité, la diversité et l'inclusion, les services de garde, la propriété intellectuelle et plus encore. Le point le plus important sont les salaires. Les salaires de l'UMFA sont gelés depuis 2016, une mesure prise dans le cadre de l'ordre du jour d'austérité enchâssé dans la loi non promulguée, Loi sur la viabilité des services publics (LVSP), qui a été invoquée pour geler les salaires dans le secteur public. Alors que la loi a servi à justifier les gels salariaux pour les membres de l'UMFA, les autres travailleurs du secteur public comme les infirmières et les travailleurs d'Hydro ont pu en arriver à des ententes supérieures à ce qui était proposé dans la LVSP. »

La grève jouit de l'appui de l'Union des étudiants de l'Université du Manitoba, de plusieurs groupes d'étudiants sur le campus, du Syndicat des infirmières du Manitoba et d'autres syndicats ainsi que de la Fédération du Travail du Manitoba.

Le sous-financement et les bas salaires à l'université affectent non seulement la communauté universitaire mais la société dans son ensemble. Un Rassemblement pour la santé a été organisé devant l'Assemblée législative du Manitoba le 9 novembre par des chargés de cours de la faculté des soins infirmiers dont les 54 professeurs sont membres de l'UMFA. Le même jour, une lettre signée par 40 personnes de la faculté des soins infirmiers a été livrée à Audrey Gordon, ministre de la Santé et des Soins aux aînés et ministre de la Santé mentale, du Mieux-être et du Rétablissement, laquelle souligne la nécessité de créer « une échelle de traitement qui va attirer de nouveaux professeurs et retenir les professeurs actuels qui seront en mesure de relever le défi de préparer les infirmières au système de santé en crise en raison de la pénurie d'infirmières, d'une pandémie et d'une violence interpersonnelle et une détresse morale à la hausse aux premières lignes. » Les auteurs de la lettre soulignent que, dans les deux dernières années, 15 % des membres de la faculté de soins infirmiers ont pris leur retraite ou ont quitté la faculté et que les enseignants en soins infirmiers et les professeurs adjoints gagnent des salaires qui sont inférieurs à ceux des infirmières licenciées. Ils ont fait valoir que la grève a des répercussions sur « tous les secteurs de la main-d'oeuvre, particulièrement le secteur de la santé » puisqu'une grève prolongée « retardera la remise de diplômes à près de 110 étudiants en soins infirmiers au printemps 2022, aggravant davantage la pénurie du personnel infirmier qui sévit au Manitoba ».

Dans le secteur de la santé, le public a pu constater les pénuries de personnel qualifié, mais ce ne sont pas uniquement les soins de santé qui sont touchés. L'ingérence du gouvernement par son imposition de salaires qui ne correspondent même pas au coût de la vie accroît les difficultés liées au recrutement et à la rétention dans les services publics, y compris les éducateurs, et l'impact est considérable. La revendication de l'UMFA que le gouvernement cesse son ingérence est juste et jouit d'un vaste appui.

Par sa grève, le corps professoral de l'Université du Manitoba défend ses droits et ceux des étudiants, et affirme que ses conditions de travail sont les conditions d'apprentissage des étudiants. Il défend et lutte aussi pour le système d'éducation public duquel dépend toute la société.

(Photos: MFL, UMFA)

Haut de page


(Pour voir les articles individuellement, cliquer sur le titre de l'article.)

PDF

NUMÉROS PRÉCÉDENTS | ACCUEIL

Site web:  www.pccml.ca   Email:  forumouvrier@cpcml.ca