Numéro 106 - 12 novembre 2021
Nunavut
Les travailleurs luttent pour le
respect
et l'élévation du niveau de vie dans
les conditions les plus difficiles
Manitoba
• Le
corps professoral de l'Université du Manitoba en
grève à la défense de ses droits et de
l'éducation publique
Nunavut
Quatre
mille travailleurs du secteur public du Nunavut
employés par le gouvernement du Nunavut (GDN),
dont la
convention collective s'est terminée à la fin du
mois de
septembre 2018, luttent pour leurs droits et
leur dignité et pour l'amélioration du niveau de
vie de toutes et de tous, dans les conditions les
plus difficiles. Ces travailleurs, au nombre de
près de 5 000, sont membres du Syndicat des
employés du Nunavut (SEN), et comprennent des
gardiens d'immeubles, des travailleurs sociaux,
des agents de la paie et des infirmières.
Le SEN est une composante de l'Alliance de la
fonction publique du Canada (AFPC), le plus grand
syndicat d'employés fédéraux. Parmi les
principales revendications de ces travailleurs
figurent des augmentations salariales
significatives, l'amélioration des avantages
sociaux, l'augmentation de l'indemnité de vie dans
le Nord (Nunavut), le soutien à la santé mentale
et les congés payés pour les victimes de violence
conjugale. L'indemnité de vie dans le Nord
(Nunavut) est une prestation
versée aux employés du gouvernement qui vise à
compenser la différence du coût de la vie entre le
Nunavut et des centres désignés du Sud et à
égaliser la rémunération des employés du Nunavut
qui font face à des conditions économiques
différentes. Le syndicat souligne qu'il n'y a pas
eu d'augmentation de l'indemnité depuis 12
ans.
Les travailleurs du secteur public du Nunavut ont
été aux premières lignes de la lutte contre la
pandémie. Ils ont travaillé pendant les éclosions
de la COVID-19 sans aucune augmentation de salaire
pendant cette période.
« Cela cause beaucoup de problèmes de santé
mentale, de stress et d'anxiété pour les familles
et les personnes qui travaillent très dur et qui
doivent prendre des décisions difficiles, comme
payer les factures ou mettre de la nourriture sur
la table », a déclaré à la presse Jason
Rochon, président du SEN.
Un des principaux problèmes auxquels sont
confrontés les travailleurs du Nunavut est que
près de 90 % du budget du gouvernement
territorial provient des transferts fédéraux, le
reste provenant de l'imposition des particuliers
et des entreprises. Le Nunavut a une population
d'environ 35 000 personnes, dont
environ 85 % sont des Inuits, et les
recettes fiscales sont très limitées. De plus, les
transferts fédéraux sont insuffisants pour
répondre aux besoins de la population. Le coût de
la vie au Nunavut est l'un des plus élevés du
pays. Le Nunavut est le plus grand et le plus
septentrional des territoires du Canada et la
cinquième
plus grande division administrative du monde. La
population de Nunavut vit dans 25 communautés
réparties sur ce vaste territoire, le plus grand
nombre, près de 8 000, résidant dans la
capitale, Iqaluit. Les déplacements d'une
communauté à l'autre se font principalement par
avion et une grande partie de la nourriture et des
fournitures est expédiée
au Nunavut de l'extérieur par avion ou par bateau
pendant l'été.
La crise du logement au Nunavut est aiguë. Les
résidents y paient les loyers les plus élevés au
pays. Selon un rapport publié par l'AFPC-Nord
en 2017, près de 50 % de la
population vit dans des logements inadéquats,
et 57 % dans des logements publics,
contre 6 % dans le reste du Canada.
Selon
l'AFPC, la crise du logement est un facteur
important qui contribue aux taux élevés de
pauvreté, d'insécurité alimentaire et de suicide.
Une négociation difficile
Les travailleurs du GDN demandent que le
gouvernement territorial les soutienne dans
l'amélioration de leur niveau de vie. Jusqu'à
présent, leur demande n'a pas été satisfaite.
Aucune négociation n'a lieu pour le moment.
En novembre 2019, le GN a réduit de moitié
son offre sur l'indemnité de vie dans le Nord,
tout en maintenant une offre salariale très
inférieure à l'inflation. Le comité de négociation
a estimé qu'il n'avait pas d'autre choix que de
déposer devant la Cour de justice du Nunavut une
plainte de négociation de mauvaise foi, une
violation de la Loi sur la fonction publique.
La plainte déposée en novembre 2019 n'a pas encore
été entendue,
ce qui a interrompu les négociations. Le
gouvernement du Nunavut a déclaré par la suite que
la réduction de son offre en ce qui concerne
l'indemnité était en fait une erreur de calcul qui
serait corrigée dans le cadre de la médiation mais
les négociations sont en suspens depuis. Le
syndicat a indiqué clairement qu'il retirerait sa
plainte pour négociation de mauvaise foi si le
gouvernement
revenait à la table et présentait une offre
acceptable pour les travailleurs.
Crise de l'eau à Iqaluit
Depuis la deuxième semaine d'octobre, un état
d'urgence a été déclaré à Iqaluit lorsqu'une
forte concentration de carburant a été découverte
dans un réservoir qui alimente la ville en eau.
Depuis, l'état d'urgence a été prolongé plusieurs
fois, présentement jusqu'à la fin novembre. Le SEN
représente la plupart des employés de la ville
d'Iqaluit (leur convention collective est
distincte de celle du GDN
et a été récemment renouvelée) qui travaillent
sans relâche pour résoudre la situation par le
biais d'enquêtes, de tests, de réparations et de
distribution d'eau. En vertu de l'état d'urgence,
les gens ne sont pas autorisés à boire l'eau du
robinet ou à l'utiliser pour cuisiner, même si
elle est bouillie. Les habitants d'Iqaluit ont dû
payer des sommes faramineuses pour obtenir des
bouteilles d'eau. De nombreux patients ont
été forcés de voyager en dehors du territoire pour
se faire
soigner car le personnel hospitalier n'a pas été
en mesure de se laver les mains ou de stériliser
les instruments pendant plusieurs semaines.
Cette
situation pèse lourdement sur la santé physique et
mentale de la communauté. Cependant, ce
n'est pas la
première fois qu'Iqaluit doit faire face à une eau
contaminée. Selon les habitants du Nunavut, cette
crise, qui s'ajoute aux trois crises de l'eau
survenues au cours des quatre dernières années,
révèle un problème chronique. Les communautés du
Nord sont touchées par des infrastructures
vieillissantes et médiocres qui provoquent des
urgences en
matière d'eau, et elles continuent de se débattre
avec des problèmes de qualité et
d'approvisionnement en eau.
« Cette crise résulte des décennies de promesses
trahies et d'inégalités qui continuent d'être le
lot des populations inuites et autochtones »,
a déclaré Lorraine Rousseau, vice-présidente
exécutive régionale de l'AFPC-Nord. « Pourquoi les
gouvernements n'ont pas appris de leurs erreurs et
mis en oeuvre les mesures nécessaires pour
protéger notre eau et la sécurité de nos
communautés ? », a-t-elle demandé.
Dans une conversation avec Forum ouvrier,
le président du SEN,Jason Rochon a dit : «
Nous essayons de faire revenir le gouvernement à
la table. Nous avons des membres qui sont sans
convention collective depuis trois ans et nous
savons que le coût de la vie a beaucoup augmenté.
Cela cause beaucoup de stress, surtout avec la
COVID-19. Nous avons des gens qui doivent payer
des sommes faramineuses pour l'eau, qui est un
droit humain fondamental. Les travailleurs doivent
être rémunérés équitablement, ils doivent être
traités avec respect. Nous ne pouvons pas accepter
que des enfants aillent à l'école le ventre vide.
L'insécurité alimentaire est très élevée ici. Et
l'indemnité de vie dans le Nord
(Nunavut) n'a pas été augmentée depuis 12 ans. Les
politiciens le savent et les employeurs le savent.
Ils doivent prendre leurs responsabilités et
traiter les travailleurs avec respect. »
Il a ajouté que les travailleurs ne veulent pas
faire la grève mais qu'un vote de grève se tiendra
s'il n'y a pas de progrès dans l'obtention d'une
offre que les travailleurs jugent acceptable.
Manitoba
Les professeurs, chargés de cours et libraires,
plus de 1 200 membres de l'Association
du corps professoral de l'Université du Manitoba
(UMFA), ont déclenché la grève le 2 novembre
après que les négociations entre l'association et
l'administration de l'université ont abouti à une
impasse. La principale pierre d'achoppement
touche aux augmentations salariales nécessaires
pour recruter et retenir le personnel dont les
salaires ont été gelés depuis 2016. Ce gel
fait en sorte que, selon les données de
Statistique Canada, les salaires du personnel
d'enseignement à temps plein à l'université
arrivent, au deuxième rang des salaires moyens les
plus bas sur les 15
plus grandes universités canadiennes qui se
consacrent à la recherche.
Ligne de piquetage des travailleurs en grève
devant la législature du Manitoba à
Winnipeg,
9 novembre 2021
Plus tôt cette année, la Cour d'appel du Manitoba
a confirmé la décision du tribunal de première
instance qui avait jugé que le gouvernement avait
agi de façon illégale du fait qu'il s'était ingéré
dans les négociations à l'université en 2016.
Cependant, l'UMFA rapporte que l'université n'a
pas encore indemnisé les membres de l'UMFA
pour les augmentations de salaires qui avaient été
illégalement retirées de la table de négociation.
L'UMFA rapporte que le président de l'Université
du Manitoba, Michael Benarroch, après avoir
confirmé que les salaires avaient baissé de 8 % si
l'on considère l'inflation, « a avoué que le
gouvernement l'avait une fois de plus enjoint à
offrir des augmentations salariales conformes à la
Loi sur la viabilité des services publics
».
Le
gouvernement du Manitoba a déposé la Loi sur
la viabilité des services publics
en 2017. Elle a été adoptée à l'Assemblée
législative et, bien qu'elle n'ait jamais été
appliquée, elle a été invoquée comme «
mandat » pour imposer des restrictions
salariales aux travailleurs du secteur public. Le
plafond salarial est
de 0 % pour chacune des deux premières
années d'une entente de 4 ans. En 2020,
un juge de la Cour du Banc de la Reine avait
décidé que la loi violait le droit
des 120 000 membres du syndicat du
secteur public à une négociation collective en
bonne et due forme. Le gouvernement en a appelé de
la décision et, en
octobre, la Cour d'appel du Manitoba a infirmé la
décision de la Cour de première instance. Le
Partenariat à la défense des services publics, un
groupe de syndicats représentant plus de
100 000 travailleurs du Manitoba, fera une
demande d'autorisation d'appel auprès de la Cour
suprême du Canada.
Dans un bulletin d'information publié avant le
déclenchement de la grève, l'UMFA a informé les
étudiants :
« La séance actuelle de négociation touche à
plusieurs questions, y compris l'équité, la
diversité et l'inclusion, les services de garde,
la propriété intellectuelle et plus encore. Le
point le plus important sont les salaires. Les
salaires de l'UMFA sont gelés depuis 2016,
une mesure prise dans le cadre de l'ordre du jour
d'austérité enchâssé dans la
loi non promulguée, Loi sur la viabilité des
services publics (LVSP), qui a été invoquée
pour geler les salaires dans le secteur public.
Alors que la loi a servi à justifier les gels
salariaux pour les membres de l'UMFA, les autres
travailleurs du secteur public comme les
infirmières et les travailleurs d'Hydro ont pu en
arriver à des ententes
supérieures à ce qui était proposé dans la
LVSP. »
La
grève jouit de l'appui de l'Union des étudiants de
l'Université du Manitoba, de plusieurs groupes
d'étudiants sur le campus, du Syndicat des
infirmières du Manitoba et d'autres syndicats
ainsi que de la Fédération du Travail du Manitoba.
Le sous-financement et les bas salaires à
l'université affectent non seulement la communauté
universitaire mais la société dans son ensemble.
Un Rassemblement pour la santé a été organisé
devant l'Assemblée législative du Manitoba
le 9 novembre par des chargés de cours de la
faculté des soins infirmiers dont les 54
professeurs sont membres
de l'UMFA. Le même jour, une lettre signée
par 40 personnes de la faculté des soins
infirmiers a été livrée à Audrey Gordon, ministre
de la Santé et des Soins aux aînés et ministre de
la Santé mentale, du Mieux-être et du
Rétablissement, laquelle souligne la nécessité de
créer « une échelle de traitement qui va attirer
de nouveaux professeurs
et retenir les professeurs actuels qui seront en
mesure de relever le défi de préparer les
infirmières au système de santé en crise en raison
de la pénurie d'infirmières, d'une pandémie et
d'une violence interpersonnelle et une détresse
morale à la hausse aux premières lignes. »
Les auteurs de la lettre soulignent que, dans les
deux dernières
années, 15 % des membres de la faculté
de soins infirmiers ont pris leur retraite ou ont
quitté la faculté et que les enseignants en soins
infirmiers et les professeurs adjoints gagnent des
salaires qui sont inférieurs à ceux des
infirmières licenciées. Ils ont fait valoir que la
grève a des répercussions sur « tous les secteurs
de la
main-d'oeuvre, particulièrement le secteur de la
santé » puisqu'une grève prolongée «
retardera la remise de diplômes à près de 110
étudiants en soins infirmiers au
printemps 2022, aggravant davantage la
pénurie du personnel infirmier qui sévit au
Manitoba ».
Dans le secteur de la santé, le public a pu
constater les pénuries de personnel qualifié, mais
ce ne sont pas uniquement les soins de santé qui
sont touchés. L'ingérence du gouvernement par son
imposition de salaires qui ne correspondent même
pas au coût de la vie accroît les difficultés
liées au recrutement et à la rétention dans les
services publics, y
compris les éducateurs, et l'impact est
considérable. La revendication de l'UMFA que le
gouvernement cesse son ingérence est juste et
jouit d'un vaste appui.
Par sa grève, le corps professoral de
l'Université du Manitoba défend ses droits et ceux
des étudiants, et affirme que ses conditions de
travail sont les conditions d'apprentissage des
étudiants. Il défend et lutte aussi pour le
système d'éducation public duquel dépend toute la
société.
(Pour voir les articles
individuellement, cliquer sur le titre de
l'article.)
PDF
NUMÉROS
PRÉCÉDENTS | ACCUEIL
Site web: www.pccml.ca
Email: forumouvrier@cpcml.ca
|