Nunavut

Les travailleurs luttent pour le respect et l'élévation du niveau de vie dans les conditions les plus difficiles

Quatre mille travailleurs du secteur public du Nunavut employés par le gouvernement du Nunavut (GDN), dont la convention collective s'est terminée à la fin du mois de septembre 2018, luttent pour leurs droits et leur dignité et pour l'amélioration du niveau de vie de toutes et de tous, dans les conditions les plus difficiles. Ces travailleurs, au nombre de près de 5 000, sont membres du Syndicat des employés du Nunavut (SEN), et comprennent des gardiens d'immeubles, des travailleurs sociaux, des agents de la paie et des infirmières.

Le SEN est une composante de l'Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC), le plus grand syndicat d'employés fédéraux. Parmi les principales revendications de ces travailleurs figurent des augmentations salariales significatives, l'amélioration des avantages sociaux, l'augmentation de l'indemnité de vie dans le Nord (Nunavut), le soutien à la santé mentale et les congés payés pour les victimes de violence conjugale. L'indemnité de vie dans le Nord (Nunavut) est une prestation versée aux employés du gouvernement qui vise à compenser la différence du coût de la vie entre le Nunavut et des centres désignés du Sud et à égaliser la rémunération des employés du Nunavut qui font face à des conditions économiques différentes. Le syndicat souligne qu'il n'y a pas eu d'augmentation de l'indemnité depuis 12 ans.

Les travailleurs du secteur public du Nunavut ont été aux premières lignes de la lutte contre la pandémie. Ils ont travaillé pendant les éclosions de la COVID-19 sans aucune augmentation de salaire pendant cette période.

« Cela cause beaucoup de problèmes de santé mentale, de stress et d'anxiété pour les familles et les personnes qui travaillent très dur et qui doivent prendre des décisions difficiles, comme payer les factures ou mettre de la nourriture sur la table », a déclaré à la presse Jason Rochon, président du SEN.

Un des principaux problèmes auxquels sont confrontés les travailleurs du Nunavut est que près de 90 % du budget du gouvernement territorial provient des transferts fédéraux, le reste provenant de l'imposition des particuliers et des entreprises. Le Nunavut a une population d'environ 35 000 personnes, dont environ 85 % sont des Inuits, et les recettes fiscales sont très limitées. De plus, les transferts fédéraux sont insuffisants pour répondre aux besoins de la population. Le coût de la vie au Nunavut est l'un des plus élevés du pays. Le Nunavut est le plus grand et le plus septentrional des territoires du Canada et la cinquième plus grande division administrative du monde. La population de Nunavut vit dans 25 communautés réparties sur ce vaste territoire, le plus grand nombre, près de 8 000, résidant dans la capitale, Iqaluit. Les déplacements d'une communauté à l'autre se font principalement par avion et une grande partie de la nourriture et des fournitures est expédiée au Nunavut de l'extérieur par avion ou par bateau pendant l'été.

La crise du logement au Nunavut est aiguë. Les résidents y paient les loyers les plus élevés au pays. Selon un rapport publié par l'AFPC-Nord en 2017, près de 50 % de la population vit dans des logements inadéquats, et 57 % dans des logements publics, contre 6 % dans le reste du Canada. Selon l'AFPC, la crise du logement est un facteur important qui contribue aux taux élevés de pauvreté, d'insécurité alimentaire et de suicide.

Une négociation difficile

Les travailleurs du GDN demandent que le gouvernement territorial les soutienne dans l'amélioration de leur niveau de vie. Jusqu'à présent, leur demande n'a pas été satisfaite. Aucune négociation n'a lieu  pour le moment.

En novembre 2019, le GN a réduit de moitié son offre sur l'indemnité de vie dans le Nord, tout en maintenant une offre salariale très inférieure à l'inflation. Le comité de négociation a estimé qu'il n'avait pas d'autre choix que de déposer devant la Cour de justice du Nunavut une plainte de négociation de mauvaise foi, une violation de la Loi sur la fonction publique. La plainte déposée en novembre 2019 n'a pas encore été entendue, ce qui a interrompu les négociations. Le gouvernement du Nunavut a déclaré par la suite que la réduction de son offre en ce qui concerne l'indemnité était en fait une erreur de calcul qui serait corrigée dans le cadre de la médiation mais les négociations sont en suspens depuis. Le syndicat a indiqué clairement qu'il retirerait sa plainte pour négociation de mauvaise foi si le gouvernement revenait à la table et présentait une offre acceptable pour les travailleurs.

Crise de l'eau à Iqaluit

Depuis la deuxième semaine d'octobre, un état d'urgence a été déclaré à Iqaluit  lorsqu'une forte concentration de carburant a été découverte dans un réservoir qui alimente la ville en eau. Depuis, l'état d'urgence a été prolongé plusieurs fois, présentement jusqu'à la fin novembre. Le SEN représente la plupart des employés de la ville d'Iqaluit (leur convention collective est distincte de celle du GDN et a été récemment renouvelée) qui travaillent sans relâche pour résoudre la situation par le biais d'enquêtes, de tests, de réparations et de distribution d'eau. En vertu de l'état d'urgence, les gens ne sont pas autorisés à boire l'eau du robinet ou à l'utiliser pour cuisiner, même si elle est bouillie. Les habitants d'Iqaluit ont dû payer des sommes faramineuses pour obtenir des bouteilles d'eau. De nombreux patients ont  été forcés de voyager en dehors du territoire pour se faire soigner car le personnel hospitalier n'a pas été en mesure de se laver les mains ou de stériliser les instruments pendant plusieurs semaines.

Cette situation pèse lourdement sur la santé physique et mentale de la communauté.  Cependant, ce n'est pas la première fois qu'Iqaluit doit faire face à une eau contaminée. Selon les habitants du Nunavut, cette crise, qui s'ajoute aux trois crises de l'eau survenues au cours des quatre dernières années, révèle un problème chronique. Les communautés du Nord sont touchées par des infrastructures vieillissantes et médiocres qui provoquent des urgences en matière d'eau, et elles continuent de se débattre avec des problèmes de qualité et d'approvisionnement en eau.

« Cette crise résulte des décennies de promesses trahies et d'inégalités qui continuent d'être le lot des populations inuites et autochtones », a déclaré Lorraine Rousseau, vice-présidente exécutive régionale de l'AFPC-Nord. « Pourquoi les gouvernements n'ont pas appris de leurs erreurs et mis en oeuvre les mesures nécessaires pour protéger notre eau et la sécurité de nos communautés ? », a-t-elle demandé.

Dans une conversation avec Forum ouvrier, le président du SEN,Jason Rochon a dit : « Nous essayons de faire revenir le gouvernement à la table. Nous avons des membres qui sont sans convention collective depuis trois ans et nous savons que le coût de la vie a beaucoup augmenté. Cela cause beaucoup de stress, surtout avec la COVID-19. Nous avons des gens qui doivent payer des sommes faramineuses pour l'eau, qui est un droit humain fondamental. Les travailleurs doivent être rémunérés équitablement, ils doivent être traités avec respect. Nous ne pouvons pas accepter que des enfants aillent à l'école le ventre vide. L'insécurité alimentaire est très élevée ici. Et l'indemnité de vie dans le Nord (Nunavut) n'a pas été augmentée depuis 12 ans. Les politiciens le savent et les employeurs le savent. Ils doivent prendre leurs responsabilités et traiter les travailleurs avec respect. »

Il a ajouté que les travailleurs ne veulent pas faire la grève mais qu'un vote de grève se tiendra s'il n'y a pas de progrès dans l'obtention d'une offre que les travailleurs jugent acceptable.


Cet article est paru dans

Numéro 106 - 12 novembre 2021

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