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Le projet de loi 195 a passé l'étape de la deuxième et troisième lecture le 21 juillet et a reçu la sanction royale le même jour. La nouvelle loi entrera en vigueur le jour où elle sera promulguée par le Cabinet. Cette loi est une expression de plus de l'offensive antisociale qui détruit le tissu social, comme l'a fait la loi 124 adoptée l'an dernier qui a imposé un gel de salaire de trois ans à tous les travailleurs du secteur public de l'Ontario.
La Loi comprend aussi des dispositions d'exécution sévères bien qu'il ne soit pas précisé comment elles seront interprétées et mises en oeuvre. Des lignes de piquetage d'information ont immédiatement été organisées pour dénoncer cette attaque contre les droits des travailleurs. Les travailleurs et leurs syndicats sont en train de discuter comment y répondre. Michael Hurley, le président du Conseil des syndicats d'hôpitaux de l'Ontario, division du Syndicat canadien de la fonction publique (CSHO/SCFP) qui représente 50 000 travailleurs d'hôpitaux, a tenu des conférences de presse à North Bay, Sudbury et dans d'autres villes pour informer le public et l'appeler à appuyer les travailleurs contre le projet de loi 195. L'Association des infirmières et infirmiers de l'Ontario (AIIO) a organisé deux sessions d'information en ligne et mobilisé des milliers de membres dans la discussion sur l'impact du projet de loi 195 sur les infirmières et les patients. L'Union internationale des employés de service - Division soins de santé (UIES) représentant 60 000 travailleurs de première ligne en Ontario, a dénoncé le projet de loi 195 comme un « cadeau à l'industrie des soins de longue durée fonctionnant pour le profit pour qu'elle outrepasse les conventions collectives en offrant plus de quarts de travail à des travailleurs nouveaux et payés à un salaire plus bas ». D'autres organisations syndicales telles Unifor, les Travailleurs unis de l'alimentation et du commerce (TUAC) et la Fédération du travail de l'Ontario (FTO) ont elles aussi dénoncé fermement les actions du gouvernement Ford. L'Association canadienne des libertés civiles (ACLC) a qualifié le projet de loi 195 de « prise de pouvoir antidémocratique » et a lancé l'appel aux députés provinciaux ontariens d'y résister.
Les pouvoirs dont disposent le premier ministre et le Cabinet en vertu de la LPCGSU sont considérables. Ils ont notamment le pouvoir d'émettre des décrets qui sont jugés nécessaires et essentiels dans une situation dangereuse qui « risquerait de causer un grave préjudice à des personnes ou d'importants dommages à des biens ». Aucune information ou évaluation n'est fournie qui permettrait de juger si le gouvernement a fait quoi que ce soit pour prévenir ou réduire « un grave préjudice à des personnes ou d'importants dommages à des biens », ou ce qu'il a fait et quelles ont été les conséquences de ses actions pour les Ontariens. La plupart des décrets d'urgence qui ont été émis
en
vertu de l'état d'urgence actuel à cause de la
pandémie de la COVID-19
prescrivent qu'en dépit de quelque convention
collective que ce soit,
les employeurs peuvent fixer les priorités en ce
qui a trait aux
effectifs et peuvent redéployer unilatéralement le
personnel à volonté,
changer les horaires de travail ou les
affectations de quarts de
travail, annuler des vacances, engager de la
main-d'oeuvre à temps
partiel, temporaire et contractuelle et avoir
recours à des volontaires
pour accomplir des tâches qui appartiennent à une
unité de négociation.
Les procédures de griefs sont annulées pour toute
question qui est
traitée dans le décret. La seule intention qu'expriment ces décrets est d'éliminer le rôle que jouent les syndicats sur tous ces fronts. Le fait que les syndicats ont entièrement coopéré pour faire en sorte que la population soit protégée est ignoré, tout comme est ignoré le fait que ce sont les travailleurs qui savent ce qu'il faut faire à leurs endroits de travail pour que tous soient protégés. Il n'existe absolument aucune justification légitime à ces pouvoirs spéciaux.
La pandémie de la COVID-19 a confirmé ce que les travailleurs n'ont cessé de dire: que la privatisation, les compressions dans les services, la dégradation des salaires et des conditions de travail des travailleurs de la santé, l'engagement de travailleurs temporaires, à temps partiel, et toute l'approche d'abandonner les gens à leur sort ont causé un grave préjudice à la société. L'annulation de conventions collectives pendant l'état d'urgence de la pandémie n'a rien fait pour « réduire le risque » pour quiconque, et encore moins pour les travailleurs de la santé et les patients qui reçoivent des soins. Le fait que la situation est utilisée pour miner la lutte des syndicats pour arrêter la détérioration des conditions de travail des travailleurs et leur capacité de les négocier n'est rien d'autre que de la fraude, de la corruption et un abus de pouvoir. Chaque jour, pendant cette pandémie, les travailleurs de première ligne ont lutté pour leur sécurité et celle du public. Les travailleurs doivent continuer de prendre la parole à la défense de leurs droits contre cette offensive antisociale et pour une direction de la société centrée sur l'être humain. C'est en poursuivant leur réclamation à ce qui leur revient de droit qu'une « nouvelle normalité » qui sert la société sera créée. Les travailleurs prennent la parole Le retrait de la loi 195 en Ontario exigé lors d'une conférence de presse syndicale
Le 21 juillet, Michael Hurley, le président du Conseil des syndicats d'hôpitaux de l'Ontario, la division du Syndicat canadien de la fonction publique (CSHO/SCFP) et Steven Barrett, un avocat en droit du travail de la firme Goldblatt Partners, ont organisé une conférence de presse pour mettre en lumière l'impact de ce qui était alors le projet de loi 195 sur les droits des travailleurs d'hôpitaux et pour exiger qu'il soit abrogé. Les extraits ci-dessous sont tirés des réponses de Michael Hurley aux questions des médias dont le Forum ouvrier sur l'impact du projet de loi et la détermination du syndicat à forcer le gouvernement à l'abroger par la lutte de masse des travailleurs.
« Il faut tenir compte du prix que la main-d'oeuvre a déjà payé pour l'échec du gouvernement provincial à l'approvisionner en protection adéquate. C'est un fait, et dans le contexte de la situation mondiale, le taux d'infection des travailleurs de la santé comparativement au taux de cas publics de la COVID est d'environ 6 % alors qu'en Ontario il est de 17,4 %, un taux trois fois plus élevé. Malgré tout, les gens sont allés travailler, ils ont fourni les soins et se sont mis à risque et, avec raison, ils ont été très applaudis pour leurs actions. On peut leur faire confiance, on peut compter sur eux. Nous demandons au gouvernement de leur faire confiance, de compter sur le fait qu'advenant une autre éclosion, ils seront là pour la population comme ils l'ont été depuis le début. « Il y aura une contestation juridique de ce projet de loi. Mais nous espérons faire bouger le gouvernement avant d'entamer les procédures. Nous allons tout faire pour atteindre cet objectif. « Nous allons faire un grand travail d'organisation et nous ne serons pas seuls. Nous espérons le faire avec d'autres syndicats, par exemple, organiser des rassemblements régionaux qui respectent la distanciation sociale et des manifestations provinciales. Nous avons l'appui de la Fédération du travail et des conseils du travail en Ontario. Nous allons demander à tous de nous aider à faire pression sur le gouvernement, à appuyer notre campagne de courriels et nos efforts sur les médias sociaux pour disséminer notre message et participer à toutes nos manifestations. J'ai confiance qu'ensemble nous pouvons être très efficaces. » Au nom du cabinet juridique Goldblatt Partners, Steven Barrett a expliqué le fondement juridique à deux volets de la demande du CSHO/SCFP d'abrogation du projet de loi 195. D'abord, le projet de loi est une violation de plusieurs décisions de la Cour suprême du Canada qui défendent le droit à la négociation collective en vertu de la liberté d'association inscrite dans la Charte. Il a dit que le fait que le projet de loi 195 déclare officiellement que l'urgence face à la COVID-19 est terminée prive le gouvernement de l'argument juridique d'invoquer l'urgence pour justifier sa violation des droits de négociation collective. Ensuite, le projet de loi 195 fait suite à la loi 124, Loi visant à mettre en oeuvre des mesures de modération concernant la rémunération dans le secteur public de l'Ontario, que le gouvernement a adoptée en 2019, avant la pandémie, qui limite l'augmentation de la rémunération des travailleurs du secteur public à 1 % par année sur une période de trois ans. Une des réalités mises en lumière par la COVID-19, a dit Barrett, est que les travailleurs du SCFP que le CSHO représente ont un salaire beaucoup trop bas. Or, la Loi 124 les empêche, sur une période de trois ans, de négocier des augmentations adéquates qui reconnaissent le caractère essentiel et crucial des services qu'ils dispensent, que ce soit avant ou pendant la pandémie. Il a dit que le projet de loi 195 aggrave l'attaque anticonstitutionnelle qu'on retrouvait dans la Loi 124. Les arrêtés ministériels du gouvernement du Québec sont inacceptables
Benoît Taillefer est vice-président en santé et sécurité au travail du Syndicat des travailleurs et travailleuses du CIUSSS du Nord-de-l'Île-de-Montréal Forum ouvrier : Comment se passe l'intégration des milliers de nouveaux préposés aux bénéficiaires à formation réduite qui en sont maintenant rendus aux stages dans les CHSLD et que les préposés en place doivent former en vertu d'un arrêté ministériel ?
Le problème c'est que le gouvernement ne négocie pas. Il va sur la place publique et il décrète. Quand nous, de bonne foi, on demande que la valeur des travailleurs et travailleuses en santé soit reconnue, quand on demande des augmentations de salaire pour tous les bas salariés, qui sont en fait un rattrapage salarial pour les 20 dernières années, il nous rit au visage. En ce moment, alors que la formation de ces nouveaux préposés vient de commencer, les travailleurs et les travailleuses m'appellent, me parlent de surcharge de travail, d'imposition d'une tâche de formation en plus de leur tâche régulière, au lieu d'y aller par le volontariat. En plus, cinq dollars par jour pour faire cela, c'est ridicule. Pendant qu'on forme quelqu'un comme il faut, parce qu'on parle d'êtres humains, qu'il faut transmettre aux nouveaux le meilleur de ce que nous savons, nous ne sommes pas en train de faire notre travail. Et nos travailleurs et travailleuses ne sont pas remplacés pendant qu'ils font de la formation. Ils doivent faire à la fois leur travail et la formation. On parle ici de former des personnes qui ont fait un peu de théorie et qui n'ont pas d'expérience terrain. Et nous sommes dans une situation où nos membres nous parlent d'une surcharge de travail qui existait déjà dans les conditions de la pandémie et qu'ils doivent maintenant faire cette formation en plus. Nous sommes en train de vérifier tout cela, pour monter un dossier sérieux sur le sujet. Encore une fois, nous faisons face à un beau discours politique selon lequel les anges gardiens sont précieux et doivent être valorisés, mais ce n'est pas ce qu'on voit sur le terrain. FO : Les gouvernements utilisent le contexte de la pandémie pour gouverner par arrêtés ministériels. Quelle est ton opinion à ce sujet ?
Il faut aussi que les employeurs comprennent que les syndicats ne sont pas des ennemis, mais des partenaires. Pas des cogestionnaires, des partenaires. Surtout en ce qui concerne la santé et la sécurité, et la COVID-19 est une question de santé et de sécurité. Je représente des gens qui font le travail. Ils savent de quoi ils parlent et ils doivent être écoutés et consultés. Je continue à croire qu'il faut que le syndicat soit plus impliqué. Il doit y avoir des communications qui impliquent les syndicats tous les jours. Je sais que cela se fait dans certains de nos centres. Des réunions d'équipe sur l'heure du midi pour faire le point sur la situation, où les infirmières et les préposés participent. Lorsque tu fais partie prenante de la solution, tu vas l'appliquer. Quand on te l'impose et qu'elle n'a pas de sens, c'est plus difficile à appliquer. Pour que les choses fonctionnent bien, il doit y avoir valorisation, reconnaissance et respect de l'autonomie. Quand les préposés perdent ces trois concepts-là, ce qu'on entend sur le terrain c'est « on sait bien, nous sommes juste des préposés ». La dévalorisation des préposés aux bénéficiaires est un sérieux problème. Le gouvernement cherche à faire en sorte que la situation demeure la même. Les employeurs aussi. On nous donne des informations, des directives, et nous, on devient une voie de service. Mais nous, quand on veut communiquer des choses, revendiquer ou proposer, on n'est pas écouté. On ne peut pas revenir à ce qu'on appelle le « business as usual ». Il faut comprendre qu'il y a une problématique majeure. Il y a une surcharge de travail en général, on n'a pas le temps de donner des soins que j'appellerais psychosociaux. Je comprends que nous ne sommes pas des professionnels de l'intervention psychosociale, mais l'accompagnement que nous donnons aux gens en fin de vie est quand même un accompagnement psychosocial. Qui sont les plus proches des bénéficiaires, à part la famille, que les préposés ? Et beaucoup de bénéficiaires n'ont pas de famille. Ils sont abandonnés. C'est avec les préposés qu'ils peuvent communiquer, exprimer leur désarroi, leurs besoins. On n'a pas le temps de leur apporter ce type de soins. On l'a déjà eu, mais on ne l'a plus. On l'avait il y a 30 ans, quand j'ai commencé dans le métier, et c'était merveilleux. On est presque à la course maintenant. Amener 10 000 nouvelles personnes ne va pas créer un miracle en soi. Il faut qu'on soit capable de faire un travail digne de ce nom, digne de ce qu'est un préposé aux bénéficiaires. Entendons-nous bien. Il y a eu des correctifs qui ont été apportés. Maintenant, il y a des masques à l'entrée des CHSLD. Il y a un gardien à chaque entrée. Les gens entrent par une seule porte. Tu n'entres pas par où tu veux. Les portes sont surveillées 24 heures sur 24. Tu dois signer en entrant. Les travailleurs et travailleuses qui ont des symptômes doivent le déclarer. S'ils en ont, ils sont retournés chez eux, payés, ça c'est bien. Il y a des gestes qui sont faits pour limiter la propagation de la COVID-19. Il reste que dans les CHSLD, il y a eu une crise fondamentale. La COVID aura permis de lever le voile sur les multiples aberrations du réseau de la santé. Vouloir ramener les choses comme elles l'étaient, c'est être complètement dans le champ. On doit tirer les leçons qui s'imposent de la COVID-19. (Pour voir les articles individuellement, cliquer sur le titre de l'article.) Site web : www.pccml.ca Courriel : forumouvrier@cpcml.ca |