Numéro 2230 septembre 2019
Le droit au logement
Qui décide quand il est question de fournir un logement adéquat et abordable?
– Serge Lachapelle –
Jamais un mot d’ordre n’aura été si juste et pertinent que la revendication d’un logement adéquat et abordable pour tous les Canadiens. Cela fait trois semaines que l’élection a été déclenchée et tout indique qu’elle sera une sinistre farce où nos préoccupations seront absentes. Les attaques personnelles, les diversions et les promesses éhontées ont remplacé une discussion rationnelle avec la pleine participation de la population.
Dans ce système anachronique appelé démocratie, la majorité ne gouverne pas. On peut nous promettre mer et monde. On nous demande de comparer les programmes électoraux. On nous demande d’abandonner tout ce pourquoi nous luttons depuis si longtemps et de voter pour un de ces partis qui prétendra posséder un mandat en notre nom. De toute façon aucun de ces partis qui prétend nous représenter n’est redevable devant la population.
Partout au pays, les collectifs qui se battent pour affirmer le droit au logement formulent différentes propositions pour atteindre l’objectif d’un logement pour tous. En parlant en leur propre nom, ils garantissent que le droit au logement pour tous est à l’ordre du jour et que la discussion ne sera pas détournée par le chant des sirènes des partis cartellisés, des médias monopolisés et de leurs soi-disant experts.
Ce qu’il faut c’est un renouvellement en profondeur du processus politique pour que le peuple puisse prendre en main ses propres affaires. Ce qu’il faut surtout c’est avancer sur la base de notre propre ordre du jour.
Serge Lachapelle est le candidat du PMLC dans Laurier-Sainte-Marie.
Le droit au logement est un enjeu central de la campagne électorale
Manifestation à Montréal le 15 septembre 2019
Deux actions ont eu lieu à Montréal les 14 et 15 septembre pour défendre le droit au logement.
Le samedi 14 septembre, plus de 200 résidents, locataires et propriétaires du Mile-End à Montréal ont manifesté contre la spéculation immobilière. Ils réclament des mesures concrètes de la Ville et du gouvernement Legault. Une banderole affichant 80 noms de personnes expulsées de leur logement a été déployée lors du rassemblement.
« Nous aimons notre quartier et nous demandons des mesures actives et sévères pour lutter contre la spéculation immobilière », a dit Pierre Pagé, un des porte-paroles de Montréal pour tous et de la Coalition commerces vie de quartier.
« Plusieurs petits commerces suffoquent. D’autres sont obligés de déménager », dit-il. Conséquence, plusieurs locaux commerciaux affichent des vitrines vides.
Les locataires font aussi les frais de propriétaires peu scrupuleux. Le cas de l’artiste Patsy Van Roost est éloquent. Cette dernière louait son logement 1 440 $ par mois, chauffage inclus. Le propriétaire a annoncé son nouveau prix : 3 600 $ par mois, sans le chauffage.
Les mesures proposées par le porte-parole comprennent un changement radical du système de taxation, une réforme de la Régie du logement pour la doter de meilleurs systèmes de contrôle ainsi que la mise en place d’une Régie des loyers commerciaux.
Le lendemain, 15 septembre, plus de 200 personnes ont répondu à l’appel du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU). Le regroupement a démarré la campagne électorale par une manifestation organisée conjointement avec le Regroupement Information Logement (RIL) de Pointe Saint-Charles et l’appui d’Action-Gardien, la Corporation de développement communautaire (CDC) du quartier. Rappelant que plusieurs grandes villes au Québec et au Canada font face à une pénurie sans précédent de logements locatifs depuis le début du millénaire, les groupes demandent notamment que le terrain fédéral du bassin Peel serve à réaliser du logement social et des équipements collectifs pour la communauté locale et les besoins montréalais.
Les participants à la manifestation du 15 septembre 2019 se sont rendus au bassin Peel qu’ils demandent au gouvernement d’utiliser pour bâtir des logements sociaux et d’autres projets nécessaires.
« Les besoins en logements sociaux sont criants partout », déplore Véronique Laflamme, porte-parole du FRAPRU. Selon son organisme, le logement privé que la Stratégie nationale sur le logement finance donne des loyers hors de prix, qui ne correspondent en rien à la capacité de payer de la plupart des ménages locataires, à plus forte raison s’ils sont mal-logés, à faible ou à modeste revenu.
Selon le FRAPRU, pour aider le Québec à faire face à la crise qui s’enracine, le futur gouvernement fédéral ne doit plus laisser le marché privé imposer sa loi ; il doit soutenir généreusement les milieux qui veulent développer des logements coopératifs et sans but lucratif. Le regroupement demande plus précisément aux partis politiques fédéraux de s’engager à investir au moins 2 milliards de dollars par année dans la réalisation de nouveaux logements sociaux et de garantir tous les fonds nécessaires pour maintenir ou remettre en état ceux déjà construits.
« Ottawa doit aussi garantir à long terme l’accessibilité financière de ces logements sociaux, tant pour les ménages pauvres qui y habitent déjà, que pour ceux qui en auront besoin dans l’avenir », précise Véronique Laflamme.
Le logement est un droit !
Exigeons des mesures concrètes pour sa pleine réalisation !
(Photos : FRAPRU.)
La crise du logement frappe les plus vulnérables
L’Indice du logement locatif canadien (ILL) a publié un communiqué invitant les partis politiques à faire du droit au logement un élément central. Le communiqué souligne entre autres que la crise du logement prend de l’ampleur. Mentionnons que l’ILL regroupe des intervenants sur la question du logement de tout le Canada.
Les données de l’ILL, tirées de Statistique Canada, indiquent que près d’un demi-million des 1 300 000 locataires québécois dépensent plus de 30 % de leurs revenus pour se loger, ce qui les place dans une situation financière difficile. Parmi eux, près de 40 % (195 645) dépensent plus de la moitié de leurs revenus en logement, une situation financière intenable. De tous les locataires québécois, les aînés (42 % d’entre eux) et les nouveaux arrivants (40 % d’entre eux) sont ceux qui allouent la plus grande partie de leurs revenus pour se loger, constate l’ILL.
« Les données démontrent que nous avons un problème un peu partout au Québec », souligne Jacques Beaudoin, secrétaire général du Réseau québécois des organismes sans but lucratif d’habitation.
Le regroupement canadien s’inquiète également du surpeuplement. Le surpeuplement dans les logements québécois est intimement lié aux dépenses élevées pour se loger, et bon nombre de locataires habitent avec des colocataires, et ce, bien au-delà de la capacité du logement. On estime que 7 % des locataires québécois (92 220) vivent dans un logement surpeuplé, et cette proportion est deux fois plus importantes chez les mères monoparentales (18 %) et près de trois fois plus importantes (26 %) chez les nouveaux arrivants. Le surpeuplement touche particulièrement les circonscriptions de l’île de Montréal ainsi que celles d’Abitibi-Baie-James-Nunavik-Eeyou, Laval-Les Îles, Brossard-Saint-Lambert et bien d’autres.
Voici les 10 circonscriptions où la proportion des dépenses liées au logement est plus de 30 % :
– Ville-Marie-Le Sud-Ouest-Île-des-Soeurs (46 %)
– Outremont (44 %)
– Lac-Saint-Louis (42 %)
– Notre-Dame-de-Grâce-Westmount (41 %)
– Rivière-du-Nord (41 %)
– Laurier-Sainte-Marie (41 %)
– Laurentides-Labelle (40 %)
– Mont-Royal (38 %)
– Saint-Laurent (38 %)
– Argenteuil-La Petite-Nation (38 %)
Les activistes pour le droit au logement réalisent de plus en plus que ce qui est au coeur de la question c’est le pouvoir politique. Ceux et celles qui mènent une lutte inlassable depuis des décennies doivent décider. Le slogan Qui décide ? Nous décidons ! est plus que jamais à l’ordre du jour.
(Source : Indice du logement locatif canadien. Photo : FRAPRU.)
La rapporteuse spéciale des Nations unies sur le droit au logement dénonce la spéculation
Leilani Farha, la rapporteuse spéciale des Nations unies a dénoncé récemment la spéculation immobilière dont sont victimes des villes comme Montréal. « C’est devenu évident, quand j’ai eu ce rôle il y a quelques années, qu’il y avait une crise du logement majeure à travers le monde. Les gens ne pouvaient plus se permettre de payer le loyer. Certains étaient évincés de leur maison et je voulais comprendre pourquoi », explique Mme Farha en entrevue au journal Métro.
Les causes pour lesquelles les grandes villes sont de moins en moins accessibles aux moins nantis sont multiples et varient d’un endroit à l’autre. L’experte constate toutefois un dénominateur commun à cette « crise » : le rôle du secteur financier.
Mme Farha s’est notamment penchée sur le cas de Blackstone, une société d’investissement américaine qui achète des logements abordables un peu partout dans le monde afin d’en tirer des profits en augmentant leur valeur. Blackstone possède d’ailleurs des actifs immobiliers à Montréal.
« [Les sociétés d’investissement] trouvent des propriétés, les achètent, les rénovent, souvent de façon cosmétique, puis elles augmentent le loyer. Et ça, ça force des personnes en dehors de leur maison », soulève l’experte des Nations unies. Selon Mme Farha, il s’agit d’augmentations de loyer pouvant aller jusqu’à 15 % d’un seul coup.
« Des investisseurs laissent ensuite volontairement des unités qu’ils ont achetées vacantes afin de les revendre plus cher quelques années plus tard. Celles-ci deviennent alors des ‘outils financiers’. C’est surprenant de voir qu’il y a cette crise du logement alors qu’il y a plusieurs unités qui sont vides », lance Mme Farha.
Sur l’île de Montréal, les plus récents rôles d’évaluation foncière font état d’une hausse de 13,7 % de la valeur moyenne des propriétés.
« Nous devons changer notre conception du logement pour s’assurer que les gens peuvent y avoir accès, surtout les personnes à faible revenu. Nous devons reconnaître que le logement est un droit humain », a conclu Leilani Farha.
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