1er juin 2016 • N° 17 | PDF Numéros précédents
Le gouvernement annonce les thèmes du 150e anniversaire de la Confédération
Tentatives de détourner l’attention des questions brûlantes de notre époque
Le 25 mai, la ministre du Patrimoine Mélanie Joly a annoncé les thèmes que propose son gouvernement pour le 150e anniversaire de la Confédération en 2017 avec un communiqué qui a pour titre : « Place à la jeunesse et à la vie active ! »
L’annonce a été faite durant ce qui a été décrit comme « une activité de canotage » au parc commémoratif Kiwanis, à Saskatoon. Quatre thèmes ont été annoncés pour les célébrations officielles qui auront lieu au cours de la prochaine année : diversité et inclusion, réconciliation avec les Autochtones, jeunesse et environnement. La ministre a dit que l’anniversaire de 2017 « offre au gouvernement du Canada la possibilité d’inspirer les Canadiens et de les mobiliser » et c’est l’occasion « de célébrer ensemble nos valeurs communes, nos réalisations, la richesse de notre environnement et notre place dans le monde ».[1]
Le gouvernement Harper avait saisi l’occasion des célébrations à venir comme une occasion de s’en prendre à la conscience historique des Canadiens et de projeter une image chauvine d’un Canada « fort, fier et libre ». Les libéraux, eux, choisissent d’imposer les notions chauvines qu’ils ont du Canada et vont dans le sens de la politique de diviser pour régner, ce qui est l’essence de leur slogan « notre force est dans la diversité ». Ils choisissent comme approche d’intervenir pour écarter toute discussion politique sérieuse sur les problèmes du Canada d’aujourd’hui.
Les thèmes proposés sont expliqués comme suit dans le document de référence accompagnant la déclaration de la ministre :
« La diversité et l’inclusion — Nous voulons continuer à bâtir un Canada accueillant où chacun a sa place et où chacun peut s’épanouir.
« La réconciliation avec les Autochtones — Nous voulons appuyer le travail de réconciliation essentiel avec les Autochtones en mettant en oeuvre les recommandations de la Commission de vérité et réconciliation. La réconciliation est un cheminement pour tous les Canadiens alors que le Canada entamera les prochaines 150 années.
« Les jeunes — Nous voulons continuer à mobiliser les jeunes et leur donner des moyens de s’investir dans notre société, car ce sont eux qui façonneront le Canada de demain.
« L’environnement — Nous voulons être les gardiens de notre environnement, car il est source de richesse et de fierté nationale. Nous voulons rapprocher les Canadiens de la nature afin de renforcer leur conscience environnementale. »
La Confédération fut l’union de quatre colonies de l’empire britannique, dont la nation du Québec dans un Dominion du Canada. Elle est célébrée le 1er juillet car c’est la date de son entrée en vigueur. Les termes et conditions de l’union furent énoncés dans l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867, qui a reçu l’assentiment de la reine d’Angleterre le 29 mars 1867. Un des objectifs de la Confédération était de créer un rempart contre le continentalisme américain, une partie importante de la raison d’État de l’État colonial canadien.
La Constitution du Canada est faite de la Loi de 1867 sur l’Amérique du Nord britannique (anciennement appelée Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867), des différentes lois qui ont amené les autres provinces dans la fédération et de la Loi constitutionnelle de 1982 qui a ajouté la Charte canadienne des droits et libertés et l’article 35 à la Constitution et transféré le contrôle formel du processus d’amendement de la Constitution de la Grande-Bretagne au Canada. Ce processus est appelé Codification des Lois constitutionnelles de 1867 à 1982.
L’Acte de l’Amérique du Nord britannique demeure la base de la Constitution et du système politique du Canada d’aujourd’hui. Cette constitution n’a jamais été modernisée, malgré les amendements de 1982 qui se proposaient de protéger les droits et libertés mais qui établissaient des limites dites raisonnables à l’exercice de ces droits et libertés, laissant en pratique au gouvernement amplement de possibilités de se soustraire à ses responsabilités et d’enfreindre les droits impunément.
C’est avec cette Constitution que la classe ouvrière et le peuple du Canada sont marginalisés, dénués de pouvoir et dépossédés de leur droit d’exercer un contrôle sur les affaires politiques et économiques ; que les nations autochtones et la nation du Québec se voient nier leurs droits nationaux ; que différentes sections de la population, que ce soit les femmes ou les minorités nationales, se voient nier les droits qui leur appartiennent du fait de leur condition ; que ces droits n’ont pas de garantie de réalisation et se résument à des énoncés de principe. Prétendre que les droits des peuples autochtones peuvent être garantis par la Constitution qui a permis et qui permet tous les crimes de l’État contre eux, c’est le comble de la duperie.
Voilà ce que le gouvernement libéral ne veut pas que les Canadiens discutent pour tirer les conclusions qui s’imposent. En d’autres mots, le gouvernement prétend qu’il peut y avoir « un Canada accueillant où chacun a sa place et où chacun peut s’épanouir », où une véritable réconciliation est possible et où les jeunes et tous et chacun peuvent « façonner le Canada de demain » sans une constitution moderne issue du peuple. Il propose donc une interprétation ahistorique pour éviter qu’on tire des conclusions et pour bloquer les mouvements politiques du peuple.
Le Renouveau croit qu’il ne faut pas permettre au gouvernement libéral de paver la voie à d’autres injustices contre le peuple avec cette façon d’enrayer toute discussion sur les problèmes de l’époque. Les Canadiens doivent entreprendre les préparatifs pour le 150e anniversaire de la Confédération en mettant à l’ordre du jour le besoin d’un renouvellement en profondeur de la constitution et de la politique. Le Parti marxiste-léniniste se met à la disposition de la classe ouvrière et du peuple dans cet important travail et entreprend un vigoureux programme pour engager les gens dans la discussion sur le processus constitutionnel et politique d’ici juillet 2017.
Note
1. La ministre a également présenté les « Projets signature pancanadiens » pour venir appuyer cette interprétation insipide de la signification de la Confédération. Il s’agit entre autres de « ParticipACTION : le palmarès ultime des 150 activités physiques canadiennes » avec un financement de 5,4 millions $ accordé à l’organisation sans but lucratif appelée PartcipaACTION. Le projet « mettra les Canadiens au défi d’essayer les 150 activités physiques qui nous définissent en tant que Canadiens ». En octobre on demandera aux Canadiens d’aider à choisir 150 activités physiques à inclure dans le palmarès et le projet sera lancé en janvier 2017.
Les « principaux partenaires » du projet sont des monopoles privés dont des représentants accompagnaient la ministre lors du dévoilement, soit Marianne Harrison, présidente et PDG de Manulife Canada, et Gary Maavara, vice-président directeur et avocat général de Corus. Chevrolet Canada est également un « principal partenaire ».
La ministre Joly avait déjà annoncé des événements locaux organisés par un organisme privé appelé Fondations communautaires du Canada, en vertu de son projet Fonds communautaire pour le 150e du Canada. Le gouvernement lui a accordé 10 millions $ pour approuver et distribuer les fonds des célébrations officielles. Pour plus d’information, voir Le Renouveau du 21 mars 2016.
L’Office national de l’énergie approuve l’agrandissement du pipeline de Kinder Morgan
L’édification nationale versus l’édification d’empire
Manifestation contre le projet d’oléoduc Kinder Mortan le 15 mai 2016 à Burnaby, Colombie-Britannique
Le 19 mai, l’Office national de l’énergie (ONE) a annoncé que le pipeline Trans Mountain de Kinder Morgan qui va de Sherwood Park en Alberta à Vancouver correspond au « meilleur intérêt du Canada » et que l’Office approuve le projet sous réserve de 157 conditions. La recommandation de l’ONE sera maintenant soumise au Conseil des ministres qui devrait rendre une décision d’ici la fin de 2016.
L’agrandissement va tripler la capacité du réseau pipelinier existant qui a été construit en 1953 et transporte à l’heure actuelle 300 000 barils de pétrole brut de même que des produits raffinés et semi-raffinés. Une fois agrandi, le réseau va aussi transporter du bitume dilué provenant des sables bitumineux jusqu’au Port de Vancouver, où il sera chargé sur des pétroliers et exporté à l’étranger.
On lit dans un article de la Presse canadienne que « malgré l’approbation de l’agence réglementaire, d’autres obstacles se dressent devant le pipeline Trans Mountain, selon des observateurs ». Les médias monopolisés suggèrent ainsi que le monopole américain Kinder Morgan fait face à des obstacles déraisonnables que lui dressent les Canadiens. Par cet assaut contre la conscience, la Presse canadienne déforme la réalité et prétend que les Canadiens et les Premières Nations sont des obstacles au développement économique lequel serait représenté par les intérêts privés d’un monopole américain et ses promoteurs aux audiences frauduleuses de l’ONE et aux « consultations » contrefaites du gouvernement Trudeau.
L’ONE a comme mandat de décider si l’agrandissement de Trans Mountain correspond à l’intérêt public. Cependant, l’Office national de l’énergie n’a pas présenté d’opinion sérieuse et encore moins les critères qui doivent guider un examen sérieux permettant de déterminer ce qui correspond à l’intérêt public. Au lieu de cela, il met de l’avant des définitions qui ne veulent rien dire.
L’ONE donne la définition suivante de ce qu’est l’intérêt public : « Celui-ci englobe les intérêts de tous les Canadiens et Canadiennes et consiste en un équilibre entre les intérêts économiques, environnementaux et sociaux qui change en fonction de l’évolution des valeurs et des préférences de la société. » Il ajoute : « Ce faisant, l’Office doit se demander dans quelle mesure le Canada est-il mieux, ou pire, dans l’ensemble si telle ou telle ligne de conduite est adoptée. En examinant toute la preuve à la lumière des circonstances, l’Office est en mesure de prendre des décisions qui correspondent à l’intérêt public. »
Selon la mondialisation néolibérale, les « valeurs de la société » sont celles qui permettent aux monopoles mondiaux qui sont actifs au Canada d’être concurrentiels à l’échelle internationale. Dans le secteur de l’énergie, les monopoles mondiaux exercent un contrôle complet sur la production et la distribution dans l’industrie canadienne du pétrole et du gaz. Leurs décisions sont guidées par l’édification d’empire et les intérêts privés étroits de ceux qui possèdent et contrôlent les entreprises. Elles ne sont pas prises sur la base de l’édification nationale, de l’intérêt public large du Canada qui est servi par l’édification d’une économie nationale diversifiée et stable qui est au service du bien-être et de la sécurité des Canadiens et est contrôlée par eux.
La mondialisation néolibérale cherche à usurper la volonté populaire et légale et à la ranger derrière l’édification d’empire et son expansion constante et sa concurrence internationale en tant que seule alternative. Elle ne permet pas l’examen de l’intérêt public parce que cela voudrait dire analyser sérieusement le projet à la lumière de l’édification nationale et rechercher une alternative prosociale. Prendre en compte l’intérêt public et le droit public voudrait dire remettre le contrôle au peuple et restreindre les activités des monopoles, ce que l’élite impérialiste au pouvoir refuse de faire.
Kinder Morgan, les gouvernements, l’ONE et les médias de masse s’attendent à ce que tous, surtout la classe ouvrière, appuient l’agrandissement du pipeline et les encouragent à l’appuyer en tant que seule option pour bâtir l’économie et fournir des emplois. La méthode qu’ils utilisent typiquement pour avoir gain de cause est de bloquer toute discussion et tout examen sérieux avant même qu’ils ne puissent commencer. Ils le font en organisant une discussion et des rapports qui ramènent la question à un camp du oui au projet et un camp du non et les gens sont censés se ranger derrière l’un ou l’autre camp. Ce sont les propositions des monopoles qui deviennent la chose à débattre et non la question de comment construire une économie aux interrelations multiples qui subvient à ses besoins et qui satisfait les besoins du peuple et est contrôlée par lui.
Est-ce que ce projet de pipeline contribue à l’édification nationale ? Fait-il avancer la construction d’une économie diversifiée et stable en Alberta et en Colombie-Britannique qui utilise l’immense richesse sociale que produisent les travailleurs du pétrole comme ferment du secteur du raffinage et du secteur manufacturier de même que des services publics et des programmes sociaux ? Renforce-t-il le contrôle du peuple sur ces questions, et surtout sur l’économie qui l’affecte de manière directe et puissante ? Contribue-t-il au développement d’une relation de nation à nation entre le Canada et les Premières Nations ? Ces choses-là ne sont pas des « obstacles » comme la Presse canadienne le prétend de manière méprisante. Elles concernent l’édification nationale et seuls ceux qui s’opposent à l’intérêt public et sont à genoux devant le droit de monopole peuvent y voir un obstacle au développement économique.
(Photos: Le Renouveau, T. Coste, M. Hudema)
Un processus d’examen contraire à l’intérêt public
Que l’Office national de l’énergie (ONE) rejette les projets de pipelines Keystone et Northern Gateway ou approuve l’agrandissement du pipeline Trans Mountain, les faits ont montré que l’ONE ne donne pas un véritable mot à dire aux Canadiens ou aux peuples autochtones quand il examine un projet et ne fait rien pour changer la situation où les monopoles contrôlent le processus décisionnel et agissent au nom de leurs intérêts privés étroits. Le processus d’évaluation des projets n’est pas conforme à la responsabilité publique qui demande de faire place au contrôle et à la volonté des Canadiens et de consulter les Premières Nations et d’obtenir leur approbation aux développements qui se produisent sur leur territoire.
Le processus d’évaluation ne respecte pas non plus les droits des travailleurs qui sont les producteurs de la richesse sociale et les droits des Canadiens d’avoir leur mot à dire sur un projet et de déterminer s’il est une contribution à l’économie domestique, à l’édification nationale et à la société. Le processus en place ne permet pas de considérer les alternatives à l’exportation des ressources naturelles et d’élaborer une nouvelle direction de l’économie qui comprendrait l’expansion de la valorisation et du raffinage, de l’industrie pétrochimique, des énergies renouvelables et du secteur manufacturier et le développement des programmes sociaux, des services et de l’infrastructure par le biais de l’entreprise publique.
Qui décide et la question de l’acceptabilité sociale
Loin de s’attaquer à la question de « qui décide ? » et de faire reposer le processus d’approbation sur la science, Justin Trudeau prétend que la question est de « restaurer la confiance du public ». Autrement dit, le tout est une question de meilleures relations publiques. Trudeau a dit lors de la période de questions à la Chambre que le gouvernement Harper n’a pas été capable de construire de nouveaux pipelines « parce que les Canadiens ont perdu confiance en sa capacité d’avoir une vue d’ensemble et de bâtir une économie forte tout en protégeant l’environnement ».
Dans le cadre de son plan pour accroître « l’acceptabilité sociale » des projets de pipelines, le gouvernement fédéral a annoncé qu’on tiendra maintenant compte, dans l’évaluation d’un projet, de l’émission des gaz à effet de serre lors de l’extraction du pétrole, avant que celui-ci n’entre dans les pipelines. Le gouvernement a également établi un panel de trois membres qui va mener un examen et en faire rapport au ministre des Ressources naturelles Jim Carr d’ici novembre. [1]
Le panel n’aura pas le pouvoir de rejeter la décision de l’ONE, ni le mandat de mettre en oeuvre l’exigence constitutionnelle de consulter et d’accommoder les Premières Nations car le ministre des Ressources naturelles va tenir des consultations séparées avec les Premières Nations.
Quelle est donc la raison d’être du panel selon le gouvernement ? En annonçant sa création, le ministre Carr a dit : « Il va examiner la situation, tenir de nouvelles consultations, surtout en ce qui concerne les communautés autochtones, pour voir ce qui aurait pu échapper à l’ONE.
« Les membres du panel ont l’expérience, la perspective et la compréhension requise des enjeux et des relations qui concernent les communautés et pourront conseiller le gouvernement alors que nous progressons vers une décision finale sur l’agrandissement du projet de pipeline Trans Mountain qui sera prise le 1er décembre. J’encourage les communautés, les groupes autochtones et les citoyens à participer au travail du panel et à faire connaître leurs opinions sur le projet pour que le gouvernement puisse prendre des décisions qui reflètent les intérêts et les besoins des Canadiens. »
Intéressant. Les belles paroles sur des relations de nation à nation avec les autochtones sont disparues. Les nations autochtones sont devenues des « groupes autochtones » qu’on invite à présenter leurs opinions. Les libéraux pensent-ils que les gens vont accepter cette insulte ?
Une consultation véritable débute par la participation de tous à l’établissement de l’ordre du jour
La consultation des Premières Nations commence par la reconnaissance des droits des nations autochtones et de la souveraineté autochtone sur leurs terres. Pour que les Premières Nations puissent exercer leur droit à leur propre base économique et leur contrôle sur les développements qui ont lieu sur leur territoire, il faut qu’il y ait une consultation de bonne foi qui est conforme à ce droit.
Le droit d’avoir son mot à dire
Une consultation véritable avec les Canadiens commence par la reconnaissance de leur droit de se prononcer sur l’extraction et le développement de leurs ressources et du droit des travailleurs de se prononcer en tant que producteurs de la richesse. Les droits dans une société de privilèges de classe sont toujours en situation de conflit et il en est de même du droit fondamental du peuple d’avoir son mot à dire. Le droit public est en conflit avec le droit de monopole. Pour que le droit public progresse, le droit de monopole doit être restreint et privé de son droit de nier le peuple, la société et l’édification nationale.
Tenir des audiences qui reposent sur la science veut dire considérer sérieusement une nouvelle direction prosociale de l’économie et l’édification nationale comme alternative à l’édification d’empire et à son économie basée sur l’extraction et la braderie des ressources naturelles, l’économie de « l’extraction/expédition et de l’expansion/contraction » des monopoles des ressources.
La question n’est donc pas d’être pour ou contre les pipelines. Le problème auquel le peuple fait face est de bâtir une économie stable et diversifiée qui comble nos besoins fondamentaux, renforce la société et protège la Terre-Mère et collabore avec le reste du monde d’une façon qui bénéficie à l’humanité.
Note
1. Les trois membres du panel sont Kim Baird, Tony Penikett et Annette Trimbee. On trouvera leur biographie ici.