18 mai 2016 • N° 15 | PDF Numéros précédents
Les excuses aux Sikhs de Justin Trudeau
Le Canada comme terre de refuge
Dans le style libéral typique de diviser pour régner, les excuses officielles de Justin Trudeau à la « communauté sikhe », dont les médias font si grand cas, est un nouvel exemple de comment l’expérience passée, les douleurs et les souffrances d’une communauté sont exploitées pour masquer ce qui se passe aujourd’hui.
Ce qui est masqué n’est pas seulement ce que vit cette communauté mais ce que vivent tant d’autres, autrement dit ce que vit la société canadienne dans son ensemble. Mais en le faisant de cette façon, la stratégie libérale de diviser pour régner dresse une partie de la société contre le reste, le tout au nom du bien-être de la partie et du tout. Il met de l’avant la notion chauvine adoptée pendant la Guerre froide que le Canada est un « refuge », ce qui crée l’impression que les immigrants ne sont pas amenés dans ce pays pour des raisons économiques et politiques mais par respect pour l’humanité et la diversité. Un expert en droit de Toronto, Azeezah Kanji, remet les pendules à l’heure dans un article très pertinent publiée dans le Toronto Star au sujet de l’annonce faite le 11 avril a l’effet que le premier ministre allait présenter ses excuses aux « Sikhs » à la Chambre des communes le 18 mai.
Azeezah Kanji pose une question très pertinente :
« Est-ce que le premier ministre du Canada dans 100 ans d’ici va présenter ses excuses aux descendants des migrants qui ont été refoulés et détenus au nom de la protection de la frontière ? Ou est-ce que notre premier ministre actuel va réformer les lois et la politique de l’immigration pour protéger tous ceux qui ont ‘cherché refuge et une vie meilleure pour leurs familles’, nous épargnant la honte et les remords futurs ? »[1]
Kanji donne de l’information sur la situation à laquelle les migrants font face, 102 ans plus tard.
« Les excuses peuvent mettre un baume sur les blessures qui sont encore ressenties plusieurs années après qu’elles ont été infligées. Cependant, elles peuvent aussi reléguer faussement la source des blessures au passé, masquant qu’elles existent toujours. Bien que l’objectif d’un ‘Canada blanc’ ait été abandonné, le traitement de plusieurs migrants comme s’ils étaient de dangereux ‘envahisseurs’ existe encore.
« Les migrants sont la seule partie de la population au Canada qui peut être incarcérée pour de longues périodes de temps sans qu’elle soit accusée ou trouvée coupable de quelque crime. Des milliers d’entre eux sont détenus chaque année, dont des centaines d’enfants.
« La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés confère à l’Agence des services frontaliers du Canada de vastes pouvoirs de détention des migrants si elle croit qu’ils constituent un risque de fuite, un danger pour la sécurité publique, s’ils sont inadmissibles au Canada pour des raisons de sécurité ou s’ils ne sont pas identifiés de façon adéquate. La vaste majorité, soit 94,2 %, sont détenus pour des motifs autres que la menace à la sécurité. Depuis 2012, la Loi visant à protéger le système d’immigration du Canada a elle aussi imposé des arrestations et des détentions obligatoires pour les migrants qui sont considérés comme des ‘arrivées irrégulières’ ce qui comprend des jeunes de seize ans.
« La loi peut sembler neutre, mais elle prescrit des punitions pour des circonstances associées à la migration et à la recherche d’asile, surtout en ce qui concerne les personnes les plus vulnérables : ‘les arrivées irrégulières’ par le biais de passeurs ; le manque de documents d’identification ; la peur de la déportation vers le pays qu’ils ont fui qui mène à l’étiquette de ‘risque de fuite’. Les données les plus récentes publiées par le gouvernement font état de 7300 détentions en 2013.
« En plus, le Canada, contrairement à plusieurs autres pays, autorise la détention des migrants pour une période indéfinie et souvent dans des prisons à sécurité maximum. Au moins 14 d’entre eux sont morts depuis 2000 dans des centres canadiens de détention d’immigrants, dont Melkioro Gahungu et Francisco Astorga le mois dernier.
« Le pouvoir d’exclusion à la frontière s’exerce aussi très loin des frontières du territoire canadien, pour empêcher des ‘voyageurs indésirables’ (pour citer l’agence des services frontaliers) d’entrer au Canada. Ces migrants ‘indésirables’ sont ‘interceptés’ dans des aéroports ou en mer bien avant qu’ils n’arrivent au Canada, ce qui permet à l’État de leur nier les droits prévus dans la Charte pour les personnes qui sont présentes physiquement au pays. La frontière est transformée en quelque chose de ‘plus malléable et de plus mobile ‘, explique le professeur de droit Ayelet Shachar, elle peut ‘être placée et replacée… dans n’importe quel endroit qui permet le mieux de restreindre l’accès au pays’. Entre 2001 et 2012, le Canada a intercepté plus de 73 000 migrants à l’extérieur du pays, dont un grand nombre étaient vraisemblablement des réfugiés. »
À l’occasion de la présentation d’excuses officielles à la Chambre des communes et avec tout le tapage que feront les autres partis politiques de la Chambre et les médias monopolisés, nous appelons les Canadiens a poser la même question qu’Azeezah Kanji :
« Est-ce que le premier ministre du Canada dans 100 ans d’ici va présenter ses excuses aux descendants des migrants qui ont été refoulés et détenus au nom de la protection de la frontière ? Ou est-ce que notre premier ministre actuel va réformer les lois et la politique d’immigration pour protéger tous ceux qui ont ‘cherché refuge et une vie meilleure pour leurs familles’, nous épargnant la honte et les remords futurs ? »
Note
1. «Many migrants are still treated as dangerous invaders», Azeezah Kanji, Toronto Star, 17 avril 2016
Le programme de réforme électorale du gouvernement Trudeau
Le PMLC souligne le besoin d’un mouvement politique dirigé par les travailleurs
Le Parti marxiste-léniniste du Canada (PMLC) organise des discussions à l’échelle du pays à la lumière du programme de réforme électorale du gouvernement pour mettre l’accent sur le besoin que les travailleurs développent leur propre mouvement politique pour investir le peuple du pouvoir.
Le PMLC, qui est le nom sous lequel le Parti communiste du Canada (marxiste-léniniste) est enregistré à des fins électorales, a tenu une réunion le 7 mai, au Centre ouvrier du Parti à Toronto, qui a discuté des défis auxquels le mouvement ouvrier fait face et a traité de ces questions. Dans son numéro du 16 mai, Le Marxiste-Léniniste discute des contributions qui ont été faites à la réunion et donne de l’information sur le programme de réformes du gouvernement. Des présentations ont été faites à la réunion par Rolf Gerstenberger, le président du PMLC, par Pierre Chénier qui est connu pour son travail pour mettre en lumière les conditions que vivent les travailleurs et Anna Di Carlo, la dirigeante nationale du PMLC.
Anna a fait remarquer que le programme de réforme électorale des libéraux consiste essentiellement à changer la façon de compter les votes et de les traduire en sièges à la Chambre des communes. Ce programme appelle à une division du corps politique en différents camps en faveur de telle ou telle méthode de compter les votes sans jamais aborder le problème fondamental de la crise de la démocratie. Il fait l’éloge du vote comme « exercice démocratique le plus fondamental » précisément au moment où les citoyens disent que voter tous les quatre ou cinq ans n’est pas suffisant. La discussion doit porter sur le système de gouvernement par les partis et comment il écarte le peuple du pouvoir, comment la loi électorale enchâsse le privilège et l’arbitraire, comme le prouvent encore une fois les méthodes de consultation et de prise de décision que proposent les libéraux concernant la réforme électorale.
Liste d’envoi
En conclusion, Anna a dit que le problème objectif auquel doivent s’attaquer les réformes électorales est d’habiliter tous les membres du corps politique à participer aux prises de décisions pour être en mesure d’exercer un contrôle sur la direction de l’économie et sur les affaires sociales, politiques, culturelles et autres. Les réformes qui ne s’attaquent pas à ce problème devraient plus exactement être appelées négociations et renégociations des arrangements mafieux de l’élite dominante pour qu’elle continue d’exercer sa domination sur le processus électoral et politique et maintienne la marginalisation politique du peuple. Elles n’ont rien à voir avec l’exercice d’un contrôle par le peuple sur les affaires de la société.
Pour lire le rapport du LML, cliquez ici, et vous pouvez vous abonner en utilisant la liste d’envoi ci-dessus. Pour plus d’information et vous joindre au travail, écrire à info@mlpc.ca.
Les libéraux proposent la création d’un comité sur la réforme électorale
La ministre des Institutions démocratiques Maryam Monsef a présenté une motion à la Chambre des communes à l’effet de créer un Comité sur la réforme électorale qui va examiner des propositions de modes de scrutin alternatifs.
Le Comité est décrit comme étant « multipartite » mais deux des partis ayant des sièges à la Chambre des communes n’auront pas droit de vote et les 18 partis politiques enregistrés qui n’ont pas de députés ne sont pas mentionnés dans la motion ou dans les annonces du gouvernement. Les députés libéraux formeront la majorité au Comité, ce qui a déjà suscité des objections majeures de la part des partis d’opposition au parlement. La motion établit ce que le gouvernement considère comme les principes à partis desquels les modes de scrutin alternatifs seront évalués. La motion enjoint le Comité à inviter tous les députés au parlement à organiser une assemblée sur la réforme électorale dans leur circonscription et à remettre au Comité un rapport des commentaires de leurs électeurs. Le Comité est par ailleurs chargé de consulter des experts et des organisations, d’examiner les études sur le sujet et les modèles de réforme qui existent ailleurs. Un « processus de mobilisation national » sera mis en branle qui va comprendre des consultations au moyen de présentations écrites et d’outils de participation en ligne. Le Comité doit remettre son rapport le 1er décembre 2016 et les consultations menées par les députés doivent être complétées d’ici le 1er octobre.
La dirigeante nationale du Parti marxiste-léniniste du Canada, Anna Di Carlo, a dit au sujet de ce plan de réforme électorale des libéraux que le PMLC va étudier sérieusement ce que les libéraux proposent, tant du point de vue du contenu que le parti au pouvoir met de l’avant que du processus qu’il propose pour consulter les Canadiens. Le parti va mobiliser les travailleurs, les femmes, les jeunes et les aînés dans l’examen des questions en jeu et dans la décision sur la réponse à donner au projet. Le PMLC va aussi exposer plus en détails ses propres propositions de réforme électorale qui vise à investir les Canadiens du pouvoir.
Elle a ajouté que déjà, à première vue, plusieurs aspects sont préoccupants.
« Cette première étape dans laquelle s’engagent les libéraux enchâsse clairement le traitement inégal réservé aux partis politiques. Cela n’augure rien de bon. Si nous limitons notre approche à l’élimination du système majoritaire uninominal à un tour, un des problèmes principaux qui en résulte est la marginalisation des partis politiques qui n’appuient pas le statu quo et luttent pour des alternatives. Il ne s’agit pas ici uniquement de la marginalisation de partis politiques comme le Parti marxiste-léniniste du Canada, mais de la marginalisation de tous ceux qui ont des opinions politiques qui ne concordent pas avec celles de l’élite au pouvoir, en particulier du grand nombre de gens qui s’opposent à l’ordre du jour néolibéral antisocial. Le fait même que dès le début du processus, tous les autres partis politiques enregistrés au Canada ne sont même pas mentionnés montre que la prétention des libéraux de vouloir que ‘chaque vote compte’ ne tient pas. »
Anna a aussi critiqué l’échéancier fixé par les libéraux.
« Ce n’est pas sérieux du tout. Les étudiants vont être en vacances, alors on exclut leurs contributions. De toute manière, allouer cinq à six mois pour mener ce genre d’étude et de consultations et faire des recommandations, ce qui comprend rassembler et faire rapport des commentaires des électeurs de 338 circonscriptions, c’est se donner une tâche impossible. Quiconque croit encore que le gouvernement Trudeau va donner aux Canadiens leur mot à dire sur la réforme électorale va être bien déçu », a dit Anna.
Pour obtenir plus d’information sur le plan du gouvernement de changer le système majoritaire uninominal à un tour, cliquer ici.