29 février 2016 • N° 6 | PDF Numéros précédents
Les grands intérêts monopolistes s’emparent
des gouvernements
Les prévisions économiques du ministre
des Finances
Le ministre des Finances Bill Morneau a tenu ce que le nouveau gouvernement libéral appelle une « séance de discussion ouverte » avec la presse le 22 février pour annoncer les prévisions du gouvernement concernant la croissance du PIB et le déficit fédéral. Les prévisions de croissance des économistes à l’emploi des plus grands intérêts financiers du pays, que le gouvernement utilise comme référence, ont été revues à la baisse, comme l’ont été aussi celles sur le déficit du budget de 2016. Le ministre dit que tout cela est dû à la chute des prix du pétrole. Il dit que selon les économistes cités, le prix mondial du pétrole qui est présentement de 31,5 $ le baril se situera aux environs de 40 $ le baril cette année. Il ajoute que les économistes prévoient une croissance du PIB canadien de 1,4 % en 2016 alors que le gouvernement avait basé ses prévisions budgétaires antérieures sur une croissance de 2 %.
En plus de la perte de revenu qu’on attribue au cours des produits de base, le ministère des Finances dit que le gouvernement « saisira l’occasion de réaliser des investissements ciblés qui accéléreront la croissance à court terme, créeront des emplois et augmenteront le potentiel de croissance à long terme du Canada ».
Le ministre Morneau dit que le déficit pourrait donc se situer à 30 milliards $, soit trois fois ce qui a été promis à l’élection fédérale de 2015.
Selon le ministère des Finances, « le plan du gouvernement pour atteindre ses objectifs sera décrit en détail dans le budget de 2016 » et le budget sera déposé à la Chambre des communes le 22 mars 2016.
L’«approche différente» des libéraux en matière de politique économique et budgétaire
Le ministre des Finances Bill Morneau a profité de sa « séance de discussion ouverte » du 22 février pour faire la promotion de ce qu’il appelle « une approche différente en matière de politique économique et budgétaire ». Cette approche comprend « l’engagement de renforcer la classe moyenne et de créer des conditions favorables à une croissance économique dont profiteront tous les Canadiens et toutes les Canadiennes ». Le ministre appelle cela « une nouvelle voie pour la classe moyenne du Canada ». Mais tout cela est présenté avec des phrases à la mode difficiles à déchiffrer, des faux-fuyants du jargon néollibéral. Ce qui est évident, par contre, est que ce gouvernement se croit très malin et qu’il ne s’est pas du tout engagé sur une « nouvelle voie ». Il poursuit les politiques de payer les riches du gouvernement précédent mais sur une échelle plus grande encore.
Le ministre a « réaffirmé sa conviction selon laquelle lorsque l’économie est à l’oeuvre pour la classe moyenne, le pays est à l’oeuvre pour l’ensemble de la population ».
« Grâce au renforcement de la classe moyenne et à la croissance de l’économie, les Canadiens qui travaillent fort peuvent s’attendre à un bon niveau de vie, à une retraite sûre et à de meilleures perspectives pour leurs enfants. Cela permet également de faire en sorte que le gouvernement dispose des ressources dont il a besoin pour sortir les personnes vulnérables de la pauvreté, investir dans la recherche et l’innovation, et assurer la sécurité économique de l’ensemble des Canadiens », lit-on dans le communiqué du ministre des Finances.
Le communiqué répète le message de différentes manières : « Le nouveau gouvernement prendra des mesures pour s’assurer que la croissance économique est équitablement partagée entre la classe moyenne et ceux qui travaillent fort pour en faire partie. Au cours des périodes difficiles sur le plan économique, le gouvernement a un rôle important à jouer. Maintenant, plus que jamais, il est temps de réaliser des investissements afin de renforcer la classe moyenne et de favoriser une croissance durable et propre. »
Le gouvernement libéral laisse aux Canadiens la tâche de comprendre ce que cela veut dire. Il semble avoir ajouté la phrase à la mode « séance de discussion ouverte » pour donner l’impression que le public est inclus dans le débat. Or, son acharnement à propos de « la classe moyenne » fait fi de l’assaut continuel auquel on assiste contre les conditions de travail, les salaires, les pensions et les avantages sociaux des travailleurs syndiqués et du sort des chômeurs, des jeunes, des personnes âgées et des travailleurs appauvris. Non seulement le ministre Morneau n’a-t-il rien dit qui soit utile à la compréhension de ce qu’il propose, mais tout ce discours n’annonce rien de très prometteur pour la grande majorité des Canadiens et des Canadiennes.
Le Renouveau présente aujourd’hui un commentaire sur les remarques de Don Pitts, chef chroniqueur de CBC News, sur les perspectives d’un déficit plus élevé que promis. Nous incluons aussi un rapport sur les annonces faites par le gouvernement à propos de la création d’un nouvel organisme chargé de conseiller le ministre des Finances sur la croissance à long terme, qui sera présidé par un grand promoteur de l’idée qu’il faut accorder un rôle de premier plan aux plus grands intérêts monopolistes dans l’orientation de l’économie.
«Opinion d’expert»: les dépenses déficitaires sont «un poids à porter vers un avenir incertain»
Les déficits sont « un poids à porter vers un avenir incertain, écrit Don Pitts, réalisateur de la section affaires du réseau CBC. « Comme quand vous allez à la limite de votre première carte de crédit, c’est facile pour un gouvernement d’encourir des déficits. Mais le rembourser n’est pas aussi facile. » Jusque-là tout est beau, mais que propose-t-il comme solution ?
« La plupart des économistes s’entendent pour dire qu’il n’y a pas de mal à encourir une dette fédérale se situant entre 25 et 35 % du PIB, surtout quand les taux d’intérêt sont faibles. Mais encourir des déficits répétés qui dépassent le taux de croissance de l’économie, même si c’est populaire pendant que les dépenses sont faites, cela peut devenir rapidement beaucoup moins gérable », écrit-il. Il s’explique : « Les économistes conventionnels disent que les gouvernements ont seulement deux options pour se débarrasser d’une dette. Dans les deux cas il faut couper dans les dépenses. La première consiste à geler les dépenses en attendant que l’économie croisse plus rapidement que la dette. Malheureusement, un gel a toujours l’effet de compressions, puisque les dépenses doivent être réduites de la somme du déficit de l’année précédente. »
« La méthode plus rapide de réduire la dette est de sabrer dans les dépenses, comme nous l’avons vu lorsque la dette fédérale a atteint un sommet en 1997 aux alentours de 65 % du PIB, ou d’augmenter les taxes et impôts. Les politiciens savent d’expérience qu’il n’y a jamais un bon moment pour sabrer dans les dépenses ou augmenter les impôts. »
Malgré tout ce que montre l’expérience des travailleurs avec cet assaut contre leur niveau de vie pour payer les riches, Pitts ne veut pas discuter des conséquences de ces deux options pour l’économie. Il ne veut pas non plus envisager d’autres options pour changer la direction de l’économie dans le sens de placer les besoins des Canadiens, et non ceux des bailleurs de fonds, au premier plan. Pour lui le seul problème avec ces deux « options » est qu’elles « mettent les électeurs en colère ».
Il parle ensuite du vieillissement des « baby boomers » et du « rétrécissement de la main-d’oeuvre » et s’interroge à savoir si des robots pourront « aider à rembourser la dette ». Cette allusion au remplacement des baby boomers par des robots n’a rien à voir avec la réalité démographique du Canada et n’informe en rien sur l’état de l’économie. Par exemple, on sait que la population canadienne a doublé avec l’immigration depuis la Deuxième Guerre mondiale et que le Canada compte sur quelque 200 000 nouveaux immigrants, migrants, travailleurs temporaires et réfugiés par année pour maintenir sa population active. Parler de baby boomers et de robots ne fait que brouiller les cartes davantage.
Le responsable de la section affaires du réseau CBC invoque ensuite la mise en garde du ministre des Finances à l’effet que la recherche de l’équilibre budgétaire pourrait entraîner une récession mais il n’explique rien à ce sujet non plus.
« M. Morneau nous dit que sans les dépenses déficitaires, le Canada pourrait se diriger vers une récession. Cela nous amène évidemment à poser la question : que fera le gouvernement s’il se produit une crise encore plus grave ? » Il ajoute : « Il y a plusieurs options » mais elles ont toutes comme perspective la chute des profits des banques[ !], la faiblesse du prix du pétrole, le rétrécissement de la main-d’oeuvre, la possibilité d’une crise immobilière et d’autres catastrophes annoncées. Il écrit :
« Il y a de nouvelles inquiétudes concernant la stabilité des banques mondiales qui mettent de plus en plus d’argent de côté en prévisions de non-remboursement des prêts qu’elles ont consentis. Jusqu’à présent cette semaine les banques canadiennes n’ont pas performé aussi bien que dans le passé.
« Les espoirs renouvelés dans une reprise des prix du pétrole ont été secoués hier quand le ministre du pétrole de l’Arabie saoudite a dit à des chefs d’entreprises texans que son pays pouvait s’accommoder de 20 $ le baril. Il a dit qu’il était disposé à laisser les prix stagner jusqu’à ce que les producteurs à coût élevés [lire : les sables bitumineux du Canada] soient mis hors production.
« Même si le prix du pétrole finit par remonter, cela ne sera d’aucun recours pour les finances fédérales si cela signifie la destruction de l’industrie canadienne.
« Ah oui, il y a aussi le danger d’une crise immobilière, d’une autre chute de la valeur du dollar canadien et du danger toujours présent d’une autre récession aux États-Unis. Si les taux d’intérêt sont bas en ce moment, il est difficile de prédire où ils seront dans un avenir plus éloigné.
« Peut-être bien que nous pouvons remplacer la productivité d’une force de travail déclinante par l’automatisation et la robotique, et revenir à une croissance de 4 %. Mais si rien n’est fait au sujet des tendances démographiques actuelles au Canada, les prêts que contracte le gouvernement dans la période actuelle vont devoir être remboursés par une main-d’oeuvre réduite. »
Sa conclusion ? « Les jeunes de la génération du millénaire se voient peut-être déjà occuper les maisons magnifiques et les emplois des boomers. Si notre ministre des Finances n’est pas prudent dans ses dépenses de déficit budgétaire, c’est du fardeau peu enviable de la dette nationale des boomers que ces jeunes pourraient hériter. »
Le calibre de la pensée de ce réalisateur de la section affaires du réseau CBC porte à penser qu’aucun de ces experts ne sait ce qu’il fait ou ne s’intéresse à résoudre les problèmes de l’économie. La seule chose qui ressorte clairement, c’est que tout ceci vise à faire en sorte que l’offensive antisociale et la politique de payer les riches se poursuivent et c’est tout. Les travailleurs du Canada doivent prendre leur place et montrer comment on peut organiser une économie qui satisfait les besoins du peuple et non des riches.
(Pour lire l’article original « Bill Morneau’s budget challenge : Deficits and the difficulty of planning for a long future ». cliquer ici.)
Au sujet de la «stratégie de croissance à long terme»
du gouvernement
En conférence de presse le 22 février, le ministre des Finances Bill Morneau a « préparé le terrain pour une stratégie de croissance à long terme qui sera annoncée d’ici la fin de l’année civile », lit-on dans un communiqué du ministère des Finances. La « stratégie de croissance à long terme » s’appuiera sur un nouveau Conseil consultatif en matière de croissance économique, poursuit le ministère.
« Conseil consultatif en matière de croissance économique », « stratégie de croissance à long terme » ? Qu’est-ce que cela veut dire ?
Selon le ministre, le Conseil va relever de son bureau et sera présidé par Dominic Barton. Les autres membres seront sélectionnés plus tard, mais Dominic Barton est directeur général mondial chez McKinsey & Company qui comme par hasard est la plus grande firme-conseil au monde en matière de gestion. Barton a des liens avec les plus hauts échelons de l’oligarchie financière internationale et avec l’establishment militaire de différents pays. Le premier ministre Trudeau a parlé de lui en ces termes dans son discours au Forum économique mondial de 2016 tenu à Davos en Suisse : « Je sais que près de la moitié des gens qui sont dans cette salle ont eu Dominic Barton comme employé à un moment donné. » L’ancienne chroniqueuse du Globe and Mail Lynne Everatt a écrit dans un article que « chaque jour, Dominic Barton se fait un devoir de parler avec aux moins deux hauts dirigeants, PDG ou chefs de gouvernement, pour savoir ce qu’ils ont en tête ».
Selon le ministère des Finances, le conseil « fournira des conseils au sujet des mesures stratégiques à mettre en oeuvre pour créer les conditions à long terme nécessaires à une croissance économique centrée sur la classe moyenne ». La question du « long terme » ou du « à plus long terme » serait une des préoccupations de Barton, au sujet de laquelle il a écrit des articles et donné des discours. Qu’en est-il ?
Ses activités nous éclairent un peu à ce sujet. Barton est le coprésident d’une organisation appelée « Focusing Capital on the Long Term » ( Orienter les capitaux vers le long terme). L’autre coprésident est Mark Wiseman, le président et chef de la direction de l’Office d’investissement du Régime de pensions du Canada (RPC). Auparavant, Wiseman était le responsable des placements dans les actions de sociétés fermées et du programme de co-investissement du Régime de retraite des enseignantes et enseignants de l’Ontario. Sont aussi membres de l’organisation des PDG et d’autres dirigeants exécutifs de la firme multinationale française d’assurance AXA, de la firme de gestion en investissements BlackRock, de la firme d’investissement GIC, de la Harvard Business School, de la firme d’investissement E.L. Rothschild LLC, du holding Tata Sons, du monopole de biens de consommation anglo-hollandais Unilever et de l’entreprise multinationale britannique de services bancaires et financiers Barclays.
L’expression « croissance à long terme » occupe une place de choix dans le lexique de Barton qui a écrit plusieurs articles où il explique ce que cela veut dire et comment on peut y arriver. Barton et Wiseman ont écrit un article pour le site Web de McKinsey & Company en décembre 2014 dans lequel ils disent que « les grands investisseurs ont un rôle crucial à jouer pour en finir avec la plaie de l’obsession du court terme ». L’«obsession du court terme » se réfère à la pression visant à assurer des « profits à court terme ». Barton et Wiseman s’y disent inquiets qu’un questionnaire de 2013 de McKinsey et de l’Office d’investissement du RPC à l’intention de 1000 membres de conseils d’administration et dirigeants exécutifs a révélé que plusieurs ressentaient la pression de réaliser des profits à court terme.
Dans ses écrits sur la « croissance à long terme », Barton a peu à dire sur la façon dont les gouvernements peuvent la réaliser mais ce n’est pas surprenant. La théorie de Barton sur la « croissance à long terme » n’est rien d’autre qu’un effort pour mettre les plus grands monopoles à la tête de la société et tout faire pour leur bien-être. Barton affirme que la croissance de ces monopoles de même que leur pouvoir et leur position de privilège sont synonymes de la croissance de l’économie, de l’emploi et du bien public lui-même.
Barton et Wiseman écrivent en conclusion de leur article que « la façon la plus réaliste et effective d’aller de l’avant est de changer les stratégies d’investissement et les approches des joueurs qui sont les piliers de notre système capitaliste : les détenteurs de grands actifs, qui aujourd’hui possèdent 73 % des 1000 plus grandes compagnies des États-Unis, comparativement à 47 % en 1973. »
Le même Barton, qui se dit « un fervent croyant dans le capitalisme », prétend que les crises qui sont inhérentes au système capitaliste peuvent être surmontées si les plus grands monopoles dans le monde se mettent tous à « penser au long terme ». Il dit que « l’accent sur le court terme » dans la détermination des prix est ce qui mène à « l’extrême volatilité et aux bulles ».
« L’obsession du court terme mine la capacité des entreprises d’investir et de croître, ce qui devrait inquiéter les investisseurs », écrivent Barton et Wiseman. « Ces investissements manqués ont en retour des conséquences sérieuses, dont une croissance plus lente du PIB, un taux de chômage plus élevé, et un rendement plus faible pour ceux qui investissent. Pour renverser cette tendance destructrice, nous suggérons une approche pratique en quatre points aux investisseurs institutionnels qui veulent sérieusement orienter plus de capital vers le long terme. »
Ils suggèrent par exemple aux investisseurs « de faire leurs investissements après avoir défini des objectifs à long terme et l’appétit qu’ils ont pour le risque ». Ils doivent à cet égard « donner beaucoup plus d’importance aux stratégies au sein d’une classe d’actifs définie qui recherchent la création de valeur à long terme, une stratégie par exemple ‘basée sur la valeur intrinsèque’ des sociétés cotées en bourse plutôt que sur des effets de momentum. Depuis sa création en 1990, le Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l’Ontario (OTPP) a été un leader dans l’allocation de capital à des classes d’actifs à long terme peu liquides et dans des investissements directs dans des entreprises », écrivent Barton et Wiseman.
« Les propriétaires d’actifs » ayant une « capacité suffisante » devraient « développer un réseau avec des pairs qui pensent comme eux, s’entendre d’avance sur des gens et des principes qui vont guider leurs efforts, et se positionner pour répondre à une situation potentiellement conflictuelle avec une entreprise en formant rapidement une micro-coalition de grands investisseurs bien disposés », écrivent-ils. « Cette approche a bien fonctionné récemment pour une micro-coalition d’investisseurs agissant de concert avec un fonds d’investissement orienté vers le long-terme ayant des parts dans le Canadien Pacifique », ajoutent-ils.
Ils se réfèrent ici à la prise de contrôle du Canadien Pacifique par un fonds d’investissements spéculatifs américain qui a placé à la tête du CP l’ancien président du CN, Hunter Harrison, lequel a présidé à des attaques sans répit contre les travailleurs ferroviaires et la sécurité du public.
Une grande partie des écrits de Barton sur la « croissance à long terme » discute de comment les plus grands monopoles peuvent réaliser une telle croissance pour eux-mêmes, ce qui mène selon l’auteur à la « croissance du PIB ». « La bonne façon de commencer à agir au-delà des objectifs à court terme qui sont encore dominants aujourd’hui est de s’associer à ceux qui sont le moteur du capitalisme, les grands détenteurs d’actifs dans le monde », écrivent Barton et Wiseman. « Cela sert leurs intérêts comme ceux des épargnants et de la société dans son ensemble », concluent-ils.
L’équation qui met un signe d’égalité entre intérêts monopolistes et bien public est vite en train de devenir la doctrine du gouvernement Trudeau. Associer bien public et intérêts des monopoles dans la même phrase et prétendre qu’ils sont identiques revient à cacher que les intérêts privés prennent directement contrôle des gouvernements et que cela n’est pas une bonne chose. Justin Trudeau et ses proches conseillers travaillent à ce que cela se produise de la façon la plus rapide et efficace possible, et ils comptent ne faire face à aucune opposition effective de la part des travailleurs organisés ou de quiconque d’autre. On ne doit par leur permettre de réussir.
Les intérêts monopolistes privés et la
«sécurité humaine»
Dominic Barton, directeur général mondial de la firme-conseil de gestion néolibérale McKinsey & Company et président du nouveau Conseil consultatif en matière de croissance économique, a prononcé une allocution le 12 janvier dans le cadre de la « Série de conférences de dirigeants des affaires, gouvernementaux et en matière de sécurité » organisée par le Council on Foreign Relations (CFR). Le CFR est un groupe de réflexion américain sur les affaires étrangères qui réunit des membres de la classe dirigeante des États-Unis, des leaders militaires et politiques, afin de traiter de problèmes relatifs à la politique étrangère des États-Unis. La discussion portait sur le thème de comment « le monde des affaires, le gouvernement, le secteur social et les forces militaires des États-Unis peuvent travailler à améliorer la sécurité humaine dans des zones de conflit dans le monde ». Cela illustre bien la prise de contrôle du domaine public par les intérêts monopolistes privés au nom de la sécurité humaine.
« Nous sommes témoins d’un intérêt croissant de la part du gouvernement à obtenir l’aide du monde des affaires et de l’aide croissante du secteur militaire pour obtenir l’aide du monde des affaires, si je peux m’exprimer ainsi, au gouvernement. Je me suis engagé directement dans ce dossier », a dit Barton. Le problème, a-t-il dit, est «comment concevoir l’après-conflit, de façon à ce que le conflit ne reprenne pas, et le rôle que peuvent jouer les entreprises et le secteur militaire ».
Sa théorie est qu’il faut une coopération « tri-sectorielle » qui en fait inclut le secteur militaire. « Il y a le gouvernement, le secteur privé et les ONG. Ce sont les trois secteurs et ils doivent travailler ensemble. Et je crois que chacun des secteurs demande à être appuyé par les autres », a dit Barton.
Selon l’analyse présentée par Barton, les causes du conflit et de la rébellion n’ont rien à voir avec la quête de domination des États-Unis et des autres grandes puissances. Au contraire, Barton dit que « la plus grande source du conflit est le manque d’emplois ». Aussi-demande-t-il aux entreprises d’investir afin de créer des emplois. « Je ne pense pas qu’un gouvernement est capable de créer ces emplois ; ce sont les entreprises qui doivent le faire. Mais elles ne vont pas pouvoir le faire en l’absence d’un monde des affaires viable et de sécurité. C’est donc vers cela que convergent nos intérêts à tous, n’est-ce-pas, créer des emplois dans ces zones chaudes. »
Barton a parlé du « moment propice » où les monopoles privés doivent « entrer dans les zones de conflit ». Il a dit : « C’est surtout le Royaume-Uni qui le fait, et cela prend environ deux semaines. Un de ces cas s’est produit en Azerbaïdjan. Cela a été comme l’étude de cas. Dans le scénario envisagé l’Azerbaïdjan était tombé aux mains de l’Iran et il y avait aussi une force de l’OTAN sur les lieux. C’est comme jouer à la guerre. Vous avez d’un côté l’équipe des rouges, de l’autre celle des bleus. Mais la chose intéressante est qu’il y avait aussi des gens d’affaires, qui sont intervenus pour identifier ce qui devait être fait pour que les gens se mettent à investir et à faire des choses. »
Prétendant que son organisation cherche des moyens pour réduire l’exode des réfugiés et les autres mouvements de population, Barton a dit que si ces mouvements existent c’est à cause « du manque d’emplois, d’opportunités, ce qui pousse des groupes de jeunes à se déplacer en quête d’opportunités ». Il a dit que son organisation « est en train d’examiner vers où vont aller les flots de migration dans les dix prochaines années pour voir ce que nous pouvons faire, à la source ; pas pour empêcher les gens de se déplacer mais pour qu’ils ne veuillent plus avoir à se déplacer pour trouver des opportunités ».
McKinsey & Company « ne mène que peu d’activités » dans les zones de conflit, a dit Barton, mais il a présenté les défis en ces termes : « Ce que nous avons observé, c’est qu’il faut qu’il y ait, comment dirais-je, une bureaucratie en place pour que le travail se fasse. Vous avez besoin d’un maire par exemple. Je pense à un exemple en Jordanie. Il vous faut un maire pour pouvoir agir. Ensuite, il vous faut des départements. Nous avons eu une requête, de Christine Lagarde (la présidente du Fonds monétaire international – NDLR) qui nous a demandé pourquoi on n’enverrait pas quelqu’un pour devenir maire ? Trouvez quelqu’un, un de vos partenaires, qu’il y aille et devienne maire. »
C’est à cela que ressemble la prise de contrôle directe des gouvernements par les plus grands monopoles privés dans le monde. Cela n’augure rien de bon. Au contraire, il est clair que les libéraux ont usurpé le pouvoir dans le but d’utiliser l’autorité de l’État pour trahir les intérêts du peuple comme jamais auparavant, tout cela au nom de grands idéaux. On ne doit pas leur permettre de le faire.