À titre d’information
Transcription d’interventions choisies sur la motion des conservateurs condamnant la campagne Boycott, désinvestissement et sanctions
– Hansard de la Chambre des communes, 18 février 2016 –
Voici le texte intégral d’interventions choisies des partis qui sont intervenus dans le débat le 18 février. Il s’agit des principales de ces partis. Le débat se poursuit le 22 février. Pour le débat intégral voir le Hansard du 18 février ici.
Tony Clement (critique aux affaires étrangères du Parti conservateur
propose :
Que, étant donné l’amitié et les relations économiques et diplomatiques de longue date qui unissent le Canada et Israël, la Chambre rejette la campagne du mouvement Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS), qui encourage la diabolisation et la délégitimation de l’État d’Israël, et prie le gouvernement de condamner toute tentative de la part d’organismes, de groupes ou de particuliers du Canada de promouvoir le mouvement BDS, ici et à l’étranger.
Monsieur le Président, d’entrée de jeu, je précise que je souhaite partager mon temps de parole avec ma collègue et voisine de banquette, la députée de Calgary Nose Hill.
Je suis heureux que la Chambre discute et débatte de cet enjeu très important. Je tiens à souligner, à l’intention de ceux qui nous regardent ou nous écoutent, que je parlerai beaucoup d’un mouvement qu’on appelle BDS, un acronyme qui signifie « boycott, désinvestissement et sanctions ». Ce mouvement cherche à isoler et à délégitimer l’État d’Israël et, disons-le franchement, à s’attaquer à cet État à l’échelle internationale.
Le principe derrière ce mouvement est la promotion d’une explication odieuse voulant qu’Israël soit l’unique responsable du conflit israëlo-arabe.
De plus, les activistes qui font partie de ce mouvement réclament que tous les pays boycottent la seule démocratie libérale du Moyen-Orient, mais parallèlement, ils n’accordent aucune attention à certains États qui figurent pourtant parmi les pires pays au monde pour ce qui est du respect de la personne.
Ces boycotts prennent différentes formes. Ainsi, on fait pression sur les consommateurs pour qu’ils n’achètent pas de produits provenant d’Israël, on demande aux universités de couper les liens qu’elles entretiennent avec des universitaires israéliens, et on exige que les athlètes israéliens ne soient pas autorisés à participer aux compétitions sportives internationales.
En préconisant de telles mesures, ces activistes s’attaquent à tous les Israéliens qui habitent dans ce pays, peu importe leur allégeance politique ou leur point de vue. Ils tiennent des propos qui sont uniquement réservés aux États parias, et ils les appliquent uniquement et exceptionnellement à la seule démocratie libérale du Moyen-Orient et au seul État juif dans le monde.
Il est clair que l’intention de ceux qui sont en faveur de ce mouvement n’est pas de résoudre le conflit, mais plutôt d’isoler Israël et de contester le droit de l’État juif d’être traité avec équité.
J’irais même jusqu’à dire à la Chambre que le mouvement BDS est un mouvement discriminatoire. En effet, en ciblant tous les Israéliens et en les plaçant sur une liste noire, uniquement à cause de leur origine nationale, les organisateurs du mouvement exercent une forme de discrimination à leur égard. Les Juifs ont été victimes de boycottage tout au long de l’histoire, et ils le sont encore aujourd’hui parce que les activistes du mouvement BDS réclament le boycottage des citoyens de l’État juif.
Ce mouvement n’est pas propalestinien ; il est anti-Israël. Je veux vraiment insister sur ce fait. Je dirais à mes collègues et aux autres députés que ce mouvement nuit à la paix. Il ne contribue pas du tout à rapprocher les deux parties, à promouvoir la paix ou à améliorer la qualité de vie des citoyens palestiniens. Il fait porter tout le blâme à Israël, ce qui est absurde, et agit comme si personne d’autre, y compris les Palestiniens, n’a sa part de responsabilité à assumer. Si ce mouvement réussit, le gagne-pain de milliers de Palestiniens employés par des entreprises israéliennes serait menacé.
En outre, le mouvement BDS importe le conflit : en ciblant de manière illégitime des entreprises, des universités et des institutions de la société civile, il tente d’amener le conflit du Moyen-Orient au Canada. Les organismes canadiens ne devraient jamais être utilisés comme un véhicule pour l’exclusion sociale et la diabolisation des Canadiens en fonction de leur origine nationale.
Ce mouvement, comme je l’ai déjà dit, importe ce conflit : en ciblant de manière illégitime des entreprises, des universités et des institutions de la société civile, il tente d’amener le conflit du Moyen-Orient au Canada.
Les organismes canadiens ne devraient jamais être utilisés comme un véhicule pour l’exclusion sociale et la diabolisation des Canadiens en fonction de leur origine nationale.
Le mouvement BDS a déjà eu certaines conséquences néfastes. Il a par exemple ciblé l’entreprise SodaStream. Le déménagement, en septembre 2015, de l’entreprise SodaStream de la Cisjordanie au Néguev est directement attribuable à la campagne du mouvement BDS. Ce sont des employés palestiniens qui ont été touchés par le déménagement. Pourtant, les activistes mal avisés du mouvement BDS ont prétendu qu’il s’agissait d’une victoire.
Ce n’est là qu’un exemple de la façon dont le mouvement peut être utilisé à des fins répréhensibles. Les députés de ce côté-ci de la Chambre attachent une grande valeur à la liberté. Nous attachons de l’importance à nos droits et à notre capacité de nous exprimer et d’agir librement. Ce n’est pas là-dessus que porte le débat. La motion ne vise pas à empêcher les gens de s’exprimer sur la place du marché ou sur la place politique. Nous devons prendre position. Il s’agit d’une question importante non seulement pour les Israéliens, mais aussi pour les Canadiens de tous les points de vue, qui attachent de l’importance à un discours approprié et à la démocratie dans une région difficile du monde.
Je demande aux députés de tous les partis politiques de se ranger de notre côté. Il ne s’agit pas d’une question partisane. Je leur demande de se ranger de notre côté relativement à cette motion. Nous devons envoyer un message clair aux Canadiens et aux défenseurs de la liberté partout dans le monde et appuyer la motion.
Stéphane Dion (ministre des Affaires étrangères, Parti libéral.)
Madame la Présidente, au nom du premier ministre et de tout le gouvernement, j’annonce d’emblée que le gouvernement va appuyer cette motion de l’opposition officielle. Nous allons l’appuyer parce que nous sommes d’accord sur le fond, malgré nos réserves quant à la forme et quant aux visées réelles du Parti conservateur dans cette affaire.
La motion se lit comme suit :
Que, étant donné l’amitié et les relations économiques et diplomatiques de longue date qui unissent le Canada et Israël, la Chambre rejette la campagne du mouvement Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS), qui encourage la diabolisation et la délégitimation de l’État d’Israël, et prie le gouvernement de condamner toute tentative de la part d’organismes, de groupes ou de particuliers du Canada de promouvoir le mouvement BDS, ici et à l’étranger.
Revoyons le libellé de la motion : « Que, étant donné l’amitié et les relations économiques et diplomatiques de longue date qui unissent le Canada et Israël […] ». Je vais m’arrêter là.
Nous sommes tout à fait d’accord. Il y a des relations d’amitié et des relations économiques et diplomatiques entre le Canada et Israël. D’ailleurs, qui à la Chambre n’est pas d’accord ? Israël n’est-il pas non seulement un allié, mais également un ami indéfectible pour le Canada ? Comment pourrions-nous ne pas admirer ce que ce pays de si petite taille a pu apporter en grandeur, si la grandeur se mesure par le courage, la détermination, l’inventivité, la solidarité ? Comment ne pas espérer que cette démocratie fasse tache d’huile dans une région aux prises avec toutes sortes de dérives autoritaires ? Comment ne pas se réjouir que le peuple juif, persécuté depuis des millénaires, puisse trouver un coin de la Terre où il se sentira toujours chez lui ?
Nous, les Canadiens, avons toutes les raisons de manifester notre solidarité avec Israël, et en premier lieu à cause des erreurs de notre passé. Le Canada a refoulé des juifs qui frappaient à sa porte pour être accueillis sur son territoire. Rappelons-nous l’expression « aucun, c’est déjà trop ». Le Canada a exclu les juifs des organes décisionnels et des universités. Il a exercé de la discrimination contre eux de nombreuses façons, parfois ouvertement et parfois de manière voilée.
Voyons où en sont les juifs au Canada aujourd’hui. Comment pourrions-nous ne pas nous féliciter de leur avoir ouvert nos portes de telle sorte qu’ils constituent aujourd’hui, chez nous, la quatrième population juive dans le monde, après les États-Unis, Israël et la France ?
La musique de Leonard Cohen nous a fait vibrer. Nous nous sommes extasiés devant l’architecture de Moshe Safdie. Les récits de Mordecai Richler nous ont enchantés. Nous nous sommes ralliés aux décisions convaincantes de Jean Beetz. Le dévouement d’Irwin Cotler nous a inspirés. Les juifs font sentir de plus en plus leur présence enrichissante dans toutes les sphères d’activité, au Canada.
Alors, puisque nous devons tant à la population juive canadienne, ne devrions-nous pas manifester notre solidarité envers Israël, un pays qui subit d’intenses pressions militaires, qui vit constamment sous la menace du terrorisme et qui a besoin de notre aide ? Et, de toute façon, il est dans notre intérêt d’être aux côtés d’Israël. Nous ne pouvons nier, par exemple, qu’il est avantageux pour nous d’entretenir des liens avec le deuxième investisseur, parmi les pays de l’OCDE, dans le domaine de la recherche-développement.
Voyons encore la motion qui nous est soumise : « […] la Chambre rejette la campagne du mouvement Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) […] ».
Encore là, nous sommes tout à fait d’accord. Le rejet du boycott d’Israël est dans la tradition canadienne.
Le Canada s’est fermement opposé aux campagnes arabes de boycottage d’Israël depuis qu’elles ont commencé, dans les années 1970.
L’opposition au mouvement BDS a d’ailleurs été exprimée avec force par le chef libéral et le Parti libéral, avant comme durant la campagne électorale. Ainsi, lors de la campagne, The Canadian Jewish News a publié une publicité électorale signée par les candidats libéraux de Papineau, donc notre premier ministre, de Mont-Royal, d’Outremont, de Notre-Dame-de-Grâce–Westmount, de Pierrefonds–Dollard et de Saint-Laurent, qui se lisait comme suit :
Le Parti libéral du Canada est d’avis que :
Le Canada a toujours été un ami d’Israël et doit le demeurer.
Nous devons lutter contre l’antisémitisme sous toutes ses formes.
Nous devons nous opposer localement aux campagnes de boycottage, de désinvestissement et de sanctions contre Israël et continuer de les condamner avec force.
Nous, les libéraux, n’appuyons pas ce mouvement de boycott, car nous ne croyons pas qu’il est susceptible de favoriser l’atteinte de la paix au Moyen-Orient. Or il faut rechercher inlassablement la paix et ne pas se tromper dans les solutions que nous préconiserons pour l’atteindre.
Le statu quo est intenable tant pour les Israéliens que pour les Palestiniens. Les tendances démographiques vont rendre de plus en plus invivable l’occupation des territoires.
Il faut trouver la voie pacifique qui, par la négociation, mènera à l’avènement de deux États : Israël et la Palestine, vivant côte à côte dans la sécurité et la paix. Le boycott d’Israël ne mènera pas à cette paix juste tant désirée.
C’est le rapprochement et non le rejet qui mène à la paix. La paix nécessite plus d’interaction et de collaboration, et non le contraire. Un boycott crée des victimes. Il met au chômage des travailleurs, qu’ils soient israéliens, juifs ou arabes ; palestiniens, chrétiens ou musulmans.
Faire obstacle aux investissements ne peut qu’engendrer plus de misère et de désespoir. L’exemple de SodaStream, une société israélienne de renommée mondiale, est éloquent. L’entreprise s’est vue forcée de fermer son usine en Cisjordanie parce que le mouvement BDS menaçait de lancer un boycott contre elle. Des centaines de Palestiniens ont donc perdu des emplois bien rémunérés. Dans la conjoncture actuelle, ce genre de conséquences négatives pour la population palestinienne est inacceptable. En soi, le boycott ne fait rien pour promouvoir la paix.
Pour assurer la dignité de la population palestinienne, le Canada juge essentiel d’améliorer ses perspectives économiques, puisque cela a l’effet souhaitable de favoriser la stabilité et la sécurité dans la région. Dans cette optique, le Canada finance une foule de projets destinés à améliorer les débouchés pour les Palestiniens. Ce sont les activités de ce genre qui permettront de faire avancer le processus de paix. Or, le mouvement BDS nourrit des tensions déjà vives entre les Israéliens et les Palestiniens, au détriment de ceux-ci.
Non seulement le monde n’a rien à gagner en boycottant Israël, mais il se priverait ainsi du talent et de l’inventivité de ce pays. Il serait injuste et contre-productif de priver les étudiants canadiens de la contribution des professeurs israéliens, de priver les chercheurs de la collaboration de leurs collègues israéliens, ou d’empêcher les entreprises de conclure ou de maintenir des partenariats avec des sociétés israéliennes. Cette approche ne ferait rien pour promouvoir la paix et engendrerait une injustice considérable tout en portant atteinte à la liberté d’expression.
Il est inadmissible et contre-productif d’exercer des pressions sur les musiciens, les écrivains, les poètes et les autres artistes pour les empêcher de se rendre en Israël ou d’y pratiquer leur art. Au lieu d’encourager le dialogue et la compréhension, nous ne ferions que répandre la méfiance et l’intimidation.
Il semblerait que des étudiants juifs se sentent menacés dans les universités canadiennes. C’est à la fois troublant et inacceptable.
Il ne nous faut pas moins d’échange entre le Canada et Israël. Au contraire, il nous en faut plus. Il nous faut mettre en oeuvre l’Accord de libre échange Canada–Israël afin de réduire les obstacles techniques, de renforcer la coopération, d’accroître la transparence dans les questions réglementaires et de diminuer le coût des transactions pour les entreprises. Voilà la voie à suivre.
Nous devons nous objecter à ce qui porte entrave au renforcement de ces liens en tous genres entre le Canada et Israël.
Du fait de son unilatéralisme, le mouvement Boycott, désinvestissement et sanctions fait obstacle à une véritable recherche de paix et de justice puisqu’il ne cible qu’Israël, qu’il exhorte seulement Israël à agir. Une fois de plus, au lieu de faciliter un règlement pacifique et durable, le mouvement BDS crée une espèce de châtiment collectif qui nuit tant aux Israéliens qu’aux Palestiniens.
Alors que le Canada examine le contexte du processus de paix au Moyen-Orient en cherchant comment contribuer à l’atteinte d’une solution conciliant les intérêts des Israéliens et des Palestiniens, le moment est mal choisi pour chercher des façons de punir l’un de ces deux peuples. Nous devrions plutôt nous demander comment les encourager à reprendre le dialogue, comment lancer, de concert avec les Israéliens et les Palestiniens, un processus de paix positif.
Examinons maintenant la dernière section de la motion à l’étude :
[…] du mouvement Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS), qui encourage la diabolisation et la délégitimation de l’État d’Israël, et prie le gouvernement de condamner toute tentative de la part d’organismes, de groupes ou de particuliers du Canada de promouvoir le mouvement BDS, ici et à l’étranger.
Voilà une rhétorique qui suscite la méfiance venant des conservateurs, lesquels n’ont cessé, ces dernières années, de chercher à transformer l’appui à Israël en enjeu partisan au Canada. Oui, il y a parmi les adeptes du boycott des gens aux mauvaises intentions qui ne veulent pas la paix et qui s’acharnent contre Israël.
Ceux-ci ne cherchent pas vraiment à résoudre le conflit israélo-palestinien, mais plutôt à délégitimer Israël, à le pointer du doigt.
Il y a aussi certainement dans les rangs de ce mouvement des extrémistes, des racistes et des antisémites animés par la haine. Ceux-là, il faut les condamner avec la plus grande fermeté.
Force est toutefois de reconnaître que bon nombre de partisans du mouvement BDS sont animés de bonnes intentions, bien qu’ils fassent fausse route. Au Canada comme à l’étranger, beaucoup d’organismes et de gens soutiennent le mouvement BDS parce qu’ils y voient une initiative non violente qui accélérera le processus de paix et mènera à une résolution durable du conflit israélo-palestinien. Ils souhaitent la même chose que nous, en fait : la coexistence de deux États, Israël et la Palestine, tous les deux stables, sûrs et démocratiques. Les partisans du mouvement BDS se trompent toutefois sur la façon d’atteindre ce but.
Ceux-là, ceux qui sont de bonne foi, on ne les convaincra pas de leur erreur en leur tapant sur la tête et en leur assénant des condamnations tous azimuts. Ce n’est pas par l’intimidation, les invectives et les procès d’intention qu’on établira un dialogue constructif avec eux. Il faut leur parler avec respect et leur faire valoir les arguments qui font faire ressortir le boycott d’Israël pour ce qu’il est : une fausse solution.
Ce débat, comme bien d’autres, nous l’avons mené et nous le mènerons encore, au Canada ou ailleurs, avec des interlocuteurs que nous respectons, qui parfois sont eux-mêmes Juifs, d’ailleurs. Ce n’est pas par l’ostracisme et l’intimidation, mais bien par le dialogue et le débat franc et ferme que les ralliements aux solutions véritablement prometteuses pourront se produire.
Le Canada et Israël sont des démocraties fortes et dynamiques dans lesquelles on s’attend à des critiques légitimes et on les accepte dans le cadre d’un discours légitime pour dégager un consensus.
Toutefois, nos collègues conservateurs sont-ils intéressés par ce dialogue, par cette recherche du consensus ? Au pouvoir, ils ont fait tout le contraire. Ils ont lancé des menaces et des invectives et ont pratiqué l’amalgame systématique à des fins partisanes crasses. Ils ont fait de l’appui à Israël et à la communauté juive canadienne un enjeu partisan. Cela n’a pas fonctionné pour eux, mais ils semblent n’en avoir tiré aucune leçon.
Ils nous reviennent aujourd’hui avec cette motion et nous savons très bien que son but est de créer la division. Personne ne sort gagnant de ce genre d’exercice.
À nos collègues et amis conservateurs, nous disons que les Canadiens sont nombreux à en avoir soupé de leur manichéisme simpliste, assez de leur hyper-partisanerie. Voilà l’une des principales raisons pour lesquelles les Canadiens les ont relégués dans les bancs de l’opposition. À eux, les conservateurs, d’en tirer les leçons qui s’imposent. Sinon, ils resteront dans l’opposition.
Concluons sur ce qui compte vraiment : l’amitié indéfectible du Canada envers Israël, le partenariat soutenu et constructif que nous entretenons avec l’autorité palestinienne, la recherche de la justice pour tous, y compris le peuple palestinien, la recherche de la sécurité pour tous, y compris le peuple juif, et l’érection de deux États vivant leur voisinage dans la concorde.
Voilà ce que nous devons rechercher sans relâche et avec détermination, mais aussi avec lucidité et discernement. Il nous faut trouver ensemble, avec tous les humains de bonne volonté, les solutions porteuses de paix et de justice parmi lesquelles le boycott d’Israël ne figure pas.
Hélène Laverdière (critique aux affaires étrangères du NPD)
Madame la Présidente, nous sommes saisis d’une motion très bizarre et c’est le moins qu’on puisse dire. La première partie rejette le mouvement BDS, mais j’y reviendrai. La seconde prie le gouvernement de condamner toute tentative de la part d’organismes, de groupes ou de particuliers du Canada de promouvoir le mouvement BDS, ici et à l’étranger.
J’y vois un grave problème. Le Parlement n’a pas pour rôle de limiter les sujets dont les Canadiens peuvent débattre, ou de condamner des opinions. Le NPD n’appuie pas ce mouvement qui, à son avis, nous détourne des progrès réels à accomplir dans la région.
Permettez-moi de citer une déclaration qu’a faite Jack Layton en 2010. Il affirmait : « […] notre parti n’a jamais refusé à Israël le droit, non seulement d’exister, mais d’exister dans des frontières et dans une région sûres, et il ne le fera jamais. » De la même façon en ce qui concerne le mouvement BDS, il ne s’agit pas d’une politique du parti et nous ne l’appuyons pas.
Il serait plus sage de collaborer avec des partenaires qui souhaitent la paix des deux côtés afin de trouver une solution durable pour tous. Comme je l’ai dit, la motion n’a pas de rapport avec le mouvement BDS, mais plutôt avec la politique de division et la liberté d’expression.
Je vais relire en français ce que dit la deuxième partie de cette motion.
[…] prie le gouvernement de condamner toute tentative de la part d’organismes, de groupes ou de particuliers du Canada de promouvoir le mouvement BDS, ici et à l’étranger.
On ne parle pas ici de tentative extrémistes. Comme je le disais un peu plus tôt, je suis convaincue que ce n’est pas le rôle du Parlement d’empêcher qui que ce soit de débattre d’idées et d’avoir une opinion. En fait, le rôle du Parlement est le contraire de cela. Son rôle est de défendre la liberté d’opinion et la liberté d’expression de tous les Canadiens, incluant ceux avec qui on peut être d’accord ou pas.
Si j’avais aujourd’hui devant moi une motion qui me demandait de condamner tout groupe qui s’oppose au libre choix pour les femmes, je ne l’approuverais pas, parce que ce n’est pas notre rôle de condamner les gens pour leur opinion. Est-ce que le délit d’opinion devient un crime au Canada ? Les conservateurs aimeraient probablement cela, mais je ne pense pas que ce Parlement devrait prendre cette direction.
En même temps, cela ne m’étonne pas trop qu’une telle idée, une telle motion nous vienne du Parti conservateur. Nous en avons vu d’autres de leur part. Nous avons vu le projet de loi C-51. C’est assez intéressant de voir que les libéraux qui, on l’apprend, vont appuyer cette motion, ont aussi voté en faveur du projet de loi C-51 qui limite notre droit d’expression.
Nous connaissons les conservateurs pour leur utilisation de bâillons. Chaque fois que l’opposition n’était pas d’accord avec leurs politiques, ils imposaient un bâillon. Ils ont muselé les bureaucrates et les scientifiques en plus d’avoir limité l’accès à l’information. Ils ont empêché les médias de faire correctement leur travail, ce qui est pourtant un des principes de notre démocratie.
Ils ont harcelé et intimidé une foule d’organisations de la société civile, notamment par l’entremise de l’Agence du revenu du Canada, organisations dont le grand péché était de ne pas être d’accord sur les politiques du gouvernement. Cela me rappelle presque George Orwell. Dans quel monde vivons-nous pour qu’ici, au Canada, on s’attaque au droit fondamental de ne pas être d’accord.
Ce qui est assez ironique, c’est que les conservateurs ont présenté des projets de loi émanant des députés visant à diminuer nos protections contre le discours haineux – c’est assez étrange – dont font souvent l’objet les minorités culturelles et d’orientation sexuelle différente.
La motion, typique des conservateurs, vise surtout à bâillonner ceux avec qui ils ne sont pas d’accord. Personnellement, je refuse cela. Je reprendrai ici les mots de Voltaire : « Je désapprouve ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire. »
Il y a des gens qui pensent que c’est une bonne idée, mais je ne suis pas forcément d’accord là-dessus. Je pense qu’il faut plutôt concentrer ses efforts à travailler avec les partenaires pour la paix, des deux côtés, pour en arriver à une solution juste, durable et équitable pour le bien-être de tous. Toutefois, certains ont une autre idée. Il y en a en Israël, et j’en rencontre dans ma propre circonscription. On constate notre désaccord, et on peut en discuter. La discussion et le dialogue sont la voie qui nous permettra de progresser sur ces questions fort épineuses.
C’est très triste de voir les conservateurs faire de la politique avec cet enjeu. Je suis d’accord avec le ministre des Affaires étrangères. Ils jouent une fois de plus le jeu de la division et ce genre de politique n’aide personne. Elle n’aide pas nos amis. Les conservateurs s’adonnent à ce jeu tellement souvent.
L’approche mise en oeuvre pendant des années par les conservateurs, au Moyen-Orient surtout, a entaché la réputation du Canada. Le Canada a perdu sa capacité d’agir à titre d’intermédiaire honnête et d’aider nos amis, notamment Israël. Le Canada n’a aucun pouvoir ni influence dans la région parce qu’il a perdu sa crédibilité, puisqu’un trop grand nombre d’acteurs veulent se faire les agents du changement et de la paix et prendre part au processus. Les conservateurs ont coupé tous les ponts.
Oui, nous devons jouer un rôle positif, mais nous ne pourrons le faire si nous adoptons des politiques d’interdiction et si nous empêchons le débat. Je vais vous lire une citation que j’aime et que j’appuie :
Je suis Canadien […] libre de m’exprimer sans crainte, libre de servir Dieu comme je l’entends, libre d’appuyer les idées qui me semblent justes, libre de m’opposer à ce qui me semble injuste, libre de choisir les dirigeants de mon pays. Ce patrimoine de liberté, je m’engage à le sauvegarder pour moi-même et pour toute l’humanité.
C’est le premier ministre progressiste-conservateur John Diefenbaker qui a prononcé ces mots. Je pense qu’il serait très triste aujourd’hui.
À voir ce que les conservateurs tentent de faire aujourd’hui, il se retournerait dans sa tombe.
Plutôt que de semer encore plus la division, travaillons ensemble à trouver des solutions positives face à cette situation si difficile et, surtout, levons-nous pour défendre nos valeurs, nos droits et nos libertés, incluant le droit de parole et le droit à l’opinion, et c’est au nom de ce dernier droit que je vais dire non à cette motion.
Monique Pauzé (Whip du Bloc québécois)
Monsieur le Président, le mouvement BDS, soit Boycott, désinvestissement et sanctions, est une réponse citoyenne non violente et non antisémite. Elle ne vise pas les juifs en tant que juifs. Elle vise les politiques de l’État d’Israël que l’on peut contester. Par exemple, il peut s’agir des politiques de tous les gouvernements successifs envers le peuple palestinien : occupation, colonisation, blocus.
Le Bloc québécois reconnaît que le boycottage est un droit démocratique de gens qui veulent critiquer pacifiquement les politiques d’un État. Ne pas partager le point de vue de la colonisation de la Palestine, par exemple, n’a rien d’antisémite et n’a rien d’antisioniste. C’est une opinion politique légitime qu’on peut partager ou non.
On parle de diabolisation depuis tantôt. N’est-on pas ici en train de diaboliser toute personne qui ne pense pas comme nous ?
[…]Monsieur le Président, nous allons faire un peu d’histoire.
Le 9 juillet 2004, la Cour internationale de justice exigeait la démolition du mur entre Israël et la Palestine, disant que c’était contraire au droit international. Le 9 juillet 2005, la campagne BDS prenait son envol. Je pense qu’il y a un lien entre les deux.
Des groupes pacifiques comme PAJU, Palestiniens et Juifs unis pour la paix, font la promotion de la campagne BDS en disant que c’est une action pacifique. Je peux donner des noms. Des appels au boycott, il y en a eu par le passé. Il y a eu l’Afrique du Sud, au moment de l’apartheid. Il y a eu le Myanmar, l’ancienne Birmanie, au moment de la junte militaire. Il y a eu la France contre le Mexique, au moment de l’enlèvement de Mme Florence Cassez. Il y a eu aussi le boycott des raisins de la Californie. D’ailleurs, je me suis privée de ces raisins pendant de nombreuses années.
Toutefois, pendant les années où nous boycottions les raisins de la Californie, le gouvernement libéral, alors dirigé par M. Pierre Elliott Trudeau, n’a jamais interdit ni condamné personne. Alors, utiliser l’argument de la propagande haineuse correspond à de la censure.
Si je comprends bien ce que ma collègue a dit, le Canada serait parmi les rares pays démocratiques où l’appel au boycott, une action pacifique entreprise par un mouvement citoyen pour critiquer un autre État, serait condamné.
Le Bloc québécois croit à la liberté d’expression, que l’on soit pour ou contre la campagne. C’est la liberté d’expression qui a préséance et qu’on doit défendre contre les attaques de cette motion.
Ma chère collègue n’est-elle pas d’accord ?
Elizabeth May (chef du Parti vert)
Monsieur le Président, je suis heureuse d’avoir l’occasion de participer au débat sur cette motion. Je ne l’appuierai pas, mais je tiens à ce que les choses soient bien claires : ni le Parti vert, ni moi n’appuyons le mouvement BDS. Il y a aussi un Parti vert en Israël, que nous consultons fréquemment, et celui-ci préfère que les autres partis verts ailleurs dans le monde n’appuient pas les appels au boycott visant Israël. Parallèlement, les membres du Parti vert appuient la libre expression et respectent le droit des Canadiens de s’associer comme ils le souhaitent pour aborder des enjeux qui les préoccupent.
Il ne fait aucun doute que le sort des Palestiniens préoccupe de nombreux Canadiens. Je ne pense pas que ce soit un choix approprié sur le plan tactique. Cela dit, je demande au député – et je crois qu’il a essayé d’aborder cet aspect avec prudence dans son discours – de ne pas supposer qu’une campagne de boycott, de désinvestissement et de sanctions visant l’État d’Israël est fondée sur la haine et qu’elle est antisémite. Supposons que l’Église Unie du Canada mène une telle campagne ; nous savons que ce n’est pas une organisation antisémite ou motivée par la haine.
J’attire l’attention du député sur un vote intéressant qui a eu lieu à la Knesset, en Israël. En juillet 2011, la Knesset, en l’occurrence le Parlement israélien, a voté sur une motion considérant les appels au boycott contre Israël comme un délit civil. La motion a été adoptée, mais pas par une importante majorité. En fait, 47 membres de la Knesset ont voté en faveur de la motion alors que 38 ont voté contre. Les 38 membres qui ont voté contre n’étaient certainement pas animés par la haine contre l’État d’Israël.