Numéro 50 - 23 juillet 2020
La pandémie
comme prétexte pour fouler aux pieds
les droits des travailleurs
Tout en oeuvre
pour défendre
les droits de tous et de toutes!
• Dites
non!
à la Loi 195 de l'Ontario - Steve
Rutchinski
Les
travailleurs
prennent la parole
• Le retrait de la
loi 195 en
Ontario exigé lors d'une conférence de
presse syndicale
• Les arrêtés ministériels
du gouvernement du
Québec sont
inacceptables
- Entrevue avec Benoît Taillefer
La pandémie comme prétexte pour
fouler
aux
pieds les droits des travailleurs
Utilisant la pandémie comme prétexte, les
gouvernements
de tout le pays se livrent à des activités
intéressées inacceptables.
Alors que les travailleurs ont clairement pris
position contre le
retour « à la normale » – un
état de fait qui continue d'aggraver
la pandémie –
les gouvernements
utilisent la situation pour enlever
toute voix aux travailleurs. Déjà, l'offensive qui
est menée pour que
le système de santé serve le profit privé a
conduit à un nombre
disproportionné de décès dus à la COVID-19 qui se
sont produits dans
des établissements privés de soins de longue durée
aux conditions
déplorables. Par exemple, CBC a indiqué en juin
que 85,2% des décès
dans les établissements de soins de longue durée
dans l'est de
l'Ontario se sont produits dans des établissements
qui fonctionnent
pour le profit. Déjà, l'offensive antisociale, les
stratagèmes pour
payer les riches et
l'impunité mise de l'avant par les gouvernements
depuis 20 ans et
plus ont entraîné une détérioration complète des
conditions sociales.
Lorsque la classe dirigeante a commencé à
promouvoir
l'offensive antisociale, elle a déclaré avec
arrogance qu'elle
conduirait à la prospérité. Toutes les mesures
qu'elle a prises ont
rendu les riches plus riches et les pauvres plus
pauvres et ont produit
une usurpation de plus en plus de pouvoirs par les
intérêts
privés étroits. La privatisation, l'élimination de
toute trace de
l'État-providence et les « changements de
politiques fiscales et
budgétaires » se sont accompagnés d'attaques
contre les syndicats
et contre tous les arrangements du passé par
lesquels les travailleurs
pouvaient négocier les salaires, les conditions de
travail et la
sécurité en cas de maladie, d'accident ou de
retraite. L'arrogance est
telle que les travailleurs ne sont inclus dans
aucune discussion sur la
direction de l'économie ou sur la politique et les
affaires sociales,
politiques et culturelles. Le système politique
qui prétend que le
peuple est représenté par l'élection de partis
politiques pour former
des gouvernements n'a aucune crédibilité ou
légitimité parce que le
peuple ne contrôle aucun aspect du système
électoral, depuis
ceux qui
sont choisis pour les représenter et qui utilisent
son nom pour adopter
et mettre en place des politiques, jusqu'aux
politiques qui sont
adoptées et aux décisions qui sont prises.
Tel est le coeur du problème qui révèle la
nécessité du
renouveau politique. C'est grâce à la lutte de la
classe ouvrière
contre la fraude, la corruption et les
déclarations cyniques des
gouvernements
que le peuple dispose encore d'une certaine
sécurité.
L'utilisation de la pandémie comme prétexte pour
justifier des pouvoirs
de police d'urgence est condamnable. Les
travailleurs doivent la
dénoncer sans équivoque et y mettre fin.
Les gouvernements du Québec, de l'Ontario et de
l'Alberta décrètent et mettent en oeuvre des
mesures antisociales
drastiques, utilisant la pandémie pour se donner
toutes sortes de
pouvoirs au nom du plus grand bien et de la
relance de l'économie. Les
travailleurs ont le droit d'être
consultés, de participer à
définir
la direction de l'économie et de faire partie
intégrante, sur une
base égale, de toutes les décisions prises parce
qu'elles les affectent
et affectent leur vie et celle de leur famille.
Il
est temps de rejeter toutes les affirmations selon
lesquelles de tels
changements législatifs sont constitutionnels ou
peuvent être rendus
constitutionnels ou acceptables si un système
illusoire de freins et
contrepoids prévaut. Il n'y a pas de « freins et
contrepoids »
dans le cadre du diktat du gouvernement. Il y a
l'effort des riches
pour tout contrôler et les luttes héroïques des
travailleurs et de
leurs organisations pour les tenir en échec. Mais
la division de la
société entre ceux qui ont usurpé le pouvoir par
la corruption, la
fraude et la force et ceux qui sont censés se
soumettre sans résistance
est au coeur de l'anarchie, du chaos et de la
violence qui prennent la
forme d'injustices et d'abus les plus odieux de
tous genres, et qui
prévalent aujourd'hui.
Tout le monde doit dénoncer l'utilisation des
pouvoirs
de police d'urgence à des fins criminelles et
intéressées dans le but
de payer les riches. Non à la Loi 195 de
l'Ontario, Loi
de 2020 sur la réouverture de l'Ontario
(mesures adaptables en
réponse à la COVID-19), qui habilite le
cabinet à rendre
permanents les arrêtés temporaires adoptés durant
l'état d'urgence dû à
la COVID-19. Non au projet de loi 61 du
Québec, Loi visant la
relance de l'économie du Québec et l'atténuation
des conséquences de
l'état d'urgence sanitaire déclaré le 13
mars 2020 en raison
de la pandémie de la COVID-19 et à la Loi 10
de l'Alberta, Loi
de 2020 sur la modification de la santé
publique (pouvoirs
d'urgence) qui visent à faire la même chose.
La situation à laquelle sont confrontés
les travailleurs est devenue une bataille pour la
démocratie où toutes
les mesures antidémocratiques abominables doivent
être abrogées, ainsi
qu'une bataille pour la démocratie dans laquelle
les travailleurs
doivent
s'investir du pouvoir décisionnel. Cela commence
par prendre position
contre l'inacceptable, prendre la parole, décider
quelles
mesures peuvent être mises en oeuvre à tout moment
pour résoudre la
crise en leur faveur et donner une nouvelle
direction à l'économie. Les
travailleurs ne peuvent pas se permettre de
simplement réagir à chaque
attaque qui est lancée contre eux mais doivent
aussi apprendre à être
proactifs. Ceux qui utilisent avec arrogance leurs
positions de
pouvoir et de privilège pour faire des choses qui
causent de si grands
dommages à la société et au peuple doivent être
renversés. Ils ne
doivent pas être remplacés par d'autres qui vont
faire la même chose
mais par les travailleurs eux-mêmes.
Abrogeons les lois antiouvrières
et antisociales!
Non aux « pouvoirs d'urgence »!
C'est MAINTENANT le temps d'agir !
- Steve Rutchinski -
Le 7 juillet, le gouvernement de l'Ontario a
déposé le projet de loi 195, Loi de 2020
sur la
réouverture de l'Ontario (mesures adaptables en
réponse à la COVID-19)
pour donner le pouvoir au cabinet de
prolonger les
arrêtés temporaires qui ont été émis pendant
l'état d'urgence de la
COVID-19 une fois que l'urgence est levée. La
majorité des décrets qui
ont été émis supplante d'une façon ou d'une autre
les conventions
collectives des travailleurs, en particulier
celles des travailleurs de
première ligne dans les hôpitaux, les
établissements de soins de longue
durée, les résidences pour retraités, etc. Mais la
portée du projet de
loi est bien plus grande et atteint les employés
des conseils
scolaires, des services sociaux, des réseaux
d'égouts et de
distribution d'eau potable et bien d'autres
encore.
Le projet de loi 195 a passé l'étape de la
deuxième
et troisième lecture le 21 juillet et a reçu la
sanction royale le même
jour. La nouvelle loi entrera en vigueur le jour
où elle sera
promulguée par le Cabinet. Cette loi est une
expression
de plus de l'offensive antisociale qui détruit le
tissu social, comme
l'a fait la loi 124 adoptée l'an dernier qui
a imposé un gel de
salaire de trois ans à tous les travailleurs du
secteur public de
l'Ontario.
La Loi 195
met fin officiellement à l'état d'urgence,
mais permet que les décrets d'urgence émis en
vertu de la Loi
sur la protection civile et la gestion des
situations d'urgence (LPCGSU)
soient
maintenus par décret du lieutenant-gouverneur en
conseil (i.e. le
cabinet provincial). Alors que les décrets
d'urgence en vertu de la
LPCGSU
devaient être renouvelés tous les 14 jours, la Loi
195
prévoit qu'ils peuvent être renouvelés par le
cabinet pour des périodes
de 30 jours jusqu'à un maximum d'un an et les
pouvoirs conférés
par la Loi peuvent être prolongés pour une autre
année. Les décrets
peuvent aussi être modifiés afin qu'ils
s'appliquent à d'autres
personnes ou groupes.
La Loi comprend aussi des dispositions
d'exécution
sévères bien qu'il ne soit pas précisé comment
elles seront
interprétées et mises en oeuvre.
Des lignes de piquetage d'information ont
immédiatement
été organisées pour dénoncer cette attaque contre
les droits des
travailleurs. Les travailleurs et leurs syndicats
sont en train de
discuter comment y répondre. Michael Hurley, le
président du Conseil
des syndicats d'hôpitaux de l'Ontario, division du
Syndicat canadien de
la fonction
publique (CSHO/SCFP) qui
représente 50 000 travailleurs
d'hôpitaux, a tenu des conférences de presse à
North Bay, Sudbury et
dans d'autres villes pour informer le public et
l'appeler à appuyer les
travailleurs contre le projet de loi 195.
L'Association des
infirmières et infirmiers de l'Ontario (AIIO) a
organisé deux sessions
d'information en ligne et mobilisé des milliers de
membres dans la
discussion sur l'impact du projet de loi 195
sur les infirmières
et les patients. L'Union internationale des
employés de
service - Division soins de santé (UIES)
représentant 60 000
travailleurs de première ligne en Ontario, a
dénoncé le projet de
loi 195 comme un « cadeau à l'industrie des
soins de longue durée
fonctionnant pour le profit pour qu'elle
outrepasse les conventions
collectives en offrant plus de quarts de travail à
des travailleurs
nouveaux et payés à un salaire plus bas ».
D'autres organisations syndicales telles Unifor,
les
Travailleurs unis de l'alimentation et du commerce
(TUAC) et la
Fédération du travail de l'Ontario (FTO) ont elles
aussi dénoncé
fermement les actions du gouvernement Ford.
L'Association canadienne
des libertés civiles (ACLC) a qualifié le projet
de loi 195 de «
prise de pouvoir antidémocratique » et a
lancé l'appel aux députés
provinciaux ontariens d'y résister.
«
Le
projet de loi 195 donnerait essentiellement
au premier ministre et
aux ministres le pouvoir d'imposer des arrêtés
d'urgence
qui
restreindraient dramatiquement des droits et des
libertés
fondamentaux
sans devoir mobiliser le processus législatif ou
les membres de
l'Assemblée législative », écrit
l'ACLC. L'association dénonce le
fait que les pouvoirs spéciaux « dureraient au
moins un an
et peuvent
être prolongés par l'Assemblée législative
une année à la fois, indéfiniment. Les pouvoirs
qu'ont les gouvernements en vertu de lois
d'urgence sont censés être exceptionnels. Le
projet de
loi 195
ferait de l'exercice de ces pouvoirs la 'nouvelle
normalité'.
Les pouvoirs dont disposent le premier ministre
et le
Cabinet en vertu de la LPCGSU sont considérables.
Ils ont
notamment le pouvoir d'émettre des décrets qui
sont jugés nécessaires
et essentiels dans une situation dangereuse qui «
risquerait de causer
un grave préjudice à des personnes ou d'importants
dommages à des
biens ». Aucune information ou évaluation
n'est fournie qui
permettrait de juger si le gouvernement a fait
quoi que ce soit
pour prévenir ou réduire « un grave préjudice à
des
personnes ou d'importants dommages à des
biens », ou ce qu'il a
fait et quelles ont été les conséquences de
ses actions pour les
Ontariens.
La plupart des décrets d'urgence qui ont été émis
en
vertu de l'état d'urgence actuel à cause de la
pandémie de la COVID-19
prescrivent qu'en dépit de quelque convention
collective que ce soit,
les employeurs peuvent fixer les priorités en ce
qui a trait aux
effectifs et peuvent redéployer unilatéralement le
personnel à volonté,
changer les horaires de travail ou les
affectations de quarts de
travail, annuler des vacances, engager de la
main-d'oeuvre à temps
partiel, temporaire et contractuelle et avoir
recours à des volontaires
pour accomplir des tâches qui appartiennent à une
unité de négociation.
Les procédures de griefs sont annulées pour toute
question qui est
traitée dans le décret.
La seule intention qu'expriment ces décrets est
d'éliminer le rôle que jouent les syndicats sur
tous ces fronts. Le
fait que les syndicats ont entièrement coopéré
pour faire en sorte que
la population soit protégée est ignoré, tout comme
est ignoré le fait
que ce sont les travailleurs qui savent ce qu'il
faut faire à leurs
endroits de travail pour que tous soient protégés.
Il n'existe
absolument aucune
justification légitime à ces pouvoirs spéciaux.
Il
n'existe aucun cas où les termes et les conditions
de travail prévues
dans les conventions collectives ont causé «
un grave préjudice à
des personnes ». Les professionnels et les
travailleurs de la
santé ont fait plus que ne l'exigent leurs
fonctions, au péril de leur
vie, pour s'occuper des malades et des aînés. En
fait, les conditions
de travail des professionnels et des travailleurs
de la santé sont les
conditions de vie des aînés et de ceux qui ont
besoin de soins dans
notre société.
La pandémie de la COVID-19 a confirmé ce que les
travailleurs n'ont cessé de dire: que la
privatisation, les
compressions dans les services, la dégradation des
salaires et des
conditions de travail des travailleurs de la
santé, l'engagement de
travailleurs temporaires, à temps partiel, et
toute l'approche
d'abandonner les gens à leur sort ont causé un
grave préjudice à la
société. L'annulation de conventions collectives
pendant l'état
d'urgence de la pandémie n'a rien fait pour «
réduire le risque »
pour quiconque, et encore moins pour les
travailleurs de la santé et
les patients qui reçoivent des soins. Le fait que
la situation est
utilisée pour miner la lutte des syndicats pour
arrêter la
détérioration des conditions de travail des
travailleurs et leur
capacité de les négocier n'est rien d'autre que de
la fraude, de la
corruption et un abus de pouvoir.
Chaque jour, pendant cette pandémie, les
travailleurs
de première ligne ont lutté pour leur sécurité et
celle du public. Les
travailleurs doivent continuer de prendre la
parole à la défense de
leurs droits contre cette offensive antisociale et
pour une direction
de la société centrée sur l'être humain. C'est en
poursuivant leur
réclamation à ce qui leur revient de droit qu'une
« nouvelle
normalité » qui sert la société sera créée.
Les travailleurs prennent la
parole
Les infirmières demandent l'abrogation de la Loi
124 qui a imposé un
gel de salaire de trois ans à tous les
travailleurs du secteur public
de l'Ontario.
Le 21 juillet, Michael Hurley, le président
du
Conseil des syndicats d'hôpitaux de l'Ontario, la
division du Syndicat
canadien de
la fonction publique (CSHO/SCFP) et Steven
Barrett, un avocat en droit
du
travail de la firme Goldblatt Partners, ont
organisé une conférence de
presse pour mettre en lumière l'impact de ce qui
était alors le projet
de loi 195 sur
les droits des travailleurs d'hôpitaux et pour
exiger qu'il soit
abrogé. Les extraits ci-dessous sont tirés des
réponses de Michael
Hurley aux questions des médias dont le Forum
ouvrier sur
l'impact du projet de loi et la détermination du
syndicat à forcer le
gouvernement à l'abroger par la lutte de masse des
travailleurs.
« Le
projet de loi accorde aux employeurs de tout le
secteur de la santé le
droit d'agir de façon unilatérale. Un employeur
n'est pas tenu de tenir
compte des conventions collectives existantes. Il
peut vous faire
passer d'un emploi à l'autre, d'un quart de
travail à l'autre. Il peut
vous mettre à pied sans avis. Il peut faire venir
quelqu'un de
l'extérieur pour faire votre travail. Il peut
annuler tous vos congés
et vos vacances et un des changements les plus
significatifs est qu'il
peut prendre toutes ces mesures, peu importe qu'il
y ait des cas de
COVID-19 ou non. Tous les employeurs du domaine de
la santé sont
autorisés en vertu de cette législation à
fonctionner sans égard aux
droits compris dans les conventions collectives
même si la plupart des
hôpitaux et des centres de soins de longue durée
en Ontario n'ont pas
de cas de COVID. Et ces mesures sont d'une durée
d'un an et elles sont
renouvelables — ce pourrait être pour deux ans,
trois ans. Nous avons
dit au
gouvernement : 'Écoutez, s'il y a une
autre éclosion de
COVID,
d'Ebola ou de typhoïde, vous pouvez être certains
que nous allons être
flexibles, comme nous l'avons été au mois de mars.
Mais suspendre nos
droits de façon permanente n'est pas acceptable.'
« Il faut tenir compte du prix que la
main-d'oeuvre a
déjà payé pour l'échec du gouvernement provincial
à l'approvisionner
en protection adéquate. C'est un fait, et dans le
contexte de la
situation mondiale, le taux d'infection des
travailleurs de la santé
comparativement au taux de cas publics de la COVID
est
d'environ 6 % alors qu'en Ontario il est
de 17,4 %,
un taux trois fois plus élevé. Malgré tout, les
gens sont allés
travailler, ils ont fourni les soins et se sont
mis à risque et, avec
raison, ils ont été très applaudis pour leurs
actions. On peut leur
faire confiance, on peut compter sur eux. Nous
demandons au
gouvernement de leur faire confiance, de compter
sur le fait
qu'advenant une autre éclosion, ils seront là pour
la population comme
ils l'ont été depuis le début.
« Il y aura une contestation juridique de ce
projet de
loi. Mais nous espérons faire bouger le
gouvernement avant d'entamer
les procédures. Nous allons tout faire pour
atteindre cet objectif.
« Nous allons faire un grand travail
d'organisation et
nous ne serons pas seuls. Nous espérons le faire
avec d'autres
syndicats, par exemple, organiser des
rassemblements régionaux qui
respectent la distanciation sociale et des
manifestations provinciales.
Nous avons l'appui de la Fédération du travail et
des conseils du
travail en Ontario. Nous allons demander à tous de
nous aider à faire
pression sur le gouvernement, à appuyer notre
campagne de courriels et
nos efforts sur les médias sociaux pour disséminer
notre message et
participer à toutes nos manifestations. J'ai
confiance qu'ensemble nous
pouvons être très efficaces. »
Au nom du cabinet juridique Goldblatt Partners,
Steven
Barrett a expliqué le fondement juridique à deux
volets de la demande
du CSHO/SCFP d'abrogation du projet de
loi 195. D'abord, le projet
de loi est une violation de plusieurs décisions de
la Cour suprême du
Canada qui défendent le droit à la négociation
collective en vertu de
la liberté d'association inscrite dans la Charte.
Il a
dit que le fait que le projet de loi 195
déclare officiellement
que l'urgence face à la COVID-19 est terminée
prive le gouvernement de
l'argument juridique d'invoquer l'urgence pour
justifier sa violation
des droits de négociation collective. Ensuite, le
projet de
loi 195 fait suite à la loi 124, Loi
visant à mettre en
oeuvre des mesures de modération concernant la
rémunération dans le
secteur public de l'Ontario,
que le gouvernement a adoptée
en 2019, avant la pandémie, qui limite
l'augmentation de la
rémunération des travailleurs du secteur public
à 1 % par
année sur une période de trois ans. Une des
réalités mises en lumière
par la COVID-19, a dit Barrett, est que les
travailleurs du SCFP que le
CSHO représente ont un salaire beaucoup trop bas.
Or, la
Loi 124 les empêche, sur une période de trois
ans, de
négocier des
augmentations adéquates qui reconnaissent le
caractère
essentiel et
crucial des services qu'ils dispensent, que ce
soit avant ou pendant la
pandémie. Il a dit que le projet de loi 195
aggrave
l'attaque
anticonstitutionnelle qu'on retrouvait dans la
Loi 124.
- Entrevue avec Benoît Taillefer -
Piquetage devant l'hôpital de
Rivière-des-Prairies, à Montréal, le 29
juin
2020
Benoît Taillefer est vice-président en santé
et
sécurité au travail du Syndicat des travailleurs
et travailleuses du
CIUSSS du Nord-de-l'Île-de-Montréal
Forum ouvrier :
Comment se passe l'intégration des milliers de
nouveaux préposés aux
bénéficiaires à formation réduite qui en sont
maintenant rendus aux
stages dans les CHSLD et que les préposés en place
doivent former en
vertu d'un arrêté ministériel ?
Benoît
Taillefer : Je
dois d'abord dire que je n'ai absolument
aucun problème à ce que des personnes viennent se
joindre
à nous, qui ont de
bons salaires. En même temps, il y a des gens qui
sont là
depuis
longtemps, qui voient des gens arriver qui n'ont
pas eu à tout
faire pour devenir à temps plein, comme les quarts
de travail de
jour, soir,
de nuit, sept jours sur sept de disponibilité,
etc. Je suis
content pour
les jeunes qui arrivent au travail. Je suis moins
content pour ceux qui
se sont battus pour avoir des postes et qui après
des
années n'ont
toujours pas accès à des postes à temps plein et
qui se sentent lésés.
Le problème c'est que le gouvernement ne négocie
pas. Il
va sur la place publique et il décrète.
Quand nous, de bonne foi, on demande que la
valeur des
travailleurs et travailleuses en santé soit
reconnue, quand on demande
des augmentations de salaire pour tous les bas
salariés, qui sont en
fait un rattrapage salarial pour les 20
dernières années, il nous
rit au visage.
En ce moment, alors que la formation de ces
nouveaux
préposés vient de commencer, les travailleurs et
les
travailleuses
m'appellent, me parlent de surcharge de travail,
d'imposition d'une
tâche de formation en plus de leur tâche
régulière, au lieu d'y aller
par le volontariat. En plus, cinq dollars par jour
pour faire cela,
c'est ridicule. Pendant qu'on forme quelqu'un
comme il faut, parce
qu'on parle d'êtres humains, qu'il faut
transmettre aux nouveaux
le
meilleur de ce que nous savons, nous ne sommes pas
en train de faire
notre travail. Et nos travailleurs et
travailleuses ne sont pas
remplacés pendant qu'ils font de la formation. Ils
doivent faire
à la
fois leur travail et la formation. On parle ici de
former des personnes
qui ont fait un peu de théorie et qui n'ont pas
d'expérience terrain.
Et nous sommes dans une situation où nos membres
nous parlent
d'une
surcharge de travail qui existait déjà dans les
conditions de la
pandémie et qu'ils doivent maintenant faire cette
formation en
plus. Nous sommes en train de vérifier tout cela,
pour monter un
dossier
sérieux sur le sujet.
Encore une fois, nous faisons face à un beau
discours
politique selon lequel les anges gardiens sont
précieux et doivent être
valorisés, mais ce n'est pas ce qu'on voit sur le
terrain.
FO : Les gouvernements
utilisent le
contexte de la pandémie pour gouverner par arrêtés
ministériels. Quelle
est ton opinion à ce sujet ?
BT : Le
gouvernement fait preuve d'opportunisme
politique. Il se sert de la crise de la COVID-19.
Les arrêtés
ministériels ne sont pas une façon acceptable de
gouverner. Nous avons
une convention négociée et signée de bonne foi. Et
maintenant on nous
impose arrêté ministériel après arrêté ministériel
qui viennent bafouer
nos droits et on n'a pas un mot à dire. Je
comprends que nous sommes en
crise et qu'il y a des urgences, mais il y a des
limites. Il y a des
limites à rendre ton monde malade. Quand on est
rendu que tu ne peux
plus prendre des vacances pendant l'été alors
qu'il y a des gens qui
sont épuisés, qu'il y a des travailleurs et des
travailleuses de la
santé qui sont morts sur le terrain, et plus
de 5 000
personnes qui sont mortes de la COVID-19 au
Québec, dont une grande
partie dans les CHSLD, cela dénote une absence
totale de reconnaissance
des travailleurs et des travailleuses. Et
pourtant, les experts de la
santé sont bel et bien ceux et celles qui font le
travail et qui
malheureusement en meurent parfois. Il est temps
que l'on porte
attention à nos préoccupations et revendications,
surtout lorsqu'il
s'agit de notre santé et sécurité. Le gouvernement
doit arrêter
d'adopter des arrêtés ministériels et doit
discuter de bonne foi avec
les syndicats.
Il faut aussi que les employeurs comprennent que
les
syndicats ne sont pas des ennemis, mais des
partenaires. Pas des
cogestionnaires, des partenaires. Surtout en ce
qui concerne la santé
et la sécurité, et la COVID-19 est une question de
santé et de
sécurité. Je représente des gens qui font le
travail. Ils savent de
quoi ils parlent et ils doivent être écoutés et
consultés.
Je continue à croire qu'il faut que le syndicat
soit
plus impliqué. Il doit y avoir des communications
qui impliquent les
syndicats tous les jours. Je sais que cela se
fait dans certains
de
nos centres. Des réunions d'équipe sur l'heure du
midi pour faire le
point sur la situation, où les infirmières et les
préposés participent.
Lorsque tu fais partie prenante de la solution,
tu vas
l'appliquer. Quand on te l'impose et qu'elle n'a
pas de sens, c'est
plus difficile à appliquer. Pour que les choses
fonctionnent bien, il
doit y avoir valorisation, reconnaissance et
respect de l'autonomie.
Quand les préposés perdent ces trois concepts-là,
ce qu'on entend sur
le terrain c'est « on sait bien, nous sommes juste
des préposés ».
La dévalorisation des préposés aux bénéficiaires
est un sérieux
problème.
Le gouvernement cherche à faire en sorte que la
situation demeure la même. Les employeurs aussi.
On nous donne des
informations, des directives, et nous, on devient
une voie de service.
Mais nous, quand on veut communiquer des choses,
revendiquer ou
proposer, on n'est pas écouté.
On ne peut pas revenir à ce qu'on appelle le «
business
as usual ». Il faut comprendre qu'il y a une
problématique
majeure. Il y a une surcharge de travail en
général, on n'a pas le
temps de donner des soins que j'appellerais
psychosociaux. Je comprends
que nous ne sommes pas des professionnels de
l'intervention
psychosociale, mais l'accompagnement que nous
donnons aux gens en fin
de vie est quand même un accompagnement
psychosocial. Qui sont les plus
proches des bénéficiaires, à part la famille, que
les préposés ?
Et
beaucoup de bénéficiaires n'ont pas de famille.
Ils sont abandonnés.
C'est avec les préposés qu'ils peuvent
communiquer, exprimer leur
désarroi, leurs besoins. On n'a pas le temps de
leur apporter ce type
de soins. On l'a déjà eu, mais on ne l'a plus. On
l'avait il y
a 30 ans, quand j'ai commencé dans le métier,
et c'était
merveilleux. On est presque à la course
maintenant.
Amener 10 000 nouvelles personnes ne va
pas créer un miracle
en soi. Il faut qu'on soit capable de faire un
travail digne de ce nom,
digne de ce qu'est un préposé aux bénéficiaires.
Entendons-nous bien. Il y a eu des correctifs qui
ont
été apportés. Maintenant, il y a des masques à
l'entrée des CHSLD. Il y
a un gardien à chaque entrée. Les gens entrent par
une seule porte. Tu
n'entres pas par où tu veux. Les portes sont
surveillées 24 heures
sur 24. Tu dois signer en entrant. Les
travailleurs et
travailleuses qui ont des symptômes doivent le
déclarer. S'ils en ont,
ils sont retournés chez eux, payés, ça c'est bien.
Il y a des gestes
qui sont faits pour limiter la propagation de la
COVID-19.
Il reste que dans les CHSLD, il y a eu une crise
fondamentale. La COVID aura permis de lever le
voile sur les multiples
aberrations du réseau de la santé. Vouloir ramener
les
choses comme
elles l'étaient, c'est être complètement dans le
champ. On doit tirer les leçons qui s'imposent de
la COVID-19.
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