Dites non! à la Loi 195 de l'Ontario


Le 7 juillet, le gouvernement de l'Ontario a déposé le projet de loi 195, Loi de 2020 sur la réouverture de l'Ontario (mesures adaptables en réponse à la COVID-19) pour donner le pouvoir au cabinet de prolonger les arrêtés temporaires qui ont été émis pendant l'état d'urgence de la COVID-19 une fois que l'urgence est levée. La majorité des décrets qui ont été émis supplante d'une façon ou d'une autre les conventions collectives des travailleurs, en particulier celles des travailleurs de première ligne dans les hôpitaux, les établissements de soins de longue durée, les résidences pour retraités, etc. Mais la portée du projet de loi est bien plus grande et atteint les employés des conseils scolaires, des services sociaux, des réseaux d'égouts et de distribution d'eau potable et bien d'autres encore.

Le projet de loi 195 a passé l'étape de la deuxième et troisième lecture le 21 juillet et a reçu la sanction royale le même jour. La nouvelle loi entrera en vigueur le jour où elle sera promulguée par le Cabinet. Cette loi est une expression de plus de l'offensive antisociale qui détruit le tissu social, comme l'a fait la loi 124 adoptée l'an dernier qui a imposé un gel de salaire de trois ans à tous les travailleurs du secteur public de l'Ontario.

La Loi 195 met fin officiellement à l'état d'urgence, mais permet que les décrets d'urgence émis en vertu de la Loi sur la protection civile et la gestion des situations d'urgence (LPCGSU) soient maintenus par décret du lieutenant-gouverneur en conseil (i.e. le cabinet provincial). Alors que les décrets d'urgence en vertu de la LPCGSU devaient être renouvelés tous les 14 jours, la Loi 195 prévoit qu'ils peuvent être renouvelés par le cabinet pour des périodes de 30 jours jusqu'à un maximum d'un an et les pouvoirs conférés par la Loi peuvent être prolongés pour une autre année. Les décrets peuvent aussi être modifiés afin qu'ils s'appliquent à d'autres personnes ou groupes.

La Loi comprend aussi des dispositions d'exécution sévères bien qu'il ne soit pas précisé comment elles seront interprétées et mises en oeuvre.

Des lignes de piquetage d'information ont immédiatement été organisées pour dénoncer cette attaque contre les droits des travailleurs. Les travailleurs et leurs syndicats sont en train de discuter comment y répondre. Michael Hurley, le président du Conseil des syndicats d'hôpitaux de l'Ontario, division du Syndicat canadien de la fonction publique (CSHO/SCFP) qui représente 50 000 travailleurs d'hôpitaux, a tenu des conférences de presse à North Bay, Sudbury et dans d'autres villes pour informer le public et l'appeler à appuyer les travailleurs contre le projet de loi 195. L'Association des infirmières et infirmiers de l'Ontario (AIIO) a organisé deux sessions d'information en ligne et mobilisé des milliers de membres dans la discussion sur l'impact du projet de loi 195 sur les infirmières et les patients. L'Union internationale des employés de service - Division soins de santé (UIES) représentant 60 000 travailleurs de première ligne en Ontario, a dénoncé le projet de loi 195 comme un « cadeau à l'industrie des soins de longue durée fonctionnant pour le profit pour qu'elle outrepasse les conventions collectives en offrant plus de quarts de travail à des travailleurs nouveaux et payés à un salaire plus bas ».

D'autres organisations syndicales telles Unifor, les Travailleurs unis de l'alimentation et du commerce (TUAC) et la Fédération du travail de l'Ontario (FTO) ont elles aussi dénoncé fermement les actions du gouvernement Ford. L'Association canadienne des libertés civiles (ACLC) a qualifié le projet de loi 195 de « prise de pouvoir antidémocratique » et a lancé l'appel aux députés provinciaux ontariens d'y résister.

« Le projet de loi 195 donnerait essentiellement au premier ministre et aux ministres le pouvoir d'imposer des arrêtés d'urgence qui restreindraient dramatiquement des droits et des libertés fondamentaux sans devoir mobiliser le processus législatif ou les membres de l'Assemblée législative », écrit l'ACLC. L'association dénonce le fait que les pouvoirs spéciaux « dureraient au moins un an et peuvent être prolongés par l'Assemblée législative une année à la fois, indéfiniment. Les pouvoirs qu'ont les gouvernements en vertu de lois d'urgence sont censés être exceptionnels. Le projet de loi 195 ferait de l'exercice de ces pouvoirs la 'nouvelle normalité'.

Les pouvoirs dont disposent le premier ministre et le Cabinet en vertu de la LPCGSU sont considérables. Ils ont notamment le pouvoir d'émettre des décrets qui sont jugés nécessaires et essentiels dans une situation dangereuse qui « risquerait de causer un grave préjudice à des personnes ou d'importants dommages à des biens ». Aucune information ou évaluation n'est fournie qui permettrait de juger si le gouvernement a fait quoi que ce soit pour prévenir ou réduire « un grave préjudice à des personnes ou d'importants dommages à des biens », ou ce qu'il a fait et quelles ont été les conséquences de ses actions pour les Ontariens.

La plupart des décrets d'urgence qui ont été émis en vertu de l'état d'urgence actuel à cause de la pandémie de la COVID-19 prescrivent qu'en dépit de quelque convention collective que ce soit, les employeurs peuvent fixer les priorités en ce qui a trait aux effectifs et peuvent redéployer unilatéralement le personnel à volonté, changer les horaires de travail ou les affectations de quarts de travail, annuler des vacances, engager de la main-d'oeuvre à temps partiel, temporaire et contractuelle et avoir recours à des volontaires pour accomplir des tâches qui appartiennent à une unité de négociation. Les procédures de griefs sont annulées pour toute question qui est traitée dans le décret.

La seule intention qu'expriment ces décrets est d'éliminer le rôle que jouent les syndicats sur tous ces fronts. Le fait que les syndicats ont entièrement coopéré pour faire en sorte que la population soit protégée est ignoré, tout comme est ignoré le fait que ce sont les travailleurs qui savent ce qu'il faut faire à leurs endroits de travail pour que tous soient protégés. Il n'existe absolument aucune justification légitime à ces pouvoirs spéciaux.

Il n'existe aucun cas où les termes et les conditions de travail prévues dans les conventions collectives ont causé « un grave préjudice à des personnes ». Les professionnels et les travailleurs de la santé ont fait plus que ne l'exigent leurs fonctions, au péril de leur vie, pour s'occuper des malades et des aînés. En fait, les conditions de travail des professionnels et des travailleurs de la santé sont les conditions de vie des aînés et de ceux qui ont besoin de soins dans notre société.

La pandémie de la COVID-19 a confirmé ce que les travailleurs n'ont cessé de dire: que la privatisation, les compressions dans les services, la dégradation des salaires et des conditions de travail des travailleurs de la santé, l'engagement de travailleurs temporaires, à temps partiel, et toute l'approche d'abandonner les gens à leur sort ont causé un grave préjudice à la société. L'annulation de conventions collectives pendant l'état d'urgence de la pandémie n'a rien fait pour « réduire le risque » pour quiconque, et encore moins pour les travailleurs de la santé et les patients qui reçoivent des soins. Le fait que la situation est utilisée pour miner la lutte des syndicats pour arrêter la détérioration des conditions de travail des travailleurs et leur capacité de les négocier n'est rien d'autre que de la fraude, de la corruption et un abus de pouvoir.

Chaque jour, pendant cette pandémie, les travailleurs de première ligne ont lutté pour leur sécurité et celle du public. Les travailleurs doivent continuer de prendre la parole à la défense de leurs droits contre cette offensive antisociale et pour une direction de la société centrée sur l'être humain. C'est en poursuivant leur réclamation à ce qui leur revient de droit qu'une « nouvelle normalité » qui sert la société sera créée.


Cet article est paru dans

Numéro 50 - Numéro 50 - 23 juillet 2020

Lien de l'article:
Dites non! à la Loi 195 de l'Ontario - Steve Rutchinski


    

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