8 juin 2016 • N° 18 | PDF Numéros précédents
Journée d’action des travailleurs de la
fonction publique fédérale le 8 juin
Les travailleurs défendent leur santé et leur sécurité contre les attaques du gouvernement libéral au droit à des congés de maladie
Journée d’action le 8 juinÉVÉNEMENTS |
Les travailleurs de la fonction publique fédérale membres de l’Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC) tiennent une journée d’action le 8 juin pour demander au gouvernement fédéral de cesser ses attaques à leur droit à des congés de maladie tel qu’inscrit dans leurs conventions collectives. Cela fait maintenant depuis juillet 2014 que l’AFPC négocie le renouvellement des conventions collectives. L’AFPC mentionne que «jusqu’à présent, le gouvernement libéral s’est contenté de recycler les propositions des conservateurs : remplacer notre régime de congés de maladie par un régime d’assurance invalidité de courte durée et augmenter les salaires de 0,5 % par année. Rappelons que les députés de la Chambre des communes et les sénateurs ont eu droit, eux, à une augmentation de leur salaire de base quatre fois plus élevée ».
Un « régime d’assurance invalidité de courte durée », contrairement à un régime de congés de maladie protégé par une convention collective », permettrait au gouvernement de faire des changements unilatéraux au régime en tout temps. Le nouveau régime serait géré par une compagnie d’assurance privée en dehors de la convention collective. Le gouvernement Harper a tenté d’imposer ce nouveau régime en adoptant une loi en vertu de laquelle il prenait le contrôle du programme de congés de maladie. Les libéraux proposent maintenant d’abroger ces mesures dans la loi par le biais du projet de loi C-5 tout en s’arrogeant ce même pouvoir par leurs demandes aux tables de négociations. Le projet de loi C-5 a été présenté à la Chambre des communes le 5 février et doit encore passer l’étape de la première lecture.
Le gouvernement libéral et le président du Conseil du Trésor Scott Brison font de la désinformation contre les travailleurs en prétendant que leurs congés de maladie sont un « coût » pour le gouvernement et que le régime doit être « modernisé » au moyen de méthodes qui ne sont pas moins arbitraires que ne l’étaient celles du gouvernement Harper. C’est un discours frauduleux et une tentative d’usurper les fonds publics pour effectuer les manoeuvres pour payer les riches qui sont contenues dans le budget libéral.
L’AFPC écrit : « Ils avaient aussi promis de gouverner différemment, de ne pas suivre la voie tracée par les conservateurs. Comment se fait-il, alors, que si peu de progrès a été accompli à la table de négociation depuis six mois ? » Il y a eu trois séances de négociations avec le nouveau gouvernement. « Le temps est venu d’envoyer un message clair au gouvernement : le recyclage des propositions conservatrices, c’est fini. Un nouveau gouvernement doit se donner un nouveau mandat », déclare l’AFPC.
L’AFPC appelle ses membres à se mobiliser le 8 juin pour s’opposer aux coupures de leur régime de congés de maladie, appuyer leurs équipes de négociation et transmettre le message au gouvernement qu’ils ne vont pas accepter les mêmes attaques de la part d’un nouveau gouvernement qui avait promis de « négocier de bonne foi avec les syndicats de la fonction publique ». Les travailleurs de la fonction publique ont mené des actions mensuelles pendant toute l’année 2015 et contribué de cette façon à défaire le gouvernement Harper et à avertir tout gouvernement qu’ils ne vont pas tolérer les attaques à leurs droits.
Le Renouveau appelle les Canadiens à appuyer la journée d’action du 8 juin et à y participer partout où c’est possible et à informer leurs pairs des attaques antisociales inacceptables des libéraux contre les travailleurs de la fonction publique.
Où en sont les lois antiouvrières de l’ère Harper
Le gouvernement libéral a jusqu’à maintenant présenté deux projets de loi qui visent à abroger des lois anti-ouvrières de l’ère Harper et d’autres sont à venir selon eux. Aucun de ces projets de loi n’a été adopté par la Chambre des communes ou fait l’objet d’un débat récent et il ne semble pas qu’ils seront adoptés avant l’ajournement de la Chambre pour l’été le 23 juin.
On doit noter que ces projets de loi sont au feuilleton au moment où les travailleurs de la fonction publique et les travailleurs des postes négocient avec le gouvernement ou des sociétés de la couronne et font face à des demandes de concessions. Dans le cas des travailleurs de la fonction publique, les libéraux demandent les mêmes coupures dans le régime de congés de malade que celles qu’exigeait le gouvernement Harper et ils veulent eux aussi que le régime soit géré par des compagnies privées d’assurance. Postes Canada demande de grandes concessions dans les conditions de travail, les salaires et les avantages sociaux des postiers. Le gouvernement s’est engagé à adopter une loi qui va mettre fin au pouvoir du gouvernement de déclarer unilatéralement que des services sont « essentiels » et d’interdire les grèves mais cette loi ne sera pas présentée avant l’automne.
Autrement dit, alors que les plus gros syndicats représentant les employés du secteur public au Canada sont en train de négocier de nouvelles conventions qui vont s’appliquer pour des années à venir, le gouvernement a toujours dans ses mains les « outils » de l’ère Harper qui lui permettent d’imposer un résultat par la force, de déclarer qu’un service est essentiel et donc d’interdire la grève ou d’imposer un diktat aux employés de la fonction publique en ce qui concerne les congés de maladie. Ceci est sans parler des pouvoirs que lui assure sa majorité au Parlement de déclarer une grève illégale si elle est déclenchée, comme l’a fait le gouvernement Harper dans le cas des travailleurs des postes en 2011.
Les deux projets de loi qui ont été présentés sont les suivants :
– le projet de loi C-4, Loi modifiant le Code canadien du travail, la Loi sur les relations de travail au Parlement, la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et la Loi de l’impôt sur le revenu (présenté le 28 janvier, maintenant au stade du rapport d’un comité à la Chambre). Il abroge la loi C-377, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (exigences applicables aux organisations ouvrières).
– le projet de loi C-5, Loi abrogeant la section 20 de la partie 3 de la Loi no 1 sur le plan d’action économique de 2015 (présenté le 5 février, encore au stade de la première lecture). Il retire au Secrétariat du Conseil du Trésor son pouvoir de changer unilatéralement les clauses concernant les congédies de maladie sans passer par la négociation collective.
Le 25 mai, le Secrétariat du Conseil du Trésor a annoncé son intention « d’abroger des parties du projet de loi C-4 (Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, section 17), portant sur les services essentiels, les négociations collectives et les processus de résolution des griefs et des conflits. Un projet de loi sera déposé à l’automne pour abroger ces dispositions ».
Le réseau CBC a rapporté que « la loi C-4 de 2014 a rendu illégal tout débrayage d’une unité de négociation fédérale si 80 % ou plus des postes de travail dans cette unité sont déclarés nécessaires à la livraison d’un service essentiel ». Elle permettait aussi au gouvernement de définir ce qu’est un service essentiel et le nombre de postes qui sont requis pour que ce service soit fourni.
Le président du Conseil du Trésor Scott Brison a dit ce qui suit : « En rétablissant des lois du travail justes et équilibrées, le gouvernement reconnaît que les syndicats jouent un rôle important dans la protection des droits des travailleurs et qu’elles servent à renforcer la classe moyenne. Nous prenons un autre pas de l’avant pour rétablir les ponts avec la fonction publique en abrogeant ces changements mis en place par le gouvernement précédent. » De telles déclarations ne semblent être qu’une posture qui est prise face aux syndicats parce que rien de concret n’est fait pour rétablir « des lois du travail justes et équilibrées ».
Au parlement
Le gouvernement conclut une entente sur le comité de la réforme électorale
Une entente a été conclue derrière des portes closes entre le Parti libéral et le NPD à la Chambre des communes sur une motion créant un Comité spécial pour étudier la réforme du système électoral. Une motion antérieure avait été rejetée par les partis de l’opposition. La différence entre la première et la deuxième motion porte sur ce que le Parti libéral appelle la composition « proportionnelle » du comité.
La motion déposée à la Chambre des communes le 2 juin par le critique du NPD en matière de réforme démocratique, Nathan Cullen, est à toute fin pratique identique à celle déposée par la ministre des Institutions démocratiques Maryam Monsef le 11 mai.[1] La seule différence est que le comité en question sera constitué de 12 membres plutôt que 10. Les libéraux ne pourront plus avoir la majorité et des députés du Bloc québécois et du Parti vert auront droit de vote, malgré le fait qu’ils n’ont pas le statut de parti officiel à la Chambre. Le gouvernement libéral aura cinq sièges, le Parti conservateur qui forme l’opposition officielle cinq, le NPD deux et le Bloc et le Parti vert un chacun. On dit que cette composition reflète mieux le résultat du vote à l’élection de 2015 et est un exemple de « représentation proportionnelle ».
Bien que les Canadiens soient maintenus dans l’ignorance quant aux raisons de cette entente de coulisses (les spéculations et rumeurs abondent), il est évident que les libéraux ont décidé de donner une tournure positive aux concessions qu’ils ont faites au NPD. La ministre Monself a dit durant le débat sur la motion le 2 juin qu’« on m’a convaincue qu’une autre façon de montrer notre volonté d’inclure tout le monde est de rompre avec la tradition en donnant plein droit de vote aux membres bloquiste et vert du comité ». Pour détourner l’attention de ce qui a été conclu derrière des portes closes, et semblant ne pas voir l’ironie dans ses propos, la ministre a ajouté : « Pour moi, la priorité n’a jamais été de veiller à ce que les ministériels soient majoritaires au comité, mais de garantir que tous les Canadiens peuvent participer de manière significative au processus de réforme électorale. » Elle a ensuite annoncé que le gouvernement votera en faveur de la motion.
Selon la ministre, le processus et la teneur, c’est-à-dire la forme et le contenu, n’ont aucun rapport entre eux. Maintenant qu’il y a entente entre les deux partis, la Chambre des communes peut « aller au-delà des discussions habituelles sur le processus et lancer un débat sur la teneur de la réforme électorale ».
S’il faut croire que l’objectif du Comité est de garantir que les Canadiens puissent « participer de manière significative au processus de réforme électorale », alors c’est un bien mauvais départ tant pour le gouvernement que pour le NPD. En effet, le comité sera donc créé sur la base de marchandages secrets entre deux partis qui, du moins jusqu’à présent, prennent comme considérations de départ les changements qu’ils veulent eux-mêmes apporter à la méthode de compter les votes. On a maintes et maintes fois étudié les méthodes de compter les votes sans remettre en question le fait que le but de l’élection est de porter au pouvoir des partis qui agissent dans leur propre intérêt, et non pas de permettre aux Canadiens d’exercer leur droit d’élire et d’être élus. L’étude des réformes nécessaires pour permettre aux citoyens d’exercer leur pouvoir décisionnel et l’étude des méthodes de compter les votes ne sont pas la même chose.
Les partis qui prétendent que le problème avec les institutions démocratiques du Canada est le vote uninominal majoritaire à un tour répètent constamment que leur objectif est de s’assurer que « chaque vote compte ». Le Renouveau croit que les marchandages qui caractérisent le départ de la réforme du gouvernement est en soit un exemple de pourquoi les Canadiens doivent sérieusement remettre en question la capacité du système de partis de cartels à « faire que chaque vote compte » autrement qu’en faveur des partis au pouvoir. Tant que les réformes n’abordent pas le besoin de faire en sorte que les institutions démocratiques garantissent l’exercice du droit des citoyens d’élire et d’être élus et investissent le peuple du pouvoir de décider, et pas les partis politiques des riches, elles ne réussiront pas à unir les Canadiens.
Note
Comportement infantile du premier ministre
Le Parti marxiste-léniniste du Canada faisait remarquer au lendemain de l’élection fédérale de 2015 qu’un des produits de l’élection était d’avoir fait de Justin Trudeau « un champion caricatural de l’antipolitique » censé représenter un « mouvement pour le changement ».
La poursuite de cette version distincte de l’antipolitisme par le gouvernement libéral, pour maintenir le peuple à l’écart des prises de décisions, devait nécessairement se répercuter sur les travaux à la Chambre des communes et sur le gouvernement lui-même. Non seulement le premier ministre Trudeau ne représente pas un « mouvement pour le changement », mais son parcours semble indiquer qu’il n’a jamais fait partie d’un mouvement politique. Il était nécessaire de présenter Trudeau comme faisant partie d’un mouvement, voire comme le leader d’un mouvement, pour créer un champion des mesures antisociales exigées par l’élite dominante lorsque le gouvernement Harper était devenu discrédité aux yeux du peuple.
Plus l’antipolitique devient la formule du gouvernement, plus le parlement devient un endroit dénué de politique et le lieu d’une âpre rivalité et collusion entre les partis de cartels. En l’absence d’une atmosphère politique, le gouvernement recourt à des mesures désespérées pour s’assurer que les priorités des intérêts privés qu’il représente sont satisfaites en temps et comme il faut. Quand il n’obtient pas ce qu’il veut, il s’emporte, et lorsque ses emportements ont des répercussions sérieuses, il vacille. Autrement dit, il ne défend aucun principe.
C’est dans ce contexte qu’il faut voir le comportement infantile du premier ministre à la Chambre des communes le 18 mai, qui a ensuite donné lieu à une diversion dans la forme d’un débat sur les circonstances dans lesquelles son coude a frappé la poitrine d’une députée néodémocrate.
Le 17 mai, le gouvernement déposait une motion à la Chambre pour se donner un contrôle unilatéral des débats, de la durée des débats et de la capacité des partis de l’opposition de présenter des motions. Certains ont dit que cette motion allait plus loin que le gouvernement Harper dans son effort pour contrôler le parlement. La veille, le gouvernement avait failli perdre un vote sur ses amendements néolibéraux à la Loi sur la participation publique à Air Canada.[1] Par revanche, il a cessé de partager l’ordre des travaux, ce qui a entre autres obligé plusieurs députés à annuler leurs plans pour retourner dans leur circonscription.
En même temps, les libéraux ont commencé à invoquer plus fréquemment la procédure d’attribution de temps pour les débats, à présenter des motions lui permettant de limiter la durée des débats et la possibilité d’intervention des députés sur les projets de loi. La procédure d’attribution de temps a été utilisées pour quatre projets de loi que le gouvernement voulait à tout prix faire adopter avant la pause estivale qui commence le 23 juin. La Chambre des communes s’est empêtrée dans les débats sur les mesures de désespoir du gouvernement pour imposer son ordre du jour et dans le mécontentement de l’opposition.
Puis le 18 mai le premier ministre a décidé de « prendre les choses en mains » quand il a vu que les députés de l’opposition retardaient le vote sur l’attribution de temps. Le président de la Chambre a par la suite précisé que le vote n’était pas retardé par les députés en question. Néanmoins, pendant que des députés étaient regroupés à un endroit dans l’allée centrale, Justin Trudeau s’est levé, s’est précipité vers le groupe en question, a lancé des jurons, a empoigné le whip conservateur par le bras et ce faisant a frappé du coude une députée du NPD. Les députés de l’opposition ont souligné que ce comportement était sans parallèle dans l’histoire parlementaire canadienne. D’autres ont dit que l’arrogance et le comportement juvénile du premier ministre débordaient les normes, surtout quand les caméras n’y étaient pas.
Le Renouveau croit que le comportement infantile du premier ministre cache quelque chose de beaucoup plus grave. Les problèmes politiques requièrent des solutions politiques. Les partis de cartels et les intérêts qu’ils représentent n’ont pas de solutions politiques à proposer alors qu’ils imposent des mesures qui continuent d’approfondir la crise sur les plans économique, social et politique. En ce XXIe siècle, c’est la classe ouvrière et le peuple qui ont des solutions politiques aux problèmes, du fait de leur conception du monde prosociale, de leur expérience de lutte pour leurs droits et de leur compréhension des problèmes puisqu’ils en font directement les frais.
Tant que la classe ouvrière et le peuple n’établissent pas eux-mêmes l’ordre du jour afin que leurs solutions prévalent, l’antipolitique imposé par le gouvernement et le système cartel de partis souligne la destruction nationale qui est à l’oeuvre et le désespoir qui habite l’élite dirigeante. La bataille factionnelle pour le contrôle va mener à des incidents toujours plus sordides.
Note
1. Lundi le 16 mai le projet de loi C-10, la Loi modifiant la Loi sur la participation publique au capital d’Air Canada et comportant d’autres mesures, a été soumis au vote à l’étape du retour de l’étude en comité qui n’a pas produit d’amendements. Lorsque le vote a été appelé, les libéraux n’avaient que 139 députés présents à la Chambre, soit le même nombre que les partis d’opposition pris ensemble. Plus tôt dans la journée,le NPD avait informé les conservateurs, qui s’opposent au projet de loi pour leurs propres raisons, qu’ils allaient essayer de prendre les libéraux par surprise. C’était une tentative de bloquer ce projet de loi qui ne faisait pas partie de la plate-forme électorale des libéraux.
Le vote final a été un vote nul, 139 contre 139, une situation qui force le président de la Chambre à voter. Le vote est arrivé plus tôt que prévu parce que l’opposition n’a pas présenté ses amendements lors du débat sur une motion appelant au vote sur le projet de loi. Le président a donc dû briser l’égalité et voter pour que le débat soit prolongé. Le jour suivant, le gouvernement a imposé une motion d’allocation de temps pour terminer le débat sur le projet de loi.
Pour plus d’information sur ce projet de loi, lire le numéro du 27 avril 2016 du Renouveau, N° 14