Numéro 4020 octobre 2019
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Les intentions de vote à la veille de la 43e élection fédérale
Le pouvoir de la minorité sur la majorité
Le processus électoral est dit démocratique. En règle générale, cela signifie qu’il consacre le pouvoir de la majorité. Pourquoi alors préserve-t-il le pouvoir de la minorité sur la majorité ? C’est un problème qui est discuté dans toutes les couches de la société canadienne.
Minorité et majorité ici font référence à la division de la société entre une minorité, la classe qui gouverne, et une majorité, la classe qui est gouvernée ; une classe dirigeante et la classe de ceux qui ne dirigent pas. En règle générale, la classe dirigeante jouit de la richesse et des privilèges et la classe de ceux qui ne dirigent pas est en grande partie constituée de travailleurs qui ne sont pas particulièrement riches ou privilégiés. En fait, beaucoup ne sont pas riches ou privilégiés du tout, et beaucoup trop d’entre eux sont carrément pauvres, opprimés et exploités à l’extrême. Ils forment la majorité de la population et ils sont gouvernés par ceux qui ne constituent qu’une minorité.
La question se pose donc : quand le peuple constitue la majorité de la population, pourquoi un système dit démocratique perpétue-t-il une situation dans laquelle une minorité exerce un pouvoir sur la majorité et prend des décisions auxquelles la majorité s’oppose ? Il doit y avoir un vice inhérent à ce système appelé démocratie représentative pour qu’il maintienne ce rapport de force de la minorité sur la majorité.
La démocratie représentative permet aux partis politiques de former un gouvernement de parti. Dans les élections, les électeurs sont appelés à faire un choix parmi les candidats proposés par les partis. Le gouvernement est formé par le parti qui a la confiance de l’assemblée législative, généralement parce qu’il a obtenu le plus grand nombre de sièges ou parce qu’il réussit à convaincre les autres de ne pas renverser le gouvernement. Le gouvernement ainsi porté au pouvoir est dit représentant de la majorité. Il gouvernerait avec le consentement du peuple qui, devons-nous présumer, accepte d’être gouverné sans avoir son mot à dire sur les décisions qui sont prises.
Mais c’est une fraude et tout le monde le sait, et c’est ce qui fait que les institutions démocratiques continuent de s’enfoncer dans la crise. Tout le monde sait que la majorité des électeurs ne choisit pas qui est porté au pouvoir parce qu’elle n’exerce aucun contrôle sur aucune partie du processus, que ce soit la sélection des candidats, la détermination de l’ordre du jour ou la responsabilisation du parti au pouvoir. Dire que c’est en votant que la majorité tient les partis responsables, c’est éluder la question puisque ce n’est pas le vote de la majorité qui décide du résultat d’une élection.
Et même en sachant tout cela, la question demeure : comment ce processus politique fait-il passer cette consécration du pouvoir de la minorité pour une démocratie et comment maintient-il l’illusion qu’il s’agit du pouvoir de la majorité ?
Et pour comble, les sondeurs prédisent un gouvernement minoritaire à l’issue de l’élection actuelle. Comment un gouvernement de parti composé d’une minorité de candidats élus pourra-t-il prétendre être le représentant de la majorité et continuer de maintenir l’illusion d’un pouvoir de la majorité, exercé avec le consentement des gouvernés ? Il va sans dire que les électeurs ne contrôleront pas ce qui se passe, car ils ne contrôlent aucune partie du processus.
Le PMLC poursuivra et élargira la discussion sur la manière dont la classe sociale minoritaire perpétue son pouvoir sur la classe sociale majoritaire en maintenant l’illusion d’un système électoral démocratique dominé par les partis qui prétend parler en notre nom. Le PMLC continuera également d’afficher les points de vue et des témoignages des travailleurs sur ce sujet.
Les scénarios d’un gouvernement minoritaire
Les marchandages ont déjà commencé
À regarder les projections des sondeurs sur la réparation des sièges, on peut conclure qu’il faudra beaucoup de marchandages et de tractations de coulisses pour former un gouvernement. Considérons différents scénarios.
Selon la convention parlementaire, le parti qui a la confiance de la Chambre des communes forme le gouvernement, qu’il ait la majorité des sièges ou non. Les sondeurs prévoient que les libéraux obtiendront le plus grand nombre de sièges avec moins du tiers des suffrages exprimés. Ce sera bien en-dessous de ce qu’il faut pour former un gouvernement majoritaire. Vont-ils gouverner en tant que minorité et espérer gagner la confiance de la Chambre en donnant aux autres des raisons d’approuver leur discours du Trône, leurs budgets et d’autres lois ? Ou choisiront-ils de négocier avec le NPD et le Parti vert, ce qui, si les prévisions sont exactes, signifierait qu’ils détiendraient alors une majorité de sièges ?
Il faut 170 sièges pour avoir la majorité à la Chambre des communes. En date du 19 octobre, selon les prévisions les libéraux se voyaient remporter 131 sièges, le NDP 42 et les Verts 3, ce qui porterait le total à 176 sièges. Les sondeurs accordaient au Bloc jusqu’à 34 candidats. Sera-t-il incité à se joindre à un gouvernement de coalition en échange d’une promesse de défendre les intérêts du Québec ? Ou les libéraux vont-ils tout de suite craindre les réactions de ceux qui croient que ce serait pactiser avec le diable ?
De leur côté, les firmes de sondage prévoyaient que les conservateurs remporteraient 125 sièges, soit 45 de moins que la majorité. S’ils veulent défaire le gouvernement, ils devront faire des promesses et des concessions aux autres partis. Le NPD a déjà déclaré qu’il n’aidera pas les conservateurs à former un gouvernement quoi qu’il arrive. Les verts ont dit qu’ils pourraient soutenir un gouvernement conservateur si les conservateurs acceptent de « prendre au sérieux » les changements climatiques. Mais cela ne serait pas suffisant de toute façon. Les conservateurs pourraient-ils marchander avec le Bloc ? Le Bloc québécois obtiendrait-il des conservateurs l’engagement de ne pas imposer un pipeline au Québec en échange d’un soutien à un gouvernement minoritaire conservateur ? Les conservateurs pourraient s’y engager tant que le gazoduc Énergie Est reste économiquement non viable, mais le scénario reste très problématique compte tenu du précédent qu’il créerait et quand on sait quelle propagande les conservateurs à l’ouest de l’Ontario ont fait en faveur des pipelines avant et durant la campagne. D’ailleurs, le « Quebec bashing » recommencerait de plus belle et rendrait la décision très improbable.
Un autre scénario est que, si le Parti libéral n’est pas défait par une remontée de dernière heure des conservateurs, il pourrait décider de ne former aucune coalition. Il pourrait gouverner en tant que minorité, comme il l’a fait de 2004 à 2006 et comme Stephen Harper l’a fait deux fois de suite de 2006 à 2011. Les deux gouvernements minoritaires de Harper ont été les plus longs de toute l’histoire du Canada, et il n’a formé de coalition avec personne. Les libéraux, les bloquistes et les néo-démocrates détenaient le rapport de force majoritaire, mais tant qu’un de ces partis ne voyait pas un avantage à défaire le gouvernement et à se lancer dans une autre élection, Harper pouvait continuer de gouverner en tant que gouvernement minoritaire.
Allons plus loin. Selon les projections actuelles, un autre scénario probable est que les libéraux et les conservateurs décident de se soutenir les uns les autres. Ils invoqueront un intérêt supérieur, la nécessité d’une « stabilité gouvernementale », de « respecter le choix des électeurs », de « placer l’intérêt national en premier », de respecter les institutions démocratiques et ainsi de suite. Ils prétendront représenter la majorité pour continuer de faire comme si rien n’avait changé. Et, de fait, rien n’aura changé parce qu’à toute fin pratique ils mènent l’économie dans la même direction : payer les riches et intensifier l’offensive antisociale qui considère les travailleurs et les programmes sociaux comme des coûts à éliminer. Ils règleraient leurs différends par des tractations de coulisses mais ce serait naïf de penser que tout se passerait en douceur.
Leur ordre du jour est dicté non pas par tel ou tel chef, mais par l’oligarchie financière internationale, par les oligopoles des différents secteurs clés de l’économie – finances, énergie, transports, mines, agroalimentaire, commerce de détail, pharmaceutique, foresterie, pêche, informatique, etc. Un tel gouvernement continuera de payer les riches par d’énormes dons d’argent, en sabrant dans les programmes sociaux et en les privatisant et en privatisant les services sociaux, tout en continuant d’intégrer le Canada à la sécurité intérieure des États-Unis et à la machine de guerre américaine.
En ce qui concerne la politique énergétique, les conservateurs et les libéraux ont la même position sur l’oléoduc Trans Mountain. Ils s’opposent tous deux au droit des peuples autochtones de décider et refusent d’obtenir leur consentement. Pour ce qui est de l’oléoduc Énergie Est, ils s’opposent tous deux au droit du Québec de décider si un pipeline traversera ou non le Québec. Bref, les libéraux et les conservateurs défendent différents aspects du programme des oligarques de l’énergie. Les libéraux sont favorables à une taxe sur le carbone, qu’une bonne partie des oligarques de l’énergie acceptent comme un stratagème lucratif pour les riches. Ils aiment aussi l’idée de projeter l’image qu’ils agissent face aux changements climatiques. Les conservateurs sont contre la taxe sur le carbone, du moins en parole. Les conservateurs sont les défenseurs de la demande des grandes sociétés pétrolières et gazières que le gouvernement révise les régimes de réglementation de l’énergie. Ils sont les promoteurs d’autres grands projets pétroliers et gaziers, allant jusqu’à cinq pipelines en plus du TMX, et veulent doubler la production de bitume en Alberta.
Sur le plan de la politique étrangère, tant les libéraux que les conservateurs sont d’accord pour appliquer les sanctions des États-Unis et commettre d’autres actions contre les États souverains. Ils sont tous enthousiastes pour traîner dans la boue le droit international et violer les droits humains pour protéger les intérêts des sociétés minières et imposer des changements de régime là où ils le jugent opportun. Les deux partis ont déjà déclaré, suivant le diktat américain, que la Chine, la Russie et l’Iran sont les principaux ennemis qui mettent en péril les intérêts nationaux et la sécurité du Canada et ils demandent aux Canadiens de s’aligner derrière telle ou telle faction de l’oligarchie financière contre d’autres factions.
En matière de politique étrangère, aucun des partis qui forment le système du cartel, et en particulier les libéraux et les conservateurs, ne permet de discussion qui déroge à la politique d’apaisement face aux États-Unis dans leur quête d’hégémonie. Ils ont tous imposé un mur du silence sur la participation du Canada aux alliances agressives comme l’OTAN et NORAD, ou sur le rôle du Canada dans la promotion de doctrines guerrières telles que « la responsabilité de protéger » et les « invasions humanitaires » et autres doctrines du genre. Tout cela est fait dans le contexte de la fraude selon laquelle ces partis représentent le pouvoir de la majorité parce qu’entre eux ils détiennent la majorité des sièges au parlement.
Bien sûr, un gouvernement qui gouverne par décret ou s’attend à recevoir la confiance de la Chambre sur la base de son succès à faire des marchandages ne peut pas s’attendre à être stable. La lutte interne entre les intérêts privés étroits pour le contrôle du pouvoir décisionnel est si féroce qu’aucun arrangement de partage de pouvoir, même au sein d’une même faction, ne peut être stable ou digne de confiance. L’incapacité de ce qu’on appelle les institutions démocratiques à régler les conflits entre les individus ou entre les individus et les collectifs va approfondir leur crise de crédibilité et de légitimité, ce qui va pousser la classe dirigeante à adopter des mesures toujours plus désespérées. En plus, les prédictions d’un gouvernement minoritaire pourraient très bien être erronées. Les sondeurs échouent de manière répétée à prédire les résultats depuis vingt ans. C’est le résultat du démantèlement des institutions démocratiques traditionnelles, lesquelles comprenaient un parti au pouvoir et un parti dans l’opposition et une certaine alternance au pouvoir tandis qu’ils serraient les rangs contre le peuple chaque fois qu’ils voyaient un défi à leur pouvoir. La lutte entre les factions de l’oligarchie financière pour le contrôle du pouvoir décisionnel en faveur des intérêts privés étroits a mené au démantèlement des vieilles institutions. Les fonctions de l’État sont généralement entre des mains privées. Les décisions prises par les assemblées législatives et par les gouvernements sont dictées « d’en haut et de l’étranger », c’est-à-dire par des intérêts privés supranationaux et les intérêts de guerre des États-Unis.
Même les partis qui forment le système de cartel sont gérés par des intérêts privés. Certains se targuent même de n’avoir aucun membre alors que pour les autres partis, les membres savent que ni eux ni leurs associations de circonscription n’ont d’influence sur ce que fait ou dit leur parti. Les institutions dites démocratiques sont plongées dans une véritable crise. Cela rend anathème l’idée même d’une transition pacifique et stable d’un gouvernement à un autre, comme on le voit de manière dramatique en ce moment aux États-Unis et en Grande Bretagne.
Ces institutions ont perdu leur raison d’être. Le renouveau démocratique est à l’ordre du jour : le peuple doit s’investir lui-même du pouvoir. Les jours du gouvernement de partis sont comptés et le peuple doit lui asséner un coup décisif afin que la crise puisse être résolue à son avantage et non d’une manière qui perpétue le pouvoir d’une minorité privilégiée sur le peuple.
Les tentatives de blâmer le peuple pour l’absence d’un gouvernement stable
Tout le monde a vu que, dans cette élection, les partis cartels pourris sont plus en crise que jamais et que c’est la corruption contre le peuple qui va être portée au pouvoir le 21 octobre, sous une forme ou une autre, avec l’un ou l’autre des partis du cartel. Les scénarios que les sondeurs lancent maintenant à propos d’un gouvernement majoritaire ou minoritaire qui prétendra représenter la majorité sont bourrés de pièges pour les électeurs.
Il y a un fort sous-entendu que les Canadiens, et surtout les Québécois, seront responsables de l’instabilité gouvernementale au Canada s’ils ne s’arrangent pas pour faire élire un gouvernement majoritaire stable. Dans cette logique tordue, seul un gouvernement majoritaire libéral ou conservateur peut donner aux Canadiens et aux Québécois ce qu’ils veulent. Il serait vain de faire un vote de protestation en faveur du Bloc Québécois ou de tout autre parti, car ceux-ci ne seront jamais au pouvoir et donc jamais en mesure d’apporter la stabilité et de répondre à leurs besoins.
Les élites dominantes se préparent à blâmer le peuple et à le faire payer pour le résultat de cette élection. Après l’élection, on dira ou bien que les électeurs ont donné un mandat au gouvernement de les attaquer durant les quatre ou cinq prochaines années, ou bien que le gouvernement ne peut rien faire pour eux puisqu’il est minoritaire. Ces arguments ne font pas de sens puisque les gouvernements formés par les partis cartellisés ne nous représentent pas qu’elles que soient les circonstances. Il est évident qu’avec cette logique on invoquera des circonstances exceptionnelles pour adopter d’autres mesures draconiennes.
Quoiqu’il arrive, les Canadiens et les Québécois doivent poursuivre leur effort pour s’investir du pouvoir de décider.
Une volonté de s’investir de pouvoir
L’élection a été un acte de désespoir de la part de la classe dirigeante, résolue à obtenir une majorité si seulement le peuple se ralliait. Or, plus ça va, plus les gens sont déterminés à voter de manière à montrer qu’ils rejettent la politique corrompue des libéraux et des conservateurs. À la veille des élections, on peut s’attendre à ce que les Canadiens et les Québécois soient assaillis de toute part pour masquer le fait que le refus de donner leur aval aux libéraux ou aux conservateurs exprime un profond désir de s’investir d’un pouvoir de décider. Le renouveau de la démocratie, c’est investir le peuple du pouvoir de décider, du pouvoir souverain, et non ceux qui prétendent le représenter et parler en son nom. Les partis qui forment le système de partis cartellisés, notamment les libéraux et les conservateurs, sont vus comme des représentants de la politicaillerie crasse, de la corruption politique que les gens détestent. Ils défendent les politiques néolibérales, antisociales, antinationales, anti-environnement et guerrières des intérêts privés étroits que les gens détestent.
Pendant ce temps, beaucoup continuent de chercher les moyens de renverser la situation en leur faveur, d’envoyer un message de protestation pour faire valoir leurs volontés et revendications. Ils semblent avoir réussi pour l’instant à faire échec aux tentatives des élites de les désorienter pour les forcer à se ranger ou bien avec les libéraux, ou bien avec les conservateurs, pour les rallier à la cause de ceux qui veulent continuer l’offensive antisociale.
Ce vote de protestation est très important. Ce qu’il faut à présent, c’est que les travailleurs, les femmes, les jeunes, les minorités et toutes les sections du peuple utilisent leurs initiatives indépendantes et collectives pour s’armer face aux dangers qui les attendent. Notre vote doit refléter nos préoccupations et notre revendication d’un changement de direction de l’économie, contre la guerre et pour la défense des droits de tous.
Dans cette élection, les marxistes-léninistes ont travaillé très fort pour faire avancer la cause du renouveau démocratique. Ils ont appelé les travailleurs, les jeunes et les femmes du Québec et du Canada à refuser de donner à quiconque le droit de parler en leur nom. C’est un point de départ pour faire avancer la cause du renouveau démocratique. Il y a eu de nombreux efforts au niveau local pour tenir des rencontres et faire des entrevues avec des travailleurs qui expriment leurs préoccupations et exigent qu’elles soient des enjeux dans cette élection. L’organisation consciente d’un vote de protestation fait également partie de ce refus de permettre à quiconque au sein des partis cartellisés de parler en notre nom.
Dans cette élection, votez pour le renouveau démocratique ! Votez ML ou pour des candidats autres que les libéraux et conservateurs ou le parti de Maxime Bernier. Continuons nos efforts dans chaque circonscription et dans les endroits de travail et où les aînés se rassemblent pour refuser une majorité aux libéraux et aux conservateurs.
Les Québécois s’apprêtent à faire un vote de protestation contre l’offensive antisociale et anti-Québec des libéraux et conservateurs
Dans cette élection, la classe dominante s’est surpassée dans ses efforts pour forcer le Québec à se ranger du côté de l’un ou l’autre des partis cartels et pour faire perdre aux Québécois leur initiative indépendante. L’assaut principal est contre la conscience collective de tous les Québécois, leur capacité commune à cristalliser ce qui est dans leur intérêt dans les conditions données. Mais cela n’a rien donné. Au contraire, au Québec une bonne partie des électeurs ont une fois de plus resserré les rangs et semblent avoir trouvé les moyens de voter de manière à déclarer qu’ils rejettent l’assaut antisocial et anti-Québec.
Les « débats des chefs » des 7 et 10 octobre, les analyses médiatiques qui ont suivi et ensuite les sondages, les trois dans un effort concerté à chaque fois, ont été à plusieurs égards un coup monté contre le Québec, non sans rappeler le référendum de 1995. Les partis cartellisés sont si désespérés à accaparer les pouvoirs fédéraux qu’ils ont fait d’une loi du gouvernement du Québec un enjeu principal sur lequel l’ensemble des Canadiens doivent se prononcer et décider pour qui voter. Ces partis et les médias monopolisés ont fait des « cinq demandes » du gouvernement Legault le point de référence dans les débats, plutôt que les besoins et les revendications des travailleurs, des jeunes, des femmes, des minorités nationales, des peuples autochtones et des autres collectifs qui cherchent à donner un nouveau but et une direction prosociale à la société. Les tentatives de provoquer les passions dans le reste du Canada au sujet de l’identité québécoise ont plutôt eu comme effet d’inciter une bonne partie des électeurs du Québec à serrer les rangs contre les libéraux et les conservateurs et à chercher les moyens de les bloquer et d’envoyer un message de protestation en faveur de leurs propres intérêts.
Dans cette élection, ils sont très nombreux au Québec ceux qui veulent porter un coup aux libéraux et conservateurs pour exprimer leur protestation. C’est dans une grande mesure ce que représente la montée des intentions de vote pour le Bloc québécois : bloquer ces partis et les empêcher d’agir impunément. Comme partout ailleurs au Canada, les travailleurs en particulier veulent faire savoir qu’ils ne veulent pas de « sauveurs » condescendants. Même dans certaines circonscriptions montréalaises où la politique identitaire est utilisée pour diviser, surtout parmi les jeunes, les jeunes discutent et cherchent des façons de voter pour défaire les libéraux et ne pas permettre aux gouvernants de les détourner.
Tout indique que les électeurs au Québec s’apprêtent à faire un vote de protestation contre l’offensive antisociale des libéraux et conservateurs malgré le chantage habituel à l’effet que voter pour le Bloc ou pour d’autres partis, c’est gaspiller son vote puisque ces partis ne formeront jamais une majorité au parlement fédéral. On cherche ainsi à décourager les gens de voter pour tout candidat autre que ceux du Parti libéral, du Parti conservateur et du parti de Maxime Bernier, qui ne représente pas lui non plus ce que le peuple veut. On dit par exemple que le Bloc est le représentant du gouvernement Legault et ce qu’il dit être les intérêts des Québécois – le fameux consensus québécois. Mais le vote de protestation qui se dessine est essentiellement une expression du désir de renouveler la démocratie pour que les citoyens puissent contrôler les décisions qui les concernent. C’est pourquoi les candidats du Parti marxiste-léniniste font des appels circonscription par circonscription pour que ni les libéraux, ni les conservateurs n’obtiennent une majorité pour ensuite faire ce qu’ils veulent.
Tandis que les Québécois donnent encore une fois l’expression d’une conscience collective dans une élection en rejetant massivement les libéraux et les conservateurs et en choisissant d’élire les candidats du Bloc à plusieurs endroits, il est clair que pour se défendre les travailleurs, les femmes et les jeunes ont besoin de mettre de l’avant leur propre politique indépendante. Ils doivent se constituer en une force politique organisée pour parler en leur propre nom et mettre de l’avant des solutions qui les favorisent. C’est seulement ainsi qu’on mettra fin une fois pour toutes à l’emprise du système de partis cartellisés. Cette emprise est basée sur l’illusion que des partis sur lesquels les travailleurs et le peuple n’ont aucun contrôle vont les représenter. Le gouvernement Legault ne les représente pas et le Bloc dit qu’il représente le gouvernement Legault. Personne ne contrôle ce que cela signifie. Il est donc certain qu’après les élections, beaucoup continueront d’exprimer leurs revendications en faveur d’un changement de cap de l’économie, contre la guerre, contre la destruction de l’environnement naturel, pour la défense des droits des peuples autochtones, la justice pour nos femmes, nos aînés, nos enfants et nos jeunes et pour les personnes de toutes origines au Canada et dans tous les pays.
Dans cette élection, votons en signe de protestation contre les partis de l’offensive néolibérale, antisociale et antinationale et contre la corruption libérale et conservatrice ! Appuyons le droit du peuple québécois de se représenter comme il le souhaite ! Rejetons le dénigrement du Québec !
Contestations constitutionnelles de la Loi électorale
L’article de la Loi électorale sur la publication de fausses déclarations est contesté en vertu de la Charte
La Canadian Constitution Foundation (CCF) a déposé une contestation en vertu de la Charte contre les modifications à la Loi électorale du Canada adoptées par le gouvernement libéral pour lutter contre les « fausses nouvelles ». L’article contesté interdit « à toute personne ou entité » de faire ou de publier une fausse déclaration au sujet d’« un candidat, une personne qui désire se porter candidat, le chef d’un parti politique ou une personnalité publique associée à un parti politique » pendant la période électorale. Il s’applique « quel que soit le lieu de l’élection ou celui où la déclaration a été faite ou publiée ».
Les modifications énoncent les types de fausses déclarations interdites. Sont interdites les déclarations qui prétendent faussement que les personnes protégées ont « commis une infraction à une loi fédérale ou provinciale ou à un règlement d’une telle loi » et celles « concernant la citoyenneté, le lieu de naissance, les études, les qualifications professionnelles ou l’appartenance à un groupe ou à une association d’un candidat, d’une personne qui désire se porter candidat, du chef d’un parti politique ou d’une personnalité publique associée à un parti politique ». La déclaration doit être faite « avec l’intention d’influencer les résultats d’une élection ». En cas de condamnation, la personne reconnue coupable s’expose à une amende maximale de 50 000 $ et à un emprisonnement maximal de cinq ans, ou de l’une de ces peines.
La version précédente de cet article de la loi électorale se lisait : « Il est interdit de faire ou de publier sciemment une fausse déclaration concernant la réputation ou la conduite personnelle d’un candidat ou d’une personne qui désire se porter candidat avec l’intention d’influencer les résultats de l’élection. »
La CCF a demandé une audience accélérée parce que la décision de la Cour « affectera la portée de la liberté des Canadiens de s’exprimer sans crainte de punition par l’État ».
Dans sa demande, la CCF décrit les dispositions comme « un instrument musclé et imprécis qui traite les sarcasmes et les mensonges délibérés comme une seule et même chose – les deux sont soumis à une interdiction générale. Il étouffe ainsi un dialogue social et politique précieux ». La CCF donne des exemples de déclarations pouvant faire l’objet de poursuites, par exemple dire qu’un candidat est « inculte » ou affirmer qu’un chef de parti « n’est pas qualifié pour être premier ministre » ou déclarer que les activités d’un député sortant ont été « criminelles ».
Le CCF soutient que même si une accusation criminelle ou une condamnation sont des questions de fait, déclarer que les actions d’une personnalité politique sont « criminelles » ou insinuer que les actions d’une personnalité politique sont un « abus de confiance » est une question d’opinion et que l’interdiction de tels commentaires viole la liberté d’expression.
La CCF soutient que la liberté de parole et d’expression garantie par la Charte doit être « neutre en termes de contenu » et que « l’État [doit] s’abstenir généralement d’intervenir dans la recherche de la vérité ». « Cette entreprise doit être laissée à la société elle-même, sans intervention de l’État. Lorsque le Parlement exige que les tribunaux annoncent ce qui est « vrai » et ce qui est « faux », il outrepasse son rôle constitutionnel. Elle s’attaque à la diffusion sans entrave de l’information qui est essentielle à une démocratie saine et fonctionnelle et fondamentale à toute élection démocratique. »
La CCF conteste également la suppression du mot « sciemment » qui figurait dans la version précédente de l’article sur les fausses déclarations. Elle soutient que : « Les déclarations faites ou publiées avec honnêteté et de bonne foi peuvent désormais faire l’objet de poursuites si l’État estime ultérieurement que cela était inexact sur le plan des faits. »
La Cour supérieure de l’Ontario déclare que les débats qui excluent des candidats violent les droits garantis par la Charte
Un juge de la Cour supérieure de justice de l’Ontario a déclaré qu’il accorderait une injonction contre un débat électoral organisé par le gouvernement qui n’inclut pas tous les candidats. De tels débats violent la Charte des droits et libertés que les gouvernements sont tenus de respecter, dit-il. La décision écrite du juge James Stribopoulos a été rendue tard le 11 octobre en réponse à une demande présentée par Greg Vezina, chef du Parti Aucune de ces Réponses et candidat indépendant dans Mississauga-Centre.
Greg Vezina a également été candidat lors des élections provinciales de juin 2018 dans Mississauga. Au cours de cette élection, la ville de Mississauga a organisé un débat dont Greg Vezina et 10 autres candidats indépendants et de petits partis ont été exclus. Pour cette élection fédérale, la Ville a annoncé un débat pour les six circonscriptions de Mississauga le 23 septembre, mais n’a invité que les candidats conservateurs, verts, libéraux et néodémocrates. Cependant, ce débat a été annulé parce qu’un nombre insuffisant d’invités avait accepté d’y participer. Le 30 septembre, Greg Vezina a déposé sa demande d’injonction pour empêcher la Ville de tenir un tel débat ou de permettre qu’un édifice municipal soit utilisé pour en tenir un.
En réponse à la demande de Greg Vezina, la ville de Mississauga a déposé des documents indiquant qu’elle n’avait pas l’intention d’organiser des débats pour le reste de la période électorale. Par conséquent, le juge a rejeté la demande de Greg Vezina et a déclaré qu’il n’y avait plus de motif lui permettant d’émettre une injonction. « La spéculation au sujet d’une éventuelle violation de la Charte à l’avenir n’est pas quelque chose qui permet au tribunal d’émettre une injonction », a-t-il écrit.
Toutefois, le juge Stribopoulos a écrit dans sa décision : « Si un tel débat était prévu, je n’hésiterais pas à accorder à M. Vezina l’injonction qu’il demande. »
Dans sa décision, le juge Stribopoulos a écrit : « L’idée que le gouvernement assume la responsabilité d’organiser des débats politiques et, ce faisant, invite certains candidats à des fonctions publiques tout en excluant d’autres, soulève de graves problèmes constitutionnels. » « L’organisation de débats politiques par le gouvernement en vue des élections, au cours desquelles les acteurs gouvernementaux déterminent quels candidats seront autorisés à participer et quels candidats seront exclus, constitue une intrusion importante dans les droits d’expression et les droits politiques garantis à tous les citoyens en vertu de la Charte. »
Lettres à la rédaction
La voix du peuple doit être entendue
À mon avis, la situation électorale commence à être un peu plus prometteuse. Je pense que les gens se rendent compte de l’état des choses au pays et souhaitent un changement, ce qui signifie un changement dans la façon dont ils votent. À l’heure actuelle, le tableau n’est pas entièrement bleu et rouge et c’est une bonne chose. Nous avons besoin d’un changement et seul le peuple est en mesure de le provoquer. Au Nouveau-Brunswick et ailleurs, l’état des droits des travailleurs est lamentable. Cela ne devrait-il pas être un enjeu majeur dans une élection, et qui va le soulever, sinon les travailleurs eux-mêmes ? Ils doivent parler, la voix du peuple doit être entendue. C’est la seule façon de changer la situation.
Maintenant Trudeau et Scheer font tout pour éviter d’aborder les problèmes que soulèvent les Canadiens. Ils transforment tout cela en une affaire personnelle, une affaire de préférence personnelle. L’argument de Trudeau que si vous ne votez pas pour les libéraux, vous votez pour les conservateurs ne tient pas la route. Les libéraux ont peur parce qu’ils se rendent compte qu’ils n’obtiendront pas ce qu’ils pensaient obtenir. Scheer aussi. C’est évident que Trudeau fait juste lire la même carte préparée d’avance, il ne parle pas avec le coeur et Scheer lui ressemble de plus en plus.
Ma recommandation serait de ne pas voter pour les libéraux ou les conservateurs. Ils font tous ces grandes promesses et puis rien n’aboutit. Les gens sont mécontents de ce qui se passe et cherchent un moyen de l’exprimer. C’est positif.
Un ouvrier de la métallurgie au Nouveau-Brunswick
La question nationale du Québec sur le point d’un retour à l’avant-scène
Certaines questions ne vont pas disparaître car elles sont fondées dans la réalité. Tant qu’elles ne sont pas résolues, elles reviennent hanter ceux qui s’opposent à leur résolution. La question du droit du Québec à l’autodétermination en est une.
Dans cette élection, beaucoup de choses sont dites pour diviser les Québécois pour qu’ils ne puissent pas établir leur propre ordre du jour et parler en leur propre nom. Les médias anglo-canadiens ont stéréotypé ceux qui seraient prétendument « français » comme vraisemblablement des réactionnaires pure laine, alors que ceux qui sont soi-disant « anglais » adhéreraient vraisemblablement à des valeurs plus modernes. Les immigrants qui viennent de pays ayant un lien francophone ou anglophone sont regroupés d’un côté ou de l’autre comme servant au mieux les objectifs de ceux qui pratiquent cette politique d’association. Présenter ceux qui se sont battus au milieu du XIXe siècle pour la République de Québec contre le régime britannique et qui ont été brutalement réprimés comme des individus arriérés, racistes et réticents à accepter les minorités nationales et que, pour eux, la question en est une affaire de français versus anglais est une interprétation raciste. Cette notion a tellement servi l’État colonial britannique qu’elle a été inscrite en 1867 dans l’Acte de l’Amérique du Nord britannique et n’a jamais été supprimée. Par contre, la notion de droits assortis de limites raisonnables telle que consacrée dans la Charte de 1982 fait l’affaire des élites dirigeantes.
Le dénigrement des Québécois vise en réalité leur droit légitime à l’autodétermination en tant que peuple.
Un lecteur de Montréal
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