Supplément
Numéro 447 juillet 2020
Anniversaire de la Constitution du Canada
de 1867
Une revendication moderne de l'égalité
- Hardial Bains -
• La «
Terre neuve » et la résistance héroïque
des Mi'kmaq et des Béothuk
- Tony Seed -
À titre d'information
• Pourquoi le Canada était
appelé un « dominion »
• Les Lettres patentes
accordées à Jean Cabot et la prérogative royale
Anniversaire de la Constitution du
Canada de 1867
Une revendication moderne de l'égalité
- Hardial Bains -
Extraits du livre Pour faire face à
l'avenir de Hardial Bains écrit durant le
référendum sur l'Accord de Charlottetown
en 1992.
La
revendication d'un droit est l'expression du degré
de développement de la personnalité humaine selon
les conditions de l'époque. Il s'agit ici de la
personnalité humaine en tant que genre, en tant
que reflet approprié de son époque, en tant que
produit de l'être social. La revendication de
l'égalité est donc aussi un produit de l'histoire.
La revendication moderne de l'égalité consiste à
réclamer le même statut politique et social pour
tous les êtres humains, ou du moins pour tous les
citoyens de l'État ou tous les membres de la
société, du fait de la communauté de leur nature
humaine, du fait qu'ils sont tous des êtres
humains.
La personnalité ou la civilisation humaine a
évolué au fil des millénaires selon les conditions
de chaque époque. Elle a été marquée par certaines
époques et souvent elle a à son tour marqué les
époques, son propre développement donnant
naissance à la revendication que les conditions
soient changées.
Dans les communautés primitives les plus
anciennes, l'égalité des droits s'appliquait tout
au plus aux hommes, l'exclusion des femmes, des
esclaves et des étrangers étant considérée comme
allant de soi.
Chez les Grecs et les Romains les inégalités
entre les hommes étaient beaucoup plus
significatives que l'égalité réalisée dans
certains domaines. Dans la civilisation grecque on
distinguait Grecs et barbares, hommes libres et
esclaves, citoyens et étrangers. Les Romains
faisaient une distinction entre citoyens romains
et sujets romains, bien que ces distinctions, à
l'exception de celle entre homme libre et esclave,
aient progressivement disparu. Ainsi est apparue
l'égalité entre citoyens privés, c'est-à-dire
entre hommes libres, qui donna naissance au droit
romain, un système élaboré de lois fondé sur la
propriété privée.
Dans le contexte européen il y avait, à l'époque
médiévale, le roi et la noblesse qui possédaient
terres et châteaux et tiraient leurs richesses du
servage. En raison du droit divin, tous les droits
appartenaient au roi qui gouvernait de concert
avec l'Église. En 1215, avec la Grande
Charte, les barons anglais obligèrent le roi à
leur remettre une partie de ses droits.
Dans l'empire germanique fut développée une
hiérarchie sociale et politique complexe comme on
en n'avait jamais vue qui mit au rancart toute
notion d'égalité pour des siècles à venir. Plus
tard, avec le développement historique, il apparut
pour la première fois un système d'États nationaux
dans lequel les États s'influençaient mutuellement
tout en se protégeant les uns des autres. C'est au
sein de ces États nationaux qu'apparut plus tard
la notion d'égalité des membres d'un corps
politique spécifique.
C'est finalement l'époque de la Renaissance, soit
la deuxième moitié du quinzième siècle, en Europe
occidentale, qui nous amène à l'orée des temps
modernes. Une nouvelle forme de production, la
production capitaliste, se fit jour, d'abord en
Italie dans les années 1400 et s'étendant
vite à toute l'Europe. Fondée d'abord sur
l'artisanat, sur la manufacture au vrai sens du
terme, elle était l'embryon de la grande industrie
d'aujourd'hui. Le pouvoir royal, qui reposait sur
les citoyens des villes, renversa le pouvoir
féodal de la noblesse et donna naissance aux
grandes monarchies nationales, au sein desquelles
prirent naissance de nouveaux États modernes et la
nouvelle société bourgeoise.
Les grandes découvertes géographiques et
scientifiques de l'époque propulsèrent ce
mouvement vers l'avant. Les découvertes, comme
celle de Christophe Colomb, dont les voyages
permirent de constater que la terre était ronde,
et celle de Copernic qui prouva que la terre
tourne autour du soleil, renforcèrent la confiance
de l'homme en lui-même. La découverte de la
boussole ouvrit la voie aux grandes croisades
aventurières. Les caravelles, les embarcations
rapides et légères du quinzième et du seizième
siècles permirent les grandes traversées à la
recherche de nouvelles terres. C'est alors
seulement que ces pays découvrirent le monde et
que furent jetés les fondements du commerce
international. L'invention de l'imprimerie
en 1450 aida à la propagation des écrits de
l'Antiquité, de l'éducation et de la culture. La
découverte de la poudre à canon, ramenée de Chine
par Marco Polo, mit fin à l'invincibilité des
forteresses du Moyen-Âge.
Si ces facteurs conduisirent à un développement
sans précédent des forces productives, ils
apportèrent aussi une nouvelle forme
d'exploitation des travailleurs dans les
manufactures et des paysans, une exploitation
encore plus brutale qu'auparavant. Les
contradictions sociales et la lutte des classes
s'accentuèrent. Les habitants des nouvelles terres
étaient impitoyablement pillés. Le féodalisme fut
ébranlé par de nombreuses insurrections
populaires.
Ces changements aidèrent à la naissance de la
nouvelle conception du monde de la vie et de
l'homme, qui trouva son expression dans
l'humanisme, et libérèrent l'homme de
l'exploitation féodale et de l'oppression
obscurantiste. Les humanistes dénoncèrent
l'hypocrisie du clergé qui inculquait à l'homme le
mépris des choses de ce monde afin de mieux vivre
dans un paradis dans l'au-delà. Ils apprirent à
l'homme à rechercher le bonheur par l'activité
pratique et par l'application de la science.
L'homme était maintenant l'objet premier de la
science, de la philosophie, de la littérature et
des arts. Les droits de l'homme doivent être
défendus. L'homme doit être brave et audacieux et
doit être doté d'une pensée indépendante. Il doit
donc soumettre à la critique tout ce qui
l'entoure. Ces qualités ne s'acquièrent pas par
l'accumulation de titres de noblesse, mais par
l'activité quotidienne.
La nouvelle culture n'était pas une continuation
de la culture du Moyen-Âge, qui fut une période de
noirceur et d'ignorance, mais de cette culture
créée par la civilisation gréco-romaine. On notera
chez les humanistes une admiration de l'Antiquité
dans toutes leurs entreprises. Ils étaient
convaincus de l'impossibilité de créer quoi que ce
soit sans imiter les réalisations anciennes,
qu'ils croyaient insurpassables. Engouffrés dans
le culte de l'Antiquité, nombre d'humanistes
rédigèrent leurs ouvrages en latin, langue
demeurée incompréhensible pour le peuple.
Cependant, des humanistes progressistes luttèrent
pour l'unité nationale et commencèrent à écrire
dans les langues nationales.
Tout le système médiéval d'éducation était remis
en question. De solides coups furent portés à
l'idéologie religieuse et à la scolastique, un
courant philosophique apparu au onzième siècle en
opposition aux sciences et fondé non pas sur
l'analyse de la réalité, mais sur les dogmes de
l'Église. L'étude de l'Antiquité donna un élan aux
sciences expérimentales qui commencèrent à
s'affranchir de la téléologie, doctrine religieuse
selon laquelle le monde obéit à une finalité.
Il faut cependant garder à l'esprit que tous ces
nouveaux avantages de la société étaient l'apanage
exclusif des couches qui pouvaient s'en permettre
le loisir. Le peuple était exploité à outrance,
sans culture et sans instruction. On ne lui
reconnaissait aucun droit. Sur le plan économique,
le commerce avait beaucoup dépassé en importance
les seuls échanges entre les pays d'Europe et le
commerce intérieur de ces pays. L'Europe fut
envahie par l'or et l'argent de l'Amérique.
L'industrie artisanale ne pouvait plus satisfaire
la demande croissante ; dans les grandes
industries des pays les plus avancées, elle fut
remplacée par la manufacture. Les changements
formidables survenus dans les conditions
économiques exigeaient des changements dans les
structures politiques. Le commerce intérieur, le
commerce international et surtout le commerce
mondial exigeaient l'égalité des droits pour les
marchands. Ces derniers devaient pouvoir échanger
leurs biens sur une base égale, du moins dans leur
champ respectif. Le passage de l'artisanat à la
manufacture suppose l'existence d'hommes libres,
affranchis des entraves de la corporation, libres
de vendre leur force de travail, jouissant de
l'égalité des droits en tant que parties
contractantes.
C'est ce contexte
qui a façonné la revendication de l'égalité
contemporaine. Les rapports économiques exigeaient
l'égalité et la liberté, mais le régime politique
y faisait obstacle. C'est aux grands hommes du
dix-huitième siècle, surtout en France, qu'incomba
la tâche de transcender la pensée de la période
antérieure. L'oeuvre la plus représentative de
cette époque, qu'on appelle le Siècle des
Lumières, fut l'Encyclopédie, publiée
entre 1750 et 1789 à Paris par Denis
Diderot avec l'aide de Jean le Rond d'Alembert, et
comprenant les contributions de quelque quarante
autres « philosophes », notamment de
Jean-Jacques Rousseau, Voltaire, Montesquieu,
Quesnay, Fontenelle, le baron d'Holbach et Buffon,
de même que l'apport anonyme d'innombrables
ouvriers et artisans consultés pour leur expertise
de la mécanique, de la construction et des
instruments techniques. Elle fut influencée par
des hommes comme Condillac et Helvétius. L'Encyclopédie,
« dictionnaire raisonné des sciences, des arts et
des métiers », constitua un recueil de la
connaissance humaine accumulée jusqu'à ce jour.
C'était surtout une arme dans la lutte contre tous
les préjugés de l'Ancien Régime. Les
encyclopédistes se mirent à vulgariser et à
propager les résultats de la révolution
scientifique dans l'espoir qu'elle serve à
encourager la transformation de la société.
C'était une contribution colossale au changement
social en ce qu'elle canalisait l'ensemble de la
connaissance humaine dans l'effort de réforme
sociale. Évidemment, la vulgarisation des
réalisations de la révolution scientifique devait
nécessairement conduire à une remise en cause
fondamentale et bouleversante de toutes les idées
et de tous les préceptes à la base de la société
sous l'Ancien Régime. Robert Niklaus, dans un
essai intitulé Le
Siècle des Lumières, écrit :
La soif du savoir et la curiosité
intellectuelle avaient comme objet le monde
extérieur. La connaissance de l'histoire, des
langues et des religions des habitants de pays
étrangers ; des nouveaux développements
dans les sciences, surtout la physique, les
mathématiques, les sciences naturelles et la
médecine, changèrent le climat d'opinion dans
l'ensemble du monde civilisé. On attira
l'attention sur l'éthique, la politique et
l'économie de l'homme social, mais au centre se
trouvait l'homme individuel, sa nature, son
bonheur, son rapport avec le cosmos, les
fonctionnements de sa pensée...
Friedrich Engels écrit dans son Anti-Duhring :
Les grands hommes qui, en France, ont éclairé
les esprits pour la révolution qui venait [...]
ne reconnaissaient aucune autorité extérieure,
de quelque genre qu'elle fût. Religion,
conception de la nature, société, organisation
de l'État, tout fut soumis à la critique la plus
impitoyable ; tout dut justifier son
existence devant le tribunal de la raison ou
renoncer à l'existence. La raison pensante fut
la seule et unique mesure à appliquer à toute
chose. Ce fut le temps où, comme dit Hegel, le
monde était mis sur sa tête, en premier lieu
dans ce sens que le cerveau humain et les
principes découverts par sa pensée prétendaient
servir de base à toute action et à toute
association humaine, et, plus tard, en ce sens
plus large, que la réalité en contradiction avec
ses principes fut inversée en fait de fond en
comble. Toutes les formes antérieures de société
et d'État, toutes les vieilles idées
traditionnelles furent déclarées déraisonnables
et jetées au rebut ; le monde ne s'était
jusque-là laissé conduire que par des
préjugés ; tout ce qui appartenait au passé
ne méritait que pitié et mépris. Enfin, le jour
se levait ; désormais, la superstition,
l'injustice, le privilège et l'oppression
devaient être balayés par la vérité éternelle,
la justice éternelle, l'égalité fondée sur la
nature, et les droits inaliénables de l'homme.
Cette défense des droits de l'homme et du besoin
d'un monde meilleur sur la terre annonçait le
début des temps modernes. Dans son livre Les philosophes,
Norman L. Torrey écrit que
...les idées que nous avons de ce qui constitue
les principes fondamentaux de la démocratie
trouvent leur origine dans les écrits des «
philosophes ».
Il poursuit :
D'Alembert explique que le sens de l'équité, le
besoin de découvrir une loi précédant toutes les
lois positives et écrites [...] provient d'avoir
fait l'expérience de l'injustice, une théorie
dont la grande passion de la justice chez
Voltaire fut un exemple remarquable.
John Morley fait remarquer dans son ouvrage Diderot and the
Encyclopaedists :
Lorsqu'on affirme que les encyclopédistes ont
amorcé un travail politique, on veut dire qu'ils
ont examiné à la lumière des idées nouvelles les
institutions, les usages et tout ce qui touchait
au bien-être et au bonheur véritables de la
France, comme la nutrition qui influe sur la
santé et la force du Français individuel. Ce
sont les encyclopédistes qui agitèrent les
opinions en France contre les inégalités de la
tyrannie coloniale et les abominations du
commerce des esclaves. Ils démontrèrent la
folie, l'inutilité et la cruauté d'un régime
fiscal qui faisait mourir la terre. [...] C'est
ce groupe d'auteurs qui comprirent les premiers
le grand principe de la société moderne, le
mérite de l'industrie productrice. [...]
attirant l'attention du public général sur les
causes de la détérioration forcée de
l'agriculture française, notamment les
restrictions imposées au commerce des céréales,
l'arbitraire des impôts et l'exode des
populations vers les grandes villes. [...]
Lorsqu'on dit, donc, que les encyclopédistes ont
délibérément préparé la voie à une révolution
politique, rappelons que leur véritable
accomplissement fut de jeter la lumière de la
raison sur les doléances pratiques.
Par contre,
...pas un seul « philosophe » ne fut un
véritable démocrate. Dans leurs écrits se
trouvent les origines intellectuelles de la
révolution française, mais ils n'étaient pas des
révolutionnaires. Dans son ouvrage De l'esprit des
lois, Montesquieu se porte à la défense
des privilèges seigneuriaux dont il trace les
origines et dont il jouissait en tant que membre
de la noblesse. Sa théorie de l'équilibre des
pouvoirs invoquait la nécessité d'une chambre
des lords comme facteur de stabilisation entre
le roi et la chambre basse. Voltaire, en tant
que propriétaire foncier bienveillant, se
méfiait du peuple, en proie à la superstition et
au fanatisme, et croyait que la monarchie
constitutionnelle serait la meilleure solution
pour la France. Rousseau partageait avec Platon
la méfiance des démocraties et la croyance
presque universelle que les procédures
administratives démocratiques étaient
impossibles dans une grande nation. Le
gouvernement représentatif, croyaient-ils,
menait inévitablement à l'usurpation et à la
corruption. Face à ce dilemme, Montesquieu
proposa une république fédérée, ou une société
de sociétés, qui pourrait sauver les
institutions démocratiques et sauvegarder la
force de ses membres.
Résumant la contribution politique des
encyclopédistes, Robert Niklaus écrit :
On sait que pendant longtemps les «
philosophes » ont misé leurs espoirs de
réforme sur l'institution d'un législateur idéal
qui assurerait le bonheur et la vertu [...] et
c'est avec réticence et très tard qu'ils se
détournèrent, par désespoir, de la monarchie
pour épouser les idéaux républicains souvent
inspirés de Rousseau, que très peu ont
d'ailleurs vraiment compris. Durant la première
époque ils se soucièrent davantage de réformes
pratiques touchant le commerce et l'industrie,
et de réformes civiles qui permettraient aux
hommes de faire tout ce que les lois
permettaient de faire. Ils n'ont pas réclamé la
liberté politique, comme le révèle une lecture
attentive de l'Encyclopédie à l'article «
Liberté ». Ils ne désiraient pas voir
abolir toute forme de censure ; ils
voulaient qu'on nomme un censeur favorable à
leur cause. Ils attaquèrent implacablement les
inégalités du système social, et l'idée d'un
contrat social comme base de la société gagna du
terrain, avec son implication que si le
souverain rompt le contrat tacite entre son
sujet et lui-même, il peut être révoqué.
La notion de consentement populaire de Rousseau
fournit une base rationnelle à la révolution qui
devait s'insurger contre la conception des droits
telle qu'exprimée par la déclaration de Louis
XIV : « L'État, c'est moi. » Le précepte
de Rousseau, « tous les hommes naissent
égaux », servit à expliquer comment l'homme
naturel pouvait être dénaturalisé et refaçonné en
l'homme civil, comment la liberté civile pouvait
se substituer à la liberté naturelle et comment
l'égalité pouvait être reconquise par une société
fondée sur la volonté générale du peuple
souverain. Le Contrat social se voulait le
fondement logique de toute autorité légitime. Les
principes généraux du Contrat social
comprennent 1a notion qu'aucun homme n'a
d'autorité naturelle sur les autres et donc que
les rois n'ont pas de droit divin. L'individu, en
tant qu'unité de base, renonce à ses droits
naturels en faveur de l'État, dans lequel il est à
la fois souverain et sujet. Il propose la notion
de droits civils qui supplantent les forces
naturelles et réfute le droit du plus fort. La
force, écrit-il, demeure une cour d'appel de
dernière instance et justifie la révolution contre
la tyrannie ou l'usurpation des pouvoirs
politiques.
Voici comment le problème se pose chez
Rousseau :
Je suppose les hommes parvenus à ce point où
les obstacles qui nuisent à leur conservation
dans l'état de nature l'emportent, par leur
résistance, sur les forces que chaque individu
peut employer pour se maintenir dans cet état.
Alors cet état primitif ne peut plus
subsister ; et le genre humain périroit
s'il ne changeoit de manière d'être.
Or, comme les hommes ne peuvent engendrer de
nouvelles forces, mais seulement unir et diriger
celles qui existent, ils n'ont plus d'autre
moyen, pour se conserver, que de former par
agrégation une somme de forces qui puisse
l'emporter sur la résistance, de les mettre en
jeu par un seul mobile et de les faire agir de
concert.
Cette somme de forces ne peut naître que du
concours de plusieurs ; mais la force et la
liberté de chaque homme étant les premiers
instruments de sa conservation, comment les
engagera-t-il sans se nuire et sans négliger les
soins qu'il se doit ?
Il explique cette difficulté dans les termes
suivants :
« Trouver une forme d'association qui défende
et protège de toute la force commune la personne
et les biens de chaque associé, et par laquelle
chacun, s'unissant à tous, n'obéisse pourtant
qu'à lui-même, et reste aussi libre
qu'auparavant. » Tel est le problème
fondamental dont le Contrat social donne
la solution.
Les clauses du Contrat social, écrit-il,
se résument à une seule :
L'aliénation totale de chaque associé avec tous
ses droits à toute la communauté : car,
premièrement, chacun se donnant tout entier, la
condition est égale pour tous ; et la
condition étant égale pour tous, nul n'a intérêt
de la rendre onéreuse aux autres.
En conclusion :
Enfin, chacun se donnant à tous ne se donne à
personne ; et comme il n'y a pas un associé
sur lequel on n'acquière le même droit qu'on lui
cède sur soi, on gagne l'équivalent de tout ce
qu'on perd, et plus de force pour conserver ce
qu'on a. [...]
À l'instant, au lieu de la personne
particulière de chaque contractant, cet acte
d'association produit un corps moral et
collectif, composé d'autant de membres que
l'assemblée a de voix, lequel reçoit de ce même
acte son unité, son moi commun, sa vie et sa
volonté. Cette personne publique, qui se forme
ainsi par l'union de toutes les autres, prenait
autrefois le nom de cité, et prend maintenant
celui de république ou de corps politique,
lequel est appelé par ses membres État quand il
est passif, souverain quand il est actif,
puissance en le comparant à ses semblables. À
l'égard des associés, ils prennent
collectivement le nom de peuple, et s'appellent
en particulier citoyens, comme participant à
l'autorité souveraine, et sujets, comme soumis
aux lois de l'État. Mais ces termes se
confondent souvent et se prennent l'un pour
l'autre ; il suffit de les savoir
distinguer quand ils sont employés dans toute
leur précision.
En résumé la conception de la souveraineté de
Rousseau est
...que la volonté générale peut seule diriger
les forces de l'État selon la fin de son
institution, qui est le bien commun ; car,
si l'opposition des intérêts particuliers a
rendu nécessaire l'établissement des sociétés,
c'est l'accord de ces mêmes intérêts qui l'a
rendu possible. C'est ce qu'il y a de commun
dans ces différents intérêts qui forme le lien
social ; et s'il n'y avoit pas quelque
point dans lequel tous les intérêts s'accordent,
nulle société ne sauroit exister. Or, c'est
uniquement sur cet intérêt commun que la société
doit être gouvernée.
Le pouvoir souverain, dit-il, peut être transmis,
mais pas la volonté.
Cette conception rendait les peuples d'Europe et
d'Amérique conscients de leurs droits dans les
conditions données. Les industriels et les
marchands s'enrichissaient continuellement, mais
restaient dépourvus de droits politiques. Les
fonctions supérieures de l'État demeuraient entre
les mains de la grande noblesse qui conservait
jalousement son pouvoir et réprimait
impitoyablement tout mouvement organisé. Le
maintien de la cour royale engouffrait des sommes
énormes. Le régime d'imposition était si onéreux
qu'il provoqua nombre d'insurrections paysannes et
des rébellions dans les colonies.
La révolution française porta un solide coup aux
fondements du vieil ordre féodal. Une nouvelle
classe, la bourgeoisie, s'empara du pouvoir
et accapara l'autorité. La Guerre
d'indépendance américaine donna naissance aux
États-Unis d'Amérique. Ces grands accomplissements
du dix-huitième siècle ont été suivis de deux
siècles de bouleversements et de croissance dans
tous les domaines.
Conclusion
Le système de partis et le processus politique se
sont progressivement discrédités tout au long du
vingtième siècle. L'électorat réclame un rôle dans
les prises de décision du gouvernement. Les crises
nationales servent de prétexte pour escamoter le
problème, à tel point que durant ces crises les
gouvernements parviennent à s'imposer en tant que
représentants de la volonté de la nation. Ce fut
le cas durant la première et la deuxième guerres
mondiales. L'exemple le plus récent de ce
phénomène est le ralliement de l'opinion publique
américaine à l'appel de George Bush durant la
guerre du Golfe. Une fois la supposée crise
nationale terminée, le public a demandé qu'il
s'occupe de l'économie.
Ce n'est pas un hasard si la notion de « volonté
nationale » se substitue parfois à la «
volonté populaire ». Or, la première relève
de la nation, la seconde relève des rapports entre
les citoyens et le corps politique. Ils ne sont
pas interchangeables.
Le
monde doit se pencher sur la déficience du système
démocratique et du processus politique, car ni
l'un ni l'autre ne représente le corps politique
d'aujourd'hui. Au dix-huitième et au dix-neuvième
siècles, ils représentaient le corps politique
constitué par les classes possédantes qui
s'étaient emparé du pouvoir politique, que ce soit
dans les métropoles ou dans les colonies.
Au cours des deux derniers siècles le droit de
vote est devenu universel. Aujourd'hui il
s'applique aux femmes ; il s'applique aussi à
ceux que l'Angleterre impériale considérait jadis
comme « races inférieures ». Au Canada, le
droit de vote est devenu véritablement universel
lorsqu'il a été accordé aux peuples autochtones.
Or, une fois le droit de vote reconnu comme
universel, une contradiction se fait jour entre
les détenteurs des droits politiques et les
détenteurs du pouvoir politique. Cette carence de
la démocratie n'a jamais été corrigée.
Le pouvoir politique apparu au dix-huitième et
dix-neuvième siècles représentait un corps
politique bien précis. Les notions de gouvernement
représentatif, gouvernement populaire et
gouvernement responsable concordaient en général
aux valeurs des classes possédantes qui formaient
le corps politique. La souveraineté juridique et
la souveraineté politique s'harmonisèrent. Mais
dès que les partis politiques au parlement ne
représentent plus les corps constitués des
électeurs, le conflit refait surface, le
mécontentement populaire assume une importance
primordiale et les pouvoirs en place s'efforcent
de précipiter une crise nationale pour escamoter
le problème. Le besoin de renouveler la démocratie
demeure, le système politique étant infirmé par
cette contradiction entre le corps politique qui
détient le pouvoir et le corps politique qui
détient un pouvoir nominal. Il existe aussi un
besoin de renouveler le Canada : la nécessité
d'incorporer toutes les Canadiennes et tous les
Canadiens dans la nation canadienne. Il faut
donner aux droits humains une définition et une
garantie politique. Il faut aussi donner aux
droits nationaux une garantie politique. Ce sont
les conditions universelles du renouvellement de
la démocratie.
Si la fin de la guerre froide a placé à l'ordre
du jour le besoin de renouveler les démocraties,
ce n'est pas la première fois que la question se
pose. Le fait que le pouvoir politique ne
représente plus, politiquement l'ensemble de
l'électorat qui aujourd'hui englobe tous les êtres
humains, et non plus seulement les citoyens ayant
une propriété, est une carence de la démocratie
qui doit être corrigée. II faut inventer les
moyens de donner un pouvoir réel à l'électorat.
Tel est le problème fondamental aujourd'hui.
Le problème du renouvellement du Canada se pose
d'une façon un peu différente. C'est un problème
qui concerne la nation et en particulier la
fédération, la façon dont elle a été formée et
l'état dans lequel elle se trouve aujourd'hui. En
faisant du Canada une fédération, l'Acte
d'Amérique du Nord britannique proclamait
que les décisions du parlement anglais
s'appliqueraient dans les domaines autres que ceux
relatifs au partage des pouvoirs. Bref, pour régir
tout ce qui a trait au rapport entre le citoyen et
le gouvernement, le Canada a hérité du droit
constitutionnel et non constitutionnel anglais,
soit l'ensemble des législations du parlement
britannique depuis la Conquête des Normands.
Jusqu'en 1949, la plus haute cour canadienne
était le Comité judiciaire du Privy
Council siégeant à Londres et était en
grande partie composée de juges anglais. Les
développements du common law anglais étaient
incorporés plus ou moins automatiquement au droit
canadien. Depuis 1949, les décisions prises
en Angleterre n'ont plus force de loi au Canada,
mais la Cour suprême leur réserve une grande
considération. Depuis 1982, le parlement
britannique ne peut plus adopter de loi
s'appliquant au Canada.
Quand nous disons que le Canada arrive à
maturité, nous devons reconnaître que la
réalisation du gouvernement autonome en 1867
fut la première étape ; la seconde étape fut
l'abolition de l'autorité de la cour et du
parlement anglais dans les affaires judiciaires du
Canada, en 1949. La troisième étape fut le
rapatriement de la Constitution en 1982,
dérobant le parlement britannique du droit
d'amender la Constitution canadienne et de son
veto en matière législative canadienne. L'étape
finale sera le renouvellement de la démocratie et
de la nation. Le renouvellement signifie qu'il
faut renouveler les parties composantes de la
fédération afin de reconnaître : 1. le
fait que les arrangements coloniaux concernant le
Québec et les nations indiennes doivent être
corrigés ; 2. le fait que le Canada est
aujourd'hui constitué de citoyens de quelque
quarante-cinq nationalités différentes et que
toutes les langues et toutes les cultures sont
égales ; 3. le fait que le partage des
pouvoirs tel qu'établi en 1867 doit être
renouvelé afin de répondre à la situation
économique et politique, nationale et
internationale contemporaine.
Le
renouvellement de la démocratie doit donc passer
par la rédaction d'une nouvelle constitution qui
reconnaîtra la démocratie du corps politique et la
souveraineté du peuple et définira les droits et
les devoirs des citoyens, les sujets, et les
droits et devoirs que les citoyens cèdent à leurs
élus, leur gouvernement. Bref, elle doit définir
un processus de prises de décision qui soit
démocratiquement adopté et résoudre le problème de
la participation des citoyens au gouvernement. Un
des droits humains sur le plan politique est le
droit de participer à l'administration des
affaires de la société à laquelle on appartient.
Les êtres humains, en raison même de leur
existence, vivent en société et réclament à la
société le droit au logement, à un moyen de
subsistance, à l'éducation, à la santé et au
bien-être. La société doit satisfaire ces
réclamations et les reconnaître comme des droits,
non pas comme des énoncés de principe. Ces
réclamations découlent du droit d'être, le droit
qui appartient à l'humain dès la naissance. La
naissance est en soi une réclamation faite à la
société. Ce droit ne peut jamais être supprimé.
La crise politique, la crise causée par le fait
que la souveraineté juridique et la souveraineté
politique ne concordent pas, ne sera pas résolue
sans un dénouement de la crise constitutionnelle,
sans reconnaître le besoin de rédiger une nouvelle
constitution qui donne aux Canadiennes et aux
Canadiens : 1. un renouvellement de leur
fédération, et 2. une constitution politique
qu'ils puissent faire leur, non pas une
constitution qui soit comprise uniquement par ceux
qui sont de tradition anglaise. Il ne s'agit pas
de tout jeter par la fenêtre. Les Canadiens
voudraient enchâsser dans leur constitution les
fruits de la civilisation humaine. Il ne s'agit
pas d'élaborer une constitution parfaite ; il
s'agit d'apprendre de notre expérience de la
démocratie et de l'expérience des autres depuis le
dix-huitième siècle et d'y apporter notre
contribution.
La « Terre neuve » et la résistance
héroïque des Mi'kmaq et des Béothuk
- Tony Seed -
La résistance des
Mi'kmaq se poursuit encore aujourd'hui.
CI-dessus ils défendent de façon militante
leurs droits ancestraux en bloquant les
opérations de fracturation hydraulique près de
Rexton, au Nouveau-Brunswick, le 7 octobre 2013.
Le navigateur vénitien Giovanni Caboto (Jean
Cabot), mandaté par Henri VII d'Angleterre, a
touché terre à Terre-Neuve, le 24
juin 1497. Croyant qu'il s'agissait d'une île
au large des côtes de l'Asie, il l'a baptisée «
Terra Nova » (Terre-Neuve)[1].
Selon le mandat de ce roi de « conquérir, occuper
et posséder » les terres des « païens et des
infidèles », Caboto a effectué la
reconnaissance des côtes de Terre-Neuve et a
débarqué également sur la rive nord de l'île du
Cap-Breton en Nouvelle-Écosse[2].
Il est retourné en Angleterre le 6 août 1497
et a emmené avec lui trois Mi'kmaq, introduisant
ainsi l'esclavage des personnes humaines en
Amérique du Nord. Cela pourrait être la raison de
sa disparition en 1498 à son retour à
Terre-Neuve avec cinq navires. Lorsque ses navires
sont arrivés dans le nord de l'île du Cap-Breton,
les Mi'kmaq les ont attaqués. Un seul navire est
retourné en Angleterre, les quatre autres, dont
celui de Caboto qui en était le capitaine, ne sont
jamais revenus. La famille de Caboto s'est
enrichie de la traite négrière. Son fils
Sébastien, alors qu'il travaillait pour le roi
d'Espagne en 1529, aurait acheté « de 50 à 60
esclaves ... au Brésil, pour ... les vendre à
Séville ».[3]
La Charte royale stipulait que le roi Henri VII
prenait possession « du dominion, du titre et de
la juridiction » sur toutes les terres «
découvertes » par Caboto. C'est le fondement
sur lequel a été créé le « Dominion du
Canada », en tant que personne morale
présumée[4].
Caboto, partant de Bristol, un port stratégique de
la traite négrière atlantique, représentait les
maisons de commerce, d'échanges et d'expédition -
telles que Lloyds de Londres et la banque Barclays
- qui ont amassé une richesse fabuleuse grâce à
l'enlèvement forcé d'Africains et ont ensuite
financé à l'aide de leur butin la confédération
néocoloniale du Canada, créée en 1867, et ses
chemins de fer.
À son retour en Angleterre, Caboto a fait ses
récits à propos d'une mer grouillante de poissons.
Les flottes de pêche coloniales européennes ont
commencé à faire à chaque été des voyages vers les
Grands Bancs de Terre-Neuve.
Au départ, les Mi'kmaq et les Béothuk, malgré à
certains moments leur réticence, ont traité les
visiteurs comme des égaux politiques à bien des
égards et étaient prêts à faire du commerce et à
permettre aux Européens de débarquer brièvement et
de sécher la morue. En 1500, Gaspar Corte-Real, un
marchand d'esclaves financé par le Portugal, a
capturé plusieurs Mi'kmaq. Il a parcouru les côtes
de Terre-Neuve et du Labrador avec trois navires,
kidnappant 57 « hommes esclaves »
(Béothuk) pour les vendre afin de financer le coût
de l'expédition et réclamer les terres au nom du
Portugal. Sa conviction que Nitassinan regorgeait
de prisonniers potentiels l'a amené à l'appeler
Labrador, « la source de matière pour le
travail ». Lui et son navire se sont
également perdus en mer, bien que les deux autres
soient revenus au Portugal.
En 1504, les Bretons pêchaient au large des
côtes du pays des Mi'kma'ki. Les pêcheurs ont
séché leurs prises à terre et ont commencé à
échanger de la fourrure avec les Mi'kmaq, donnant
naissance à un nouveau produit et à des rêves
européens de plus grandes richesses. En 1507,
des pêcheurs normands amenèrent sept autres
prisonniers béothuks en France. Cela a nui à
toutes les relations futures entre les Béothuk,
les Mi'kmaq et les pêcheurs.
Joao Alvares Fagundes (1521-1525), Giovanni da
Verrazano (1524) et Esteban Gomez (1525) suivirent
en Mi'kma'ki.
La « découverte » du Kanata par la France
L'explorateur français Jacques Cartier a jeté
l'ancre à la Baie-des-Chaleurs au
Nouveau-Brunswick, en 1534. Alarmé par les
centaines de Mi'kmaq en canot qui agitaient des
peaux de castor, Cartier a ordonné de tirer des
coups de canon au-dessus de leurs têtes. Les
Mi'kmaq, qui étaient prêts à faire du commerce,
ont dû battre en retraite. Cartier a commencé à
commercer avec eux après avoir été rassuré qu'il
ne s'agissait pas d'une attaque hostile. Il a
ensuite envoyé des prisonniers autochtones en
France. Il a touché terre le 24 juillet dans
la baie de Gaspé sur un territoire habité par les
Haudenosaunee. Les Français ont érigé une grande
croix et Cartier a revendiqué la possession des
terres au nom du roi de France, François 1er.
Questionné par les Haudenosaunee, Cartier a
déclaré que la croix n'était qu'un marqueur de
navigation. Plus tard, Cartier a été guidé vers le
village (Kanata) de Stadacona (aujourd'hui la
ville de Québec) par deux jeunes Haudenosaunee. Il
a désigné toute la région au nord du fleuve
Saint-Laurent du nom de « Canada » - une
désignation de colonisateur qui a éventuellement
englobé une bande massive de l'île aux Tortues, où
un État-nation est né plus tard sur un territoire
comprenant des centaines de nations qui existaient
déjà à travers l'étendue de ce qui s'appelle
maintenant le Canada[5].
Une épidémie inconnue avait déjà frappé les
Maritimes en 1564-1570, décimant la
population des Mi'kmaq.
La lettre patente rattachée à la «
découverte » de Gilbert : Terre-Neuve
Le 5 août 1583, Sir Humphrey Gylberte
(Sir Humphrey Gilbert) a reçu une subvention de la
reine Élisabeth I pour découvrir et occuper au
cours des six prochaines années un site pour une
colonie qui n'est pas déjà aux mains des Européens[6].
Bien que lui-même puisse y détenir des terres et
les céder à d'autres, elles seraient à leur tour
entièrement détenues par la Couronne et sa colonie
devait être régie par des lois en accord avec
celles de l'Angleterre. Lui, avec son demi-frère
Sir Walter Raleigh, était déjà un colonisateur
grâce aux plantations coloniales anglaises en
Irlande gaélique (Ulster et Munster). Le 11
juin 1583, il quitte l'Angleterre en suivant
le tracé bien connu de la flotte de pêche
jusqu'aux Grands Bancs, et tente de coloniser
Terre-Neuve.
Gilbert n'a pas résisté au froid et à la famine
en raison du manque de ressources. Il a néanmoins
revendiqué officiellement Terre-Neuve et les
Maritimes. La France, citant le voyage de Jacques
Cartier et la doctrine de la « découverte »,
s'est opposée à cette revendication. Gilbert a
perdu le 29 août un navire au large de l'île
de Sable, ce qui a été enregistré comme la
première « catastrophe maritime » au Canada.
Il s'est ensuite noyé le 9 septembre lors
d'une tempête près des Açores.
En 1584, Sir Walter Raleigh a fait
reconduire la lettre patente de Gilbert en sa
faveur, excluant cette fois-ci Terre-Neuve de son
champ d'application, et il a tenté d'établir sans
succès une série de colonies de plantations sur
l'île Roanoke. Bien que l'île soit située au large
des côtes de la Caroline du Nord, il l'a nommée
comme faisant partie de la terre appelée Virginie,
en l'honneur de la reine Élisabeth, qui était
appelée la reine vierge.
En 1586, le typhus s'est propagé parmi la
population mi'kmaq déjà affaiblie qui a vu de
nouveau de nombreuses vies sacrifiées à l'épidémie
mortelle apportée aux Maritimes par les Européens.
Chaque monarque et sa famille, à partir
d'Élisabeth Tudor, étaient des financiers et des
bénéficiaires de ce commerce de la chair humaine.
Au XVIIIe siècle, la Grande-Bretagne, qui s'était
imposée face aux empires coloniaux néerlandais,
espagnol et français, gouvernait les mers avec un
système de bases navales et militaires d'outre-mer
comme Halifax, et est devenue le premier
trafiquant d'êtres humains au monde avec un
quasi-monopole sur le commerce de la morue.
Environ la moitié de tous les Africains réduits à
l'esclavage ont été transportés sur des navires
britanniques. Près de 80 % des revenus
de la Grande-Bretagne étaient liés à ces
activités.
Un siècle et demi plus tard, en 1756, sur
ordre du roi George II, le gouverneur Lawrence de
la Nouvelle-Écosse a déporté
jusqu'à 10 000 Acadiens qui ont refusé
de prêter serment d'allégeance à la
Grande-Bretagne. Cette déportation est connue sous
le nom du Grand Dérangement. Parallèlement,
n'ayant pas pu arrêter la résistance des Mi'kmaq,
des primes ont été versées pour les scalps des
Mi'kmaq et des Acadiens. De nombreux Acadiens se
sont enfuis dans les forêts et ont mené une
guérilla aux côtés des guerriers mi'kmaq, menant
une série d'opérations militaires contre les
Britanniques. (Beaucoup d'autres sont morts en mer
ou se sont installés à différents endroits.
Beaucoup sont devenus les Cajuns de la Louisiane.)
En 1758, plus de 400 bateaux de pêche
se rassemblaient chaque été autour de Terre-Neuve
et dans la région des Maritimes. Le développement
de la pêche en atlantique, source apparemment
inépuisable de protéines bon marché, est
inextricablement lié à la traite des esclaves le
long de l'Atlantique, qui a permis le
développement du système capitaliste et la
consolidation des États nationaux en Europe. Plus
tard, il a constitué la base de la richesse des
principales familles de la Nouvelle-Écosse et de
la Nouvelle-Angleterre coloniales.
À cette époque, des millions d'autochtones
avaient déjà été décimés en Amérique du Sud et
dans les Caraïbes.
Le 500e anniversaire de l'accostage de
Caboto
En 1997, à l'occasion du cinq-centième
anniversaire de l'arrivée de Caboto, la souveraine
du Canada, la reine Élisabeth II, est venue en
visite au pays à l'initiative des gouvernements
canadien et britannique. Selon elle, l'arrivée de
Caboto « représentait le début géographique et
intellectuel de l'Amérique du Nord moderne »
- la doctrine eurocentrique de la découverte[7].
Comme on le sait, à Terre-Neuve s'est produit le
génocide des Béothuk. La reine Élisabeth avait
raison - le modèle y était établi. En ce qui
concerne les peuples autochtones, bien sûr, le
modèle établi était le génocide. Les Béothuk ont
été exterminés dans les années 1830.
En 1867, la population des Mi'kmak avait été
réduite à quelque 2 000 personnes. Les
Inuits sont passés d'environ 500 000
avant le contact avec les Européens à
quelque 102 000 en 1871.
Lorsque la reine Élisabeth II a visité
Sheshatshiu au Labrador, la réception a été «
mitigée », car « les manifestants
brandissaient des pancartes qui dénonçaient sa
visite[8].»
Des femmes innues manifestent au milieu
des années 80 contre les survols de
l'OTAN et pour l'autodétermination de leur
patrie qu'elles appellent Nitassinan.
|
Selont la Presse canadienne : « Les
Autochtones ont déclaré qu'il était insultant de
célébrer l'arrivée de l'explorateur John Cabot en
Amérique du Nord en raison de l'impact dévastateur
de la colonisation sur eux. La visite de la Reine
dans cette communauté riveraine (Bonavista)
de 1 200 personnes s'est démarquée de
plusieurs façons. Des chiens recoupaient son
itinéraire recouvert de sable et il n'y avait pas
d'Union Jack ou d'unifolié en vue. Il n'y avait
aucun signe d'optimisme observé lors d'événements
précédents cette semaine[9] ... »
À Sheshatshiu, le 26 juin 1997, les
chefs de la communauté innue lui ont présenté une
lettre qui se lisait en partie :
« L'histoire de la colonisation ici a été
lamentable et a gravement démoralisé notre peuple
qui se tourne maintenant vers l'alcool et
l'autodestruction. Nous avons le taux de suicide
le plus élevé en Amérique du Nord. Des enfants
de 12 ans se sont suicidés récemment. Nous
nous sentons impuissants à empêcher les projets
miniers de grande envergure actuellement prévus et
beaucoup d'entre nous sommes amenés à discuter
d'une simple compensation financière, même si nous
savons que les mines et les barrages
hydroélectriques détruiront nos terres et notre
culture et que l'argent ne nous sauvera pas.
« La partie du Labrador qui représente le
Nitassinan a été revendiquée comme sol britannique
jusqu'à très récemment (1949), alors que sans nous
consulter, votre gouvernement l'a cédée au Canada.
Nous n'avons cependant jamais signé de traité avec
la Grande-Bretagne ou le Canada, et nous n'avons
jamais renoncé à notre droit à
l'autodétermination.
« Le fait que nous soyons devenus financièrement
dépendants de l'État qui viole nos droits est le
reflet de notre situation désespérée. Cela ne
signifie pas que nous acquiesçons à ces
violations.
« Nous avons été traités comme un non-peuple,
sans plus de droits que les caribous dont nous
dépendons et qui sont désormais eux-mêmes menacés
par les exercices de guerre de l'OTAN et d'autres
soi-disant développements. Malgré cela, nous
demeurons un peuple dans le sens le plus complet
du mot. Nous n'avons pas abandonné et nous
cherchons maintenant à reconstruire notre fierté
et notre estime de soi[10]. »
Le 30 juin 2004, feu Keptin Saqamow
Reginald Maloney a ouvert le Symposium
international d'Halifax sur les médias et la
désinformation à l'Université Dalhousie en offrant
un accueil fraternel au nom de son peuple aux
participants d'Amérique du Nord, d'Europe et
d'Asie. « La plus grande désinformation à laquelle
nous avons été confrontés est celle de la
'doctrine de la découverte' des puissances
coloniales espagnole, portugaise et britannique,
qui nous dévaste encore aujourd'hui », a-t-il
déclaré dans son discours de bienvenue[11].
Le 12 octobre 2013, la société des
guerriers mi'kmaq et la Première Nation Elsipogtog
au Nouveau-Brunswick, qui bloquaient une opération
de fracturation hydraulique d'un monopole du
Texas, ont exigé en tant que leur droit que le
gouvernement « produise des documents qui prouvent
la doctrine de la découverte de Cabot ».
La question n'est pas la reine, mais pourquoi le
pouvoir politique ne représente pas tous les êtres
humains. Les Premières Nations et différents
collectifs du peuple canadien ont défendu leurs
droits face aux nouveaux arrangements du milieu du
XIXe siècle qui ont engendré la Confédération du
Canada, et leur résistance est remarquable et sans
pareille. La juste demande des peuples autochtones
d'une reconnaissance de leurs droits n'est pas
l'expression d'« intérêts spéciaux », mais
d'un problème qui concerne tout le corps politique
qui ne peut être résolu que par des arrangements
modernes qui garantissent les droits sur la base
qu'ils sont inaliénables et qu'ils appartiennent à
tous du fait que tous sont des êtres humains.
Notes
1. La source principale de
cet article est « Mi'kmaq & First Nations
Timeline (75,000 BC – 2000 AD) : Eclipse
& Enlightenment », de Tony Seed et de
l'équipe de rédaction du périodique Shunpiking
Magazine, Halifax, 2000. Autre
source : Richard Sanders.
Contrairement à tous les récits européens
traditionnels de la « découverte » de
l'Amérique, qui plaçaient les Vikings en tête,
suivis de Colomb, des preuves anthropologiques
irréfutables situent les Africains dans les
Amériques depuis le IXe siècle. Bien avant
l'arrivée des Européens sur les côtes des
Amériques, ce qui indique que les Africains ont
déjà voyagé vers les Amériques, y compris le
Québec, et que les Mi'kmaq des Maritimes ont
atteint l'Europe et l'Afrique.
Dans un récit antérieur à la « découverte »
officielle de l'Amérique, « en 1398, le
prince Henry Sinclair, un Écossais, aurait atterri
à Cape Caruso, Guysborough, voyageant à Pictou et
Stellarton, resta avec les Mí'kmaq pendant un an,
construisit un navire puis retourna en Écosse.
L'histoire est contestée, mais, selon Kerry
Prosper d'Afton, des motifs des Mi'kmaq de cette
époque sont clairement évidents aujourd'hui dans
le domaine Sinclair en Écosse qu'il avait visité.
L'extrait suivant de Un passé, un avenir,
le premier volume du rapport de la Commission
royale sur les peuples autochtones, publié en
octobre 1996, reflète le récit européen
traditionnel de la découverte :
« Les premiers contacts entre les peuples
autochtones et les Européens furent sporadiques et
remontent apparemment à un millier d'années
environ, à l'époque où des Vikings venus d'Islande
et du Groenland auraient atteint les côtes de
l'Amérique du Nord. Des vestiges archéologiques
attestent d'un peuplement à L'Anse-aux-Meadows sur
la péninsule nord de ce qui est maintenant
Terre-Neuve. Les sagas scandinaves contiennent de
nombreux récits de ces premières expéditions et
d'incursions sur la côte du Labrador. Mention y
est faite de contacts avec les indigènes qui
étaient vraisemblablement les Béothuks, sur l'île
de Terre-Neuve, et les Innus, sur la côte du
Labrador.
« Ces premières expéditions maritimes vikings se
seraient poursuivies jusque dans les années 1340
et les navigateurs auraient atteint des régions
arctiques comme Ellesmere et l'île de Baffin où
ils auraient rencontré des Inuits. Les légendes
inuites semblent confirmer les sagas scandinaves
sur ce point. Les fondateurs du village de
L'Anse-aux-Meadows étaient des agriculteurs, mais
leur première activité économique semble avoir été
l'exportation de bois au Groenland ainsi que la
traite des fourrures. Les conflits avec les
Autochtones auraient commencé peu après la
création de la colonie. Les Vikings semblent donc,
quelques années à peine après leur arrivée, avoir
abandonné le village et avec lui, la première
expérience coloniale européenne en Amérique du
Nord.
« Par la suite, les contacts commerciaux se sont
poursuivis par intermittence avec d'autres
Européens, au fur et à mesure des arrivées de
navigateurs d'origine basque, anglaise, française
et autres, en quête de ressources naturelles comme
le bois, le poisson, les fourrures, les baleines,
le morse et l'ours polaire. »
2. Caboto est venu armé
d'hypothèses similaires à celles des colonialistes
espagnols plus au sud. Ainsi, les lettres patentes
délivrées à John Cabot par le roi Henri VII ont
donné à l'explorateur des instructions pour saisir
les terres et les centres de population des
territoires « nouvellement fondés » afin
d'empêcher d'autres nations européennes
concurrentes à faire de même :
« Et voulons que ledit Jean et ses fils, ou leur
héritiers et associés, soumettent, occupent et
possèdent toutes les dites villes, cités, châteaux
et isles par eux découvertes, comme nos vassaux et
lieutenans, nous réservant le domaine, la
souveraineté et la juridiction des mêmes villages,
villes, châteaux et terre ferme ainsi
découverte. »
L'historien Hans Koning fait remarquer :
« Dès le début, les Espagnols considéraient les
Amérindiens comme des esclaves naturels, des bêtes
de somme, une partie du butin. Quand les forcer à
travailler jusqu'à la mort était plus économique
que de les traiter avec un peu d'humanité, ils les
faisaient travailler jusqu'à ce que mort
s'ensuive.
« Les Anglais, d'autre part, considéraient les
peuples autochtones comme n'ayant aucune utilité
pour eux. Ils les considéraient comme des
adorateurs du diable, des sauvages qui ne
pouvaient être sauvés par l'église, et les
exterminer devenait de plus en plus une politique
acceptée. »
Hans Koning, « The Conquest of America : How
The Indian Nations Lost Their Continent », Monthly
Review Press, New York, 1993,
p. 46
3. Cité par J.A.
Williamson, The
Cabot Voyages and Bristol Discovery Under
Henry VII, 1962
4. Alors que le roi a donné
à Cabot « la pleine et libre autorité, permission
et puissance de naviger dans tous les pays,
contrées et mers d'orient, d'occident et du
nord » afin « de chercher, découvrir et
trouver quelques isles, contrées, régions ou
provinces que ce puisse être, appartenantes aux
Païens ou Infidèles, et dans quelque partie du
monde que ce soit », il y avait une mise en
garde importante, comme le souligne Richard
Sanders. La permission donnée à Cabot ne
s'appliquait qu'aux terres « jusqu'à présent
inconnues à tous les Chrétiens ». Avec cette
permission impériale de mener une guerre sans fin
de pillage contre les non-chrétiens, Cabot et «
ses fils, héritiers ou associés » ont acquis
le droit exclusif de régner en tant que « vassaux
et lieutenans » du roi. En échange, ils
étaient « tenus et obligés » de payer au roi
Henri « en argent ou en marchandises la cinquième
partie du profit entier de tous les fruits,
profits, gains et marchandises ». Le «
profit » était défini comme « tous les
fruits, profits, gains et marchandises ».
« John
Cabot and Britain's Fictitious Claim on
Canada : Finding our National Origins in a
Royal Licence to Conquer », Richard
Sanders, Press for Conversion !,
Magazine of the Coalition to Oppose the Arms
Trade, numéro 69
5. « Hoping Against
Hope ? The Struggle Against Colonialism in
Canada », une série de documentaires audio en
trois parties, les productions Praxis Media et
Nova Scotia Public Interest Research
Group, 2007.
6. « Sa vision (de Gilbert)
d'une gentilhommerie anglaise transplantée au
Nouveau Monde pour exploiter les vastes et
nouvelles terres américaines dans un décor féodal
n'était pas complètement dépourvue de sens
pratique (de fait, elle devait être réalisée plus
tard, dans une certaine mesure, au
Maryland) ; cependant, ses projets étaient
beaucoup trop ambitieux par rapport à ses
ressources et la façon dont il disposait de vastes
étendues de terre qu'il n'avait même jamais vues
dénote chez lui un certain manque de
scrupule. »
David B. Quinn, « Gilbert,
Sir Humphrey », dans le Dictionnaire
biographique du Canada, vol. 1,
University of Toronto/Université Laval, 2003,
accédé le 28 juin 2020.
7. Les visions
eurocentriques se sont développées avec l'essor de
la traite négrière. L'eurocentrisme est une
manifestation spécifique de l'ethnocentrisme.
L'ethnocentrisme c'est :
« (1) la croyance en la supériorité inhérente à
son propre groupe et à sa propre culture,
accompagnée d'un sentiment de mépris pour les
autres groupes et cultures ; (2) une tendance
à considérer les groupes ou cultures étrangers en
fonction de la sienne. »
La conception eurocentrique du monde considère
toutes les personnes d'ascendance africaine ou
autre comme des êtres sous-humains, sans histoire
ni pensée, destinés à la servitude. Avant
l'émergence de la traite négrière européenne, il
n'existait aucune idéologie raciste uniforme ou
universelle.
8. Vancouver Province,
le 25 juin 1997
9. « Labrador
protest : Royal visitors get mixed
reception », Michelle McAfee, Canadian
Press, Victoria Times-Colonist, p.
A10, 27 juin 1997
10. Letter
from Innu People to Queen Elizabeth II
11. «
In Memoriam -- Reginald Maloney: A Reflection by
Tony Seed », 6 décembre 2013
À titre
d'information
Pourquoi le Canada était appelé un «dominion»
Tonya Gonnella Frichner donne l'explication
suivante du mot dominion tel qu'il est utilisé
dans le nom donné au Canada lors de sa
constitution en 1867. Tonya était professeure
dans l'État de New York et également avocate et
activiste très respectée dont la vie universitaire
et professionnelle était consacrée à la poursuite
des droits humains pour les peuples autochtones.
L'explication est extraite de « Impact sur les
peuples autochtones du concept juridique
international connu sous le nom de Doctrine de la
découverte, qui a servi de fondement à la
violation de leurs droits humains », Forum
permanent des Nations unies sur les questions
autochtones, le 3 février 2010. Elle
explique :
L'idée de propriété du Vieux Monde était bien
exprimée par le mot latin dominium :
de dominus et par le sanskrit domanus
(celui qui soumet). Dominus porte le
même sens principal (celui qui a maîtrisé), et
prend naturellement un sens plus large pour
signifier « maître, possesseur, seigneur,
propriétaire, propriétaire ».
Dominium tire du mot dominus la
signification de « la propriété absolue »
avec une signification juridique spéciale de «
propriété, droit de propriété ». (Lewis et
Short, A Latin Dictionary, 1969)
Dominatio prolonge le sens du mot pour
en faire « règne, dominium » et ... « avec
une signification secondaire odieuse, celle du
pouvoir illimité, du dominium absolu, de la
seigneurie, de la tyrannie, du
despotisme. » Le pouvoir politique issu de
la propriété - le dominium - était en fait la
domination. (William Brandon, New Worlds for
Old, 1986, p.121)
Les réclamations et les affirmations des États
de « domination » et de « souveraineté
sur » les peuples autochtones et leurs
terres, territoires et ressources remontent à
ces significations désastreuses transmises
depuis l'époque de l'empire romain et à une
histoire de déshumanisation des peuples
autochtones. C'est à l'origine des problèmes des
droits humains des peuples autochtones
aujourd'hui.
Les Lettres patentes accordées à Jean Cabot
et la prérogative royale
Voici un extrait des Lettres patentes du
roi Henri V11 accordée le 5 mars 1498 à
Jean Cabot et ses trois fils, Louis, Sébastian et
Sancius, pour la découverte des terres nouvelles
et inconnues. Les lettres patentes et autres
instructions données aux voyageurs vers le «
nouveau monde » illustrent comment la
Grande-Bretagne et la France avaient initialement
des plans ambitieux pour des aventures
impérialistes en Amérique du Nord qui tenaient peu
compte des droits des peuples autochtones.
Les lettres patentes à Jean Cabot
|
« Henri, par la grâce de Dieu, roi d'Angleterre
et de France, et seigneur d'Irlande : à tous
ceux qui ces présentes Lettres verront, Salut.
« Sçavoir faisons que nous avons donné et
accordé, et par ces présentes donnons et
accordons, pour nous et nos successeurs, à notre
bien-aimé Jean Cabot, citoyen de Venise, à Louis,
Sébastien et Santius, fils dudit Jean, et à leurs
héritiers et associés, et à chacun d'eux, pleine
et libre autorité, permission et puissance de
naviguer dans tous les pays, contrées et mers
d'orient, d'occident et du nord, sous nos
bannières et drapeaux, avec cinq vaisseaux de
quelque charge et grandeur qu'ils puissent être,
et de prendre dans les dits vaisseaux autant
d'hommes et de matelots qu'ils jugeront à propos,
à leurs propres frais et dépens ; de
chercher, découvrir et trouver quelques isles,
contrées. régions ou provinces que ce puisse être
appartenant aux Païens ou Infidèles, et dans
quelque partie du monde que ce soit, jusqu'à
présent inconnue à tous les Chrétiens : Nous
leur avons permis à eux, leurs héritiers et
associés, et à chacun d'eux, et leur avons donné
pouvoir d'arborer nos drapeaux et pavillons dans
tous les villages, villes, châteaux, isles ou
terre ferme qu'ils auront nouvellement
découverts ; et voulons que le dit Jean et
ses fils, ou leurs héritiers et associés,
soumettent, occupent et possèdent toutes les dites
villes, cités, châteaux et isles par eux
découvertes, comme nos vassaux et lieutenants,
nous réservant le domaine, la souveraineté et la
juridiction des mêmes villages, villes, châteaux
et terre ferme ainsi découverte ; à condition
cependant que ledit Jean et ses fils, et héritiers
et leurs députés seront tenus et obligés de nous
payer en argent ou en marchandises, la cinquième
partie du profit entier de tous les fruits,
profits, gains et marchandises qui proviendront de
cette navigation pour chacun de leurs voyages,
toutes les fois qu'ils arriveront dans notre port
de Bristol (où ils seront obligés de débarquer et
non ailleurs), déduction préalablement faite de
toutes les dépenses ; leur accordons à eux et
à leurs héritiers et associés que toutes terres
fermes, isles, villages, villes, châteaux, et
places quelles qu'elles puissent être, qu'ils
auront le bonheur de découvrir, ne pourront être
fréquentées et visitées par aucun de nos sujets
sans la volonté dudit Jean et de ses fils et leurs
associés, sous peine de confiscation tant des
vaisseaux que de toutes et chacunes des
marchandises de tous ceux qui auront la témérité
de naviguer dans tous les lieux ainsi découverts.
[...] En témoignage de quoi nous leur avons
délivré les présentes, sous notre propre sceau, à
Westminster, le 5 mars de la onzième année de
notre règne. »
Dans le contexte européen, tous les droits
appartenaient au roi de par le droit divin, lequel
régnait en collaboration avec l'Église.
En 1215, la Magna Carta (la Grande
Charte) est signée par laquelle la noblesse
féodale oblige le roi à lui céder certains de ses
droits. Le roi ou la reine a émis des chartes
royales sous l'autorité de la prérogative royale
qui continue à ce jour dans le système
parlementaire non représentatif de Westminster
imposé au Canada en 1867. Les chartes sont
des documents juridiques qui décrètent les
concessions, en particulier les concessions de
terres, par le souverain à ses sujets.
Le pouvoir et l'autorité du roi et de la reine
sont presque absolus, comme le montre le
commentaire suivant sur les lois de l'Angleterre
par William Blackstone :
« Et, premièrement, la loi accorde au roi
l'attribut de souveraineté, ou de prééminence. On
dit qu'il a la dignité impériale, et dans les
chartes avant la conquête est souvent appelé
basileus et imperator, les titres respectivement
assumés par les empereurs d'Orient et d'Occident.
Son royaume est déclaré être un empire, et sa
couronne impériale, par de nombreux actes du
Parlement, en particulier les statuts 24 Hen.
VIII. c. 12. et 25 poule. VIII.
c. 28 ; qui, en même temps, déclarent
que le roi est le chef suprême du royaume en
matière civile et ecclésiastique, et par
conséquent inférieur à aucun homme sur terre,
dépendant d'aucun homme, responsable devant aucun
homme. »
Entre 1754 et 1763, les généraux
britanniques ont ensuite monopolisé le pouvoir
entre leurs mains par les conquêtes faites au nom
de la couronne.
Par une série d'actes, les Britanniques ont
modifié la Prérogative royale pour inclure une
nouvelle base qui rend légitime l'assujettissement
des peuples autochtones et inclure dans la sphère
du pouvoir politique les hommes des classes
possédantes dont le pouvoir était absolu. La Proclamation
royale de 1763, l'un des décrets
coloniaux les plus importants émis après la
cession par la France du Canada aux Britanniques
(Traité de Paris qui a scellé la guerre de Sept
Ans), interdisait explicitement l'octroi « selon
toute prétention quelle qu'elle soit » de
n'importe quelle terre qui « n'a pas été cédée ou
achetée par nous » des peuples
autochtones :
« Attendu qu'il est juste, raisonnable et
essentiel pour Notre intérêt et la sécurité de Nos
colonies de prendre des mesures pour assurer aux
nations ou tribus sauvages qui sont en relations
avec Nous et qui vivent sous Notre protection, la
possession entière et paisible des parties de Nos
possessions et territoires qui ont été ni
concédées ni achetées et ont été réservées pour
ces tribus ou quelques-unes d'entre elles comme
territoires de chasse [...]. »
Elle interdit ensuite tout achat privé et
prescrit la procédure par laquelle la Couronne
acquiert les terres ainsi réservées et le moment
où elles sont nécessaires à la colonisation.
Hardial Bains écrit dans Pour faire face à
l'avenir[1],
publié dans le cadre de la campagne pour
défaire l'Accord de Charlottetown de 1992 :
« La Proclamation royale du 7
octobre 1763 plaçait le pouvoir politique
entre les mains d'un Conseil exécutif composé d'un
gouverneur et d'un Conseil nommé par le Colonial
Office à Londres. C'était un pouvoir
administré directement sous l'autorité souveraine
du roi d'Angleterre qui se faisait conseiller par
le parlement anglais du dix-huitième siècle. La
proclamation prévoyait la formation d'une
assemblée populaire 'dès que les conditions le
permettront'.
En 1767, toute l'Île-du-Prince-Édouard a été
accordée en l'espace d'un jour par décret royal à
quelques douzaines de « grands
propriétaires ».
« L'Acte de Québec fut abrogé et
remplacé par l'Acte constitutionnel de 1791.
Cet acte divisait le Québec en Haut-Canada et
Bas-Canada et attribuait l'autorité législative au
gouverneur ou lieutenant-gouverneur qui était
conseillé par le Conseil législatif et l'assemblée
dans chacune des deux colonies. Le Conseil
législatif était nommé par le gouverneur avec sept
représentants du Haut-Canada et dix-neuf du
Bas-Canada. Les membres du Conseil étaient nommés
à vie. Le président d'assemblée était aussi nommé
par le gouverneur. En plus du Conseil législatif,
la couronne introduisit une forme de processus
électoral divisant les colonies en districts
électoraux chargés d'élire 16 membres à
l'Assemblée du Haut-Canada et 50 à
l'Assemblée du Bas-Canada, avec une stipulation
introduisant le système censitaire par lequel les
électeurs et les élus devaient être des hommes et
possédants. Ces assemblées se réunissaient une
fois par année et étaient élues pour quatre ans.
Le gouverneur avait le pouvoir de les révoquer.
Une loi adoptée par l'assemblée législative et le
Conseil législatif nommé pouvait être rejetée par
le gouverneur ou ce dernier pouvait laisser la
Couronne en décider. Une loi entérinée par le
gouverneur pouvait être révoquée par le parlement
anglais durant les deux années suivant son
adoption. Le gouverneur et le Conseil exécutif
étaient constitués d'une Cour d'appel, ayant le
droit d'en appeler au Privy Council de Londres en
dernier recours. »
En 1967, la Confédération telle qu'elle est
apparue n'a pas fourni une conception moderne
de la démocratie qui met fin à l'esclavage. La
Confédération n'a pas été négociée sur la base
d'une union libre et volontaire avec les peuples
autochtones, ni soumise à l'approbation ou au
rejet de la population des Canadas dans un vote
démocratique dans aucune des colonies, à
l'exception du Nouveau-Brunswick où elle a été
défaite. Mis en vigueur en 1867, l'Acte
de l'Amérique du Nord britannique - en
termes modernes appelés Loi constitutionnelle
de 1867 - a mis en place un gouvernement
central qui préserve la souveraineté de la Reine.
La concentration du pouvoir exécutif, par la
conquête, se perpétue jusqu'au XXIe siècle sous la
forme du fédéralisme exécutif et de la démocratie
parlementaire de Westminster. Le Dominion du
Canada était le nom couramment utilisé jusque vers
la Deuxième Guerre mondiale. Invoquant la
providence du Dieu biblique des Israélites, l'État
néocolonial s'est inspiré de l'Ancien Testament et
du psaume pour le roi Salomon (Psaume
LXXIL) : « Sa domination s'étendra d'une mer
à une autre, et depuis le fleuve jusqu'aux
extrémités de la terre. »
La Charte royale de la Compagnie de la Baie
d'Hudson
Le 2 mai 1670, Charles II accordait une
charte royale à la Compagnie de la baie d'Hudson
(CBH) dirigée par son cousin le prince Rupert du
Rhin et la Compagnie des aventuriers d'Angleterre,
dans laquelle on peut lire que « le Gouverneur et
la Compagnie des aventuriers d'Angleterre faisant
le commerce dans la baie d'Hudson auront quant à
eux le droit légal d'utiliser un sceau commun pour
toutes les affaires d'ordre commercial et
juridique qui seraient portées à l'attention d'un
représentant officiel de tout tribunal. Ils ont
aussi le droit de modifier le sceau de la
Compagnie en tout temps.
« Afin de soutenir leurs activités d'exploration,
les membres de l'expédition ont demandé
qu'eux-mêmes et leurs successeurs soient investis
du droit exclusif de faire le commerce dans toutes
les eaux (mers, détroits, baies, rivières, lacs,
anses et ruisseaux) et sous toutes les latitudes
où ils font de l'exploration dans la zone d'accès
au détroit d'Hudson, ainsi que sur toutes les
terres et dans tous les pays et territoires, tant
sur la côte que dans les limites de toutes les
eaux de la région n'appartenant pas actuellement à
nos sujets ou aux sujets de tout autre prince ou
État chrétien. »
La Charte accordait à une entreprise le monopole
du commerce dans la baie et la propriété de toutes
les terres drainées par les rivières se déversant
dans la baie. La CBH a établi une présence
coloniale anglaise dans le Nord-Ouest et une route
pour concurrencer la France dans la traite des
fourrures. De nombreuses contestations
infructueuses sont apparues face à la légitimité
et l'exactitude de la concession de terres.
La Compagnie de la baie d'Hudson, la Canadian
Land Company et la British American Land Company
comptaient toutes des propriétaires britanniques
d'esclaves au sein de leur conseil
d'administration. Une grande partie des profits de
Barings, qui s'est enrichie de l'esclavage et de
la Loi sur l'abolition de l'esclavage de 1833,
ont
été réexportés pour financer la confédération
néocoloniale du Canada créée en 1867 et
l'expansion ferroviaire et territoriale des États
coloniaux américain et canadien durant les
années 1800[2].
La traite des esclaves a constitué la base de la
richesse de nombreuses familles dominantes de
l'aristocratie, parmi lesquelles le « père de la
Confédération », Sir John A. Macdonald, qui
avait un lien familial personnel direct avec
l'esclavage. MacDonald était d'ailleurs lui-même
un ardent architecte du génocide[3].
La richesse amassée par la Banque de
Nouvelle-Écosse et la Banque Royale - toutes deux
fondées à Halifax - provenait à l'origine de
l'important commerce des produits de la pêche de
l'Atlantique pour fournir des protéines aux
plantations d'esclaves (le commerce triangulaire)
dans les Caraïbes, ainsi que de la construction de
navires négriers - euphémiquement décrits par les
historiens comme « le commerce des Antilles »
- et plus tard dans le commerce du sucre, du rhum
et du café, l'exploitation des chemins de fer, le
transport maritime, l'électricité, la bauxite et
d'autres ressources minières, ainsi que les
aventures militaires. Les propriétaires d'esclaves
basés à Londres ont joué un rôle important dans la
colonisation, l'exploitation et l'expansion du
Canada jusqu'aux années 1800.
La famille royale
Henry VII, le bienfaiteur royal de Giovanni
Caboto, en 1497 - l'année de la première
expédition de Cabot - a écrasé la deuxième
rébellion des Cornouailles, tuant 2000
personnes et vendant des milliers de rebelles
capturés en esclavage.
Plus tard, de l'esclavage et de la déportation
des Irlandais vers les colonies britanniques des
Antilles à l'enlèvement des Africains, la Couronne
britannique a tiré une grande partie de ses vastes
richesses personnelles de l traite des esclaves.
Dans The Open Veins of Latin America,
Eduardo Galeano décrit comment la reine Elizabeth
I d'Angleterre (1558-1603) est devenue
en 1562 une partenaire commerciale du pirate
anglais, le capitaine John Hawkins, « le père
anglais de la traite négrière »[4].
La participation officielle des Anglais à la
traite des esclaves africains a commencé cette
année-là et les Noirs ont été expulsés
d'Angleterre par la loi de 1596 d'Élizabeth
I.
La reine Elizabeth I du Conseil privé a émis des
lettres aux maires de seigneur des grandes villes
affirmant que « des plongeurs fin blackmoores a
dans ce domaine, de quel type de gens là - bas
sont déjà ici pour Manie ... Le plaisir de Sa
Majesté est donc que ces types de personnes soient
envoyées au pays. »
En conséquence, un groupe d'esclaves a été arrêté
et remis à un marchand d'esclaves allemand, Caspar
van Senden, en « paiement » des fonctions
qu'il avait exercées.
En 1632, le roi Charles Ier accorda un
permis pour transporter des esclaves de Guinée
d'où dérive le nom de la pièce de monnaie du
royaume - la guinée. Charles II était actionnaire
de la Compagnie royale d'Afrique qui soutirait de
vastes profits de la traite négrière, payant des
dividendes de 300 %, bien que
seulement 46 000 des 70 000
esclaves expédiés entre 1680 et 1688 aient
survécu à la traversée. Son gouverneur et
principal actionnaire, James, duc de York, a fait
tatouer les initiales « DY » sur la fesse ou
la poitrine gauche de chacun des 3 000
Noirs que son entreprise a emmenés chaque année
dans les « îles du sucre ». La princesse
Henrietta (« Minette »), soeur du roi, avait
également des parts. Dans la compagnie qui l'a
précédé, Royal Adventurers into Africa
(1660-1672), les actionnaires comprenaient quatre
membres de la famille royale, deux ducs, un
marquis, cinq comtes, quatre barons, sept
chevaliers et le « philosophe de la liberté »
John Locke[5].
De son côté, la famille royale ne s'est jamais
excusée pour son rôle intime dans la traite des
esclaves de l'Atlantique et le génocide des
peuples autochtones, ni a-t-elle été contrainte de
payer un seul centime en réparations.
Notes
1. Hardial Bains, Pour
faire face à l'avenir, MELS, 1992, p.
13
2. Barings, bastion du
capital financier britannique, était l'agent
financier du Canada à Londres. La banque Barings
était à l'origine de l'union forcée des Canadas
en 1841. R.T. Naylor a remarqué que Baring
Brothers étaient les vrais Pères de la
Confédération. Il a agi à titre d'agent financier
exclusif pour la Nouvelle-Écosse et le
Nouveau-Brunswick ainsi que pour le Haut-Canada
avec George Carr Glyn, un gros investisseur dans
les colonies. Au cours du dernier quart du XIXe
siècle, Baring Brothers finançait un quart de la
construction de tous les chemins de fer américains
ainsi que les chemins de fer Intercolonial, Grand
Trunk et Canadian Pacific au Canada. Une ville
ferroviaire de la Colombie-Britannique a été
rebaptisée Revelstoke en l'honneur du principal
partenaire de la banque, Edward Baring, 1er
baron Revelstoke, commémorant son rôle dans
l'obtention du financement nécessaire à
l'achèvement du chemin de fer Canadien Pacifique.
Certaines informations sur Barings et les
sociétés foncières sont tirées des ouvrages
suivants : Dr Laurence Brown, The
esclavery connections of Northington Grange,
Université de Manchester, 2010 ; Peter
Austin, Baring Brothers and the birth of
Modern Finance, Londres, Pickering &
Chatto, 2007, p. 63 ; et Nicholas
Draper et al, Legacies of British
Slave-owner : Colonial Slavery and the
Formation of Victorian Britain, Cambridge
University Press, 2014. Draper et d'autres
ont créé à l'University College de Londres un
centre de recherche pour l'étude de l'héritage des
possessions britanniques d'esclaves. De plus
amples informations sur leur travail et des liens
vers une base de données des indemnités versées
lors de l'abolition aux anciens propriétaires
d'esclaves sont disponibles sur [LINK
to :https ://www.ucl.ac.uk/lbs/project/project].
3. Le beau-père de
Macdonald, Thomas James Bernard, possédait une
plantation de canne à sucre près de Montego Bay en
Jamaïque, avec 96 esclaves africains. Il
reçut 1 723 livres sterling d'«
indemnisation » du gouvernement britannique
en vertu de la Loi sur l'abolition de
l'esclavage de mars 1833, une somme
considérable sachant que le salaire annuel d'un
travailleur qualifié en Grande-Bretagne à l'époque
était d'environ 60 livres sterling. Macdonald
a épousé en 1867 la fille de Bernard,
Agnès, 1re baronne Macdonald d'Earnscliffe.
Macdonald a dû démissionner en 1873 lorsque
le scandale du Canadien Pacifique a révélé qu'il
avait reçu du propriétaire du chemin de fer
Canadien Pacifique des dons pour sa campagne
électorale. Voir aussi « Le
règne de terreur de Sir John A. MacDonald »,
Tony Seed, LML, le 3
octobre 2017.
4. La première expédition
d'esclaves menée en 1562 par Hawkins a été
faite avec une flotte de trois navires et 100
hommes. Il a fait sortir clandestinement 300
Noirs de la Guinée portugaise « en partie par
l'épée, en partie par d'autres moyens ». Un
an après avoir quitté l'Angleterre, Hawkins est
retourné en Angleterre « avec succès et beaucoup
de gains pour lui-même et les aventuriers qui
l'ont suivi ». La reine Élisabeth était
furieuse : « C'était détestable et j'en
appellerai à la vengeance du ciel sur les
acteurs », se serait-elle écriée. Mais
Hawkins lui a dit qu'en échange des esclaves, il
avait une cargaison de sucre, de peaux, de perles
et de gingembre des Caraïbes, et « elle a pardonné
le pirate et est devenue son partenaire
commercial ».
Élisabeth I l'a soutenu en lui prêtant pour une
deuxième expédition, sur le Jesus of Lubeck,
un navire de 700 tonnes acheté pour Henri
VIII pour la marine royale.
Eduardo Galeano, Open Veins of Latin
America : Five Centuries of the Pillage of
a Continent, traduit par Cedric Belfrage,
New York, Monthly Review Press, 1997.
p.80 ; James Walvin, Black Ivory :
Slavery in the British Empire, Londres,
Harper Collins, 1992, p. 25.
5. L'idée de l'infériorité
intrinsèque des non-Européens est notable dans
l'ouvrage de John Locke Essai sur
l'entendement humaine (1690)
PDF
Lisez Le
Marxiste-Léniniste
Site web: www.pccml.ca Courriel:
redaction@cpcml.ca
|