À quoi s'attendre dans le discours du Trône

Quelles sont les spéculations?

Il y a beaucoup de spéculations sur ce que contiendra le discours Trône du 23 septembre. Les libéraux consultent « tous les partenaires[1] », des lobbyistes aux banquiers, des représentants des grandes entreprises et des chambres de commerce aux chefs des grands syndicats dans leur giron. Les médias rapportent qu'en fin de compte, lorsqu'il sera mis en oeuvre, le « nouveau plan » du gouvernement « s'articulera autour de trois principaux axes : des mesures supplémentaires pour freiner la propagation de la COVID-19 et éviter un autre confinement à l'échelle nationale ; des mesures pour aider les Canadiens à rester à flot pendant que la pandémie continue de sévir ; et des mesures à plus long terme pour rebâtir l'économie[2] ».

Des « personnes proches du Parti libéral » ont confié à Reuters la semaine dernière que le gouvernement a fait connaître certaines de ses priorités aux lobbyistes. Ainsi, écrit Samantha Wright Allen dans le Hill Times « la plupart devraient déjà avoir une assez bonne idée de ce que sont les thèmes majeurs, comme l'écologisation de l'économie, les dépenses d'infrastructure, la réforme des services de garde d'enfants, les soins de santé (y compris les centres de soins de longue durée et l'assurance-médicaments) et la récession ‘féminine', qui fait référence au fait que la pandémie a particulièrement affecté les emplois des femmes. Le discours du Trône devrait comprendre des réformes majeures du système de sécurité sociale et un effort plus concerté pour lutter contre les changements climatiques[3]. »

Aux dires de tous, Trudeau et sa ministre des Finances Chrystia Freeland sont hantés par les inégalités d'une part et par la détermination des Canadiens à affirmer leur droit de décider d'autre part. Part une arrogance sans pareil, ils prétendent pouvoir renverser la tendance à l'enrichissement des riches et à l'appauvrissement des pauvres en créant une classe de décideurs d'élite – une « ploutocratie sociale » – constituée de bien-pensants qui savent favoriser la « classe moyenne » et qui savent mieux que quiconque ce qui est bon pour tout le monde. Quiconque ne souscrit pas à cette « défense de la classe moyenne » est dénoncé comme un dangereux extrémiste de « gauche » ou de « droite » devant être soumis à la mort civile.

La journaliste du Hill Times écrit : « Chrystia Freeland peut être une meilleure figure de proue pour un gouvernement axé sur la lutte aux inégalités que Bill Morneau, qui a été un riche dirigeant d'entreprise dont l'épouse fait partie de la famille qui contrôle l'empire canadien de 10 milliards de dollars McCain Foods Ltd.

« 'Nous vivons à une époque d'inégalités croissantes de revenus, en particulier entre ceux qui sont au sommet et tout le reste', a dit Chrystia Freeland dans un discours en 2013, environ cinq mois avant de remporter un siège à la Chambre des communes pour le Parti de Trudeau, qui était alors dans l'opposition.

« Freeland, bien que n'étant pas ultra-riche, fait partie de cette même élite globe-trotteuse depuis sa carrière en tant que rédactrice au service de presse Reuters et au Financial Times. »[4]

Le slogan que Trudeau répète selon le nouveau plan de match dressé par les oligarques financiers est « Rebâtir mieux » (« Build Back Better »), qui est également le slogan de campagne de Joe Biden, candidat à l'élection présidentielle aux États-Unis. En mettant l'accent sur des investissements massifs pour une « reprise verte », on prétend donner un nouveau souffle au capitalisme sans pour autant ni régler ni même aborder aucun des problèmes réels de l'économie ou la cause première des inégalités, qui est l'exploitation toujours plus grande de la classe ouvrière et l'oppression des peuples autochtones, des femmes, des plus vulnérables et des peuples du monde. C'est en fait ce que professent les libéraux de Trudeau depuis leur arrivée au pouvoir en 2015, lorsqu'ils ont battu le NPD au dernier tournant de la campagne électorale avec une annonce surprise de dépenses déficitaires délibérées, souvent appelées « politique économique expansionniste ».

La « politique économique expansionniste » consisterait à créer une expansion de la production de biens et de services par des dépenses massives de l'État pour stimuler la demande et faciliter l'investissement. Ses partisans disent qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter du remboursement des prêts massifs de l'État puisque l'économie finit par tout régler d'elle-même. C'est une autre façon de dire que les stratagèmes pour payer les riches sont la solution à tous les problèmes. C'est de la désinformation pour éclipser le besoin de discuter de ces choses. Même Trump aurait suivi une « politique économique expansionniste » et tous, que ce soit de la « gauche » ou de la « droite », nient que les résultats que nous avons aujourd'hui sont dus à ces politiques de payer les riches[5].

La réponse politique appropriée au programme de payer les riches est : Non à la destruction nationale ! Arrêtez de payer les riches ; augmentez les investissements dans les programmes sociaux ![6]

Notes

1. « Qu'est-ce que la 'société de partenaires' ? », LML, 7 avril 2016

2. « Trudeau amorce les consultations avec l'opposition », Presse canadienne, 17 septembre 2020

3. « Lobbyists eye ‘high stakes' throne speech as opportunity for client interests in Liberal reset », Samantha Wright Allen, Hill Times, 26 août 2020

4. Ibid.

5. Dans un article paru dans The Economist en avril, Mark Carney, ancien gouverneur de la Banque du Canada et, jusqu'à récemment, de la Banque d'Angleterre, exposait son point de vue sur l'économie post-COVID – surtout, sur le potentiel de réduction de l'écart entre les valeurs du marché et les valeurs des citoyens.

La crise accélérera la fragmentation de l'économie mondiale avec des déplacements limités jusqu'à ce qu'un vaccin soit trouvé et appliqué, écrit Carney. La dette inhibera la capacité de croissance des entreprises et le dynamisme privé pourrait être restreint par une relation trop profonde avec l'État. La COVID a renforcé la leçon de la crise financière de 2008 qui dit qu'il faut valoriser la résilience. Il y aura des conséquences durables pour les secteurs qui dépendent de l'emprunt agressif des ménages ou d'un marché immobilier en plein essor.

Carney conclut que nous sommes passés d'une économie de marché à une société de marché, où un actif doit se trouver sur un marché pour être valorisé (par exemple, Amazon, l'entreprise a une valeur ; Amazonie, la région, n'en a pas tant qu'elle ne sera pas exploitée).

« Le prix de tout devient la valeur de tout. La crise pourrait aider à inverser cette relation », écrit Carney, qui cite les changements climatiques comme le plus grand test de cette nouvelle hiérarchie de valeurs.

6. Voir également « À quoi s'attendre du discours du Trône : Les stratagèmes pour payer les riches en empruntant l'argent à des sources privées », LML 12 septembre 2020.


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 59 - 19 septembre 2020

Lien de l'article:
À quoi s'attendre dans le discours du Trône: Quelles sont les spéculations? - Pauline Easton


    

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