Numéro 50 - 7 avril 2016
Forum canadien du dialogue ouvert 2016
La tentative du gouvernement de
ressusciter la «Troisième voie»
discréditée expose l'étendue
de sa banqueroute
- Pauline Easton et Sam Heaton -
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Forum
canadien
du
dialogue
ouvert
2016
• La tentative du gouvernement de ressusciter
la «Troisième voie» discréditée expose
l'étendue de sa banqueroute - Pauline Easton et Sam
Heaton
À titre
d'information
• Qu'est-ce
que la «société de partenaires»? -
TML Weekly, 1997
• Nudge:
La
méthode
douce pour inspirer
la bonne décision, de Richard Thaler et Cass Sunstein
-
Compte-rendu de Kevan Hunter
Forum canadien du dialogue
ouvert 2016
La tentative du gouvernement de ressusciter la
«Troisième voie» discréditée expose
l'étendue de sa banqueroute
- Pauline Easton et Sam Heaton -
Le Forum canadien du dialogue ouvert 2016 s'est
tenu à Ottawa le 31 mars et le 1er avril. Il a
été organisé par le groupe de réflexion
néolibéral Canada 2020 et la firme- conseil
PubliVate. L'orateur principal était le président du
Conseil du Trésor Scott Brison. Parmi les autres orateurs, on
comptait la ministre
fédérale des Services publics et de l'Approvisionnement,
Judy Foote, la première ministre de l'Ontario, Kathleen Wynne,
la vice-première ministre de l'Ontario, Deb Matthews, l'ancien
greffier du Conseil Privé Wayne Wouters et des
représentants de monopoles de la technologie et de groupes de
réflexion.[1] Les
médias ont rapporté que le forum a
reçu 22 100 $ de financement du gouvernement
fédéral par le biais du Conseil du Trésor et un
autre 25 000 $ de la part du Conseil du Trésor de
l'Ontario. Le prix d'entrée était de 795 $ par
personne.
L'objectif déclaré de la
conférence était de « rassembler les
décideurs dans une démocratie et un dialogue ouverts afin
de partager leurs expériences et de tracer la voie vers une
dynamique engageante entre les citoyens et le
gouvernement ». Le dialogue ouvert est censé «
[transformer] la façon dont on fait de la politique au 21e
siècle ». Il fait partie d'un ensemble plus vaste
appelé gouvernement ouvert. Les théoriciens du
gouvernement ouvert disent que le gouvernement qui le représente
le mieux est le gouvernement conservateur du Royaume-Uni et que le
Canada devrait suivre ce modèle. L'adoption enthousiaste par le
gouvernement du dialogue ouvert et du
gouvernement ouvert montre qu'il va s'appuyer fortement sur ces
méthodes pour donner un air de légitimité à
ses décisions et à ses politiques.
Le président du Conseil du
Trésor a tenté de masquer le fait que les gouvernements
essaient de tromper leurs citoyens avec un faux processus de
consultation en définissant le dialogue ouvert, dans son
discours au forum, comme « l'idée que les gouvernements
doivent faire confiance à leurs citoyens et les faire participer
à chaque étape du
processus d'élaboration des politiques publiques »,
ce qui « comporte le grand avantage de permettre à de
meilleures politiques de voir le jour et, en même temps,
d'obtenir davantage de soutien de la part du public ». Le
dialogue ouvert « permet au gouvernement de consulter des
spécialistes d'un domaine donné, des intervenants, des
parties intéressées et le public afin de cerner de
façon simultanée les problèmes et de trouver des
solutions. », a dit Brison. Si les citoyens «
comprennent pourquoi leur gouvernement adopte une ligne de conduite
donnée, s'ils ont été mis à contribution
dès le départ, s'ils ont accès à la
même information que le gouvernement, ils auront
beaucoup plus confiance dans les résultats », a-t-il
dit.
En fait, l'action du gouvernement consiste à
utiliser des méthodes de télémarketing où
les citoyens deviennent des « groupes de discussion »
pour faciliter la prise de contrôle des institutions publiques
par des intérêts privés. Les méthodes de
télémarketing n'ont rien en commun avec la façon
dont une autorité publique est censée établir
une opinion publique. L'établissement de l'opinion publique,
contrairement aux relations publiques, a comme objectif d'unir le corps
politique en mettant de l'avant des standards qui sont au service du
« bien public ». Ces standards créent une
attente, laquelle est connue du corps politique. Sur la base de cette
attente, des jugements peuvent
être rendus sous forme de décisions ou de politiques qui
sont conformes à cette attente. En général, le
public tend à considérer ces décisions comme
étant légitimes si elles sont conformes à ce que
les conditions demandent. Il s'ensuit que les mesures sont
acceptées et il en est de même pour l'autorité qui
prend ces mesures. Par contre, si les
politiques et les décisions sont considérées comme
étant contraires aux conditions ou reposant sur des mensonges,
alors c'est une toute autre histoire.
Il fut un temps où les débats sur les
projets de loi au Parlement, les reportages des médias, le
matériel de référence et les opinions des experts
formaient un processus qui renforçait le lien entre les citoyens
et leurs représentants élus et le gouvernement. Le
processus de création de l'opinion publique unissait le corps
politique, que les individus
aient été en faveur ou non des politiques ou de la loi.
Une fois que la loi était soumise au vote et adoptée
à majorité ou que des décisions étaient
annoncées par le Conseil des ministres, les gens étaient
connectés à la décision par le processus de la
gouvernance qui fournissait de l'information au lieu de faire de la
désinformation.
Aujourd'hui, plutôt qu'à la
création de l'opinion publique, on assiste à de la
désinformation dont font partie les relations publiques agissant
dans un motif intéressé. Par exemple, des mensonges sont
répandus par le biais des relations publiques agissant pour des
motifs intéressés, comme le gros mensonge à
l'effet que Saddam Hussein avait des
armes de destruction massive. Cela avait pour but de créer une
attente à l'effet qu'une invasion pour le renverser serait
légitime. C'est ce que les impérialistes
américains ont fait, sans y être autorisés par le
Conseil de sécurité des Nations unies. Ils ont
formé une « coalition de ceux qui veulent »
(« The Coalition of the willing ») et ont
fait reposer leur invasion sur la création d'une attente qui
était basée sur un mensonge. Depuis lors, ils ont
organisé des menaces terroristes et financé des groupes
terroristes et des actions individuelles afin de justifier leurs
agressions et leurs changements de régime à
l'étranger et faire accepter la création d'un État
policier au pays. Sur le front
intérieur, toutes sortes de mensonges sont répandus pour
créer une attente selon laquelle le programme
d'austérité imposé par le gouvernement est
légitime. En fait, ce programme vise à mettre plus de
fonds publics à la disposition des riches. La propagande
intéressée autour de ce programme n'a fait qu'approfondir
les crises de crédibilité et de
légitimité dans lesquelles ce qu'on appelle les
institutions démocratiques sont plongées.
La formulation de politiques et les décisions
qui
reposent sur des mensonges, qu'elles viennent des gouvernements ou des
tribunaux, ne seront jamais légitimes et ne feront
qu'approfondir la crise de crédibilité des institutions
dites démocratiques.
Brison a utilisé l'occasion du Forum du dialogue
ouvert pour annoncer le début de consultations sur «
l'élaboration d'une nouvelle stratégie sur le
gouvernement ouvert » et l'intention du gouvernement
d'obtenir des points de vue sur la meilleure façon
d'améliorer et de renforcer le cadre d'accès à
l'information du Canada. Il a annoncé
que les deux projets vont faire l'objet d'un examen complet et de
propositions de projets de loi par le gouvernement en 2018. Le
Forum a émis un communiqué plutôt obscur faisant
état de quatre « principes de base » du
dialogue ouvert dont la signification est camouflée par des
phrases-types de télémarketing : «
Reconnaître la
communauté » ; « Se concentrer sur
l'impact et les résultats » ; « Mettre
l'accent sur la transparence et la preuve tangible » et
« Miser sur l'information et la transformation ».
Une tentative de ressusciter la Troisième Voie
Même si on
présente le dialogue ouvert et le gouvernement ouvert comme
quelque chose d'excitant, il s'agit en fait d'un effort
pathétique de ressusciter la Troisième voie
néolibérale discréditée depuis longtemps et
mise de l'avant par des gens comme Tony Blair. Bill Clinton et d'autres
qui ont fait campagne dans les années 1990 sous
le slogan du « changement ». Les adeptes de cette
tendance se qualifient de « progressistes » afin de
masquer le fait qu'ils représentent le passé qui a
échoué et non l'avenir. Les promoteurs du retour de la
Troisième voie disent qu'il s'agit d'un mouvement «
progressiste » et même « mondial » et
« bi-partisan » ( ni
« de gauche » , ni de droite ») , ce qui
est un effort pathétique de détourner l'attention de la
crise profonde qui ronge le système de gouvernement de partis.
Ils essaient de tirer profit de la haine que le peuple éprouve
pour la concurrence sectaire pour le pouvoir qui a consumé les
partis cartels qui collaborent et se font concurrence pour
prendre le pouvoir. Afin de rétablir la « confiance du
public dans le gouvernement », le gouvernement propose un
mariage impossible entre la « justice sociale » et une
« économie de marché dynamique » qui va
amener une « prospérité
partagée ». Penser qu'on puisse marier les
intérêts monopolistes et le peuple c'est
manquer de sérieux. Les intérêts monopolistes se
sont déjà emparés des institutions publiques et
les ont réduites à leurs seuls pouvoirs policiers. Les
adeptes de la Troisième voie comme Blair au Royaume-Uni et Bill
Clinton aux États-Unis et maintenant les libéraux de
Justin Trudeau ne sont pas les champions de la cause du peuple mais de
celle de
faire des plus grands monopoles les vainqueurs sur les marchés
mondiaux et de faire de leur pays un « grand pays »
à nouveau.
Les mots néolibéraux en vogue comme
ouverture, transparence, imputabilité, engagement des
partenaires et flexibilité sont au service du renforcement du
privilège de classe et de la concentration plus poussée
du pouvoir économique et politique dans un plus petit nombre de
mains. Le résultat est l'aggravation de la crise qui ronge le
système
capitaliste et la destruction nationale qui l'accompagne.
L'essence liquidatrice du programme de la
Troisième voie a été exprimée la
première fois par Margaret Thatcher qui ne reconnaissait
même pas que la société est une
réalité objective. Elle a remplacé le concept de
société par celui de « valeurs
familiales ». Les adeptes de la Troisième voie ont
poursuivi dans cette voie avec leur
conception intéressée de la « société
des partenaires ». En dépit des grandes phrases sur
l'élimination du fossé entre les riches et les pauvres,
la croissance exponentielle des riches à un pôle et des
pauvres à l'autre sous les gouvernements de la «
Troisième voie » montre que la tendance à,
l'enrichissement des riches et à l'appauvrissement
des pauvres continue d'opérer et que leur tentative actuelle
d'étouffer la révolte des peuples est
désespérée.
Canada 2020, et son cousin américain, le
Center for American Progress, ont publié une série
d'essais en mars 2016 intitulés Progrès
mondial : des idées nouvelles pour l'avenir du mouvement
progressiste.[2] Le
président de Canada 2020 Tom Pitfield écrit dans sa
préface que la montée des libéraux de Justin
Trudeau au Canada signifie que « pour la première fois en
une génération, les Canadiens progressistes ont
l'occasion de diriger avec fierté le débat sur l'avenir
de notre mouvement mondial. C'est une occasion que nous, du
Canada 2020, allons saisir ». « Aujourd'hui, le
marché des idées
nouvelles est mondial », écrit Pitfield avec un
élan du coeur.[3]
Les idées de ces
gens « progressistes » sont de la camelote à
bon marché comme on peut en trouver dans les grands centres
d'escompte
des métropoles impérialistes.
Cette tentative de ressusciter la «
Troisième voie » discréditée est
à la fois pathétique et dangereuse. Elle est
pathétique parce que cette voie a lamentablement
échoué ; elle est dangereuse parce que les formes
nouvelles avec lesquelles le gouvernement déguise le pouvoir
policier font partie du plan pour réprimer les révoltes
au pays
au moment où la rivalité inter-impérialiste pour
la domination mondiale crée les conditions pour une nouvelle
guerre mondiale cataclysmique possiblement nucléaire.
Il n'y a pas de « Troisième
voie ». Il y a le programme de payer les riches et d'aller
en guerre, et il y a l'alternative d'ouvrir la voie au progrès
en investissant le peuple du pouvoir par le renouveau du pouvoir
politique et en apportant solution à la crise en faveur du
peuple. Notre sécurité n'est pas dans le pouvoir policier
que les
libéraux sont en train d'imposer. Notre sécurité
est dans la défense des droits de tous !
Notes
1. Le Forum canadien du dialogue
ouvert 2016 est une « initiative nouvelle qui fait partie
d'un projet de plusieurs années mené par Don Lenihan sur
le gouvernement ouvert et l'engagement ». Lenihan est
l'ancien chef de l' Équipe pour la participation au gouvernement
ouvert qui a produit un document intitulé Gouvernement
ouvert par défaut — La nouvelle voie
à suivre pour l'Ontario. Lenihan est aussi l'auteur
d'articles sur le gouvernement ouvert et le dialogue ouvert dont
certains écrits en collaboration avec Carolyn Bennett,
aujourd'hui ministre des Affaires autochtones et du Nord et Suzanne
Legault, la commissaire à l'information du
Canada.
Les participants au Forum comprenaient
différents représentants des gouvernements
libéraux fédéral, de l'Ontario et de
Colombie-Britannique ; des représentants de groupes de
réflexion néolibéraux et de l'ONG « Open
Government Partnership » ; des dirigeants d'entreprises
privées comme les monopoles de technologie
OpenText, Intuit et Facebook. Il a été parrainé
par la plupart de ces organisations et gouvernements de même que
par Rogers, Google et IBM.
Pour en savoir davantage au sujet du Forum du dialogue
ouvert, lire Le
Renouveau,
le 28 mars 2016 - No 10.
2. La brochure est une collection
d'essais d'anciennes vedettes comme Bill Clinton, Tony Blair et
d'autres anciens chefs d'État du Chili et du Danemark ; de
« leaders » d'Italie, des Pays-Bas et
d'Allemagne ; et de « leaders » des partis
travaillistes de Nouvelle-Zélande, d'Australie et de
Norvège, auxquels vient
de se joindre Justin Trudeau.
3. Canada 2020 se
décrit comme « le groupe de réflexion
indépendant et progressiste le plus avancé du
Canada ». Ses fondateurs sont Tim Barber, partenaire
fondateur de la firme de relations publiques Bluesky Strategy Group et
ancien membre du personnel du Bureau du Conseil privé et des
bureaux du vice-premier
ministre et du ministre du Commerce international ; Thomas
Pitfield, ancien conseiller principal du leader du gouvernement au
Sénat sous le dernier gouvernement libéral et ancien
spécialiste en gouvernance d'affaires chez IBM ; et Susan
Smith partenaire chez Bluesky Strategy Group et ancienne
conseillère d'un ministre des
Transports et d'un ministre du Développement des ressources
humaines.
Le Hill Times écrivait en 2013 que
Barber était « un des personnages les plus influents du
gouvernement et en politique », et que « il y a de
cela plusieurs années, il avait cofondé les soupers du
'Cathay Club' et les sessions annuelles 'Bluesky' au Lac Meech
où il réunissait les personnages les plus en vue d'Ottawa
pour
discuter d'importantes questions de politique publique. Il le fait
aujourd'hui formellement avec Canada 2010, sur une échelle
bien plus vaste, attirant des orateurs d'élite internationaux
à des événements à ne pas manquer à
guichet fermé. Canada 2010 a accès à des gens
auxquels les autres groupes de réflexion n'ont pas
accès ».
Thomas Pitfield, le président actuel de
Canada 2020, est « un ami d'enfance de Trudeau et le fils de
l'ancien mandarin de Pierre Trudeau, Michael Pitfield »,
écrit le Maclean's qui dit de lui qu'il fait partie du
« cercle intime » de Trudeau. Avant de devenir
président de Canada 2020, Pitfield a été le
stratège
numérique en chef de Trudeau pendant les élections
fédérales. La femme de Pitfield, Anna Gainey, est la
présidente du Parti libéral.
Les « conseillers internationaux » et
les « conseillers canadiens » de Canada 2020
comprennent plusieurs dirigeants d'entreprise. Canada 2020
écrit que son objectif est de « donner de l'information et
d'influencer le débat, d'identifier les solutions progressistes
en fait de politiques et d'aider à redéfinir le
gouvernement
fédéral d'un Canada moderne ». Il le fait en
« invitant des personnalités en position d'autorité
du Canada et de l'étranger, en générant une
pensée politique originale et en donnant la priorité
à la communication efficiente ».
Ses « partenaires » sont : Air
Canada, the Automotive Industries Association of Canada, Biotechnology
firm Amgen, the Canadian Association of Petroleum Producers, CIBC, CN,
Enbridge, Facebook, Google, General Electric, Huawei, la Banque
internationale de commerce, la firme-comptable KPMG, Manulife,
RioTinto, Suncor
Energy, Power Corporation, Pickworth Investments LP, the Pharmaceutical
Research and Manufacturers of America, la Banque TD et Telus.
À
titre
d'information
Qu'est-ce que la «société de
partenaires»?
- TML Weekly, 1997 -
Le capitalisme sur son déclin a donné
lieu à toutes sortes de thèses selon lesquelles il est un
système humain. Ces thèses font partie de l'effort pour
suggérer que le capitalisme est le système le plus
avancé que les êtres humains soient capables de
créer. Le seul problème est qu'il a certains
défauts. Avec ces thèses, on cherche à
complètement ignorer la question importante de qui est
responsable de problèmes appparemment insurmontables comme le
chômage,
l'insécurité d'emploi et la pauvreté ou la crise
du système d'éducation, de santé et de l'aide
sociale. Au lieu de traiter ces questions avec l'objectif de trouver
une solution à ces problèmes, on propose qu'une fois
ces plaies et ces faiblesses
surmontées, le capitalisme va devenir un système encore
plus humain qu'il ne l'est actuellement.
Selon ces idéologues de la bourgeoisie, les
problèmes qui existent au sein du système capitaliste
sont le résultat de mesures de politiques et non des
problèmes
fondamentaux du système lui- même. Le système
capitaliste n'est pas examiné de manière objective ;
il est examiné à partir des objectifs des capitalistes
qui
sont la force dominante dans la
société.
Ces opinions ignorent le fait que les
sociétés suivent leurs propres lois objectives de
développement et de déclin. Les problèmes
existent. Ils sont le résultat de l'intensification de la lutte
de classe et nous devrions tous travailler à résoudre ces
problèmes et ainsi ouvrir la voie au
progrès de la société. Or la bourgeoisie et le
parti au pouvoir
traitent de ces problèmes par le biais des tribunaux. Le
problème est criminalisé, la lutte du peuple et ses
opinions mises « hors-la-loi ». En même temps,
les partis de l'opposition accusent le parti au pouvoir de tous les
crimes. En agissant ainsi, ils ne cherchent pas à
résoudre les problèmes qui existent mais à se
mettre eux-mêmes au
pouvoir. C'est une tentative de détourner le peuple de la voie
de la solution des problèmes en l'amenant à dire que
c'est tel ou tel individu ou parti qui est la cause du problème.
Finalement, on met de l'avant la thèse de la «
société participative » pour enchaîner
le peuple à l'illusion qu'il a son mot à dire dans ce
système.
Selon ce matérialisme vulgaire, la
société n'est pas composée de classes mais de
« partenaires ». La force motrice du
développement n'est pas la lutte de classe mais la recherche
d'un « équilibre » entre ces «
partenaires » de diverses sortes. Au niveau de l'entreprise
ou de secteurs comme l'éducation ou la santé, tous les
êtres humains sont présentés comme des partenaires.
Les classes sociales s'estompent devant le caractère commun du
« partenariat ».
Le problème évidemment est que seule la
bourgeoisie a un intérêt dans le capitalisme mais
elle cherche avec ruse à convaincre la classe ouvrière et
le peuple qu'eux aussi y ont un intérêt. En fait le seul
intérêt qu'a la classe ouvrière en ce qui concerne
le système capitaliste c'est de le renverser et de construire le
socialisme. Il
importe peu à la classe ouvrière qu'il y ait des gens qui
ont un intérêt dans le maintien du capitalisme, comme les
détenteurs d'actions, les directions d'entreprises, certains
consommateurs et clients, différents fournisseurs, les
gouvernements, la grande entreprise et les gros bonnets syndicaux. Un
travailleur sait d'instinct que
tous ces gens ont un intérêt dans le système
capitaliste qu'ils cherchent à défendre. Selon la logique
que les idéologues de la bourgeoisie mettent de l'avant en ce
moment, toutes ces forces fusionnent et forment « l'unité
des partenaires ».
Un travailleur sait aussi d'instinct que ces «
partenaires » travaillent ensemble avec l'objectif de
créer des « valeurs » dans une entreprise qui
leur apporte des profits, alors que sur une plus grande échelle
ils travaillent à restructurer toute la société
pour qu'elle aide leurs grands stratagèmes pour devenir
concurrentiels sur le marché
mondial.
Les travailleurs sont censés oublier tout cela
bien qu'ils saisissent ces choses instinctivement. Au mépris de
toute logique, ils sont censés déclarer qu'ils sont
eux-mêmes des « partenaires » dans le
système capitaliste. Ce même système capitaliste
qui se développe par la destruction violente des forces
productives et a créé une armée
permanente toujours plus nombreuse de chômeurs et un nombre de
pauvres toujours plus élevé est maintenant censé
être pro-travailleur du simple fait que celui-ci est de venu un
« partenaire » du capitalisme ! Ils sont
supposés renier la lutte de classe et les antagonismes de
classe ; ils sont censés croire que tout va rentrer d'en
l'ordre une fois qu'on aura établi un «
équilibre » entre les différents «
partenaires ».
La bourgeoisie suit la même logique lorsqu'elle
essaie d'amener les enseignants, les parents et d'autres à se
déclarer des « partenaires » en ce qui a trait
à l'éducation ; il en est de même des
médecins, des infirmières et du personnel hospitalier
dans le système de santé et ainsi de suite. En tant que
partenaires, les parents sont
censés appuyer l'objectif de réduction du déficit
et « faire leur part » pour que tous les changements
se passent sans conflit, tout cela pour le bien de l'avenir de leurs
enfants et de la société. Les gens sont supposés
accepter l'objectif de la bourgeoisie et de ses gouvernements de
détruire le système public d'éducation ou de
santé parce qu'ils
sont eux aussi des « partenaires » S'ils ne font pas
« leur part » pour établir un «
équilibre » entre les différents partenaires,
alors ils deviennent « des fauteurs de troubles » ou
des gens qui « n'ont pas à coeur l'avenir de la
société ». Tous les efforts sont faits pour
les isoler.
L'intention derrière cette thèse est de
faire en sorte que se forme une alliance à la base de la
société entre les travailleurs et les capitalistes qui
auront intérêt à défendre le système
capitaliste et à monter au front pour la bourgeoisie et sa
campagne visant à tout restructurer afin de faire du Canada
« le pays du monde où il fait le mieux
vivre ». C'est un euphémisme pour dire qu'on fait
tout pour rendre la bourgeoisie concurrentielle sur les marchés
mondiaux afin qu'elle puisse toucher le maximum de profits.
Plutôt que de contribuer au renversement du
capitalisme, la classe ouvrière est supposée s'affairer
à défendre ce système qui est la cause de son
exploitation et de son oppressions. Plutôt que de
développer de l'antagonisme contre la propriété
privée et contre l'exploitation de la personne par la personne,
les travailleurs sont supposés développer
de l'antagonisme envers ceux qui mènent la lutte de classe
contre le système capitalisme et pour ouvrir la voie au
progrès de la société.
Critique
de
livre
Nudge:
La
méthode
douce pour inspirer
la bonne décision,
de Richard Thaler et Cass Sunstein
- Kevan Hunter -
Le recours au « paternalisme
libertaire » pour activer l'anti-facteur humain et
l'anti-conscience sociale
Le livre Nudge: La méthode douce pour
inspirer la bonne décision, de Richard Thaler et Cass
Sunstein[1] part de
la
prémisse que les humains ne sont pas toujours
capables de prendre les décisions qui sont dans leur meilleur
intérêt. Les gens savent que fumer est nuisible pour leur
santé mais ils fument tout de même; ils mangent de la
crème glacée plutôt que des fruits, omettent
d'annuler leurs abonnements à des périodiques qu'ils ne
lisent jamais et laissent leur télé au même poste
toute la soirée parce qu'ils
sont trop paresseux pour se servir de la manette. Bref, les gens
parfois peuvent être « des preneurs de décisions
sans jugement et passifs ».[2]
Selon les auteurs, la science économique
traditionnelle présume que les gens font toujours des choix qui
sont dans leur meilleur intérêt économique. Les
exemples cités plus haut montrent la différence qui
existe entre l'« Homo economicus » qui fait toujours
des choix qui sont dans son meilleur intérêt, et l' Homo
Sapiens, qui est aussi
imparfait qu'impulsif.
D'autre part, les choix que les gens font sont souvent
influencés par d'autres. L'exemple est donné d'une
personne qui est responsable de la cafétéria d'une
école et observe que les enfants ont tendance à choisir
les aliments qui sont placés à des endroits précis
sur les étagères. La personne responsable est
confrontée à un dilemme : elle
peut placer les aliments de façon aléatoire et ne pas se
soucier du reste, s'organiser pour maximiser ses profits en
plaçant les aliments selon les goûts des enfants ou placer
les aliments de sorte à promouvoir des choix-santé.
Plusieurs seraient d'accord pour dire que cette dernière option
serait la meilleure. La philosophie préconisée par les
auteurs, le
« paternalisme libertaire », est une extension de ce
principe.
Le paternalisme libertaire soutient que les gens qui
sont en mesure de le faire, les « architectes du
choix », comme la personne responsable de la
cafétéria, devraient concevoir leurs systèmes
d'une manière qui rend plus facile aux gens de faire le choix
qui est le meilleur pour eux. En même temps, l'ultime
liberté de choix revient
toujours à l'individu. Les auteurs prétendent favoriser
un terrain intermédiaire modéré entre deux
extrêmes, entre la formulation de politiques « mur à
mur » et la stratégie de la « multiplication
des choix ». Selon les auteurs, le concept qu'ils mettent de
l'avant « favorise la politique bipartisane « et a
déjà reçu l'appui enthousiaste de «
républicains conservateurs comme Robert Bennett (Utah) et Rick
Santorum (Pennsylvanie) et de démocrates libéraux comme
Rahm Emanuel de l''Illinois ». Plutôt que de forcer
les gens à adopter un certain comportement par le biais de la
loi, les « coups de pouce » (les «
nudges ») devraient aider les moins subtils d'entre nous
en faisant le moins de mal possible aux autres.
Les auteurs s'appuient sur de la recherche en science
psychosociale selon laquelle la pensée humaine n'est pas aussi
rationnelle que le prétendent les économistes classiques.
Les êtres humains réels surestiment la probabilité
de certains incidents dont ils entendent souvent parler, la
probabilité par exemple d'attaques terroristes parce qu'ils sont
bombardés d'images leur rappelant l'existence du terrorisme qui
leur restent en mémoire. Dans la vraie vie, les gens sont
impulsifs et perdre un montant d'argent leur est deux fois plus
douloureux que ne leur est plaisant le gain d'un montant
équivalent; ils s'en tiennent au statu quo et
préfèrent suivre le courant. C'est cette même
faiblesse
humaine, celle de « suivre le troupeau », qui a
joué un « rôle clé dans la production de la
récente bulle spéculative et l'éclatement de la
crise financière de 2008 qui en a
résulté ».
Les gens sont très occupés et ne peuvent
pas toujours penser de manière rationnelle chaque fois qu'ils
ont un choix à faire. Souvent ils se sentent
dépassés et ne réussissent même pas à
faire un choix, même sur des questions aussi importantes que leur
régime de retraite. Ainsi, on pourra donner un « coup de
pouce » en offrant
consciemment une option par défaut. Par exemple, la Loi No
Child Left Behind prévoyait que les noms des enfants
devaient être remis à des agences de recrutement
militaire, en tant qu'option par défaut. On donnait aussi aux
parents l'option de ne pas le faire, par le biais toutefois d'un
processus qui pouvait être complexe et onéreux.
Les auteurs disent que le marché libre
fonctionne généralement bien, avec deux réserves:
d'abord, les gens ne sont pas les êtres parfaitement rationnels
qu'imaginent les économistes et, deuxièmement, dans
certains cas, « les compagnies voient un intérêt
à manipuler la faiblesse des gens et à les
exploiter ».
Dans la deuxième partie, intitulée
« Money », les auteurs appliquent les conclusions de
la psychologie sociale au système financier. D'abord ils
traitent de la question des régimes de retraite. Ils mentionnent
que les Américains n'ont que peu d'épargnes personnelles
(les épargnes nettes étaient à la baisse
en 2005 pour la première
fois depuis 1933), et estiment que le système de
sécurité sociale est en danger de faillite. « Nous
allons finir par devoir nous serrer la ceinture si nous voulons
préserver la Sécurité sociale et cela va se faire
par des augmentations d'impôt ou la réduction des
prestations. Les Américains seraient mieux en mesure de faire
face à cette situation
s'ils épargnaient plus ». La question est donc de
donner un coup de pouce aux Américains pour qu'ils
épargnent davantage.
Les auteurs comparent les régimes de retraite
à prestations déterminées et les régimes
à cotisations déterminées. Selon les auteurs, les
régimes à prestations déterminées offrent
un choix facile pour les humains, parce que le seul choix à
faire est quand commencer à recevoir des prestations. Les
régimes à cotisations déterminées - qu'on
nomme
régimes 401(k) aux États-Unis - ont l'avantage
d'être transférables, ce qui permet aux travailleurs de
passer sans problème d'un emploi à l'autre. Par contre,
l'individu doit y prendre plus de décisions et peut se sentir
dépassé. Les auteurs proposent des « coups de
pouce » pour accroître la participation aux
régimes de retraite à
cotisations déterminées , comme l'adhésion au
régime en tant qu'option par défaut et le programme
« Épargnez plus demain » dans lequel le taux de
cotisation augmente automatiquement avec chaque augmentation de
salaire. Les employeurs peuvent aussi modifier leurs formules de
cotisation équivalente de l'employeur afin de stimuler à
la
hausse les taux de cotisation. Selon les auteurs, la Loi de la
protection des régimes de retraite adoptée par le
Congrès en 2006 est un parfait exemple des « coups de
pouce » dont il est question.
Selon eux, la majorité des gens devraient
investir davantage dans les actions et moins dans les obligations.
À long terme, disent-ils, (par exemple, sur une période
de trente ans de travail avant la retraite), les actions sont
généralement plus avantageuses. Par contre, la pratique
des entreprises consistant à offrir des actions de la compagnie
à leurs
employés cause des problèmes comme l'ont vécu les
employés d'Enron. Les auteurs admettent qu'on pourrait limiter
la part du portefeuille de retraite de l'employé qui peut
être placée dans les actions de la compagnie, mais ils
préfèrent l'alternative « plus
libertaire » de cesser d'accorder, en vertu de la loi, un
traitement préférentiel aux
actions de la compagnie et de forcer les employeurs à traiter
les actions de la compagnie comme un investissement comme les autres.
Afin de réduire les trop grandes participations
d'employés dans les actions de la compagnie, les employeurs
pourraient leur offrir le régime « Vendez plus
demain » dans lequel ils vendent leurs actions sur une
période de trois ans et peuvent réinvestir les gains dans
un portefeuille plus diversifié.
Une « architecture du choix » pour les
régimes 401(k) pourrait comprendre des fonds
organisés selon différentes dates
d'échéance qui passeraient petit à petit
d'investissements à risque élevé (actions)
à des investissements à faible risque (obligations)
à mesure que l'employé approche de la retraite.
Les auteurs se penchent ensuite sur le marché du
crédit, c'est-à-dire, les hypothèques, les cartes
de crédit et les prêts étudiants. Leur commentaire
sur les prêts « aux emprunteurs les plus pauvres et les
plus à risque, le marché dit subprime »
mérite qu'on s'y attarde. Les auteurs disent qu'il y a deux
opinions « extrêmes » au sujet
des prêts subprimes. Selon une certain gauche, les prêts
subprimes sont des prêts prédateurs, mais elle ne tient
pas compte du fait que les taux d'intérêt des prêts
à risque doivent être plus élevés afin de
compenser les créanciers. À l'autre extrême,
certains croient que le problème réside dans le fait que
la gauche ne comprend pas qu'en réalité les
emprunteurs à risque élevé manquent souvent de
jugement et sont des proies faciles.
Selon les auteurs, le marché va résoudre
de lui-même les problèmes créés par les
prêts subprimes et les saisies qu'il a causées, mais les
marchés n'ont pas empêché le problème de se
produire. Certains préconisent de limiter l'ampleur des
hypothèques autorisées, d'interdire, par exemple, les
hypothèques à amortissement négatif, même si
on
interdit par le fait même des contrats qui peuvent être
à avantage réciproque. Les auteurs proposent plutôt
des programmes hypothécaires qui expliquent mieux leurs
conditions, qui incorporent par exemple tous les frais et toutes les
dispositions relatives aux taux d'intérêts dans une forme
« qu'un humain peut comprendre ».
D'autres chapitres sont consacrés à la
privatisation de la sécurité sociale, à un
régime d'assurance-médicament, à l'augmentation
des dons d'organes, à la réduction des émissions
de carbone, à un plus grand choix en matière
d'institutions scolaires. On y propose aussi d'autoriser les patients
à renoncer à leur droit de poursuivre un médecin
en
justice et de privatiser le « mariage » tout en
préservant une catégorie juridique d' « union
civile ».
Le concept de paternalisme libertaire est une attaque
contre le droit du peuple de prendre des décisions en tant que
collectif. Ce que les adeptes des groupes de réflexion appellent
« l'idée qui vient tout de suite à
l'esprit » est considéré comme étant
trop simple. Les auteurs discutent des systèmes automatique et
réflexif du cerveau. Le
système automatique est enclin à l'erreur. Comme les gens
dépendent fortement du système automatique, ils ont
besoin d'un facilitateur ou d'un « architecte du
choix » pour combler cette lacune.
Notes
1. Au sujet des auteurs :
L'auteur Cass Sunstein est l'un des juristes les plus
abondamment cités dans les publications juridiques parues
entre 2009 et 2013. Il a été professeur
à la faculté de droit de l'université de Chicago
pendant 27 ans. Il est présentement professeur de
l'université Robert Walmsley à la faculté
de droit de Harvard. Ses domaines de compétence sont le droit
constitutionnel, le droit administratif, le droit environnemental, et
le droit et l'économie comportementale. De 2009
à 2012, Sunstein a été responsable du bureau
de l'Information et des Affaires réglementaires de la
Maison-Blanche et se dit l'ami personnel du président des
États-Unis, Barack Obama. En juillet 2008, il a
épousé Samantha Power, qui est ambassadrice des
États-Unis aux Nations unies depuis 2013. Power a aussi
été, dès janvier 2009, l'assistante
spéciale du président et directrice principale du bureau
des Affaires multilatérales et des Droits humains au Conseil de
sécurité nationale.
Elle a été conseillère de campagne lors de la
première campagne électorale à la
présidence de Barack Obama, mais a démissionné
suite à la publication d'une entrevue dans laquelle elle a
traité Hillary Clinton de « monstre ».
Le coauteur Richard Thaler enseigne la science et
l'économie comportementales à la Chaire Ralph et Dorothy
Keller de la Booth School of Business de l'Université de
Chicago. Dans les notes biographiques publiées en 2008 par
l'Université de Chicago, on apprend qu‘il a été
le consultant auprès de l'ex-conseiller économique
principal
de Barack Obama et président du Council of Economic Advisors,
Austan Goolsbee. Goolsbee est présentement professeur
d'économie à la Chaire Robert P. Gwinn de la Booth School
of Business de l'Université de Chicago.
2. Cet article est une version
modifiée d'une présentation faite à l'occasion du
Séminaire national sur le communisme moderne organisé par
le PCC(M-L) en décembre 2009.
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Marxiste-Léniniste
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