Supplément
Numéro 1918 mai 2019
50e anniversaire
de la conférence de Regina
L'oeuvre des
Internationalistes et
la conférence de Regina
Hardial Bains à Regina en 1989 à l'occasion du 20e
anniversaire de la Conférence de Regina
• Le
rôle décisif de la conscience dans le changement social
- Hardial Bains -
50e anniversaire de la conférence
de Regina
L'oeuvre des Internationalistes, organisation
fondée en 1963 sous la direction de son fondateur, Hardial
Bains, et la Conférence de Regina en 1969 ont une
importance historique. À cette conférence a
été réglée la question cruciale
de savoir qui décide en ce qui concerne l'organisation politique
de la classe ouvrière et son rôle dirigeant dans la
société et en ce qui concerne le rôle indispensable
de la conscience et de l'organisation dans la mobilisation du peuple
dans la recherche active de solutions aux problèmes clés
de la société.
Dans un article intitulé « Une attention de
premier ordre au besoin de conscience et d'organisation du
peuple », Hardial Bains présente l'héritage
vivant des Internationalistes. Il a écrit :
« En s'attaquant aux problèmes de la
conscience et de l'organisation, les Internationalistes ont entre
autres adopté le principe de travail collectif et
responsabilité individuelle, le principe selon lequel chaque
membre a le devoir non seulement d'appliquer les décisions
prises collectivement, mais aussi de participer aux prises de
décisions. La
participation aux prises de décisions est ainsi
considérée non seulement comme un droit mais aussi comme
un devoir. Cela place l'individu au centre de tous les
développements et fait de l'organisation le moyen de les
réaliser, établissant de ce fait un rapport dialectique
entre l'individu et le collectif, entre la forme et le
contenu. »
Parlant de la réorganisation des
Internationalistes en mai 1968, Hardial Bains a
souligné : « C'était une rupture avec
l'établissement d'organisations sur la base des vieilles
définitions, partant cette fois de définitions actuelles
et modernes. Il devenait évident que les Internationalistes ne
pouvaient progresser en tant qu'organisation
politique que sur la base de l'unité politique et de
l'initiative politique, comme cela s'est manifesté
concrètement avec leur ligne d'action avec analyse et la
défense des objectifs immédiats et stratégiques.
Ces objectifs étaient fixés en fonction des exigences des
conditions d'alors, en fonction de l'harmonisation de
l'intérêt général de la
société avec
les intérêts du collectif et de l'individu, attribuant le
rôle déterminant aux masses. [...]
« [Les internationalistes] ont établi un
cadre de travail qui permettait de faire ressortir clairement les
paroles et les actes de chacun dans la réalisation des
tâches établies en fonction des conditions données.
Cela voulait dire qu'il fallait constamment mobiliser dans les prises
de décisions tous celles et ceux qui poursuivaient les
mêmes objectifs.
Ils ont ainsi établi une façon moderne de faire les
choses qui liait l'organisation au contenu, les paroles aux actes,
l'individu à la responsabilité de s'assurer que rien ne
passe sans être scruté au peigne par lui. Une organisation
marxiste-léniniste véritablement révolutionnaire
était créée par celles et ceux qui ne voulaient
rien d'autre que la victoire de
la classe ouvrière dans sa marche historique vers
l'émancipation. Il s'est produit un changement qualitatif sur
les plans de la conscience et de l'organisation, un changement
répondant aux conditions concrètes et digne de membres
d'une organisation d'avant-garde de la classe ouvrière.
« Ils ont également créé une
autre forme concourant à l'objectif d'apporter conscience et
organisation à la classe ouvrière, la méthode de
la démocratie de masse, que nous appelons aujourd'hui
mobilisation politique maximum. C'est la méthode consistant
à rechercher les opinions des masses dans le cours du travail
comme responsabilité
obligatoire envers le militantisme des masses. C'était la seule
base
solide pour réaliser toute tâche. Le formalisme bourgeois,
la méthode consistant à dépenser des millions de
dollars en utilisant les moyens techniques les plus modernes pour semer
la confusion, les rumeurs, les attaques personnelles, etc.,
était remplacé par un travail pour entraîner le
peuple dans la discussion. Il fallait constamment, sans relâche
et sans exception, poursuivre la discussion parmi le peuple sur ce
qu'il fallait faire, quand et comment.
« Pour les Internationalistes, le travail et la
mobilisation étaient deux catégories d'un seul tout
dépendant l'une de l'autre et de tout le reste. C'était
le même rapport que celui entre l'action et l'analyse. Le point
de départ pour les Internationalistes était toujours le
travail tel qu'exigé par les conditions concrètes
données.
« En plus de la méthode de la
démocratie de masse, les Internationalistes menaient un travail
de mobilisation à plusieurs niveaux pour s'assurer que tous les
problèmes à l'intérieur et à
l'extérieur de l'organisation soient résolus sur la base
de positions avancées, par la critique et l'autocritique et en
accordant toujours la première place à l'unité.
La lutte n'était jamais séparée de la tâche
constante de renforcer l'unité ni de la réalisation des
objectifs immédiats fixés en fonction des conditions
données ou de l'objectif stratégique. La lutte occupait
la première place. Cela voulait dire mettre toute la conscience
et l'organisation au service de la lutte de classe comme seul
véritable moteur du
développement dans la société. Comment mener la
lutte de classe, contre qui et quand était pour les
Internationalistes les questions les plus importantes. Ils s'y
attaquaient avec tout le sérieux et toute l'ardeur
exigés. C'est pour cette raison que tout le monde était
appelé à participer aux prises de décision non
seulement en tant que droit leur
appartenant mais aussi en tant que devoir envers l'organisation. [...]
« Enfin, les Internationalistes ont
créé des forums internes et externes, privés et
publics, pour la mobilisation du peuple. Pour asseoir l'organisation
sur les principes du centralisme démocratique, ils devaient en
tout temps offrir une ligne dirigeante aux masses pour s'assurer que
leur niveau de conscience et d'organisation ne soit pas ravalé
à
celui de la bourgeoisie. [...]
« Après moins de deux ans d'activité
politique vigoureuse sur tous les fronts, de mai 1968 à
mars 1970, les Internationalistes en vinrent à la
conclusion que toutes les conditions matérielles et techniques
étaient prêtes pour la fondation du Parti communiste. Le
travail théorique et politique et l'organisation correspondante
avaient
préparé les conditions nécessaires à la
fondation du PCC(M-L), laquelle fut proclamée lors d'une
réunion publique à Montréal le 31
mars 1970.
« Cette méthode consistant à engager
tout le monde dans les prises de décisions, qu'on a plus tard
appelée méthode de mobilisation politique maximum,
signifiait que tout le travail devait toujours être basé
sur l'initiative des masses suivant les conditions données. Pour
que la classe ouvrière puisse diriger tout le peuple dans la
réalisation de sa
mission historique de créer une société nouvelle,
il faut reconnaître le droit mais aussi le devoir du peuple de
prendre les décisions. »
Et c'est là l'importance de la conférence
de Regina. Elle a réglé des comptes avec la question du
contenu de la révolution canadienne, des relations entre le
mouvement démocratique, le mouvement anti-impérialiste et
le socialisme. La conférence a commencé avec les
questions de forme et s'est terminée avec les questions de
contenu. C'était
son grand exploit et il le reste à ce jour.
Abordant ce sujet lors du 20e anniversaire de la
Conférence de Regina en 1989, Hardial Bains a
expliqué : « En regardant en arrière avec le
recul, nous constatons que pendant les journées grisantes de la
fin des années soixante, nous nous sommes opposés aux
idées révisionnistes et les Internationalistes ont donc
dû
développer des formes susceptibles de faciliter le contenu
révolutionnaire marxiste-léniniste. La Conférence
de Regina a été une victoire importante dans cette
direction. »
Il a parlé du rapport entre la forme et le
contenu en soulignant que c'est en séparant les deux que la
bourgeoisie et les opportunistes et les révisionnistes dans les
rangs du mouvement ouvrier, qui font grand cas de la forme avec leurs
discours sur la démocratie, l'ouverture, la transparence, la
restructuration et la réforme, poussent leur contenu
contre-révolutionnaire. Les formes qu'ils veulent imposer sont
conçues pour éblouir et faire pression sur la classe
ouvrière pour qu'elle n'adopte pas le marxisme-léninisme,
a dit Hardial Bains, ajoutant : « C'est par ce
mécanisme qu'ils attaquent la ligne et le contenu
révolutionnaires marxistes-léninistes et poussent leur
ligne
contre-révolutionnaire. »
« La question de la forme et du contenu, du
rapport entre les deux, a été et reste la principale
ligne de démarcation entre la vision du monde
prolétarienne et la vision du monde bourgeoise, et entre la
ligne marxiste-léniniste et celle des révisionnistes et
des opportunistes. Selon la vision bourgeoise du monde, la relation
entre forme et contenu
est éclectique : les deux sont séparées
arbitrairement, puis présentées comme deux entités
isolées, et il est difficile de comprendre comment deux
éléments constitutifs d'une chose peuvent être
présentés comme des entités en soi, totalement
détachés l'un de l'autre. La forme ne peut pas être
séparée du contenu, c'est ce que nous enseigne la
dialectique. Mais dans la vision bourgeoise, cela se fait tout le
temps. Selon la vision prolétarienne du monde, la relation entre
la forme et le contenu reste dialectique : non seulement la forme
ne peut pas être détachée du contenu, et le contenu
ne peut pas être détaché de la forme, mais le
développement est le produit de la contradiction
inhérente entre les deux. Un changement quantitatif ne fait que
répéter la même forme et le même contenu, ce
que la vision bourgeoise considère comme le destin
éternel de tout ce qui est vivant ou inorganique. Selon nous,
selon la science, selon la dialectique matérialiste, cette
contradiction donne lieu à des changements qualitatifs. Ce
changement
n'est pas l'effacement de la forme ou l'élimination du contenu,
mais l'apparition d'une nouvelle forme et d'un nouveau contenu -
c'est-à-dire l'apparition du nouveau issu de la destruction de
l'ancien. Par exemple, le renversement du capitalisme crée les
conditions pour la construction du socialisme, qui constitue la
nouvelle condition pour la
création de la classe ouvrière en tant que nouvelle
classe. Ce qui est nouveau par rapport à l'ancien, c'est que la
nouvelle classe ouvrière n'est plus une classe d'esclaves
salariés. La révolution et le socialisme ont mis fin
à cette vieille qualité et la nouvelle qualité du
travail émancipé s'installe, créant à la
fois une nouvelle forme et un nouveau
contenu dans les rapports de production. Sur cette base, toutes les
autres relations sont alors transformées. »
Aujourd'hui, le trait le plus marquant de la crise dans
laquelle la démocratie bourgeoise s'embourbe est qu'on nie la
possibilité d'un changement qualitatif. Pris dans d'anciennes
formes qui ne correspondent plus à ce qui est requis
aujourd'hui, la classe dirigeante et tous ceux qui défendent les
anciennes formes sont pris dans leurs machinations
et prétentions d'être démocrates et les
défenseurs de grands idéaux. Mais au milieu des
années quatre-vingt l'offensive antisociale
néolibérale a été lancée et
l'ex-Union soviétique et les démocraties populaires ont
sombré dans l'agonie parce qu'elles avaient abandonné
l'objectif d'investir le peuple du pouvoir, où la classe
ouvrière se constitue en la
nation et investit le peuple du pouvoir. Et depuis aucune force ne peut
continuer d'agir comme avant. La persistance à défendre
les anciennes formes a créé un bourbier pour les
élites dirigeantes, comme on le voit clairement qu'il s'agisse
du Canada ou des États-Unis, de la Grande-Bretagne ou de l'un de
leurs alliés et compagnons de route qui
épousent ce qu'on appelle les institutions démocratiques
libérales par lesquelles ils gouvernent sur la base de la force,
du privilège et de la corruption et prétendent
néanmoins avoir le consentement des gouvernés.
Aujourd'hui, pour empêcher les gens de tirer les
conclusions qui s'imposent et parler en leur propre nom, la conscience
collective est détruite, chacun doit se débrouiller seul
et donner une compréhension personnelle de la
réalité, ce qui ne pourra jamais leur donner un guide
pour
l'action. Parlant de la conférence de Regina, le camarade Bains
a
expliqué comment les marxistes-léninistes avaient
surmonté ce problème à l'époque.
« La principale pression exercée lors de la
conférence de Regina était de restreindre et de limiter
le niveau de discussion aux problèmes de compréhension
d'un individu. Seule comptait la préoccupation de l'individu. Il
s'agissait d'une attaque totale visant à liquider le travail
pour bâtir le Parti et en faire une association fortuite
d'individus, de
bienfaiteurs, de personnes ayant une conscience, etc. La
première partie de la conférence a été
assombrie par cette pression, et une fois que la conférence a
refusé de se soumettre à la pression, elle pouvait
avancer et élaborer le plan pour la création des
conditions nécessaires à la fondation du Parti. Il y
avait une résistance à la nouvelle forme et aux
nouvelles méthodes de travail. Mais ce qui est le plus
significatif est la résistance au contenu qui apparaissait au
début comme s'il s'agissait d'une résistance seulement
à la forme. Pendant cette période, personne n'a entendu
quelqu'un dire : 'Je ne suis pas d'accord avec la ligne.' La
même chose est vraie aujourd'hui : le désaccord
apparaît comme en opposition à la forme, à la
méthode et au style, en dernière analyse en opposition
à la pratique. C'est de cela qu'a délibéré
la conférence de Regina. Il n'était pas fortuit que les
résultats de la conférence aient été inclus
dans le rapport politique de mars 1970. Il est bien connu que la
nature de la forme doit correspondre au
contenu. Sinon, c'est le chaos, l'anarchie et la perturbation du
travail. »
Le problème de la forme et du contenu qui s'est
posé en 1969 reste un enjeu fondamental aujourd'hui :
la défense de la forme est la défense du contenu et vice
versa. La bourgeoisie défend les institutions
démocratiques libérales en détachant le contenu de
la forme et elle essaie de tromper le peuple à ce sujet, pour
que la classe
ouvrière et le peuple ne s'organisent pas sur la base de leur
propre politique indépendante et laissent au contraire la voie
libre aux impérialistes anglo-américains et à la
réaction mondiale. Toutes les contradictions dans le monde se
sont aggravées et les dirigeants impérialistes
anglo-américains sont incapables de proposer une perspective
d'avenir qui
soit viable.
Dans son discours à Regina en 1989 au sujet
de la conférence historique, Hardial Bains a dit : «
La conclusion la plus importante pour nous, les
marxistes-léninistes canadiens, a été tirée
ici en 1969, c'est-à-dire que cette forme sans contenu
n'est qu'une enveloppe vide, du bavardage, qui ne produira rien.
« La Conférence de Regina peut se
résumer à la défense militante du contenu
marxiste-léniniste afin de défendre, élargir et
renforcer l'organisation marxiste-léniniste. C'est pourquoi elle
était si cruciale. C'est pourquoi nous avons pu nous rendre
à Winnipeg en août 1969 pour fonder le Mouvement
communiste canadien (marxiste-léniniste), et
pourquoi plus de 175 délégués se sont rendus
à Vancouver à la fin de décembre 1969,
où les résolutions fondatrices du Parti ont
été adoptées et, de là, à
Montréal où des centaines de personnes ont
déclaré la fondation du Parti communiste du Canada
(marxiste-léniniste) le 31 mars 1970.
« À mon avis, sans la conférence de
Regina, le Parti n'aurait pas été possible. La pression
qui s'exerçait sur nous lors de cette conférence et par
d'autres était que le Parti naisse de discussions et de
débats et que différents groupes débattent de
l'idéologie et parviennent à des accords sur la base de
documents. Mais les internationalistes, et le
Parti plus tard, n'étaient pas d'accord. Le Parti n'est pas une
société de débats, et les partis ne naissent pas
de discussions et de débats. Seuls ceux qui voient la
nécessité du Parti, qui voient la nécessité
que la classe dirige la révolution, s'avancent et
bâtissent de tels partis. Ce n'est pas en convainquant certains
individus et en déclarant ensuite qu'il y
aura un parti.
« Dans cette grande lutte qui a eu lieu à
la Conférence de Regina, l'opposition à la forme,
c'est-à-dire au Parti, signifiait nécessairement
opposition au contenu. Les événements et les individus de
cette époque peuvent sembler anodins ou insignifiants, mais en
réalité, si vous suivez tout le développement,
vous constaterez que ceux qui avaient
des objections à la forme ont par la suite dévoilé
leur contenu opportuniste et révisionniste, qu'ils
étaient nos compagnons de route pendant une courte
période et qu'ils se sont avérés des opposants par
la suite. Nous avons découvert par nous-mêmes que ceux
qui veulent banaliser la forme, ceux qui veulent la séparer du
contenu, le font pour des raisons
très délibérées. Il faut rester sur ses
gardes, il faut toujours être vigilant vis-à-vis de toute
force qui tente de réduire le Parti ou son organisation ou tout
niveau de son activité à néant, à un
bavardage.
« L'expérience historique de la
construction du Parti communiste marxiste-léniniste
révolutionnaire de la classe ouvrière depuis
l'époque de Lénine et d'un parti communiste au Canada, et
toute l'expérience historique du mouvement communiste
international, prouve que la défense de la forme n'est possible
que par la défense du contenu
révolutionnaire marxiste-léniniste, et que cette
défense est absolument nécessaire.
« Au temps de Lénine, il y avait des
ennemis de Lénine qui ont commencé à s'opposer
à lui en s'opposant à la forme. Ils étaient
d'accord avec la ligne générale, avec le versement de
cotisations et autres, mais pas avec l'obligation de travailler au sein
d'une organisation comme condition pour être membre. En
apparence, vu de l'extérieur, il
peut sembler qu'il n'y a qu'un désaccord de forme, mais en
regardant le développement de toute cette période, nous
constatons que ce n'est pas simplement un désaccord de forme,
que c'est en réalité un désaccord avec le contenu.
Ce que nous avions à l'époque de la Conférence de
Regina n'était pas seulement une opposition au travail dans une
organisation de base, mais des individus qui, faisant partie du
monde impérialiste anglo-américain, étaient
très arrogants. Leur chauvinisme et leur arrogance
étaient sans pareil. Ils ont même déclaré
qu'ils ne comprenaient pas la ligne générale et que nous
avions la responsabilité de la leur apprendre d'abord et ensuite
ils verraient s'ils
pouvaient se joindre à nous. De tels farceurs existent encore
dans ce monde. Le Parti n'est pas d'accord avec eux. Le Parti a
condamné de telles positions ... »
Parlant des événements qui se sont
déroulés en 1989, avant l'effondrement de l'ex-Union
soviétique en 1990-1991, Hardial Bains a repris le
thème de la forme qui n'est pas isolée du contenu.
« Notre Parti et tous les gens qui ont une conscience de classe
révolutionnaire n'ont jamais cessé d'organiser. Ils ne
sont pas devenus
complaisants ou détachés des problèmes des masses.
C'est pourquoi le Parti fait appel à tous ceux qui se battent de
différentes manières et mènent des luttes de
divers genres. Le Parti a une position d'honneur parmi eux. Les deux
superpuissances, les États-Unis et l'Union soviétique,
prêchent que le communisme a échoué et que les
idéaux du
communisme sont ou bien mauvais pour l'humanité, ou bien
inatteignables. Notre Parti ne le pense pas et nous ne croyons pas que
les États-Unis et l'Union soviétique disent de telles
choses
sans arrière-motif. [...] C'est ce contenu qui revigore la
classe et tous les exploités. Il se présente sous une
forme, pas sous de nombreuses formes. Lénine a souligné
que notre théorie est faite d'un seul bloc d'acier. Si c'est le
cas, il en découle que le mouvement dirigé par cette
théorie est un seul mouvement, pas plusieurs [...] »
L'offensive antisociale néolibérale et
l'effondrement de l'ancienne Union soviétique et des anciennes
démocraties populaires ont créé une période
de repli de la révolution caractérisée par le fait
que l'initiative est passée aux mains des représentants
les plus réactionnaires du capital financier international qui
agissent en toute impunité. Les pays
qui ont capitulé devant l'offensive réactionnaire sont en
proie à des guerres civiles entre les factions de la classe
dirigeante et les intérêts privés supranationaux
étroits. Ayant pris le chemin de la destruction nationale, ils
refusent de s'engager dans la politique au nom de grands idéaux,
de sorte que les négociations leur soient anathèmes et
qu'il ne
reste plus que leur diktat et guerres criminelles d'agression,
d'occupation et de destruction. Une des caractéristiques de la
contre-révolution est qu'aucune des anciennes formes qui
constituaient les soi-disant institutions démocratiques
libérales n'est utile à quoi que ce soit aujourd'hui. La
classe capitaliste montante au moment de la guerre civile en
Angleterre au milieu des années 1600 a créé
l'État-nation fondé sur des institutions nationales
capables d'empêcher la guerre civile. Elle y est parvenue en
créant une personne d'État artificielle et en
investissant cette personne d'État de la souveraineté, du
pouvoir de décider. Cette personne d'État
représenterait l'intérêt national exercé sur
la
base de la préservation du privilège et du maintien de
prérogatives permettant de réglementer et de
maîtriser les luttes de factions opposant des couches de la
classe dirigeante qui s'efforcent de prendre le pouvoir en faveur de
leurs intérêts étroits, et dans le but de nier
l'existence même d'un peuple qui forme un corps politique et de
la classe
ouvrière en tant que classe ayant son propre objectif et
programme politique, sa conscience et son organisation.
Dans ces conditions, on ne saurait trop insister sur
l'importance des principes qui guident la construction et la
consolidation de l'organisation élaborés par Hardial
Bains et incorporés à l'oeuvre du PCC(M-L). Sans eux, il
n'est pas possible de définir et d'atteindre les objectifs
prosociaux de la classe ouvrière et du peuple. En
élaborant et en
s'appuyant ensuite sur ces principes dans les conditions de leur temps,
les Internationalistes se sont donné la capacité de
répondre aux besoins du moment. De même qu'aujourd'hui,
les militants du Parti et la classe ouvrière doivent
également être à la hauteur de la situation.
- Hardial Bains -
L'origine de la conscience et le changement social
Le Marxiste-Léniniste publie dans ce
supplément un important discours prononcé par Hardial
Bains à la Première Conférence interdisciplinaire
sur le thème de l'origine de la conscience et le changement
social qui a eu lieu à l'Université de Windsor du 9
au 11 février 1996.
La conférence était coparrainée par
le Groupe d'étude marxiste-léniniste de
l'Université de Windsor, l'Alliance des étudiants de
l'Université de Windsor, l'Association des étudiants
diplômés, l'Organisation des étudiants
universitaires à temps partiel et la section locale 195 des
Travailleurs canadiens de l'automobile. Elle a réuni des gens
de tous les âges et représentant un large
échantillon de
la société : étudiants de niveau
collégial et universitaire, professeurs, travailleurs de
l'industrie et autres travailleurs et professionnels.
Hardial Bains a donné un traitement
théorique du problème de l'origine de la conscience et du
changement social, en particulier de la complexité entre la
dépendance de la conscience à l'être humain et en
même temps son indépendance nécessaire. La
thèse sur l'origine de la conscience aborde le dilemme de la
détermination du contenu de la
conscience. En affirmant clairement qu'il existe une conscience
indépendante de nous, Hardial Bains apporte une contribution
importante à la compréhension du rapport entre la
conscience
et l'être.
Dans une lettre au Groupe d'étude
marxiste-léniniste (MLSG) de l'Université de Windsor le
28 septembre de l'année précédente, Hardial Bains
écrivait : « À mon avis, la question la plus
importante qui ressorte de cette discussion [du MLSG] est le rapport
entre la
conscience et l'être humain, ou le rapport entre l'aspect
objectif et l'aspect subjectif,
ou comment la réalité objective existe
indépendamment de la volonté de quiconque et cela est-il
vérifiable ? La réponse qu'on donne à cette
question sera la base à partir de laquelle résoudre tous
les autres problèmes de la théorie et de
l'idéologie, c'est-à-dire de l'action humaine, de la
compréhension et de la conscience. En l'absence d'un
énoncé clair sur le sujet, rien d'autre ne peut
être affirmé. »[1]
Nous vivons aujourd'hui un moment de redéfinition
où les anciennes formes qui constituaient les institutions
démocratiques libérales ont fait leur temps et où
de nouvelles formes restent à créer. Hardial Bains a
expliqué que ce moment de redéfinition ne nous arrive pas
parce que quelqu'un l'a proclamé, il est imposé par les
développements objectifs. C'est de ce moment décisif que
la conscience va
émerger et toutes les formes de fondamentalisme qui revendiquent
telle ou telle vérité absolue, qu'importe le nom qu'on
leur donne, lui feront obstacle. Dans une situation où les
conditions objectives exigent un changement, mais où les
conditions subjectives sont à la traîne, la tâche
qui
nous incombe est de regarder le présent et de faire une
synthèse pour guider l'action. Cela est crucial dans un moment
de redéfinition, a-t-il déclaré.
Qu'est-ce que la conscience ?
«
Il
faut
une
conscience
qui
émerge de la vie réelle
présente, libre de toutes notions préconçues et
synonyme de changement social. » - Hardial Bains
La question la plus importante à laquelle nous
sommes confrontés avant de pouvoir parler du rôle
décisif de la conscience est : qu'est-ce que la
conscience ? Ou, y a-t-il une chose telle que la conscience ?
Nous avons entendu diverses choses comme « la conscience
humaine » et « la conscience animale ».
Nous
savons aussi qu'en anglais les mots « consciousness »
et « conscience » ont un développement
parallèle très proche. Alors, qu'est-ce qu'on appelle
vraiment conscience ? Si nous disons que la conscience est apparue
en même temps que la société, cela ne
définit toujours pas ce qu'est la conscience. Faut-il proposer
qu'avant la
création de la société, les êtres humains
n'avaient pas de conscience ? Je présupposerai diverses
choses, mais surtout des choses qui peuvent nous aider à sortir
de la difficulté de définir ce qu'est la conscience.
Si au Canada on se posait la question « Est-ce
qu'il y
avait une conscience quand il n'y avait aucun être humain sur la
terre ? » ou « Quand il n'y avait pas de monde
biologique, y avait-il
une conscience ? », je suis tout à fait sûr que
la
réponse serait invariablement négative. La conscience
dans ce monde qui est dégradée et contrefaite est
généralement liée à un troisième
facteur, un médiateur. Ce médiateur se situe entre une
chose et une autre, dans ce cas entre la nature et la
société et les êtres humains, ou une
création de l'être humain. En d'autres termes, la
conscience n'existerait pas indépendamment de ce
médiateur ou de qui que ce soit d'autre. Mais si la conscience
n'existe pas
indépendamment de nous, comment peut-on l'appeler
conscience ?
Les êtres humains ou homo sapiens existent depuis
plus de 40 000 ans. Imaginez ce que cela signifierait d'avoir
une conscience qui n'est rattachée qu'au cerveau d'un être
humain en particulier. Il lui faudrait renaître et mourir avec la
naissance et la mort de chaque personne. Une nouvelle conscience ou une
conscience qui
appartient à ce cerveau en particulier doit naître
à chaque fois. Quelle sera cette conscience ?
Nous savons par l'étude de divers
éléments de la croissance d'un enfant, de la naissance
à l'âge de trois ou quatre ans environ, qu'il traverse
toute une période d'évolution avant de pouvoir assumer
les qualités de la société dans laquelle il
naît, pour pouvoir manipuler diverses choses et manoeuvrer dans
diverses situations. Et l'une des qualités
que l'enfant acquiert est la faculté d'abstraction. Des tests
sont effectués pour voir si un enfant se développe
normalement. L'enfant traverse toute une évolution,
littéralement d'un organisme unicellulaire jusqu'à sa
naissance et en passant par plusieurs étapes entre les deux. Une
fois né, il continue de traverser des étapes de cette
évolution. Peut-on
dire que le père et la mère savent
précisément comment éduquer cet enfant pour qu'il
assimile les 30 000 à 40 000 ans d'histoire
qui le précèdent et qui lui ont donné la
faculté d'abstraire ? Non, évidemment.
Mais oublions cet aspect et permettez-moi de vous
présenter cette fois ce que je pense être la
réponse. Nous pouvons surmonter la difficulté de
définir la conscience en supposant qu'il existe une conscience
en soi. Dans notre approche de l'étude de toute question, nous
commençons par l'étude de la chose en soi. Et nous savons
que toute
matière est en mouvement. La matière n'existe que sous
différentes formes. Il n'y a pas de matière en tant
qu'abstraction. Si quelqu'un vient vous dire : « J'ai
rencontré la matière », ce serait pas mal
absurde. Vous pourriez lui répondre : « Bien, alors
c'est quoi cette matière ? » La personne vous
montrerait quelque
chose et vous diriez : « Ce n'est pas la matière,
c'est une forme de matière. » Or, si la
matière n'existe que sous ses différentes formes et si
son étude nécessite l'étude de ses
différentes formes, elle est alors plus que ce que l'oeil peut
percevoir. Mais laissons cette question pour le moment.
Cette conscience, c'est-à-dire la conscience en
soi, est par définition indépendante de nous. Vous
n'êtes peut-être pas d'accord avec moi mais poursuivons le
raisonnement ensemble. La conscience existe-t-elle en soi ? Par
exemple, il pourrait s'ensuivre que quand les êtres humains sont
apparus, ils n'avaient pas encore transcendé la
conscience animale. Ils ont dû s'humaniser. Il est assez bien
connu, avec tout ce que nous savons aujourd'hui, que les êtres
humains ne sont pas apparus spontanément sur la scène
avec tous leurs attributs. La bourgeoisie laisse entendre même
aujourd'hui que l'élément essentiel de l'être
humain est le gorille ou le singe, que cela n'a pas changé.
Mais revenons au sujet. Si les êtres humains ont dû
s'humaniser, le point de départ de cette humanisation devait
être l'humanisation de l'environnement, l'acte de survie
permettant de rendre l'environnement naturel vivable pour l'être
humain. Si nous devions présupposer la conscience en
elle-même, la conscience avec sa propre logique, avec ses
propres lois de développement, avec une indépendance
complète par rapport à nous, alors nous verrions à
travers ses yeux que l'humanisation de l'environnement
présuppose l'existence du trait humain, que le trait humain est
ce qui humanise. Or, ce n'est pas le cas. Le fait même que
chaque être humain soit un produit de la nature et qu'il a agi
sur la nature pour la changer est considéré comme un acte
humain. De l'humanisation de la nature, nous en sommes arrivés
au
stade où l'humanisation de la société est à
l'ordre du jour. L'humanisation de la nature commence lorsque les
êtres humains, qui étaient un produit de la nature, se
sont engagés à combattre les forces de la nature pour les
mettre à leur service. L'humanisation de la
société commence lorsque ces êtres humains naissent
en société. Ils ne sont plus nés dans la nature.
Un changement qualitatif doit avoir lieu d'un état à
l'autre ou d'un stade à l'autre. Dans la première
période, c'est-à-dire la période d'humanisation de
la nature, il y a la présupposition que l'acte
d'humanisation de la nature a dû rendre les êtres humains
conscients.
La conscience en soi
Dans la deuxième période, la
présupposition est que l'acte d'humanisation de la
société apportera aux êtres humains une conscience
en soi. Laissons de côté toutes les protestations, toutes
les objections des différentes écoles de pensée
qui ont vu le jour dans le passé, y compris les postmodernistes,
ceux qui affirment, d'une manière ou d'une
autre, que chaque époque de la société et de la
nature n'a pas sa conscience de soi et que la conscience se limite
à ceux qui la perçoivent. Je vais tout de même
insister sur le fait que l'étude du sujet « origine de la
conscience » doit procéder en présupposant
l'existence de la conscience en soi. Face à la question :
« Y avait-il une
conscience avant que les êtres humains n'arrivent sur la terre ou
même avant que le monde biologique
n'apparaisse ? », on trouve souvent un regard
béat. On fronce les sourcils si quelqu'un répond par
l'affirmative. Oui, il y avait une conscience avant que les êtres
humains ne fassent leur apparition sur cette terre et même avant
l'apparition du monde biologique. C'est la conscience en soi, la
conscience qui ne dépend que d'une époque de
société et de nature.
Quelle était cette conscience n'est pas la
question. On pourrait facilement y répondre. Tout, tous les
phénomènes de la nature et de la société,
et la nature et la société elles-mêmes ont leurs
propres lois de développement. Ce sont ces lois qui leur
communiquent leur conscience, leur contenu. Mais où ce contenu
les amène-t-il ? Où
réside-t-il ? Il réside dans la chose même,
qui est à son tour la preuve de l'existence de la conscience en
soi. La question de l'existence de la conscience en soi est donc
résolue dans son intégralité. La prétention
post-postmoderniste est que, sans présupposer l'existence de
cette conscience, il n'est pas possible de prouver l'existence ou la
non-existence d'aucune autre forme de conscience. Mais, de par sa
définition même, cette conscience est indépendante
du monde humain ou biologique, elle ne dépend que de la chose
elle-même.
Quelle est cette présupposition, cette conscience
en soi ? En présupposant l'existence de cette conscience,
il est présupposé que chaque époque de la
société et de la nature a sa propre conscience. Si chaque
époque a sa propre conscience, on peut en déduire qu'il y
avait une conscience avant que ces époques ne commencent
également,
c'est-à-dire même avant le monde prébiologique.
Pour être précis, il faut comprendre que la conscience en
soi, par définition, est cette conscience qui existe
indépendamment de nous-mêmes ou de toute autre chose que
la chose elle-même. L'étude de cette conscience ne peut
avoir comme point de départ que la chose elle-même. C'est
ainsi qu'est
entreprise l'étude de toute chose : il faut commencer par
la chose en soi. La chose qui est la nature, la société
dans son changement, développement et mouvement.
Si vous me permettez de m'éloigner du sujet un
peu, je veux vous montrer que la conscience d'une personne qui a
vécu il y a 600 ans avant notre ère et la conscience
de la personne qui vit en 1996, c'est-à-dire à notre
époque, une différence d'environ 2 500 ans,
sont entièrement différentes. Les deux sont des
êtres humains et appartiennent à la société,
mais elles sont de deux époques différentes. Si, au cours
de ces 2500 années, la conscience s'est
développée, qu'est-ce qui fait penser que cela n'ira pas
plus loin et ne prouvera ce que je dis, qu'il y a une conscience en
soi ? Il n'y a pas d'argument logique pour me contredire. En
même temps,
si quelqu'un affirme que la conscience doit exister par
définition en fonction de telle ou telle chose, il ne s'agit pas
de conscience par définition. Nous savons que la
société a changé, s'est développée
et a évolué et, avec elle, la conscience humaine a
évolué, s'est développée et s'est
mue. Cette conscience apparaît donc par définition
sous différentes
formes. Elle apparaît dans la forme du produit de la
société préclassique ou dans la forme de la
conscience des différentes époques de la
société de classes. Si l'on suppose que la conscience est
indépendante de nous et si, ne serait-ce qu'aux fins de la
discussion, les participants à cette discussion l'acceptaient
généralement, la question qui se pose
est alors est de savoir quelles sont ces formes de conscience.
S'agit-il de choses qui ne sont pas la conscience à un stade
quelconque du changement, du développement et du
mouvement ? Quelles sont les formes de conscience, quelles sont
ces choses, quel est leur contenu ? Le contenu de ces formes de
conscience ne serait-il que les
lois de développement sont des choses qu'elles reflètent
en
elles-mêmes ? En présupposant l'existence de la
conscience en soi, ce que sera cette conscience post-postmoderniste
deviendra également clair. Je pose la question de rechercher le
contenu de la conscience post-postmoderniste, de la conscience, du
facteur humain, car ce n'est qu'en
retrouvant son contenu que nous recommençons à
approfondir et à étendre la présupposition que
nous avions au départ, la présupposition de la conscience
en soi. C'est à partir de là, de l'établissement
du contenu de la conscience post-postmoderniste, que la discussion et
le débat peuvent réellement commencer.
Ayant accepté cette école, ne serait-ce
que pour les fins de la discussion, le défi pourrait
légitimement se présenter comme suit : si c'est nous
qui devons établir le contenu, comment ce contenu peut-il
être présumé, comment peut-on présupposer
que la conscience existe indépendamment de nous ? Il
semblerait que je me contredise.
Ne vous inquiétez pas pour le moment. Supposez avec moi que la
conscience et la conscience en soi soient deux choses qualitativement
différentes. La conscience qui dépend des
développements autour de nous à un moment donné
n'est pas la même chose que la conscience en soi. Si cela est
accepté, une autre question pourrait être soulevée.
On
pourrait dire : bon, vous avez déjà
présupposé la conscience en soi, mais vous
déclarez maintenant que la conscience et la conscience en soi
sont deux choses différentes. Supposons alors que nous voulions
établir le contenu de la conscience et non de la conscience en
soi. Comment faire ? Je répondrais avec assurance :
essayez
autant que vous le voulez, vous n'y parviendrez pas. Vous ne pouvez pas
établir le contenu de la conscience en le séparant de la
conscience en soi. Ce qu'il faut présupposer, c'est que la
conscience en soi n'est pas la même chose que la conscience. Les
lois du changement, du développement et du mouvement d'une chose
ne sont pas des choses en
soi. Si le contenu de la conscience en soi, ce sont les lois
présupposées, la difficulté à
établir le contenu de la conscience est insurmontable. La
question sera soulevée immédiatement : mais la
conscience est la seule chose dont l'existence présuppose une
dépendance de nous. Pourquoi ne pouvons-nous pas établir
le contenu de quelque chose
qui dépend de nous ? La réponse est simple : si
nous ne savons rien de notre propre conscience, l'origine de cette
conscience, son changement, son développement et son mouvement,
comment pouvons-nous établir le contenu de la conscience qui
dépend de nous ? On peut expliquer que,
précisément parce que nous ne savons rien
d'elle, nous pouvons lui fournir du contenu. On peut dire cependant que
nous ne pouvons jamais établir ce que ce contenu est dans sa
forme finale. C'est le seul absolu dans cette affaire. C'est la source
des difficultés insurmontables. Imaginez que c'est comme une
lumière venant à la Terre et réfléchie par
la Terre. La conscience que nous avons est
comme cette réflexion. Nous réfléchissons ce que
nous recevons de la même manière que la lumière.
Mais toutes les écoles disent que la source de cette
lumière est la personne qui la reflète. La dispute n'est
pas que la lumière soit reflétée, que la
conscience est là. Le différend porte sur la source de
cette lumière, sur la source de cette
conscience ?
Nous avons commencé avec la proposition que la
conscience en soi existe. Appelons cela la supposition numéro
un. La conscience en soi, par définition, est
indépendante de nous. Il y a aussi une conscience qui ne doit
pas être présupposée. Tous, spontanément,
nous émettons et réfléchissons cette conscience et
prétendons qu'elle nous
appartient sans jamais penser qu'elle dépend de nous.
Sommes-nous la source de cette conscience ou est-elle simplement
reflétée par nous ? Juste parce que nous
réfléchissons la lumière, pouvons-nous affirmer
que nous sommes la source de lumière ? Ou juste parce que
nous avons cinq sens qui sont le produit de l'évolution de la
société et de la nature, pouvons-nous affirmer que nous
sommes la source des cinq sens ? Pouvons-nous de là
conclure que, comme différentes personnes ont des origines
différentes, telles qu'elles s'expriment dans la langue
parlée, dans l'origine nationale, l'appartenance ethnique, la
couleur de la peau ou le sexe, elles refléteront ou
montreront leur conscience différemment. Oui, cela pourrait
être dit si l'origine nationale, l'origine ethnique, la couleur
de la peau ou le sexe étaient réellement la source de
cette conscience. Mais comment se peut-il que quelque chose que nous
possédons déjà soit aussi la source de quelque
chose que nous réfléchissons ? En explorant
l'indépendance et la dépendance de la conscience par
rapport à nous-mêmes, tôt ou tard quelqu'un
demandera comment se définit ce « nous ».
Est-ce que le « nous » fait référence
à vous et à moi ou à ceux qui sont venus il y
a 40 000 ans, il y a 500 ans, ou 50 ou 5 ans
ou tout juste hier, ou vous qui
êtes venus aujourd'hui ? Comment définir le «
nous » ? Nous passons de l'exploration du contenu de la
conscience à l'établissement de qui est «
nous » ? Comment pouvons-nous vraiment débattre
lorsque nous passons d'une chose à l'autre ? N'y a-t-il pas
moyen de revenir en arrière et de ne pas faire ce saut
pour que nous puissions rester sur le sujet ?
La question multiplie en fait nos difficultés
parce que nous
nous éloignons de la discussion sur la conscience et entrons
dans un tout autre sujet, le sujet de savoir si nous pouvons faire
quelque chose pour annuler ce saut obligatoire dans la discussion. Nous
pouvons examiner ce que nous
pouvons faire pour assurer notre propre indépendance et ainsi de
suite. Allons-y. Essayons de surmonter cette difficulté.
En 1967, un programme d'études a
été organisé au Collège Trinity de Dublin,
en Irlande, intitulé « La nécessité de
changement ». J'ai eu l'honneur d'être l'orateur
principal sur ce sujet précis de ce que nous pouvons faire pour
surmonter cette difficulté. Je pensais alors que cette
difficulté pouvait être surmontée. Et pour
surmonter
cette difficulté, j'ai fait cette proposition que nous
décidions ensemble que la conscience en soi existe, que nous
fassions cette présupposition ensemble. Nous devrions le faire
sans aucune crainte et ensuite faire la deuxième supposition, la
supposition numéro deux, à savoir que c'est cette
conscience qui se métamorphose et passe d'une forme à une
autre, le changement de contenu s'effectuant suivant les époques
de la société et de la nature. Pour l'illustrer, nous
avons fait la présupposition numéro trois, l'existence du
« je » entre guillemets. Ce « je »,
cette proposition du « je » entre guillemets, nous
amène à la définition suivante : le «
je » est un rapport ou
une relation ; il est quelque chose qui voit les
phénomènes ; qui non seulement voit les
phénomènes mais les reconnaît ; qui non
seulement les reconnaît mais les analyse ; qui non seulement
les analyse mais les reflète à son tour. À mon
avis, ces propositions sont une solution à notre
problème. Si nous acceptons de faire
ces trois présupposés, la solution consiste alors
à comprendre ce qu'est le « je » qui voit,
reconnaît, analyse et réfléchit. Et ce «
je » est par définition un rapport ou une relation.
Ce n'est ni la chose en soi ni les lois du développement,
c'est-à-dire la conscience en soi. C'est le reflet de la
relation entre une chose elle-même et tout le
reste.
Le « je » en tant que rapport ou
relation
«
La
compréhension requiert un acte de participation consciente de
l'individu, l'acte de découvrir. » - Nécessité de changement
Allons plus loin avec cette présupposition. Le
« je » en tant que rapport ou relation n'est ni la
conscience en soi, ni la conscience. Il est conditionné par des
périodes et des circonstances précises. Parce que par
définition une relation dépend du temps et des
circonstances. Si une relation devait être la même dans
toutes les conditions et
circonstances, cela signifierait que la conscience en soi ne se
métamorphose pas. Elle n'assume aucune forme. Cela voudrait dire
que la conscience en soi n'est qu'une abstraction et que la chose en
elle-même ne change pas, ne se développe pas et ne se meut
pas. Bref, c'est aussi une abstraction, c'est un univers stationnaire.
En d'autres termes,
nous ne parlons de rien. Pour parler de quelque chose, nous devons
présupposer l'existence du « je », cette
relation qui donne à la forme vivante cette qualité
concrète et définie, vérifiable par la vie
elle-même. Je dois encore supposer qu'il y a quelque chose qui
est préconditionné. Ce quelque chose est la chose
elle-même, c'est la nature et la
société, la condition de la nature et de la
société à un moment et dans un espace
donnés. Prenons, par exemple, le monde actuel, que nous
connaissons tous plus ou moins bien, car non seulement sommes-nous son
produit mais nous y vivons. En utilisant la présupposition du
« je », que trouvons-nous ?
« Je » en tant que relation pourrait
être entre l'enseignant et l'enseigné, entre l'ouvrier et
le capitaliste, entre les atomes et les molécules ou entre les
parties subatomiques et ainsi de suite. En d'autres termes, nous
pouvons voir une relation qui existe indépendamment de nous et
pourtant la présupposition du « je » donne
l'impression de quelque chose qui est dépendant de nous. On peut
parler d'un miracle, si vous voulez. Lors du programme d'étude
« La nécessité de changement », j'ai
expliqué que le « je » qui reconnaît,
analyse, reflète et reçoit la réflexion n'est pas
le « je » égocentrique, le « je
suis », point final. Le "je" égocentrique
reconnaît mais avec un préjugé. C'est le
préjugé de ce « je ». Le «
je » ainsi défini est seul, c'est le «
je » qui reconnaît mais oublie que moi aussi je peux
reconnaître et ainsi de suite. Et l'on conclura que ce «
je » n'est rien d'autre que la définition de
quelqu'un, une définition de quelque chose. Au-delà, ce
n'est rien.
C'est ce que toutes les écoles de pensée
veulent que nous acceptions, une définition qui nous limite au
maximum, quelque chose qui n'est pas vérifiable au sens large de
la science. Le « je » dont nous parlons, par contre,
est l'être incarné, une relation existant en soi. Une fois
que nous établissons que ce « je »
dépend de la chose
elle-même, nous pouvons expliquer que la chose elle-même
est soumise aux lois du changement, du développement et du
mouvement, telles que reflétées par «
je », par cette relation.
Appliquons cette restriction du « je »
qui est dépendant de la chose elle-même plus largement.
Premièrement, lorsque nous parlons de conscience en soi, nous
devons poser la question : existe-t-elle ? Par
définition, la conscience en soi est indépendante de
nous. Elle nous dépasse. Nous en discutons et posons la question
de
son existence. La réponse à cette question est assez
évidente. Oui, elle existe dans la mesure où il est
reconnu qu'il existe des conditions à une époque
où il n'existait aucun monde biologique dans l'univers.
Dès que le monde biologique naît, et plus encore quand les
êtres humains, vous et moi, en somme la société
dans laquelle nous naissons,
entrent en scène, cette conscience en soi se métamorphose.
Cela signifie-t-il que la conscience en soi
disparaît quand le monde biologique et la société
sont apparus ? Non, elle commence à se métamorphoser
en conscience et apparaît comme étant dépendante de
nous. C'est pourquoi Friedrich Engels dit que toute conscience est
« fausse conscience ». Cette dépendance est
illusoire, elle est
fausse. C'est pourquoi la réalité doit être
étudiée et constamment réexaminée et
redécouverte. Toutes ces consciences ne sont que relatives.
L'existence de la conscience présuppose l'existence du «
je » entre guillemets, ce qui présuppose l'existence
de la chose-même, ce qui présuppose l'existence de la
société ou de la nature, quel que soit le
sujet dont on veuille parler. Peut-on dire que cette conscience
métamorphosée signifie qu'elle n'est plus une conscience
en soi ? Non, ça ne veut pas dire ça. On doit dire
que parce que la conscience est conscience en soi, elle est
métamorphosée par les conditions, revêt telle et
telle forme, dépendante du contenu imposé par ces
conditions.
Autrement dit, de son point de vue elle continue de transcender sa
dépendance et continue d'apparaître comme conscience en
soi.
Le problème de la définition de la
personnalité moderne
«
Notre
fidélité
est envers l'ensemble des rapports humains
et ce que
révèlent ces rapports indispensables, surtout
la nécessité du pouvoir politique. »
- Nécessité de
changement
Une fois que l'on accepte que c'est cela la conscience,
il ne reste plus qu'une très petite question : est-elle
essentielle au changement social ? Cela dépendra bien
sûr des individus. S'ils veulent un changement social, ils
devront définir ce qu'est ce changement social. Nous revenons au
problème de la définition de la personnalité
moderne. Nous devrons commencer par la destruction, par l'analyse. Nous
devrons ensuite définir précisément quelles sont
les conditions sociales, quelles conditions sociales on veut changer.
En d'autres termes, nous devons passer de développements
spontanés à des développements planifiés
conscients. En d'autres termes, nous devons en arriver à
cette condition, à cette étape, à ce stade
où nous devons déterminer s'il existe dans cette
société une force sociale indépendante de nous,
dans c'est dans l'intérêt de réaliser le changement
social dont nous parlons. Si vous pouvez l'identifier, vous avec la
réponse à la question.
Par exemple, nous, communistes, disons que la classe
ouvrière est cette force sociale qui a intérêt
à renverser toutes les conditions de l'exploitation capitaliste.
Sur cette base, nous sommes allés plus loin et avons
analysé que les conditions matérielles sont mûres
pour le renversement du capitalisme. Les conditions subjectives doivent
être
préparées. C'est que la classe ouvrière existe
comme force sociale, mais pas comme force révolutionnaire
consciente et organisée. Cette force doit être
créée. Cela n'est possible qu'avec, disons, une
conscience
pure, c'est-à-dire une conscience totalement dépourvue de
préjugés, c'est-à-dire la conscience en soi. En
d'autres termes, nous devons
redécouvrir, nous devons repenser toute la réalité
et ainsi de suite, comme l'a proposé Sandra Smith dans sa
présentation intitulée « Un moment
décisif ». Si nous nous contentons de dire que la
conscience des années 1960 et la conscience telle qu'elle
existe aujourd'hui suffit, que ce que Marx et Engels, Lénine et
Staline et d'autres ont
découvert suffit, nous commettrons une grave erreur. Dans la
mesure où, si une organisation telle qu'un parti communiste ne
réévaluait pas constamment sa position, si elle ne
remettait pas en question toutes ses propositions fondamentales, cette
organisation deviendrait théoriquement sénile. Et une
fois que vous êtes théoriquement sénile, vous
êtes
pratiquement inexistant.
C'est la raison pour laquelle les partis communistes
dynamiques mettent longtemps à parvenir à une
étape où ils prennent le pouvoir : la
validité théorique dissuade de toute aventure, de toute
idée fausse, de toute illusion que des choses peuvent être
organisées quand les conditions ne sont pas réunies.
Note
1. Le Marxiste-Léniniste, 30
septembre 1995
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