Numéro 134 - 29 octobre 2016
Un an de pouvoir libéral
Le gouvernement Trudeau veut
incorporer la «souplesse» dans le Code du travail pour
imposer l'offensive antisociale
- Pierre Chénier -
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Un
an
de
pouvoir
libéral
• Le gouvernement Trudeau veut incorporer la
«souplesse» dans le Code du travail pour imposer
l'offensive antisociale - Pierre Chénier
• Le facteur manquant dans le mouvement
émancipateur de
la classe ouvrière - K.C. Adams
Vote unanime à
l'ONU contre le blocus américain de Cuba
• Une victoire écrasante pour Cuba! -
Isaac
Saney
• La force ne fait pas le droit!
• Remarques arrogantes de l'ambassadrice des
États-Unis pour expliquer l'abstention - Yi Nicholls
La directive du 14
octobre du président Obama
• Les « petits caractères »
- Sergio Alejandro Gómez
• Dix questions clés - Granma
Supplément
Relations
Cuba-États-Unis
• Entretien de Josefina Vidal avec des
étudiants à La Havane
Un an de pouvoir libéral
Le gouvernement Trudeau veut incorporer la
«souplesse» dans le Code du travail pour imposer
l'offensive antisociale
- Pierre Chénier -
Le 22 septembre dernier, la ministre de l'Emploi,
du Développement
de la main-d'oeuvre et du Travail, MaryAnn Mihychuk, a
déclaré que « la
population canadienne s'est exprimée dans le cadre des
consultations
sur les conditions de travail souples menées par le gouvernement
du
Canada ». Selon la ministre, les Canadiens se
sont « exprimés » par le biais de consultations
en ligne qui se sont
déroulées pendant un mois et demi du 16 mai
au 30 juin et de sept
tables rondes qui se sont tenues à l'échelle du Canada
avec des «
intervenants ».
Elle a dit que « le gouvernement du Canada a
mené d'importantes
consultations publiques sur son plan visant à accorder aux
employés le
droit de demander des conditions de travail souples sans peur de
représailles. De mai à juin, plus de 1 260
Canadiens et 60 intervenants
ont fait part de leurs points de vue sur les
conditions de travail souples, y compris des employeurs et des
organisations patronales, des syndicats et des organisations du
travail, des groupes de défense, des organisations
communautaires, des
groupes de réflexion et le milieu universitaire ».
Dans la lettre de mandat qu'elle a reçue du
premier ministre,
celui-ci lui confie la responsabilité d'apporter des
modifications au Code canadien du travail
afin « d'accorder à tous les employés relevant de
la compétence
fédérale le droit de demander officiellement des
conditions de travail
souples ». Le gouvernement déclare
vouloir continuer de « consulter les provinces et les territoires
au
sujet de la mise en oeuvre de modifications similaires dans les
secteurs sous réglementation provinciale ».
Selon le gouvernement Trudeau, des conditions de
travail souples «
permettent à l'employé de changer, de façon
temporaire ou permanente,
son horaire de travail, le nombre d'heures travaillées ou son
lieu de
travail, ou encore de prendre congé pour s'acquitter de
responsabilités
à l'extérieur du travail. Ces conditions jouent un
rôle important,
car elles permettent aux employés et aux employeurs de s'adapter
aux
réalités professionnelles, sociales et économiques
d'aujourd'hui. En
effet, pour les employés, elles constituent un moyen de mieux
gérer les
exigences souvent concurrentes de leur travail
rémunéré ainsi que leurs
responsabilités personnelles et familiales à
l'extérieur du travail.
Quant aux employeurs, ils les utilisent pour accroître la
productivité
ainsi qu'offrir des environnements de travail inclusifs et positifs
afin d'attirer et de maintenir en poste des employés
compétents
indispensables à l'entreprise. »
Emploi et Développement social Canada a
émis un document de
discussion en mai dernier qui a servi de base aux consultations. Le
document décrit de la façon suivante les «
réalités professionnelles,
sociales et économiques d'aujourd'hui ».
« Les avancées dans le monde du travail
qui découlent de la
mondialisation, des progrès technologiques, des méthodes
de travail en
changement et de la nécessité de parfaire constamment ses
compétences,
ont transformé les milieux de travail, les rendant plus
complexes et
exigeants, tant pour les travailleurs que pour les employeurs.
Parallèlement, la hausse du taux d'activité des femmes,
l'augmentation
du nombre de familles à deux revenus et de familles
monoparentales, la
demande accrue de soins informels avec le vieillissement de la
population et d'autres facteurs ont pour effet d'accroître les
responsabilités familiales et personnelles,
particulièrement pour les
Canadiens qui
font partie de la classe moyenne et ceux qui travaillent fort pour en
faire partie... Il peut être difficile de trouver le juste
équilibre
entre ces responsabilités souvent concurrentes. En effet, selon
l'Association canadienne pour la santé mentale, 58 %
des Canadiens
déclarent être « surchargés » en
raison des pressions associées aux
nombreux rôles qu'ils sont appelés à jouer au
travail et à la maison,
auprès de la famille et des amis, et en tant que
bénévoles au sein de
leur collectivité. Le stress que les Canadiens ressentent en
tentant de
concilier leurs responsabilités professionnelles, familiales et
personnelles peut avoir d'importantes conséquences
néfastes : pour leur
santé
physique et mentale, leur satisfaction au travail et la qualité
de vie
de leur famille ; pour leurs employeurs, en ce qui a trait
à
l'absentéisme, au taux de maintien de l'effectif et à la
perte de
productivité ; et pour les services sociaux et de
santé à l'échelle du
pays. »
La description que donne le document de discussion des
problèmes
auxquels de plus en plus de travailleurs font face nous est très
familière. En fait, c'est la description libérale des
impacts de
l'offensive néolibérale antisociale que les travailleurs
vivent à
chaque jour et qui causent le chaos dans leur vie et l'économie.
Les
libéraux de Justin
Trudeau présentent cela comme si c'était un
phénomène naturel sur
lequel les êtres humains n'ont aucun contrôle, et qui
échappe
certainement à la capacité de la lutte de classe
organisée de la classe
ouvrière d'apporter des changements afin que la
société soit guérie de
ces plaies.
Les libéraux décrivent les
difficultés qu'affrontent les
travailleurs à la fois comme un « défi »
et une « opportunité ». Selon
eux, ce ne sont pas des problèmes qu'on peut résoudre en
mettant au premier plan la défense des intérêts et
du bien-être du peuple. La question clé à savoir
entre les mains de qui sont menées la
mondialisation et les avancées technologiques, par
qui et dans quel objectif est
écartée pour qu'on ne pointe pas du doigt
les actions destructrices des riches et de leurs monopoles mondiaux et
des gouvernements à leur service.
La réalité de la précarisation
toujours plus poussée des conditions
de vie et de travail du peuple est considérée comme un
symptôme de
quelque chose de mystérieux. La cause profonde au sein de
l'économie et
de ses rapports de production n'est jamais identifiée et il en
est de
même du contrôle dévastateur que les oligopoles
mondiaux et
l'oligarchie financière exercent sur l'économie pour
servir leurs
intérêts privés étroits et en
rivalité les uns avec les autres.
Peut-être que la description des symptômes d'une maladie et
l'invention
de quelque remède peut apporter quelque soulagement aux
libéraux de
Justin Trudeau, mais les travailleurs, eux, font face à la
tâche de
trouver une
nouvelle direction et une nouvelle voie vers l'avant qui va leur
permettre de contrôler leur économie, leur vie et leur
travail, et de
leur donner un objectif prosocial en opposition à l'objectif des
riches au service des oligopoles.
Les travailleurs savent d'expérience que les
problèmes de santé
mentale au travail qui sont aujourd'hui si répandus et affectent
la
santé et sécurité, et leur tranquillité
d'esprit ne sont pas causés par
des processus de travail complexes ou des changements technologiques
non identifiés, mais par l'offensive antisociale que
les
riches et
leurs monopoles mènent sans répit contre les
travailleurs. La réduction
du nombre des travailleurs, les effectifs insuffisants, le refus de
fournir des garderies, le harcèlement constant poussant à
faire plus
avec moins et le climat constant de mesures disciplinaires et de
criminalisation des travailleurs qui osent protester ont tous leur
source dans le
contrôle antisocial et l'objectif de l'oligarchie
financière qui est de
défendre et construire ses empires pour pouvoir mieux s'emparer
de la
richesse sociale que la classe ouvrière produit.
Selon la logique libérale, les travailleurs
devraient s'adapter à
la détérioration et à la déstabilisation de
leurs conditions de vie et
de travail de même qu'au système et aux décisions
brutales qui leur
causent insécurité et détresse. La conception
libérale prend
l'offensive antisociale comme point de référence, ce qui
élimine
l'existence d'une
alternative. La solution aux « demandes » et aux
« pressions » qui
s'exercent sur le système de santé et les services
sociaux est de
placer le fardeau du soin des enfants, des familles et des
aînés sur
les familles et les individus. C'est dans un tel cadre, dit-on aux
travailleurs, que la « souplesse » et d'autres
stratagèmes du genre
peuvent fournir un soi-disant équilibre entre le travail et la
vie
familiale.
Les libéraux mettent de l'avant le mantra
irrationnel du « chacun
subvenant à ses propres besoins » dans une
économie qui est pourtant
entièrement socialisée et intégrée. Parler
d'un équilibre entre la vie
et le travail, c'est nier que la vie, pour les êtres humains, a
toujours été le travail. La vie commence et progresse par
le travail
et, dans
le monde moderne du travail socialisé, cela veut dire
créer les
conditions pour que les travailleurs s'épanouissent de
manière
individuelle et générale et fassent ainsi leur meilleure
contribution à
leur propre bien-être et celui de tous et à
l'intérêt général de la
société.
Les documents que les libéraux ont
préparés pour appuyer leur
programme d'incorporer les « conditions de travail
souples » dans le Code canadien du travail
montrent bien que ce programme n'a rien d'innocent ou de
généreux et
qu'on assiste en fait à quelque chose de sinistre. On lit entre
autres
dans le rapport sur les
consultations qui ont été menées :
« Les intervenants ainsi qu'un grand nombre de
répondants ont
reconnu que les conditions de travail souples étaient
utilisées dans un
contexte juridique élargi ; ils ont également
mentionné plusieurs
éléments particuliers qui, selon eux, nuisent à la
promotion de la
souplesse :
« - les conventions collectives, qui offrent
généralement des
conditions de travail souples ou des horaires de travail favorables en
fonction de l'ancienneté plutôt que selon le moment
où l'employé
présente sa demande ou le type de souplesse dont il souhaite
bénéficier ;
« - certaines dispositions du Code canadien du
travail concernant
les heures supplémentaires qui, selon les employeurs ou les
employés,
sont trop restrictives ;
« - les dispositions du Code canadien du travail
concernant la
responsabilité de l'employeur de s'assurer que les lieux de
travail
respectent les exigences en matière de santé et
sécurité, lesquelles ne
sont peut-être pas appropriées pour le travail
effectué à distance, par
exemple à partir du domicile d'un employé. »
Le chat est sorti du sac ! En somme, faire preuve
de souplesse veut
dire s'attaquer aux conventions collectives, à
l'ancienneté, à la durée
de la journée et de la semaine de travail et à toute
autre
restriction
au droit de monopole d'exploiter les travailleurs et d'attaquer leur
dignité. Pourquoi la demande de « conditions
de
travail souples » devrait-elle être liée
à la réglementation légale en
matière de santé et de sécurité, de temps
supplémentaire et ainsi de
suite ? Le gouvernement Trudeau est-il en train de préparer
une réforme
des lois du travail qui vise à démanteler les
arrangements ayant force
de loi, y compris les conventions collectives, au nom de ce
qu'il appelle un équilibre entre « le travail et la
qualité de vie en
famille » ? Toutes les mesures qui existent qui ont
fourni un peu de
stabilité et d'équilibre dans les conditions de vie et de
travail des
travailleurs sont dues en grande partie à la lutte collective
organisée
des travailleurs pour leurs droits et les droits de tous.
La vigilance et la défense des droits sont de
mise, y compris le
droit des travailleurs de s'organiser collectivement à la
défense de
leurs intérêts, compte tenu surtout des plans que le
gouvernement
Trudeau semble être en train de préparer. Cet appel
à la « souplesse »
semble être une autre de ces constructions de l'esprit que les
libéraux
de Justin Trudeau mettent de l'avant pour justifier leurs attaques
contre la classe ouvrière et la société.
Les travailleurs ne s'organisent pas uniquement pour
défendre leurs
droits qui sont attaqués mais pour se préparer à
prendre l'offensive
pour changer l'objectif, l'organisation de même que les rapports
de
production et la direction de l'économie afin de les rendre
conformes
au caractère socialisé du travail moderne.
Le facteur manquant dans le mouvement
émancipateur de la classe ouvrière
- K.C. Adams -
Les travailleurs sont leurs propres
sauveurs !
Le mouvement émancipateur de la classe
ouvrière doit se défaire d'une mauvaise habitude qui le
retient. Il a tendance à nier sa capacité de s'organiser
et de changer les choses indépendamment de l'élite
impérialiste dominante et de son État. La culture
politique ambiante inculque aux travailleurs que ce n'est qu'en
influençant l'élite dominante
et en se servant de ses institutions d'État qu'ils peuvent faire
cesser les attaques des riches impérialistes et de leurs
monopoles et oligopoles contre la classe ouvrière et les
convaincre de
respecter les droits et de résoudre les problèmes pour le
bien de la société plutôt que dans leurs
intérêts privés étroits.
Cette façon de voir
a laissé le mouvement émancipateur de la classe
ouvrière presque complètement dénué
d'institutions qui soient vraiment siennes. Quand les travailleurs
veulent faire connaître leurs vues à d'autres travailleurs
ou au public en général, ils se tournent
généralement vers les médias de masse de
l'élite dominante. Lorsqu'ils
veulent donner une expression pratique à leurs opinions
politiques, ils se tournent vers l'un ou l'autre des partis politiques
cartellisés de l'élite dominante. Lorsqu'ils se
retrouvent dans une mauvaise situation, que leurs droits sont
attaqués et qu'ils ont besoin d'aide, ils sont à la merci
des institutions d'État et de la charité des riches
impérialistes.
L'excuse généralement donnée ou le
sous-entendu généralement accepté est que les
institutions médiatiques ou politiques et d'entraide de la
classe ouvrière ne sont pas suffisamment fortes pour faire la
différence, alors les travailleurs doivent recourir aux
institutions de l'élite impérialiste dominante. De cette
façon, rien n'est fait pour renforcer les médias qui sont
partisans de leurs opinions et positions indépendantes ou les
institutions politiques et d'entraide de la classe ouvrière.
Combien souvent entend-on dire que si seulement le Toronto
Star, le Hamilton Spectator, La Presse, Le
Journal de Montréal ou une autre institution de la presse
monopoliste cessait ses préjugés antitravailleurs et
présentait les intérêts et les points de vue de la
classe ouvrière de façon objective et
conséquente, les choses pourraient aller beaucoup mieux ?
Ce sentiment d'espoir débilitant empêche les travailleurs
de poser les gestes décisifs pour bâtir leurs propres
institutions démocratiques indépendamment de
l'élite dominante.
Les travailleurs sont séduits par les promesses
de ceux qui détiennent le pouvoir économique et
politique. Ils ne saisissent pas qu'ils sont les véritables
producteurs de la richesse sociale ; qu'ils font partie d'une
classe qui représente de loin la majorité de la
population et qu'ils sont la seule force sociale capable de contester
le pouvoir de
l'élite dominante de priver les êtres humains des droits
qui leur appartiennent du fait de leur humanité. Les riches
impérialistes inculquent constamment aux travailleurs qu'ils
sont un coût de production, que leurs salaires mais aussi les
programmes comme les pensions, l'assurance-emploi et les indemnisations
pour accident ou maladie reliés au
travail sont autant de coûts pour la société. Les
travailleurs sont amenés à se convaincre par un message
répété continuellement qu'ils sont un fardeau pour
l'économie et pour la société et que les riches
impérialistes sont les véritables héros. On leur
répète constamment que les véritables producteurs
qui font le travail et qui produisent toute la
richesse sociale dont la société a besoin ne sont pas
capables de résoudre les problèmes dans leur
intérêt, dans l'intérêt de leur
économie et de leur société. La
vérité objective que tous peuvent voir est
niée : que les riches impérialistes et leurs
intérêts privés étroits et rivaux sont le
véritable fardeau et ce qui bloque la résolution des
problèmes
de l'économie et de la société, que ce sont eux
qui
retiennent la classe ouvrière et l'empêchent de prendre la
place qui lui revient comme dirigeante et fondement de la vie moderne.
Pour défendre ses droits, résoudre les
problèmes de l'économie, avancer dans une nouvelle
direction prosociale et ouvrir une voie au progrès de la
société, la classe ouvrière doit défaire le
blocage que représente le pouvoir de l'élite dominante.
Elle ne peut pas défaire le blocage des riches
impérialistes si elle cherche constamment l'aide des
forces qui bloquent la résolution des problèmes et qui
privent les travailleurs de leur rôle dirigeant.
La classe ouvrière
doit opposer à l'élite dominante et à son
État le
pouvoir de sa voix indépendante, de ses actions et institutions
indépendantes. Ce n'est pas une possibilité si
éloignée dans un monde où la technologie offre aux
travailleurs plusieurs moyens de rejoindre leurs collègues et le
public en général. Qu'est-ce qui empêche les
travailleurs d'exprimer leurs points de vue par écrit ou par des
moyens audiovisuels et de les faire parvenir de façon
organisée à leurs collègues de travail et au
public ? Qu'est-ce qui les empêche d'établir leurs
propres institutions d'entraide pour enquêter les conditions de
leurs collègues, des retraités et d'autres secteurs de la
société et de se
donner les moyens nécessaires pour aider tous ceux et celles qui
ont besoin d'aide pour obtenir satisfaction de leurs droits ?
Qu'est-ce qui empêche les travailleurs d'entreprendre des actions
avec analyse continuelles et soutenues pour faire connaître leurs
problèmes et ceux de l'économie en confrontant
l'élite dominante et en contestant son
pouvoir de bloquer la résolution des problèmes ? Il
faut s'arranger pour que les riches impérialistes sentent la
pression et soient forcés de penser qu'il faut un arrangement
avec la classe ouvrière et qu'un équilibre dans les
rapports sociaux est préférable à la domination
des intérêts privés étroits des oligopoles
sur tous les fronts, à l'assaut
continuel contre les droits de tous et à l'abandon de
l'économie à des crises perpétuelles.
La classe ouvrière doit garder l'initiative en
tout temps pour défendre ses droits et exercer son pouvoir et sa
volonté de résoudre les problèmes de
manière prosociale, pour le bien de l'ensemble de la
société. L'époque où la classe
ouvrière doit quémander à l'élite
monopoliste dominante pour ses droits est depuis longtemps
révolue. Pour
changer la situation en faveur de la classe ouvrière,
l'initiative doit provenir des travailleurs eux-mêmes : ils
doivent bâtir leur voix et leurs institutions dans les endroits
de travail et dans la communauté. Les travailleurs doivent se
voir eux-mêmes comme les leaders de leur mouvement, de leur
économie et du pays.
Vote unanime à l'ONU contre le
blocus américain de Cuba
Une victoire écrasante pour Cuba!
- Isaac Saney, porte-parole,
Réseau canadien pour Cuba -
Aujourd'hui 26 octobre, l'Assemblée
générale des Nations unies a voté à 191
voix contre 0 (avec deux abstentions, soit les États-Unis
et Israël) de condamner la guerre économique que Washington
mène contre Cuba depuis plus de cinq décennies. C'est
la 25e année consécutive que l'ONU rejette les
tentatives des
États-Unis d'imposer leur volonté impériale
à Cuba par la coercition, avec l'imposition d'un embargo
commercial, économique et financier unilatéral.
Le vote retentissant de l'ONU représente une
victoire pour Cuba mais aussi pour tous celles et ceux qui
défendent le droit inaliénable et inviolable de tous les
peuples à l'autodétermination et à
l'indépendance.
Une rebuffade sans précédent par la
communauté internationale des efforts de Washington pour
asphyxier l'héroïque peuple de Cuba, le vote du 26
octobre a démontré non seulement l'opposition
indéfectible des peuples du monde à la politique
criminelle des États-Unis, mais aussi l'ampleur du soutien et du
respect pour Cuba dans le
monde. L'empire s'est senti si isolé qu'il n'a pu faire autre
chose que de reconnaître et d'accepter cette
réalité en s'abstenant.
Par contre, bien que l'abstention de Washington soit un
développement positif, le gros de l'architecture du blocus
économique demeure intact.
Par conséquent, la lutte continue pour mettre un
terme à la guerre économique des États-Unis contre
Cuba, une violation flagrante du droit international et l'obstacle
principal au développement social et économique de
l'île. Dans cette lutte, les nations et peuples du monde, qui
représentent l'immense majorité de l'humanité, ont
déclaré d'une
seule voix qu'elles sont avec Cuba.
Le blocus étasunien de Cuba doit
être levé !
La force ne fait pas le droit!
Le vote unanime du 26 octobre de l'Assemblée
générale de l'ONU en faveur de la résolution
intitulée : « Nécessité de lever le
blocus économique, commercial et financier imposé
à Cuba par les États-Unis d'Amérique »
est une autre importante victoire non seulement pour Cuba mais pour
tous les amis de Cuba dans le
monde.
Toutefois, lorsqu'elle a annoncé que les
États-Unis allaient s'abstenir, l'ambassadrice américaine
Samantha Power a tenu à dire que s'il est vrai que
l'administration Obama a changé la politique des
États-Unis envers Cuba, l'abstention ne doit pas être vue
comme un accord avec ceux qui soutiennent la résolution. Elle a
ensuite eu l'arrogance
d'énoncer toutes les choses que Cuba doit changer si elle veut
obtenir l'approbation des États-Unis, sans admettre un seul
méfait des États-Unis contre Cuba.
Le ministre cubain des Affaires
étrangères, Bruno Rodriguez Parilla, a gracieusement
accepté l'abstention des États-Unis et les remarques de
l'ambassadrice. Il a toutefois profité de l'occasion pour
réitérer les effets cruels du blocus. Cuba estime que les
dommages économiques accumulés du blocus se chiffrent
à 753,67 milliards $.
Le ministre a aussi souligné les violations flagrantes du droit
international par ce blocus et l'affront qu'il représente pour
les peuples d'Amérique latine et des Caraïbes qui ont
proclamé la région une zone de paix. « Il ne fait
pas de doute que des progrès ont été
réalisés, a-t-il dit. Mais le blocus économique,
commercial et financier persiste. Il cause
des torts au peuple cubain et entrave le développement
économique de son pays. » Le blocus doit être
entièrement levé, a-t-il réitéré. Il
a terminé en disant que dans le processus de normalisation des
relations entre les deux pays, il serait utile que les
États-Unis reconnaissent que les changements à Cuba
relèvent du peuple cubain
souverain.
Cette dernière victoire de Cuba à l'ONU
offre un contraste frappant avec les menées de tous ceux qui
abusent de l'ONU pour saper la souveraineté des autres. Si d'une
part il y a de nombreux exemples des tentatives des
impérialistes américains de se servir des institutions de
l'ONU contre ses principes fondateurs et sa charte, d'autre part la
défense par Cuba de ses droits est une défense des droits
de l'humanité.
À l'occasion de cette victoire à l'ONU, LML
transmet ses sincères félicitations à Cuba,
à ses dirigeants, à son peuple, à sa mission
onusienne et à tous les amis de Cuba dans le monde. À
l'heure où les impérialistes américains
créent le chaos pour l'humanité avec leur armée,
leur marine, leurs forces de frappe, leurs armes nucléaires,
leur terreur d'État, leur guerre économique et leurs
coups d'État, la victoire de Cuba à l'ONU envoie le
message clair que « la force ne fait pas le
droit ! » et que la résistance organisée
et la défense inébranlable des principes peuvent ouvrir
une voie vers l'avant. LML appelle les Canadiens à
soutenir activement le mouvement pour mettre
fin au blocus américain et pour que la baie de Guantanamo soit
retournée à Cuba.
Remarques arrogantes de l'ambassadrice des
États-Unis pour expliquer l'abstention
- Yi Nicholls -
Avant le vote de l'ONU sur la résolution annuelle
pour mettre fin au blocus des États-Unis contre Cuba le 26
octobre, la discussion était ouverte aux représentants de
tout pays au sujet de la résolution. L'ambassadrice des
États-Unis à l'ONU, Samantha Power, a
déclaré : « Pendant plus de 50 ans, les
États-Unis avaient
une politique visant à isoler le gouvernement de Cuba. Pour
environ la moitié de ces années, les membres de l'ONU ont
voté massivement pour une résolution de
l'Assemblée générale condamnant l'embargo
américain et appelant à sa levée. Les
États-Unis ont toujours voté contre cette
résolution. Aujourd'hui, les États-Unis
s'abstiendront. »
L'annonce de l'abstention des États-Unis a été
accueillie par un applaudissement soutenu de l'Assemblée.
Notons que madame Power prétend que la
résolution condamne « 'embargo des
États-Unis », ce qui laisse entendre que les mesures
concernent les États-Unis et Cuba et personne d'autre. Ce qui
est faux. La résolution condamne « le blocus des
États-Unis », qui constitue une agression
généralisée contre Cuba et qui affectent tous les
pays qui ont des relations avec Cuba ou qui pratique le commerce avec
elle.
L'ambassadrice a alors apporté des
précisions pour que personne ne confonde cette position avec un
accord avec la résolution :
« En décembre 2014, le
président Obama a clairement fait savoir son opposition à
l'embargo et appelé notre Congrès à le lever. Or,
si l'administration Obama reconnaît que l'embargo doit être
levé, je dois clairement faire savoir que le changement de
position n'est pas dû aux motifs énoncés dans la
présente résolution. » Power a
alors nié l'illégalité du blocus et dit que les
États-Unis « rejettent catégoriquement les
déclarations contenues dans la résolution qui le laissent
entendre ».
L'ambassadrice américaine a ensuite
profité de l'occasion pour répandre la
désinformation au sujet de la vie à Cuba, niant la
responsabilité des États-Unis dans les nombreuses
difficultés auxquelles font face les Cubains en raison du
blocus et justifiant tous leurs méfaits à l'endroit de
Cuba. Elle a admis que la politique d'isoler Cuba s'est
retournée contre les États-Unis, mais a ensuite fait des
allégations non fondées au sujet des violations des
droits humains à Cuba. Par exemple, elle a allégué
des limitations sur l'accès des Cubains à des sources
externes d'information.
Power n'a pas reconnu que
la politique hostile des États-Unis viole les droits humains des
Cubains, incluant le fait que la plus grande restriction à
l'accès à l'information des Cubains est sans aucun doute
le blocus, qui restreint la bande-passante Internet requise ainsi que
l'accès de Cuba aux ordinateurs et équipements de
télécommunication.
Elle n'a pas non plus reconnu les milliards de dollars en dommage
économique causé par le blocus ou les milliers de
blessés ou tués par le terrorisme d'État
appuyé par les États-Unis contre Cuba. De même,
lorsqu'elle a félicité Cuba pour son travail pour
abaisser le taux de mortalité infantile, elle n'a pas reconnu
l'exploit de le faire dans le cadre
du blocus (ni que le taux à Cuba est plus bas que celui des
États-Unis).
En aucun temps l'ambassadrice américaine
n'a-t-elle reconnu les raisons légitimes pour lesquelles les
peuples du monde ont formellement condamné le blocus
depuis 25 ans, ni le besoin de justice ou de réparation.
L'ambassadrice des États-Unis a même
déclaré que « l'hostilité » entre
les deux pays a empêché des relations diplomatiques et la
collaboration, suggérant ainsi que Cuba a été
hostile envers les États-Unis et que cela justifiait l'agression
américaine. Évidemment, Cuba n'a jamais montré une
telle hostilité envers les États-Unis. Cuba a
simplement défendu ses droits et sa souveraineté et celle
des autres peuples dans l'esprit de l'internationalisme et a
cherché des relations pacifiques et d'amitié avec tous
les pays, incluant les États-Unis.
Samantha Power a tenté de donner un exemple
positif de coopération et de multilatéralisme entre Cuba
et les États-Unis par un compte-rendu plus que condescendant de
la réponse internationale à l'épidémie
d'Ebola en Afrique de l'Ouest. Elle a déclaré que
ce sont les États-Unis qui ont ouvert la voie, et que
Cuba s'est réellement engagée en
étant un des premiers à répondre à l'appel
des États-Unis. Elle a parlé d'un médecin cubain
qui a été infecté en fournissant une assistance en
Afrique de l'Ouest. L'effort international pour traiter ce
médecin est ce qui devrait toujours caractériser l'ONU, a
dit Power. Le ministre cubain des Affaires étrangères,
Rodriguez Parilla, dans ses remarques
qui ont suivi celles de Power, a dû souligner que le
déploiement de l'aide médicale cubaine dans ce cas a
été effectivement entravée par le blocus des
États-Unis.
L'ambassadrice américaine a conclu ses remarques
en disant que l'abstention des États-Unis n'est qu'une petite
étape pour améliorer les relations, mais qu'avec
plusieurs petites étapes comme celle-ci, elle espérait
que
le but ultime de la levée du blocus pourrait être atteint.
La directive du 14 octobre du
président Obama
Les « petits caractères »
- Sergio Alejandro Gómez -
Réouverture
de
l'ambassade
cubaine à Washington, DC, le 10 juillet 2015, un
des gestes posés dans les relations entre Cuba et les
États-Unis depuis 22 mois.
Après des décennies de documents secrets
qui dissimulaient des sabotages et des plans de déstabilisation,
la nouvelle directive du président Barack Obama sur la politique
envers Cuba a été rendue publique le vendredi 14
octobre.
Le président des États-Unis a
déclaré que le document a une approche intégrale,
qu'il concerne toutes les instances du gouvernement et qu'il a pour
objectif de « rendre irréversibles les transformations de
ces deux dernières années ».
« Il favorise la transparence en indiquant
clairement nos politiques et nos intentions », a-t-il
ajouté.
La conseillère à la
Sécurité nationale, Susan Rice, est allée encore
plus loin en reconnaissant que par le passé, il y eut des
« plans secrets contre Cuba », mais que
désormais les États-Unis avaient décidé de
rendre publiques les directives exécutives concernant les
relations avec la plus grande île des Antilles.
Le diable, comme dit le proverbe, est dans les
détails. Sous un langage technocratique et les
néologismes typiques de la diplomatie, le texte camoufle nombre
des contradictions qui persistent entre les deux voisins.
Depuis les annonces du 17
décembre 2014, les autorités étasuniennes ont
déclaré à plusieurs reprises et de
différentes manières que « les méthodes
changeaient, mais pas les objectifs ».
« Nous reconnaissons la souveraineté et
l'autodétermination de Cuba », précise la
directive signée par Obama lui-même, après avoir
qualifié les agissements de ce dernier demi-siècle de
« politique obsolète qui a échoué à
faire avancer les intérêts des
États-Unis ».
« Nous ne tentons pas d'imposer un changement de
régime à Cuba. Par contre, nous faisons la promotion des
valeurs que nous soutenons partout dans le monde, tout en respectant le
fait qu'il revient au peuple cubain de prendre ses propres
décisions quant à son avenir », peut-on lire
dans un autre paragraphe du document.
Or, le discours de Susan
Rice au Woodrow Wilson Center, à Washington, et son
échange ultérieur avec la presse, prouve par son ton et
son contenu que les aspirations à promouvoir des changements
dans l'ordre politique, économique et social choisi par les
Cubains en 1959, n'ont pas encore disparues.
La très influente conseillère à la
Sécurité nationale justifie le changement de politique
actuel avec l'argument selon lequel les États-Unis ne pouvaient
pas « rester assis à attendre » que Cuba
change, sans s'impliquer dans la question.
Elle a également déclaré que
Washington « était intéressée »
par les changements en cours sur l'île qui, selon elle, sont le
fruit du rapprochement entre les deux pays depuis le
rétablissement des relations diplomatiques.
« Nous voulons entretenir des relations
honnêtes avec le peuple cubain », a ajouté
Rice, qui a affirmé que les programmes dits de « promotion
de la démocratie » à Cuba seront plus «
transparents ».
Sous cette étiquette, les États-Unis
dissimulent les projets de changement de régime, auxquels ils
destinent des millions de dollars depuis des décennies, sans
pour autant avoir atteint leurs objectifs.
La directive contient des termes presque identiques
dans les indications finales adressées aux différentes
instances du gouvernement, en particulier à l'Agence des
États-Unis pour le développement international (USAID),
qui est dans le collimateur de plusieurs pays du monde pour ses
agissements subversifs, et qui à Cuba était
derrière des
opérations, comme ZunZuneo, le réseau alternatif de
messages destinés à créer une base
opérationnelle dans le milieu de la jeunesse à des fins
de
déstabilisation.
« L'USAID dirigera conjointement avec le
Département d'État les efforts pour garantir que les
programmes démocratiques soient transparents et conformes aux
programmes mis en oeuvre dans d'autres sociétés
semblables », explique le document, comme si le simple fait
que ces programmes soient transparents les rendait
automatiquement acceptables pour Cuba, sans que leur nature subversive
ait été changée.
Au-delà de
l'obscurité qui entoure l'expression « autres
sociétés semblables » et en supposant que Cuba
ne soit pas le seul pays où Washington investit de l'argent pour
tenter d'influer sur les décisions des peuples souverains qui ne
répondent pas à leurs intérêts, plusieurs
questions se posent : en quoi consiste rendre ces
programmes « transparents » ? Qu'ils soient
« transparents » les rend-il moins subversifs ?
Des exemples récents, comme l'affaire des
bourses de l'organisation World Learning pour des cours
d'été, attribuées discrètement et à
l'insu des autorités cubaines, illustrent clairement les
intérêts profonds de ces programmes subventionnés
par l'USAID, dans le plus pur style des « révolutions de
couleur ».
La directive reconnaît que ces opérations
affectent le processus de normalisation des relations, mais ne donne
aucune indication sur la volonté de les modifier, ni de modifier
d'autres aspects qui minent les relations entre nos deux pays :
« Nous prévoyons que le gouvernement cubain continuera
à s'opposer aux politiques et aux opérations
étasuniennes concernant l'immigration, ainsi qu'aux programmes
de démocratie, Radio et TV Marti, à la présence
des États-Unis sur la base navale de Guantanamo et à
l'embargo (blocus). »
« Le gouvernement des États-Unis n'a pas
l'intention de modifier le contrat de location en vigueur, ni d'autres
dispositions connexes liées à la Base navale de
Guantanamo, qui permet aux États-Unis d'améliorer et de
protéger la sécurité nationale »,
signale le texte à propos de l'un des points qui constitue une
revendication souveraine du
peuple cubain concernant une partie de son territoire
illégalement occupée, un aspect essentiel, sans la
solution duquel il ne peut y avoir de relations normales entre les deux
pays.
À quel peuple cubain prétend-on
bénéficier ?
« L'objectif de la nouvelle politique est d'aider
le peuple cubain à construire un avenir meilleur »,
signale la nouvelle directive présidentielle. Or, il est
évident que la majeure partie des changements que la
Maison-Blanche a encouragés depuis le 17
décembre 2014 sont destinées à un secteur
très spécifique de la population
cubaine et non dans l'intérêt de la majorité.
Parmi les résultats que les États-Unis
prétendent atteindre à long terme à travers la
modification de leur politique envers Cuba figure « le
développement d'un secteur privé qui offre de plus
grandes possibilités économiques au peuple ».
« Tant que l'embargo (blocus) restera en place,
notre rôle sera de mettre en oeuvre des politiques qui permettent
l'interaction du secteur privé des États-Unis avec le
secteur privé émergent à Cuba et avec des
entreprises d'État qui fournissent des biens et des services
à la population cubaine », explique la directive.
Le modèle économique cubain, dont la mise
à jour a été soumise à la consultation
populaire à plusieurs reprises, reconnaît le secteur non
étatique comme une source d'emploi et un complément au
développement économique du pays. Or, la
propriété sociale des moyens de production de base et
l'entreprise d'État socialiste sont les clés du
présent et de l'avenir prospère et durable auquel
aspirent les Cubains.
La dirigeante étasunienne escamote dans son
concept de peuple, trois Cubains sur quatre : ceux qui travaillent
dans le secteur public et qui ne bénéficient de
pratiquement aucune des transformations actuelles.
La persistance du blocus constitue de toute
évidence le principal obstacle au commerce et à la
normalisation des relations économiques, cependant
l'intentionnalité est claire : donner la priorité au
secteur privé sur le public (majoritaire à Cuba) à
des fins politiques visant à créer des divisions dans le
pays. La dirigeante se contredit quand
elle affirme, dans le paragraphe Panorama stratégique que Cuba
dispose d'« un potentiel économique important
enraciné dans le dynamisme de son peuple, ainsi qu'un engagement
soutenu dans des domaines tels que l'éducation et la
santé ».
Pendant plus d'un demi-siècle, le capital
privé n'est pas entré dans une école ni dans un
hôpital cubain, alors que Washington n'hésite pas à
reconnaître ces deux secteurs comme des bastions
stratégiques de l'avenir du pays.
Des mesures sur la bonne voie mais limitées
La dernière série de mesures des
Départements du Commerce et du Trésor, qui ont
accompagné la publication de la directive, vont dans le
même sens que les précédentes, mais leur
portée est limitée, sélective et intentionnelle.
Même si pour la première fois
l'importation aux États-Unis de produits pharmaceutiques et
biotechnologiques cubains -- au bénéfice sans aucun doute
de leur propre population qui pourra accéder à des
traitements comme l'Heberprot-P, pour le traitement de l'ulcère
du pied diabétique --, l'interdiction de créer des
entreprises mixtes dans ce
secteur pour le développement et la commercialisation de ces
produits reste en vigueur.
L'ouverture dans ce domaine est la preuve des vastes
facultés exécutives que conserve le président
étasunien pour modifier certains aspects importants de
l'application du blocus, qui continue à restreindre les
exportations de la majorité des produits cubains sur le
marché de ce pays voisin, le plus important du monde.
La plupart des mesures sont destinées à
élargir la portée des transactions déjà
autorisées dans les séries de mesures
précédentes, ce qui témoigne de leur portée
limitée.
L'interdiction des investissements des
États-Unis à Cuba est maintenue, sauf dans le secteur des
télécommunications, lesquels ont été
approuvés depuis le début de 2015.
Aucune information ne permettrait de dissiper les
doutes de la communauté internationale quant à la traque
financière à laquelle Cuba est soumise et dont les effets
d'intimidation empêchent encore les dépôts en
espèces ou les paiements effectués à des tiers en
dollars américains.
La vérité, c'est qu'en dépit de
l'appel au Congrès à lever le blocus, la majeure partie
des politiques d'agression des États-Unis reste en vigueur,
entraînant des milliards de pertes pour Cuba, et empêche
l'application des mesures du gouvernement Obama.
Or, le président des
États-Unis est loin d'avoir épuisé ses
prérogatives exécutives pour permettre la mise en oeuvre
effective des mesures qu'il a adoptées et contribuer de
manière décisive à la suppression du blocus.
Cependant, on ne saurait ignorer les avancées
historiques de ces 22 derniers mois. Les relations diplomatiques
ont été rétablies et les ambassades ont rouvert
dans les pays respectifs. Six secrétaires du gouvernement des
États-Unis ont visité La Havane et quatre ministres
cubains se sont rendus aux États-Unis. Obama est devenu le
premier
président étasunien à visiter Cuba
depuis 1928.
Une Commission bilatérale a été
créée pour examiner les questions prioritaires et des
accords ont été conclus en matière de protection
environnementale, sanctuaires marins, santé publique et
recherche biomédicale, agriculture, lutte contre le trafic de
drogue, sécurité des voyageurs et du commerce, aviation
civile, courrier postal et hydrographie.
Des pourparlers ont démarré sur la coopération
dans l'application et le respect de la Loi, les questions
régulatrices, économiques et les réclamations,
entre autres.
La liste des progrès entre les deux pays n'est
pas insignifiante, si l'on sait qu'il y a deux ans ils ne disposaient
pas de la moindre relation diplomatique. Cependant, le chemin qui reste
à parcourir est encore long pour parvenir à une relation
civilisée entre des pays voisins qui sont séparés
par 90 milles marins, mais surtout par deux siècles
d'histoire convulsive bilatérale.
Au-delà d'une directive rédigée
comme s'il n'y avait aucun problème entre les deux pays, ce qui
pourrait générer de fausses attentes, le moment actuel
exige une réelle volonté politique pour mener à
bien les changements en s'abstenant une fois pour toute de manier aussi
bien la carotte que le bâton.
Dix questions clés
- Granma -
1. La nouvelle directive du gouvernement de
Barack Obama sur Cuba considère le blocus comme une «
politique obsolète qui a échoué à faire
avancer les intérêts des États-Unis ».
Washington admettra-elle un jour qu'il s'agit d'une agression injuste
et illégale qui a causé des pertes énormes et des
dégâts humains
incalculables ? Les États-Unis sont-ils prêts
à indemniser ces dommages occasionnés au peuple
cubain ?
Dommages découlant
du blocus exercé par les États-Unis contre Cuba (pour la
période comprise entre avril 2015 et avril 2016):
Santé :
82 723 876,18 dollars. Ce chiffre représente une
augmentation de plus de 5 millions de dollars par rapport à
la période comprise entre avril 2014 et avril 2015.
Alimentation : 605 706 289
dollars.
Ces
pertes
sont
dues
à
une
hausse
significative du prix
des semences destinées à l'agriculture, des engrais, des
pièces détachées pour les machines agricoles et
autres.
Culture : 29 483 800
dollars. En l'absence du blocus, le marché des États-Unis
pourrait être la principale source de matières
premières, de matériel, d'outils et d'équipements
pour répondre aux besoins des artistes, artisans et designers de
l'île.
Éducation : 1 245 000
dollars.
Pour
le
fait
de
devoir
acheter
le
matériel sur des
marché éloignés, le ministère cubain de
l'Éducation a essuyé des pertes durant la période
en question.
Construction : 30 868 200
dollars. Ces pertes sont imputables, notamment, à
l'impossibilité d'accéder à des technologies
constructives plus performantes, légères et
requérant une moindre consommation de matériaux de base
et de composants énergétiques.
Biotechnologie : 171 665 136,96
dollars.
Tel
est
le
montant
des
pertes
économiques
provoquées
dans ce secteur important par la politique de blocus
durant la période analysée dans ce document.
2. Si les États-Unis souhaitent vraiment
entretenir une relation « honnête » avec le
peuple cubain, comme l'a assuré la conseillère à
la sécurité nationale des États-Unis, Susan Rice,
pourquoi la nouvelle directive ferme-t-elle les portes à la
restitution du territoire illégalement occupé par la base
navale à Guantanamo, qui est
précisément l'une des revendications souveraines de ce
peuple, et dont la satisfaction est indispensable pour entretenir une
relation normale ?
Les États-Unis envoient chaque année
à Cuba un chèque de 4 085 dollars pour la
location de la base navale à Guantanamo. Un chèque que
Cuba n'encaisse jamais pour une question de principe, car elle refuse
de reconnaître l'occupation de cette portion de notre territoire.
- La station navale de la Baie de Guantanamo fut
établie en 1903 à la suite de l'occupation militaire
de l'île par les États-Unis.
- Elle couvre une superficie de 117,6
kilomètres carrés (49,4 km2 de terre ferme et
le reste
d'eau et de marais).
- Plus de 5 300 personnes travaillent à
la base, militaires et civils confondus.
- Les États-Unis y ont installé un
centre illégal de détention.
3. « Nous reconnaissons la
souveraineté et l'autodétermination de Cuba »
et « nous ne tentons pas d'imposer un changement de régime
à Cuba ». Ce sont deux phrases percutantes que l'on
peut lire dans la nouvelle directive. Si le gouvernement
étasunien est conséquent avec cette position dans le
contexte actuel des relations
bilatérales, pourquoi persiste-t-il dans ses programmes dits de
« soutien à la démocratie » ?
USAID : 20 millions de dollars, tel est
le budget moyen approuvé chaque année par le
Congrès des États-Unis pour les activités
subversives contre Cuba. Entre 2009 et 2016, le gouvernement
US a destiné 139,3 millions de dollars à cette fin.
ZunZuneo : une plateforme de messagerie semblable
à Twitter qui prétendait, à travers l'envoi de
messages apparemment innocents sur les téléphones
portables, créer une plateforme d'influence politique parmi les
jeunes.
Le recours aux sous-traitants : pour
l'établissement de systèmes de communication
illégaux et secrets dotés de technologie non commerciale.
World Learning : des bourses pour des cours
d'été délivrées confidentiellement et en
marge des autorités cubaines, avec l'objectif de former des
« leaders » pour des actions de subversion contre
l'ordre intérieur du pays.
4. Il est souligné dans la directive que
les programmes de « soutien à la
démocratie » seront plus «
transparents » et équivalents à ceux
employés par Washington dans « d'autres
sociétés similaires ». Que veut-on dire par
là ? Le fait que ces programmes soient «
transparents » les rend-il moins
subversifs ? Cuba est-elle le seul pays où Washington
investit de l'argent pour tenter d'influer sur les décisions de
peuples souverains qui ne répondent pas à ses
intérêts ?
L'Agence des États-Unis pour le
développement international (USAID) dans le monde a joué
un rôle central dans le financement et le travail avec les
groupes et individus qui ont participé au putsch
éphémère contre le président Hugo Chavez
en 2002. Des dizaines de millions de dollars ont été
acheminés aux putschistes à travers des
organisations comme Freedom House et l'International Republican
Institute (IRI).
En septembre 2008, au milieu d'une campagne
prosécessionniste contre le gouvernement d'Evo Morales en
Bolivie, les autorités de ce pays andin ont décidé
d'expulser l'USAID, accusée de poursuivre des objectifs
politiques et non des objectifs sociaux.
Les autorités russes ont interdit les
activités de l'USAID sur leur territoire en octobre 2012.
« En accordant des bourses d'études et des subventions
(à des ONG), l'USAID a tenté d'influencer nos processus
politiques, dont les élections à différents
niveaux », devait déclarer le Kremlin.
5. « Nous pressentons que le gouvernement
cubain continuera de s'opposer aux politiques et aux opérations
étasuniennes de migration, ainsi qu'aux programmes de
démocratie Radio et TV Marti », signale la nouvelle
directive. Si le gouvernement des États-Unis estime que ces
éléments constituent une source de friction dans les
relations bilatérales, à quoi bon maintenir des projets
comme Radio et TV Marti, qui constituent une violation des
normes internationales ?
30 millions de dollars : telle est la moyenne
des dépenses annuelles du Bureau des transmissions vers Cuba
(OCB) chargé des émissions de Radio et TV Marti.
Entre 2009 et 2016, le gouvernement des États-Unis a
destiné 193,9 millions de dollars à ces fins.
TV Marti a démarré ses transmissions vers
Cuba, sans succès. Les variantes choisies furent une
montgolfière, un avion
militaire EC-130 et ensuite un nouvel avion G-1. Actuellement, elle
assure ses transmissions par satellite et Internet.
Radio et TV Marti violent les normes de l'Union
internationale des télécommunications (UIT), en vertu
desquelles les transmissions radiophoniques et
télévisées doivent être conçues comme
« un service national de bonne qualité dans les limites du
pays concerné », et les transmissions sur ondes
courtes doivent « faciliter les relations
pacifiques et la coopération internationale entre les
peuples ».
6. La directive présidentielle
précise que l'objectif de la nouvelle politique est «
d'aider le peuple cubain à atteindre un avenir meilleur par
soi-même ». Pourquoi alors appliquer des mesures qui
ne profitent qu'à une petite partie de la population, en
particulier aux personnes travaillant dans le secteur privé de
l'économie, ceci dans
l'intention évidente de créer des divisions dans le
pays ?
Distribution de la main-d'oeuvre à Cuba :
secteurs réunissant le plus grand nombre de professionnels et de
techniciens moyens : - À la fin de 2014, sur
les 4 969 800 salariés dans l'économie
cubaine ; - 76 % travaillaient dans le secteur
étatique et le reste dans le secteur non
étatique ; - 1 526 300 étaient des
jeunes, soit 31 % de cette main-d'oeuvre ;
Secteurs réunissant le plus grand nombre de
professionnels et de techniciens moyens : 1. Agriculture,
élevage, sylviculture, pêche 2. Commerce,
restaurants, hôtels 3. Industries
manufacturières 4. Transports, stockage, communications
7. Les Départements du Commerce et du
Trésor des États-Unis ont émis une nouvelle
série de mesures par rapport à Cuba pour accompagner
l'annonce de la directive présidentielle. Parmi les principaux
changements : la possibilité d'importer aux
États-Unis des produits pharmaceutiques et biotechnologiques
cubains. Pourquoi
alors continuer de limiter la possibilité de créer des
entreprises mixtes dans ce secteur pour développer la production
et la commercialisation ?
En 2014, Cuba a mis au point un médicament
novateur pour le traitement de l'ulcère sévère du
pied diabétique (UPD), qui diminue fortement le taux
d'amputations. Ce traitement a bénéficié à
ce jour à plus de 230 000 patients du monde entier.
L'Heberprot-P a ainsi obtenu 21 registres
sanitaires et est déjà breveté dans plus d'une
trentaine de pays. Son exportation pourrait bénéficier
à 5 % des citoyens des États-Unis qui chaque
année développent une UPD complexe. L'Heberprot-P
permettrait de réduire le nombre des 70 000
amputations réalisées
chaque année aux États-Unis à des patients
diabétiques.
Cuba possède le premier vaccin
thérapeutique enregistré pour le traitement du cancer du
poumon. Vingt ans de tests cliniques ont permis de confirmer
l'efficacité et la sécurité de ce
médicament et son bon profil de tolérance. Le CIMAvax-EGF
augmente les chances de survie des patients, ainsi que leur
qualité de vie.
Ses coûts de production sont relativement faibles
et il ne provoque pas d'effets secondaires importants. Plus
de 5 000 patients du monde entier ont été
traités avec ce médicament. Le cancer du poumon est la
principale cause de décès par cancer aux
États-Unis.
8. Dans son paragraphe Panorama
stratégique, la directive signale que Cuba «
possède un potentiel économique important, fondé
sur le dynamisme de son peuple, ainsi que sur une politique soutenue
dans des sphères comme l'éducation et la
santé ». Les États-Unis reconnaissent-ils que
le modèle économique et social cubain, basé
sur la propriété sociale sur les moyens fondamentaux de
production, est la garantie des succès obtenus dans deux
secteurs qu'ils considèrent comme stratégiques pour
l'avenir de la nation ?
Dépenses publiques en éducation (en
millions de pesos) : 83,7
en 1959 ; 1 650,5
en 1989 ; 7 503,0
en 2008 ; 8 221,0 en 2016.
Le système de santé publique :
- 451 polycliniques ; 10 782 cabinets
médicaux ; 151 hôpitaux ; 1 229
services stomatologiques ;
- un médecin pour 127
habitants ; un stomatologue pour 640 habitants ; une
infirmière pour 125
habitants ;
- 12 instituts de recherche ; 707
bibliothèques médicales ; 147 maisons de
retraite ; 49 services de gériatrie ; 265
foyers des anciens ;
- 13 universités ; 25
facultés de sciences médicales.
9. Pourquoi les investissements étasuniens
à Cuba sont-ils toujours interdits, à l'exception de ceux
relatifs à la sphère des
télécommunications, qui ont été
approuvés depuis le début de
l'année 2015 ?
Investissements étrangers par
secteurs (année 2014) :
Construction : 4 % Sucrier : 5 %
Transports : 5 % Alimentaire : 5 %
Industries : 10 % Énergie et
mines : 11 % Tourisme et
immobilier : 52 % Autres : 8 %
Investissements étrangers par
modalités (année 2014) : Contrats
d'AEI : 45 % de l'investissement étranger total.
Entreprises à capital totalement
étranger : 5 % Entreprises
mixtes : 5 %
10. Ce qu'Obama ne peut pas faire. Au cours
des 22 derniers mois, des avancées incontestables ont
été réalisées dans les relations
bilatérales après plus d'un siècle de rupture. Le
gouvernement de Barack Obama est-il prêt à continuer
d'user de ses prérogatives exécutives pour rendre
irréversible le changement de politique vis-à-vis
de Cuba ?
- Autoriser les voyages touristiques. ( Loi de
réforme des sanctions commerciales et de l'extension des
exportations , datant de l'an 2000)
- Lever l'interdiction aux filiales étasuniennes
dans des pays tiers de faire du commerce de biens avec Cuba ( Loi
Torricelli , de 1992)
- Autoriser les transactions avec les
propriétés étasuniennes nationalisées dans
les années 1960 ( Loi Helms-Burton de 1996)
- Abroger l'obligation pour Cuba de payer en
espèces et à l'avance les achats de produits agricoles
étasuniens ( Loi de réforme des sanctions
commerciales et de l'extension des exportations , de l'an 2000)
- La levée totale du blocus ( Loi
Helms-Burton , de 1996)
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