Le Marxiste-Léniniste

Numéro 73 - 26 mai 2016

Les excuses du premier ministre pour
l'infamie du Komagata Maru

L'hypocrisie libérale est sans borne

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Hardial Bains s'adresse aux participants d'une assemblée du Comité de défense indien/Front
du peuple à Vancouver en 1989, à l'occasion du 75e anniversaire de l'interdiction
du Komagata Maru.

Les excuses du premier ministre pour l'infamie du Komagata Maru
L'hypocrisie libérale est sans borne
Faits pertinents à prendre en considération en ce qui concerne la présentation d'excuses de Trudeau - Charles Boylan

Supplément
L'infamie du 5 septembre 1914 à Vancouver

Démasquer le rôle de l'État dans les crimes commis contre le peuple
- Hardial Bains



Les excuses du premier ministre pour l'infamie du Komagata Maru

L'hypocrisie libérale est sans borne

Le 18 mai, le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, a présenté des excuses officielles à la Chambre des communes pour ce qu'il a appelé l'« incident du Komagata Maru », qui s'est produit il y a 102 ans.[1]

Le 23 mai 1914, 376 passagers d'origine indienne se voyaient refuser l'entrée au Canada à leur arrivée à bord du Komagata Maru à la baie de Burrard, à Vancouver. Ils étaient des sujets britanniques et bon nombre d'entre eux étaient des soldats décorés, conscrits dans les armées de l'empire britannique. Or, on leur interdisait quand même de se déplacer à l'intérieur de l'empire comme les autres sujets britanniques. Ils durent rester à bord du navire pendant 32 jours, privés de nourriture, d'eau, de provisions et de services. Le croiseur NCSM Rainbow et d'autres bateaux patrouilles furent déployés pour imposer le siège inhumain.

Un règlement avait été institué pour les empêcher de venir au Canada selon lequel ils ne pouvaient venir que par voie directe, ce qui n'existait pas à l'époque. Ils ont donc affrété le Komagata Maru pour respecter le règlement mais se sont tout de même vu nier l'entrée au Canada.

Après que le navire fut forcé de quitter, le 23 juillet, sous l'escorte du NCSM Rainbow, il fit escale au Japon avant de se rendre à Hong Kong. Or, prévenu de son arrivée prochaine, le secrétaire à la colonie de Hong Kong annonça que le navire se verrait refuser l'escale et que les passagers qui débarqueraient à Hong Kong seraient arrêtés pour vagabondage. Et ce malgré le fait que bon nombre d'entre eux avaient vécu à Hong Kong et avaient contribué à bâtir la ville.

Le navire se dirigea ensuite vers Calcutta mais fut forcé de jeter l'ancre au port de Budge Budge, à 27 km au sud de Calcutta, sur la rivière Hooghly, par une canonnière de l'armée de l'occupant britannique. Armes au poing, des officiers britanniques voulurent placer Gurdit Singh, leader de l'expédition, en état d'arrestation et forcer les passagers à monter à bord d'un train qui les ramènerait dans leurs villages d'origine au Pendjab. Les passagers refusèrent de leur remettre Singh et d'autres dirigeants et les soldats ouvrirent le feu sur la foule, tuant vingt personnes. La plupart des passagers furent ensuite arrêtés et emprisonnés ou maintenus en détention à résidence pour toute la durée de la Première Guerre mondiale, qui avait éclaté durant le voyage de retour à Calcutta. Gurdit Singh s'échappa et vécut en homme libre jusqu'en 1922, lorsque Mahatma Gandhi le persuada de se rendre à l'occupant britannique. Il purgea sept années de prison.


Tableau du retour du Komagata Maru au port de Budge Budge, au sud de Calcutta

Le Parti communiste du Canada (marxiste-léniniste) croit qu'il est important de parler de la situation à l'époque quand on évoque ces événements. Cela ne peut pas se résumer, comme le prétend le premier ministre, à « une injustice commise contre la communauté sikhe » attribuable à la politique de « conserver le Canada blanc ». Le Canada faisait à l'époque partie de l'empire britannique, comme l'Inde d'ailleurs, et il a collaboré à la suppression de la guerre d'indépendance des peuples de l'Inde.

Le tournant du XXe siècle fut marqué par les luttes des gens d'origine indienne au Canada pour leurs droits au Canada et pour la libération de l'Inde. En fait, le Parti Hindustani Ghadar a été fondé par des personnes d'origine indienne au Canada et aux États-Unis en décembre 1913 avec comme mission expresse de surmonter la politique britannique de diviser pour régner et de libérer l'Inde du pouvoir britannique. Les événements du Komagata Maru se sont donc produits à un moment où les gens d'origine indienne, notamment au Canada et aux États-Unis, travaillaient à l'unification des peuples indiens dans une cause commune au-delà de la nationalité, de la religion et des croyances. Ils s'opposaient entre autres à la conscription dans l'armée britannique où ils devaient combattre pour défendre l'empire sans aucune reconnaissance de droit en échange.[2]

Qui plus est, le premier ministre détache les excuses du contexte actuel, celui du Canada qui, selon lui, est « un pays fort non pas en dépit de nos différences, mais grâce à celles-ci » et une « terre de refuge ». Il voudrait qu'on oublie que la politique raciste du gouvernement du Canada n'est pas chose du passé mais du présent. Qu'entend-il par « notre force, c'est la diversité » sinon la force du gouvernement à maintenir la division du peuple en fonction de l'ethnicité, de la langue, de l'origine nationale, de la race, de la religion et de tant d'autres considérations ? Tout sauf la classe. Même le discours à propos de la « classe moyenne » sert à nier que la majorité des Canadiens forment une seule classe ouvrière de laquelle la société dépend. Il sert à nier qu'une société qui se dit moderne a le devoir de défendre les droits de tous et toutes dans tous les domaines : humain, économique, culturel, social et politique, sans autres considérations, surtout sans celles qui servent à limiter les droits de façon à servir les intérêts en place. Cela comprend la reconnaissance des injustices qui ont été commises dans le passé et servent encore à nier les droits aujourd'hui, en même temps qu'on continue d'enjôler les communautés considérées comme de simples réserves de votes pour maintenir l'illusion que l'État est démocratique.

En annonçant les excuses à venir, Justin Trudeau a dit :

« Les passagers du Komagata Maru, comme des millions d'immigrants venus au Canada depuis, cherchaient refuge et une vie meilleure pour eux et leurs familles. Avec tant de choses à contribuer à leur nouveau chez-soi, ils ont choisi le Canada et nous avons complètement manqué à notre devoir envers eux. Comme nation, nous ne devrions jamais oublier les préjugés dont a souffert la communauté sikhe de la part du gouvernement canadien de l'époque. Des excuses présentées devant la Chambre des communes n'effaceront ni la douleur ni les souffrances de ceux qui ont vécu cette expérience honteuse. Mais des excuses s'imposent, c'est ce qu'il faut faire, et la Chambre est l'endroit qui convient pour les présenter. »[3]

Le consul général du Canada à Hong Kong a repris ces propos dans un article du South China Morning Post, ajoutant que « le Canada doit reconnaître que notre histoire comprend des moments plus sombres ». Justin Trudeau a voulu cacher la réalité du système d'immigration du Canada d'aujourd'hui, notamment pour ce qui est de la sélection des réfugiés et des politiques en matière de citoyenneté et de résidence.[4] En outre, l'affirmation du premier ministre que l'endroit désigné pour présenter ces excuses est la Chambre des communes est trompeuse. Il dit que c'est parce que c'est à la Chambre des communes qu'ont été adoptées les lois qui interdisaient aux passagers du navire de débarquer au Canada. Quand il a présenté les excuses en question, il a dit : « Il ne fait aucun doute que le Canada était responsable des lois qui ont empêché ces passagers d'immigrer dans la paix et la sécurité. » C'est escamoter le fait qu'en 1909, le Dominion du Canada faisait partie de l'empire britannique et n'avait pas de pouvoir décisionnel indépendant. Les décisions permises à la Chambre des communes étaient préalablement autorisées par l'empire et favorisaient l'empire.

Le récit des événements du premier ministre fait délibérément abstraction de la situation qui existait en 1914 pour également faire abstraction de la situation qui existe aujourd'hui. Il fait entre autres abstraction du traitement brutal fait aux migrants et réfugiés, de la négation du droit de conscience des gens de toutes origines et des droits de ceux qui ont des valeurs que le gouvernement considère mauvaises, au Canada et dans le monde.

C'est dans cette optique qu'il faut voir la référence de Justin Trudeau à l'origine de son ministre de la Défense Harjit Singh Sajjan. Celui-ci est originaire du Pendjab mais le premier ministre l'a présenté comme un sikh. Il a dit qu'il y a un siècle sa famille « se serait sans doute vu refuser l'entrée au Canada ». En présentant les excuses officielles il a précisé que M. Sajjan a été commandant du British Columbia Regiment, le Duke of Connaught's Own, soit le même régiment qui autrefois a forcé le Komagata Maru à rebrousser chemin. Il laisse entendre que ce régiment ne ferait pas une chose pareille aujourd'hui. Mais il ne dit pas ce que ce régiment fait aujourd'hui. Or, sa mission aujourd'hui n'est pas très différente de celle de 1914. Ses soldats ont été parmi les premières troupes régulières à être déployées en Afghanistan en 2002 pour y faire valoir les intérêts de l'impérialisme américain. Harjit Sajjan a été qualifié de « meilleur atout du renseignement canadien » et en 2010 il a été recruté par le major général américain James Terry pour faire partie du commandement américain à titre de conseiller spécial. Ce ne sont certes pas des qualifications d'une tradition démocratique mais le récit de M. Trudeau le porte à croire.

Tout va dans le sens du maintien des politiques racistes et de l'édification d'empire par le gouvernement Trudeau aujourd'hui. À l'époque, ces politiques étaient appliquées à la poursuite des objectifs de l'empire britannique alors qu'aujourd'hui elles servent surtout les visées de l'empire américain et des monopoles qui dominent le système impérialiste d'États sous la coupe des États-Unis.

Au moment des événements du Komagata Maru, la poursuite des visées des puissances impérialistes se faisait au nom de l'« idéal supérieur » de « maintenir le Canada blanc » et en maintenant les peuples indiens asservis à l'empire britannique qui était « civilisé ». Aujourd'hui l'idéal supérieur invoqué est « la force dans la diversité », la « lutte au terrorisme », la « protection des femmes », la « paix », la « liberté » et ainsi de suite.

Les excuses du gouvernement Trudeau sont faites de manière à présenter les « sombres moments » de l'histoire du Canada comme des aberrations par rapport aux moments plus « ensoleillés » qui seraient la norme. Des choses atroces ont été faites aux gens d'origines « diverses » dans ces « moments sombres », mais maintenant le Canada trouve sa « force dans la diversité », alors tout est bien.

Cette interprétation de l'histoire nie l'unité de la classe ouvrière et de ses alliés parmi tous les peuples, forgée dans la lutte pour les droits depuis très longtemps, y compris durant les événements du Komagata Maru. La tentative du premier ministre de s'attirer les bonnes grâces de ceux qu'il appelle les sikhs semble une façon à peine voilée de dire que ceux qui épousent ses valeurs « modernes » « démontrent » qu'ils sont démocratiques et donc dignes de la citoyenneté et de considération politique. Il fait souvent l'erreur de parler de tous les Indiens vivant au Pendjab comme étant des sikhs bien qu'une bonne partie d'entre eux soient hindous ou musulmans ou ne pratiquent aucune religion.

Les propos de Justin Trudeau font penser à ceux que tenait récemment l'ancien premier ministre Paul Martin : « Je ne crois pas que les Canadiens soient racistes [mais] cette réalité dont nous parlons est invisible pour tant de Canadiens. » Selon lui, c'est cette chose « invisible » qui est responsable des injustices commises contre les peuples autochtones et non pas l'État qui leur a enlevé leurs droits et contre lequel les peuples autochtones et les Canadiens de toutes origines s'unissent pour la reconnaissance de leurs droits.

Répétons-le : au début du XXe siècle, quand se sont produits les événements du Komagata Maru, la réalité que vivaient les gens d'origine indienne, comme l'interdiction d'accès au Canada, n'était pas une affaire isolée. À l'époque les peuples de l'ensemble de l'Inde se battaient pour l'indépendance, contre le pouvoir barbare du Raj britannique. Le Canada avait joint ses efforts à ceux des services de renseignement britanniques pour envoyer des Indiens à la potence, les assassiner de sang froid, épier leurs organisations, criminaliser et emprisonner les combattants de la liberté et commettre d'autres crimes contre ceux qui réclamaient leurs droits.

Les gens de Vancouver se défendaient aussi contre les pratiques racistes et antiouvrières de l'élite britannique au pouvoir dans cette la province. La lutte contre les attaques racistes organisées par l'État faisait rage non seulement pour les droits des gens d'origine indienne mais aussi pour les autres qu'on appelait « Orientaux », notamment les gens d'origine chinoise et japonaise, tandis que les autochtones n'étaient même pas reconnus comme personnes et que c'était chasse ouverte contre eux.

La lutte contre le racisme organisé par l'État s'est poursuivie tout au long du XXe siècle et a marqué l'histoire du Canada. Elle comprend la résistance à la dépossession et à l'internement des Japonais durant la Deuxième Guerre mondiale, l'opposition à la Loi sur les Indiens raciste dans les années 1960 et 1970 et à la politique raciste des libéraux contenue dans leur livre vert sur l'immigration. L'unité s'est également forgée dans la lutte contre la promotion par l'État de groupes suprémacistes blancs et les tentatives de « maintenir le Canada blanc » en déclarant les « valeurs européennes » et la culture européenne supérieures tout en « tolérant » et en accueillant les « contributions folkloriques » et « modérées » des « autres ».

C'est sous un gouvernement libéral que la politique qui divise les Canadiens en fonction de la race, de l'ethnicité, de valeurs supérieures et inférieures et des pratiques culturelles en vigueur depuis les débuts du Canada a été adoptée comme politique officielle et enchâssée dans la loi de l'immigration. Un statut spécial est accordé à ceux qu'on dit « anglais » ou « français ». Leur « origine ethnique » est reconnue. On en a fait des cultures supérieures que tous les autres doivent adopter s'ils veulent prouver leur fidélité aux « valeurs partagées ». Cette catégorisation nie aussi spécifiquement l'existence de la nation du Québec. D'autres catégories de personnes ont également été créées, comme les « gens de couleur » et les « minorités visibles ». Ces derniers n'auraient vraisemblablement pas d'origine nationale ou ethnique. Les peuples autochtones ont été regroupés dans la catégorie « Indiens » sans jamais être reconnus, pendant trois cents années d'histoire et encore aujourd'hui, comme des nations possédant leur économie, leurs langues, leurs pratiques culturelles, sociales et politiques et leurs lois spécifiques.

Bien que des excuses doivent être faites pour la tragédie du Komagata Maru, les excuses officielles de Justin Trudeau escamotent les attaques racistes organisées par l'État contre la communauté indienne dans les années 1970 en Colombie-Britannique. À l'époque, en plus de soutenir les actions de suprémacistes blancs contre la communauté, différentes agences de l'État ont tenté de mobiliser la communauté indienne contre les autochtones dans l'industrie forestière et d'inciter aux divisions racistes. C'était parmi les arsenaux utilisés pour supprimer la lutte pour les droits.

Le Comité de défense indien/Front du peuple a été fondé à ce moment-là en réponse aux attaques racistes organisées par l'État. Sous la direction de Hardial Bains et du Parti marxiste-léniniste, le Comité de défense avait pour objectif d'unir la communauté et de confronter directement et faire échouer les attaques racistes et faire avancer la lutte des peuples pour s'investir du pouvoir de décider de leurs affaires et pour la défense des droits.

L'État canadien a escaladé son attaque en joignant ses forces à l'État indien pour commettre des crimes indicibles contre les jeunes et l'ensemble des résidents du Pendjab dans les années 1980. Invoquant la lutte aux terroristes et intégristes sikhs, l'État indien a orchestré de faux « affrontements » et emprisonné des gens en masse avec ce qu'on a appelé les « lois noires ». Un massacre s'est produit lorsqu'Indira Gandhi a envahi le Temple d'or à Amritsar dans le cadre de l'Opération Blue Star en 1984. Puis en 1985 beaucoup de gens d'origine indienne ont perdu des membres de leur famille dans l'explosion du vol 182 d'Air India près des côtes de l'Irlande (dans des circonstances qui laissent croire à l'implication d'agences de renseignement).

Le PCC(M-L) croit que la nomination au conseil des ministres du gouvernement Trudeau de personnes auxquelles on se référe comme étant des sikhs pourrait être une façon de s'assurer que la lumière ne se fasse pas sur les crimes commis avec la complicité de l'État canadien, passés et présents. En effet, tous les membres du conseil des ministres doivent prêter le serment d'allégeance à la Reine d'Angleterre par lequel ils promettent de « tenir secret tout ce qui me sera confié ou révélé en cette qualité, ou tout ce dont il sera traité secrètement en Conseil ».

Tant que l'objectif des politiques gouvernementales est de perpétuer l'état de chose qui est à l'origine des actions passées de l'État contre le peuple, comme le traitement fait aux passagers du Komagata Maru en 1914, les crimes contre tous les segments de la population vont continuer de se produire sous différentes formes. Les prérogatives qui définissent les droits sur la base du privilège et des valeurs des bâtisseurs d'empire sont à l'origine de crimes commis par l'État tout au long de l'histoire du Canada. Loin d'avoir été reléguées au passé, ces prérogatives sont renforcées dans le régime mondial actuel des bâtisseurs d'empire néolibéraux. Les excuses officielles de Justin Trudeau détournent l'attention de ce fait et désarment le peuple qui doit renforcer ses organisations et défendre les droits de tous et toutes. La mission du nouveau gouvernement Trudeau est d'amener dans le contexte actuel une définition des droits qui permette et étende les pratiques criminelles et la négation des droits.

L'opinion du Parti communiste du Canada (marxiste-léniniste) diffère clairement de l'opinion de ceux qui croient que ces excuses sont « un bon départ ». Bien au contraire, les conditions présentes et les atteintes aux droits des migrants et des autres segments de la société aujourd'hui sont la preuve tangible de l'hypocrisie sans borne des libéraux.

Le PCC(M-L) appelle les Canadiens et les Canadiennes à discuter de la politique de « force dans la diversité » du gouvernement Trudeau et de rejeter ses tentatives d'insuffler une nouvelle vie aux vieilles politiques de diviser pour régner. Nous sommes inspirés par ceux qui sont venus avant nous, comme les Ghadari Babas qui ont combattu pour l'indépendance et sacrifié leur vie pour vaincre le pouvoir britannique meurtrier, que ce soit au Canada, en Inde ou ailleurs. Nous sommes inspirés par ceux qui nous ont précédés tout au long des XIXe et XXe siècles comme ceux qui aujourd'hui encore combattent pour la cause de la libération pour laquelle l'humanité a tant sacrifié.

Notes

1. Le Komagata Maru a été affrété par Gurdit Singh, un homme d'affaires de Hong Kong et Singapour et partisan du Parti Ghadar, en réponse à la loi canadienne qui n'autorisait l'entrée au Canada que par un passage direct. Le périple de 376 Indiens, dont 340 sikhs, a commencé à Hong Kong. La communauté indienne et les gens épris de justice de Colombie-Britannique ont mené des batailles devant les tribunaux et des protestations pour permettre aux passagers de chercher refuge au Canada. Les passagers ont résisté aux conditions qui leur étaient imposées, entre autres en lançant des morceaux de charbon et des briques aux policiers le 19 juillet.

2. Plus de 160 000 Indiens ont perdu la vie dans les deux grandes guerres, des millions d'autres sont morts durant la famine imposée au Bengale par les Britanniques durant la guerre (1943-1944) et des centaines de milliers d'autres ont été massacrés lors de soulèvements répétés contre le pouvoir britannique depuis la guerre d'indépendance de 1857.

3. Lorsqu'il a présenté ses excuses à la Chambre des communes, Justin Trudeau a admis que tous les passagers n'étaient pas sikhs : « Le 23 mai 1914, un navire à vapeur est entré dans la baie Burrard à Vancouver. 376 passagers d'origine sikh, musulmane et hindoue étaient à bord. »

4. Azeezah Kanji, professeure de droit de Toronto, auteure d'un article très pertinent sur les événements du Komagata Maru dans le Toronto Star, pose la question suivante :

« Est-ce que le premier ministre du Canada dans 100 ans d'ici va présenter ses excuses aux descendants des migrants qui ont été refoulés et détenus au nom de la protection de la frontière ? Ou est-ce que notre premier ministre actuel va réformer les lois et la politique de l'immigration pour protéger tous ceux qui ont ‘cherché refuge et une vie meilleure pour leurs familles', nous épargnant la honte et les remords futurs ? »

Elle décrit la situation à laquelle les migrants font face, 102 ans plus tard, et ajoute :

« Les excuses peuvent mettre un baume sur les blessures qui sont encore ressenties plusieurs années après qu'elles ont été infligées. Cependant, elles peuvent aussi reléguer faussement la source des blessures au passé, masquant qu'elles existent toujours. Bien que l'objectif d'un ‘Canada blanc' ait été abandonné, le traitement de plusieurs migrants comme s'ils étaient de dangereux ‘envahisseurs' existe encore.

« Les migrants sont la seule partie de la population au Canada qui peut être incarcérée pour de longues périodes de temps sans qu'elle soit accusée ou trouvée coupable de quelque crime. Des milliers d'entre eux sont détenus chaque année, dont des centaines d'enfants. »

Entre 2001 et 2012, le Canada a intercepté plus de 73 000 migrants en mer, dont bon nombre de réfugiés, explique l'auteure.

« Many migrants are still treated as dangerous invaders », Azeezah Kanji, Toronto Star, 17 avril 2016. Pour plus d'information lisez Le Renouveau, 18 mai 2016.

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Faits pertinents à prendre en considération en ce qui concerne la présentation d'excuses de Trudeau

1. Les excuses du premier ministre Justin Trudeau pour l'interdiction du Komagata Maru en 1914 ont été précédées de la présentation d'excuses le 3 août 2008 par le premier ministre Stephen Harper dans un parc de Surrey devant une foule de 8000 personnes, principalement d'origine pendjabi. Harper a été immédiatement accosté par plusieurs militants de la communauté pour ne pas avoir présenté ces excuses à la Chambre des communes.

Plus tôt en mai 2008, Harper avait présenté des excuses aux peuples autochtones du Canada à la Chambre des communes en disant que c'était « une évolution importante dans la relation du Canada avec nos premiers peuples ».

Le 22 juin 2006, le gouvernement Harper a présenté des « excuses complètes » à la Chambre des communes pour la taxe d'entrée imposée aux immigrants chinois et versé un remboursement symbolique de la taxe à ceux qui l'ont payée ou à leurs veuves.

2. Lorsque Trudeau a annoncé la présentation d'excuses pour les événements du Komagata Maru, il a dit qu'il les présenterait à la Chambre des communes à la communauté « sikhe ». Il a dit que « des excuses s'imposent, c'est ce qu'il faut faire, et la Chambre est l'endroit qui convient pour les présenter ». La référence à ceux à qui les excuses s'adressent a été corrigée dans le texte de la présentation des excuses.

Harper et Trudeau ont tous deux présenté leurs excuses ou annoncé des excuses à venir à l'occasion d'événements publics célébrant le Vaisakhi à Surrey et à Ottawa respectivement. Les médias et le gouvernement qualifient le Vaisakhi de « fête religieuse sikhe ». Ce n'est pas exact. Le Vaisakhi est célébré dans toute l'Inde par différentes religions comme le Jour de l'An, qui a été initialement établi lors de l'équinoxe de printemps en mars mais a finalement été célébré en avril suite au mélange des calendriers. La fête est directement associée à une célébration des récoltes et est enracinée dans les anciennes traditions agricoles des peuples d'Asie du Sud.

Le fait que les autorités canadiennes mettent l'accent sur la religion constitue une continuation de la politique coloniale britannique de diviser l'Inde sur une base sectaire, c'est-a-dire religieuse. Cela mérite d'être examiné puisque l'État indien continue d'utiliser la violence sectaire, dans la plupart des cas incitée par l'État, pour diviser le corps politique indien et détourner le peuple de sa tâche de s'unir pour mettre à l'ordre du jour et résoudre les grands problèmes économiques, politiques et sociaux auxquels le pays est confronté. Ces problèmes s'approfondissent en raison du système capitaliste monopoliste et de la domination continue du capital financier impérialiste étranger sur le sous-continent.

En plus des gens de confession sikhe à bord du Komagata Maru il y avait des pèlerins hindous et musulmans et surtout des Ghadarites luttant pour libérer l'Inde du joug du colonialisme britannique. L'accent mis par Trudeau sur le sikhisme et les torts causés aux sikhs est délibéré et offensant parce que cela représente la continuation de la stratégie détestée et meurtrière de l'impérialisme de diviser les sociétés sur une base sectaire afin de les dominer, de les dépouiller et de les garder assujetties à la domination du capital financier.

L'importance donnée par l'élite dirigeante à une religion particulière parmi ceux qui ont été les victimes de l'infamie du Komagata Maru mérite qu'on s'y attarde. Les événements et les problèmes contemporains en Irak, en Syrie, en Libye, en Palestine, en Afghanistan, au Pakistan et ailleurs en Asie centrale et occidentale et en Afrique du Nord sont présentés de manière erronée comme provenant de « différends religieux de longue date ». En fait, les divisions sectaires dans la région sont incitées, financées et organisées consciemment par l'impérialisme américain et ses alliés afin de diviser pour régner sur les peuples, comme le colonialisme britannique l'a fait dans toute l'Asie du Sud.

La violence odieuse d'une guerre sans fin, de l'occupation armée, de la guerre des drones et des bombardements aveugles, etc. dont les impérialistes américains ont fait leur monnaie courante dans les pays ciblés, est régulièrement imputée à des « terroristes » sectaires appartenant à tel ou tel groupe religieux. Ce scénario consistant à diviser pour régner pour justifier la guerre et l'occupation a atteint un sommet de perfidie en Asie du Sud de la part du colonialisme britannique, en particulier à la fin du règne de lord Mountbatten lorsque la police et les forces militaires britanniques ont commis des meurtres en masse pour inciter au bain de sang sectaire horrible qui a eu lieu en conjonction avec la division des nations pendjabie et bengalie entre l'Inde et le Pakistan.

La migration forcée qui a accompagné la division a entraîné des pertes horribles de vies et de biens. Les colonialistes britanniques ont considéré ces massacres comme étant nécessaires afin de préserver « l'influence et les droits de propriété britanniques » en Inde et de détourner le peuple de sa tâche d'unir sa juste lutte contre le colonialisme à une vaste révolution sociale-économique pour construire un nouveau sous-continent indien qui garantit les droits de tous.

3. Comment les excuses de Harper et Trudeau aident-elle à résoudre les problèmes auxquels font face les communautés à qui elles sont adressées, ou à unifier le corps politique canadien afin de mettre à l'ordre du jour et résoudre les problèmes auxquels la société est confrontée? L'exemple des excuses présentées à la communauté autochtone est un exemple frappant de cette fraude. Aujourd'hui, l'élite dirigeante au sein de l'État pleure les suicides qui frappent les jeunes d'Attawapiskat et elle envoie des conseillers alors que les jeunes eux-mêmes ont déclaré qu'ils ont besoin d'installations sportives, d'écoles, de logements décents et d'une économie qui fournit des emplois et permet à eux-mêmes et à leur culture de s'épanouir sur leur territoire national.

Les lamentations et les blâmes jetés aux Canadiens à l'effet qu'ils sont indifférents ou racistes visent à dissimuler les intérêts privés puissants intégrés au sein du gouvernement qui veulent déplacer les communautés autochtones, les faire disparaître de leur territoire national et les disperser et les assimiler ailleurs, pour que les monopoles miniers, forestiers et autres puissent dilapider les ressources naturelles et exploiter le territoire sans restriction.

4. Certaines personnes dont l'origine nationale est pendjabie ont maintenant rejoint l'élite dirigeante et occupent des positions de direction au sein de l'État dont plusieurs postes ministériels dans le gouvernement Trudeau. Cette intégration au sein du gouvernement canadien est le résultat de la politique coloniale de longue date d'accommodement des élites qui vise à saper la lutte des minorités nationales pour leurs droits.

Dans le contexte de la géopolitique, cela signifie un élargissement du front impérialiste anglo-américain pour inclure l'Inde comme un partenaire junior. Cette alliance impérialiste fait partie du pivot géopolitique d'Obama en Asie où les États-Unis déplacent 60 % de leurs forces militaires déployées outre-mer afin d'isoler et d'imposer un changement de régime en Chine et en RPDC, et de créer un fossé entre l'Inde et la Russie.

5. Les travailleurs canadiens d'origine nationale pendjabie sont confrontés aux mêmes crises que tous les travailleurs en cette période d'offensive antisociale. La liquidation du secteur manufacturier, en particulier dans l'industrie du bois en Colombie-Britannique, a vu des milliers de pendjabis et de leurs collègues de travail forcés de quitter des emplois syndiqués aux standards canadiens pour des emplois peu rémunérés dans le secteur des services. Les travailleurs oeuvrant dans les services, comme dans l'industrie du taxi, font face au chômage et à la concurrence qui abaissent leurs salaires dans la soi-disant « économie de partage ».

Les travailleurs d'origine asiatique se trouvent encore une fois discriminés économiquement, cantonnés dans les emplois subalternes les moins bien rémunérés, en particulier les travailleuses qui sont reléguées au travail domestique, dans l'industrie hôtelière, les hôpitaux, les emplois de nettoyage dans les bureaux et les aéroports, les soins pour personnes âgées et ainsi de suite.

6. Les excuses et la théorie qui les sous-tend, à savoir que le Canada serait maintenant une société diversifiée « postnationale » où tout le monde se sent à l'aise dans son identité, décrite principalement comme une identité religieuse et sexuelle, sont en fait une idéologie qui vise à enraciner un Canada fortement ségrégué et ghettoïsé avec des démarcations évidentes de privilèges de classe, où les droits, y compris le vaste droit public d'avoir un mot à dire et un contrôle sur les questions qui touchent la vie des gens, sont assaillis de toutes parts par le pouvoir, la richesse et la domination du droit de monopole. La classe ouvrière dans son ensemble fait face à un assaut, son niveau de vie est constamment attaqué et sa sécurité économique compromise.

7. Alors que le Canada s'approche du 150e anniversaire de la Confédération, hisser la bannière d'édification nationale moderne est devenu une tâche essentielle. La classe ouvrière doit devenir la nation et investir le peuple du pouvoir souverain. On ne doit pas permettre que les pouvoirs policiers arbitraires de prérogative du soi-disant État supranational dominé par le libre-échange et les monopoles mondiaux soient ceux qui définissent les droits, en particulier sous la forme discréditée de privilèges qui peuvent être piétinés dans la boue sans possibilité de réparation.

Les vieilles définitions communalistes et sectaires des droits, fondées sur des considérations de race, de richesse et de privilège, n'ont pas de place dans un Canada moderne et ne doivent pas définir ce que les gens peuvent et ne peuvent pas faire. Les gens possèdent des droits du fait qu'ils sont des êtres humains et les institutions qui garantissent ces droits doivent être établies. Les excuses pour les fautes du passé qui ne conduisent pas en pratique à des définitions modernes sont trompeuses et frauduleuses.

8. Reconnaître les crimes commis en août 1914 contre les personnes sur le Komagata Maru et la communauté canadienne sud-asiatique signifie reconnaître les tâches auxquelles font face leurs descendants, leurs alliés, leurs sympathisants et la classe ouvrière dans son ensemble. Ensemble, les Canadiens peuvent bâtir un mouvement ouvrier autour de son propre programme et de sa propre politique, qui soutient résolument les définitions modernes et les droits de tous. La politique communaliste et raciste du passé ne peut pas être cachée sous le tapis de manière hypocrite et trompeuse pour enjoliver les crimes qui sont commis contre le peuple aujourd'hui. Laissons les Canadiens se souvenir des passagers courageux du Komagata Maru et inspirons-nous de leur courage et de leur détermination en luttant pour défendre les droits de tous et en nous organisant pour bâtir un Canada moderne qui repose sur des définitions modernes.

Supplément
L'infamie du 5 septembre 1914 à Vancouver

Démasquer le rôle de l'État dans les crimes commis contre le peuple

- Hardial Bains -

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