Numéro 25
8 septembre 2022
La reine est morte
Renonçons à la monarchie
!
Il est temps de déclarer la République !
De la presse du Parti
• Il est grand temps que les Canadiens
renoncent à la monarchie
et à tout ce qu'elle amène
• Le message donné à la reine lors de sa visite à Terre-Neuve en 1997
• Les peuples des Caraïbes donnent aux représentants de la monarchie la réception qu'ils méritent
• La fortune amassée par la famille royale par la traite des esclaves
Le palais de Buckingham à Londres, en Angleterre, vient de publier la déclaration suivante (8 septembre) :
« La Reine est morte paisiblement à Balmoral [château en Écosse] cet après-midi. »
Faisant référence à son fils Charles et à son épouse Camilla, le communiqué dit : « Le Roi et la Reine consort resteront à Balmoral ce soir et rentreront à Londres demain. »
Selon les reportages, Charles « devient automatiquement le roi
du Royaume-Uni et le chef d'État de 14 autres royaumes, dont
l'Australie, le Canada et la Nouvelle-Zélande. »
Il semblerait que Charles prendra le nom de Roi Charles III, dont les nombreux « titres héréditaires » ne comprennent cependant pas chef du Commonwealth. La défunte reine s'était déclarée chef du Commonwealth lorsqu'elle est montée sur le trône il y a 70 ans. Or, à l'insu des habitants des 56 pays membres du Commonwealth, dont 15 avaient la Reine Élisabeth comme chef d'État sans le consentement des peuples concernés, Charles a été désigné comme son successeur à ce poste lors de la réunion des chefs de gouvernement du Commonwealth en 2018.
La nouvelle du décès de la Reine et la pompe et la cérémonie
qui s'ensuivent dominent maintenant les ondes. La chaîne de
diffusion anglaise BBC et la chaîne canadienne CBC/Radio-Canada
en font un compte rendu minute par minute. On a l'impression
qu'il s'agit de traditions séculaires, mais en fait elles
remontent en grande partie à l'époque de la reine Victoria et,
depuis lors, elles visent à renforcer la domination du monarque
en tant que personne fictive de l'État qui est au-dessus de ses
sujets qui « la respectent et l'admirent ».
Cette propagande est faite pour désinformer le public sur le système de gouvernement établi au milieu du XVIe siècle, dont la mission première était d'établir la paix entre les factions rivales lors de la guerre civile anglaise. Celle-ci a donné naissance aux arrangements constitutionnels à la base des États-nations européens, puis imposés à tous les pays où les puissances coloniales avaient la mainmise. Il s'agit d'institutions anachroniques qui protègent des ayants droit dont la richesse, la corruption, la dégénérescence et les privilèges ne peuvent plus aujourd'hui être acceptés ou dissimulés aux yeux du public.
Au Canada et même au Québec, on nous dit qu'il est pratiquement impossible de se débarrasser du monarque étranger en tant que chef d'État parce que le processus législatif dépend de l'obtention de la sanction royale et que les pouvoirs de prérogative semblent indispensables. Rien ne pourrait être plus loin de la vérité. Un parlement ou une assemblée législative digne de ce nom pourrait s'arroger le pouvoir souverain de décision, supplanter le monarque étranger et élire un chef d'État sur la base de critères qu'il aura lui-même établis, pour exécuter un mandat qu'il aura lui-même donné. Le parlement ou l'assemblée législative demanderait ainsi des comptes au chef d'État et le révoquerait s'il ne remplit pas le mandat qui lui est confié.
Il est grand temps que le Canada se débarrasse de ces arrangements anachroniques et se déclare enfin libre de tout enchevêtrement avec la monarchie britannique. Il est grand temps que les Canadiens élisent une Assemblée constituante et fondent une république moderne dont les institutions doivent être créées sur une base moderne.
Dans l'état actuel des choses, toute la vie au Canada, y
compris les élections au Québec et les élections municipales en
Ontario, est maintenant détournée par la nouvelle de la mort de
la reine et par la pompe et la cérémonie qui accompagneront les
funérailles, puis l'ascension de Charles au trône. Charles doit
aller obtenir l'« allégeance » de l'Écosse, du Pays de Galles et
de l'Irlande du Nord. À une époque où les membres des cercles
dirigeants commettent même des crimes alors qu'ils se disputent
les postes de pouvoir et de privilège, et où la vie en leur sein
est devenue une « nuit des longs couteaux » permanente, tant de
serments d'allégeance au nouveau monarque sont incongrus. Au
Canada, on discutera de la façon dont ceux qui ont juré
allégeance à la reine Elizabeth lors de leur entrée en fonction
sont maintenant censés prêter allégeance à Charles.
Ces manigances honteuses sont intolérables et inacceptables
dans un monde moderne. Les travailleurs eux-mêmes s'efforcent de
placer les forces productives humaines sous leur contrôle et de
s'investir du pouvoir de décider de tout ce qui affecte leur
vie. L'époque où le monarque était la personne fictive de l'État
et où l'on votait lors d'une élection pour autoriser d'autres
personnes à vous représenter, à gouverner et à parler en votre
nom est révolue. Aujourd'hui ceux qui sont élus ou nommés à des
fonctions de pouvoir jurent allégeance à un monarque étranger.
Le peuple, qui se représente lui-même, ne jurera pas allégeance
à un monarque étranger et ne permettra pas à d'autres de parler
et de gouverner à sa place. Le monde d'aujourd'hui est tellement
rempli de dangers que seuls les peuples eux-mêmes peuvent
apporter des solutions aux problèmes, être maîtres de leur
destin et ouvrir une voie vers un avenir radieux.
Nous reproduisons ci-dessous des articles publiés dans la presse du Parti sur ce sujet cette année.
De la presse du Parti
Il est grand temps que les Canadiens renoncent à la monarchie
et à tout ce qu'elle amène
Le Jubilé de platine et la brève tournée du Canada par les deux représentants officiels de la famille royale que sont Charles, que les élites dirigeantes présentent comme le futur roi du Canada, et son épouse Camilla, ont montré qu'il est grand temps que les Canadiens renoncent à la monarchie et à tout ce qu'elle signifie.
Cela commence par le rejet de la Constitution de 1867, également appelée Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867. Cet acte du parlement britannique appliqué au Canada il y a 155 ans a été rédigé au château de Highclere dans le Hamphire, en Angleterre. C'est le château qui a été utilisé pour le tournage de l'émission Downton Abbey et les deux films du même nom. Les archives du château de Highclere contiennent une correspondance presque quotidienne entre le quatrième comte de Carnarvon et Sir John A. Macdonald sur les éléments devant servir de base à la Constitution du Canada.
« Le château de Highclere fut une figure centrale des discussions entourant le projet de loi sur l'Amérique du Nord britannique et sa rédaction, écrit l'actuelle Lady Carnavron sur son blogue. En effet, c'est le quatrième comte lui-même qui a présenté l'Acte de l'Amérique du Nord britannique au Parlement (britannique) en 1867, ce qui a conduit à la création du Dominion du Canada le 1er juillet de la même année. »
Les principes et les structures contenus dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867 sont demeurés essentiellement intacts jusqu'à ce jour, malgré l'ajout d'une formule d'amendement et de la Charte canadienne des droits et libertés en 1982. Avec l'adoption du document appelé Constitution du Canada, dans laquelle les peuples du Canada n'ont pas eu voix au chapitre, le Canada demeure un « dominion » moyennant quelques modifications, comme le fait que les Canadiens devaient dorénavant payer pour la défense du Canada et pour leur propre déploiement comme chair à canon dans les guerres de l'empire. L'élément fondateur important est que ce document est basé sur la théorie du contrat social formulée par Thomas Hobbes après la guerre civile de 1660 en Angleterre. Il impose au Canada une structure qui érige une personne fictive comme chef d'État, un monarque étranger dans le cas du Canada. Les institutions créées pour perpétuer le pouvoir des élites établissent des relations entre gouvernés et gouvernants fondées sur une hiérarchie qui maintient le peuple sans pouvoir et sans recours.
Aujourd'hui encore, le système repose sur la notion médiévale que les droits sont des privilèges pouvant être accordés ou retirés en fonction de ce que les dirigeants déclarent être légal ou illégal, valable dans certaines conditions et sujet à des limites dites « raisonnables », le tout défini en fonction de ce qui sert les intérêts privés dominants. À ce jour, toutes les assemblées législatives, tous les députés et toutes les institutions officielles doivent faire le serment d'allégeance au monarque étranger qui détient également des pouvoirs de prérogative et des privilèges, dont le droit de décider sur les questions relatives à la guerre et à la paix, y compris la conception de la justice, l'état de droit et qui et quelles opinions sont légitimes et lesquelles ne le sont pas.
Les immigrants qui demandent la citoyenneté doivent également faire le serment d'allégeance au monarque étranger et les peuples autochtones sont considérés comme des pupilles de l'État. La couronne britannique extorque des millions de livres sterling aux citoyens de Grande-Bretagne et impose un énorme tribut aux citoyens de pays comme le Canada où perdurent les institutions anachroniques liées à la monarchie. Tout cet argent devrait être donné aux peuples autochtones, ne serait-ce qu'à titre de réparation partielle du génocide commis à leur endroit par les crimes passés et présents.
Le message donné à la reine lors de sa visite à Terre-Neuve en 1997
Comme on le sait, à Terre-Neuve, le génocide des Indiens Béothuks s'est produit à cause de la traite des esclaves et des traitements brutaux infligés par les puissances coloniales, dont les Anglais ont établi le modèle, et les peuples autochtones ont soulevé cette question à de nombreuses reprises. La reine Élizabeth II s'est rendue au Labrador en 1997 pour marquer le 500e anniversaire de la « découverte » de Terre-Neuve par le Vénitien John Cabot (Giovanni Caboto), qui agissait sous les ordres d'Henri VII d'Angleterre. À Sheshatshiu, le 26 juin 1997, les dirigeants de la communauté innue lui ont remis une lettre dont voici un extrait :
« L'histoire de la colonisation ici a été lamentable et a gravement démoralisé notre peuple. Il se tourne maintenant vers l'alcool et l'autodestruction. Nous avons le taux de suicide le plus élevé d'Amérique du Nord. Des enfants d'à peine 12 ans se sont suicidés récemment. Nous nous sentons impuissants à empêcher les projets miniers massifs qui sont planifiés en ce moment et beaucoup d'entre nous sommes poussés à discuter d'une simple compensation financière alors que nous savons que les mines et les barrages hydroélectriques détruiront notre terre et notre culture et que l'argent ne nous sauvera pas.
« La partie du Nitassinan située au Labrador a été revendiquée comme terre britannique jusqu'à très récemment (1949), lorsque sans nous consulter, votre gouvernement l'a cédée au Canada. Nous n'avons cependant jamais signé de traité, que ce soit avec la Grande-Bretagne ou le Canada. Nous n'avons jamais non plus renoncé à notre droit à l'autodétermination.
« Le fait que nous soyons devenus financièrement dépendants de l'État qui viole nos droits est un reflet de nos circonstances désespérées. Cela ne signifie pas que nous acquiesçons à ces violations.
« Nous avons été traités comme un peuple inexistant, n'ayant pas plus de droits que les caribous dont nous dépendons et qui sont maintenant eux-mêmes menacés par les exercices de guerre de l'OTAN et le soi-disant développement. Malgré cela, nous demeurons un peuple dans le sens le plus complet du terme. Nous n'avons pas abandonné, et nous cherchons maintenant à reconstruire notre fierté et notre estime de soi. »
Les peuples des Caraïbes donnent
aux représentants de la monarchie la réception qu'ils méritent
La visite en mars et en avril des soi-disant membres rémunérés de la famille royale britannique aux « royaumes » du Commonwealth a été un exemple frappant de condescendance raciste, d'étalage de style de vie extravagant et de gaspillage de fonds publics consacrés à leur accueil et à leur sécurité. Organisées pour souligner les 70 années de la reine Élizabeth II sur le trône d'Angleterre, ces tournées « du jubilé de platine » des 14 anciennes colonies britanniques, qui ont toujours le monarque britannique comme chef d'État officiel, ont vu différents membres de la « Maison de Windsor » se trimbaler dans les pays des Caraïbes, en Australie et en Papouasie-Nouvelle-Guinée. La dernière de ces tournées a amené l'« héritier du trône » Charles et son épouse Camilla Parker Bowles au Canada du 17 au 19 mai.
Les peuples des Caraïbes n'ont pas été impressionnés par les tentatives de dépeindre la monarchie comme étant jeune, vibrante et pertinente. La visite du prince William et de Kate Middleton à Bélize, en Jamaïque et aux Bahamas en mars devait être une offensive de charme par deux supposés « jeunes membres populaires de la famille royale », pour gagner les coeurs et les esprits. William et Kate portent aussi le titre de duc et duchesse de Cambridge parce que, selon eux, ils sont les propriétaires de ce duché en Angleterre, autre vestige de l'époque médiévale. Leur visite a eu lieu au moment où les peuples des Caraïbes persistent à réclamer des réparations de la Grande-Bretagne pour l'exploitation esclavagiste et le trafic des Africains et le génocide des peuples autochtones. La visite a aussi eu lieu au moment où le sentiment républicain est plus fort que jamais dans ces anciennes colonies qui continuent de se faire imposer la monarchie et ses institutions archaïques. Le mouvement républicain a connu un grand élan l'an dernier lorsque la Barbade s'est débarrassée de la monarchie et a quitté le « royaume » britannique.
En fait, la tournée de William et de Kate a été un étalage honteux de paternalisme colonial et d'un grave manque de respect. Même les courtisans de la royauté en Grande-Bretagne, craignant les conséquences de ces tournées, ont critiqué ce que certains ont appelé le « tour de farce » royal ainsi que le duc et la duchesse de Cambridge parce qu'ils « sont complètement sourds » et détachés de la réalité.
Des photos ont fait le tour du monde de William et Kate en Jamaïque serrant la main d'enfants noirs qui parvenaient à peine à passer la main à travers une clôture en mailles de chaîne. Le président de la Commission d'appui aux réparations d'Antigua et de la Barbade a décrit avec justesse leur tournée comme étant « une exhibition horrible, horrible de comportement colonial archaïque ». Les images où ils sont conduits pour inspecter les troupes, debout dans la boîte d'un ancien Land Rover, les deux vêtus de blanc et William en uniforme militaire — un rappel de comment ses grands-parents faisaient les choses dans les années 1960 — n'ont fait que confirmer la description.
Les Cambridge ont dû annuler une de leurs premières visites — à une ferme de cacao en Bélize — après que des villageois eurent appelé à manifester contre le colonialisme et l'oeuvre de charité dont William est le commanditaire, pour avoir manqué de respect envers les droits de la population locale.
En Jamaïque, leur destination suivante, ils ont aussi été accueillis par des manifestations. À l'extérieur du Haut-Commissariat britannique à Kingston, sur une des pancartes, on pouvait lire : « Les rois, les reines et les princesses sont pour les contes de fées et pas pour la Jamaïque ! » Une des organisatrices de la manifestation a expliqué la demande d'excuses et de réparations en disant que le mode de vie somptueux qui permet à la royauté britannique de se balader sans frais de par le monde a été rendu possible par le sang, la sueur et les larmes de ses arrières, arrières grands-parents. Le premier ministre de la Jamaïque, Andrew Holness, a dit ouvertement au couple que la Jamaïque avait l'intention d'« aller de l'avant » et devenir un pays indépendant, suivant la voie tracée par la Barbade.
Aux Bahamas, l'ultime arrêt de la tournée de « célébration », le Comité national de réparations du pays a publié une lettre appelant la monarchie à s'excuser totalement et officiellement pour ses crimes contre l'humanité et à verser des réparations pour son rôle dans l'esclavage. Une autre question soulevée dans la lettre est que les citoyens des Bahamas se font refiler presque toute la facture pour ce « voyage extravagant ». « Pourquoi payons-nous les dépenses d'un régime dont la 'grandeur' a été réalisée par l'extinction, l'asservissement, la colonisation et la dégradation du peuple de ce pays ?, lit-on dans la lettre. Pourquoi nous force-t-on à payer à nouveau ? »
Bien entendu, aucune excuse n'a été présentée.
La situation a été à peu près la même lors de la visite en avril dans trois autres pays des Caraïbes par le fils d'Élizabeth II, Édouard, et son épouse Sophie, le comte et la comtesse de Wessex. Les choses ont mal démarré lorsque le court arrêt à l'horaire prévu à Grenada a été annulé la veille. Aucune explication n'a été donnée publiquement.
Ce que l'on sait, par contre, c'est que le président du Comité national des réparations de la Grenade, qui est aussi l'ambassadeur du pays auprès de la Communauté caribéenne (CARICOM), a écrit une lettre demandant une audience auprès du couple royal pendant sa visite. Le but de la rencontre était de discuter avec eux en quoi la Grande-Bretagne devait être tenue responsable de ses crimes contre l'humanité commis contre les peuples autochtones et africains des Caraïbes et de son « exploitation barbare des îles des Caraïbes pendant la colonisation ». Le Comité de réparations a dit qu'il n'avait pas reçu de réponse à sa demande.
Dans une déclaration du 21 avril, le Comité de réparations a révélé que la Banque d'Angleterre avait été le propriétaire de deux plantations en Grenade dans les années 1770 où 600 Africains étaient soumis à l'esclavage. Il a dit que ce fait à lui seul devrait inciter tous les Grenadiens à se joindre à la lutte pour obtenir des réparations et une justice réparatoire.
Les comités et commissions nationaux de réparations officiels à Sainte-Lucie, Saint-Vincent et les Grenadines, et Antigua et la Barbade, ont également pris des moyens pour s'assurer que le même message soit transmis aux royaux lors de leur visite dans ces pays.
Ayant rayé la Grenade de leur liste, Édouard et Sophie ont d'abord visité Sainte-Lucie. Dans une déclaration exigeant des excuses entières de la Couronne, la Commission nationale des réparations de Sainte-Lucie écrit : « La Grande-Bretagne, la famille royale et les nations européennes qui ont bâti des empires sur le dos des Africains asservis évitent de s'excuser pleinement et officiellement parce qu'ils ne veulent pas reconnaître leur culpabilité, même si les Nations unies ont déclaré l'esclavage un crime contre l'humanité en 2001, et parce qu'ils ne veulent tout simplement pas s'engager au pardon et aux réparations. »
Pendant la visite des souverains, l'animateur d'une émission de radio populaire a critiqué leur « tournée du Jubilé ». Il a demandé à quoi elle servait, comment elle profiterait aux habitants de Sainte-Lucie et qui payait pour les dépenses encourues.
Lors d'une réunion à la Government House, le premier ministre de Sainte-Lucie, Philip Pierre, a offert aux Wessex une magnifique toile représentant une tortue de mer peinte par un artiste local. En échange, ils lui ont donné une photo d'eux, signée et encadrée, et une « boîte du jubilé » commémorant les 70 ans de règne du chef d'État étranger du pays. Le journal britannique The Independent a publié le lendemain un article sur les réactions des commentateurs en ligne, où fusent les termes tels que « narcissique », « insultant » et « borné » pour décrire ce que les membres de la famille royale ont appelé une marque de reconnaissance. Une personne aurait déclaré : « Ces gens sont délirants. Pourquoi donner cette absurdité à quelqu'un qui n'est pas de votre famille ? Qu'est-ce qu'il est censé faire avec ça ? J'espère que le cadre a au moins une valeur. Il peut se débarrasser de la photo et le vendre. »
Lors de la visite d'une journée d'Edward et Sophie à Saint-Vincent-et-les-Grenadines le 23 avril, le cortège qui les conduisait à la Government House a été accueilli par des manifestants longeant le parcours avec une grande bannière qui disait « Réparations maintenant ». Sur les pancartes se lisaient des messages tels que : « Indemnisation pour l'esclavage », « Fin du colonialisme », « Le génocide britannique des peuples autochtones, plus jamais ».
Une femme a déclaré qu'elle manifestait pour montrer son dégoût et sa déception face au fait que, pendant plus de 400 ans, certains ont dû « subir le fouet du maître d'esclaves » et que ce tort fait à une partie de la race humaine par une autre doit être compensé. Un autre a déclaré : « Ils nous ont chassés, ils nous ont kidnappés, ils nous ont volés, ils nous ont fait travailler. Ils ont une dette envers nous et ils doivent maintenant la payer. »
Le premier ministre du pays, Ralph Gonsalves, s'était quant à lui envolé pour le Venezuela pour se faire soigner quelques jours avant la visite prévue de la famille royale. Il est resté hors du pays pendant leur séjour. Peu après le départ de la famille royale, la télévision vénézuélienne a montré le premier ministre en train d'avoir un échange amical avec le président Nicolas Maduro après une réunion avec les membres de son gouvernement.
Antigua-et-Barbuda était la dernière étape de l'itinéraire. Le ton de la visite de la famille royale avait été donné plusieurs jours à l'avance par une lettre ouverte largement diffusée de la Commission de soutien aux réparations du pays, adressée aux jeunes représentants de la Maison de Windsor. La Commission ne mâche pas ses mots :
« Il est devenu courant pour les membres de la famille royale et les représentants du gouvernement britannique de venir dans cette région et de déplorer que l'esclavage était une 'atrocité épouvantable', qu'il était 'odieux', que 'cela n'aurait pas dû arriver'. Nous avons entendu cela de votre ancien premier ministre David Cameron et plus récemment de votre frère, le prince de Galles, et de votre neveu, le prince William, mais de tels sentiments ne nous ont rien appris. Les Africains et leurs descendants — comme la plupart d'entre nous — le savent depuis le milieu du XVIe siècle. Nous avons été les victimes de la barbarie. Nous entendons les faux discours moralisateurs de ceux qui vous ont précédés selon lesquels ces crimes sont une 'tache sur votre histoire'. Pour nous, ils sont à l'origine d'un génocide et d'un préjudice international profond et continu, de l'injustice et du racisme. Nous espérons que vous nous respecterez en ne répétant pas ces banalités. Nous ne sommes pas des simplets.
« Les documents historiques indiquent clairement que la Couronne britannique, à la fois en tant que famille royale et en tant qu'institution, a été un participant actif aux plus grands crimes contre l'humanité de tous les temps », écrivent-ils. Voir ici le texte intégral de la lettre.
Le premier ministre Gaston Browne a dit aux Wessex que le souhait d'Antigua-et-Barbuda était de retirer un jour la reine comme chef de l'État et de devenir une république, tout comme le premier ministre jamaïcain l'a dit à William et Kate. En attendant, il leur a demandé d'user de leur « influence diplomatique » pour aider son pays à obtenir une justice réparatrice, affirmant que celui-ci est dépourvu d'institutions modernes telles que des universités et des institutions médicales.
Exprimés avec la plus grande civilité et la plus grande politesse qui caractérisent les peuples des Caraïbes, réputés pour leur hospitalité envers tous les invités, même ceux qui sont aussi grossiers que les membres de la famille royale britannique, tels sont les principaux messages délivrés aux représentants de la Maison de Windsor, qui avaient prévu que leurs « tournées » seraient une « célébration » de la monarchie par ses « sujets ».
Un « biographe » a tenté de détourner l'attention de ce que les deux tournées dans les Caraïbes ont révélé sur l'institution coloniale séculaire qu'est la monarchie britannique, sur ses crimes passés et actuels, et sur la demande des descendants des peuples indigènes et africains soumis au génocide et à l'esclavage, voulant que la Grande-Bretagne paie pour ces crimes. Il a reproché aux agents responsables de la royauté de ne pas les avoir « protégés » des humiliations qui ont toujours terni leurs visites dans les Caraïbes. Il a reproché aux diplomates britanniques d'être non seulement incompétents, mais aussi « dangereusement ignorants et insensibles aux pays où ils sont déployés ». Il a également reproché aux fonctionnaires du palais de ne pas avoir vérifié si les diplomates avaient fait leur travail correctement.
Félicitations aux gouvernements et aux peuples des Caraïbes pour les positions anticoloniales fermes qu'ils ont adoptées, plaçant au premier plan leurs demandes d'excuses complètes et officielles et de réparations de la part de la monarchie britannique pour ses 400 ans de « génocide et de préjudice international profond et continu, d'injustice et de racisme ». Félicitations également pour avoir fait savoir aux représentants de la Couronne britannique qu'ils avaient l'intention de quitter le « royaume » pour devenir des républiques souveraines et indépendantes. Et ils l'ont fait au moment où la famille royale est arrivée pour célébrer et renforcer l'empreinte coloniale de l'empire sur leurs terres et leurs institutions.
C'est une source d'inspiration pour tous ceux qui s'efforcent de se débarrasser des relations coloniales étouffantes définies par la séparation entre ceux qui gouvernent et ceux qui sont gouvernés, afin d'établir de nouvelles relations adaptées à un monde moderne fondé sur l'égalité et le respect des droits de toutes et tous. Dans un tel monde, il n'y a pas de place pour les reliques d'une époque révolue qui s'accrochent à leurs richesses et privilèges obscènes mal acquis.
La fortune amassée par la famille royale
par la traite des esclaves
De la réduction à l'esclavage et de la déportation des Irlandais vers les colonies britanniques d'Océanie et des Antilles à l'enlèvement d'Africains, la Couronne britannique a tiré une grande partie de son immense fortune personnelle de la traite des esclaves humains. Tous les monarques et leur famille, depuis Élizabeth Tudor, étaient des financiers et des bénéficiaires de ce commerce de chair humaine.
Dans The Open Veins of Latin America (Les veines ouvertes de l'Amérique latine), Eduardo Galerno décrit comment Élisabeth I est devenue un partenaire commercial du capitaine John Hawkins en 1560. Décrit comme « le père anglais du commerce d'esclaves », John Hawkins a effectué sa première expédition d'esclaves en 1562 avec une flotte de trois navires et 100 hommes. Il a fait sortir clandestinement 300 esclaves de la Guinée portugaise « en partie par l'épée et en partie par d'autres moyens ». Selon James Walvin, dans son ouvrage Black Ivory (Ivoire noir), Hawkins a vendu les esclaves à Hispaniola et a rempli ses navires « de peaux, de gingembre, de sucres et de quelques quantités de perles ». Un an après avoir quitté l'Angleterre, Hawkins est revenu « avec un succès approprié et beaucoup de gains pour lui-même et les aventuriers précédents ». Lorsque Hawkins a dit à Élisabeth I qu'en échange des esclaves, il avait une cargaison de sucre, de gingembre, de peaux et de perles, « elle pardonna au pirate et devint son partenaire commercial ». Elle l'appuya en lui prêtant pour une seconde expédition, le Jesus of Lubeck, un navire de 700 tonneaux acheté pour Henri VIII pour la Royal Navy.
Le 11 juillet 1596, Élisabeth I publia une proclamation stipulant que « tous les nègres et les blackamores » doivent être arrêtés et expulsés du royaume. Bien qu'elle-même ait eu un amuseur africain à la cour et qu'elle était déjà un des principaux investisseurs dans les expéditions d'esclaves hors d'Angleterre, elle proclama :
« Il y a depuis peu de nombreux esclaves noirs introduits dans ce royaume, et il y a déjà beaucoup de ces gens ici. Le plaisir de Sa Majesté est donc que ces gens soient expulsés du pays. »
Par conséquent, un groupe d'esclaves fut rassemblé et remis à un marchand d'esclaves allemand, Caspar van Senden, en « paiement » pour les tâches qu'il avait accomplies.
En 1632, le roi Charles Ier a accordé une licence pour transporter des esclaves de Guinée, d'où vient le nom de la pièce de monnaie, « la guinée ». Charles II était actionnaire de la Royal African Company, qui tirait de vastes profits du commerce des esclaves. Son gouverneur et principal actionnaire était James, duc d'York. Les actionnaires de son prédécesseur, les Royal Adventurers into Africa (1660-1672), comprenaient quatre membres de la famille royale, deux ducs, un marquis, cinq comtes, quatre barons, sept chevaliers et le philosophe John Locke.
Au XVIIIe siècle, la Grande-Bretagne était le premier trafiquant au monde. Environ la moitié de tous les Africains réduits en esclavage étaient transportés dans des navires britanniques. Quatre-vingts pour cent des revenus de la Grande-Bretagne étaient liés à ces activités. La famille royale ne s'est jamais excusée pour son rôle dans la traite des esclaves et le génocide des peuples autochtones. Elle n'a pas non plus versé un seul sou en réparation.
En 1833, la Grande-Bretagne a utilisé 20 millions de livres sterling, soit 40 % de son budget national, pour payer aux propriétaires d'esclaves des réparations pour avoir libéré leur « propriété ». Les contribuables britanniques, dont de nombreux descendants de personnes réduites en esclavage, ont payé des intérêts sur le montant emprunté pour financer la Loi d'abolition de l'esclavage (1835) jusqu'en 2015, date à laquelle la Grande-Bretagne a remboursé le prêt.
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