Numéro 95 - 15 octobre 2021
Les travailleurs du secteur
public ont des solutions au problème
de rétention et de recrutement
Les travailleurs du
Nouveau-Brunswick intensifient leur lutte dans
les conditions de la crise renouvelée de
COVID-19
Marche à Fredericton, le 28 août 2021,
en appui aux travailleurs de première ligne
• Les
travailleurs s'unissent dans des actions
collectives pour le respect et pour la défense
de leurs droits - Entrevue avec Steve
Drost
Les travailleurs du secteur public
ont des solutions au problème
de rétention et de recrutement
Réunion à St-John durant les votes de grève, le 22
septembre 2021
Les quelque 22 000 travailleurs de la
section du Nouveau-Brunswick du Syndicat canadien
de la fonction publique (SCFP NB) ont maintenant
terminé leur vote de grève qui s'est terminé par
un appui massif à la tenue d'une grève si leurs
revendications ne sont pas satisfaites. Les
membres du Syndicat des infirmières et infirmiers
du Nouveau-Brunswick intensifient eux aussi leur
lutte pour leurs droits et les services. Une des
principales revendications porte sur des salaires
que les travailleurs jugent acceptables et qui
contribueront à résoudre l'énorme crise de
rétention et de recrutement de personnel qui
menace l'existence même des services. Les
travailleurs sont maintenant en train de discuter
de comment faire avancer cette lutte importante
alors que le gouvernement provincial a déclaré un
état d'urgence sanitaire à la suite de
l'augmentation rapide d'hospitalisations dues à la
COVID-19, notamment des hospitalisations aux soins
intensifs, et à l'augmentation des décès dus à la
pandémie.
Les travailleurs du secteur public sont la
première ligne de défense du public, mais leurs
conditions et le diktat du gouvernement font en
sorte qu'ils sont dans une situation de plus en
plus intenable pour offrir les services. Malgré la
crise renouvelée de la pandémie, le gouvernement
de la province persiste à rejeter les
revendications des travailleurs et à refuser de
reconnaître le problème de la crise des services.
Il persiste à dire que satisfaire les
revendications du personnel des services publics
va exercer une pression indue sur les finances de
la province parce que selon lui servir la province
c'est payer les riches notamment par la
privatisation des services publics. Le premier
ministre s'est dit prêt à pousser les choses
jusqu'à l'abysse en déclarant qu'il a déjà prévu
des mesures de contingence si les travailleurs
décident qu'ils n'ont d'autre choix que de mener
des actions de grève.
Forum ouvrier salue la lutte difficile et
courageuse des travailleurs du secteur public du
Nouveau-Brunswick pour leurs droits et pour une
solution favorable aux travailleurs et à la
société des problèmes auxquels les services
publics sont confrontés. Nous appelons tous les
travailleurs du Canada à les appuyer.
- Entrevue avec Steve Drost -
Dépouillement des votes de grève au SCFP
Nouveau-Brunswick
Steve Drost est le président du Syndicat
canadien de la fonction publique (SCFP),
Nouveau-Brunswick
Forum ouvrier : Quels sont
les derniers développements en ce qui concerne
votre lutte pour les droits des travailleurs du
secteur public ?
Steve Drost : Nous avons récemment
terminé notre décompte et nous avons reçu un
mandat de grève écrasant de nos 10 sections
locales qui représentent 22 000 membres. Il est en
moyenne de 94 % partout, toujours au-delà de 90 %.
Les secteurs représentés sont la santé, de
l'éducation, de transport, le tourisme et les
services sociaux. Nos membres sont répartis dans
toute la province.
Nous espérons vraiment que les négociateurs
gouvernementaux vont revenir à la table.
Malheureusement, le gouvernement cherche à imposer
des concessions et nous avons dit clairement que
nous ne retournerons pas négocier s'il y a des
demandes de concessions. Le premier ministre a
déclaré par la voie des médias que le gouvernement
est prêt à revenir à la table mais que les
concessions sont toujours là. Nous sommes dans une
sorte d'impasse.
Nous entrons maintenant une fois de plus dans une
période difficile en ce qui concerne la COVID. Nos
chiffres augmentent assez rapidement
comparativement à ce que le Nouveau-Brunswick
avait connu. Nos admissions à l'hôpital et aux
soins intensifs sont à la hausse. Nous avons eu
plus de décès ces derniers temps que pendant toute
la pandémie. Le gouvernement vient d'annoncer un
état d'urgence dû à la COVID.
Comme la contagion dans la province est très
préoccupante en ce moment, nous avons informé le
public que nous n'allons pas retirer nos services
jusqu'à ce que nous réexaminions la question le 22
octobre. Les sections locales vont quand même
mener des actions entretemps. Par contre nous
n'organiserons aucun débrayage en ce moment dans
le secteur de la santé parce qu'il est en crise.
Le public apprécie beaucoup cette décision. Il en
va de même de certains gestionnaires. Même le
premier ministre a parlé en bien de notre décision
à la radio. Nous essayons de gérer la pandémie
mais nous avons tout de même 22 000 travailleurs
qui ont accordé à leur équipe de négociation et à
l'équipe centrale de négociation, qui représente
les 10 sections locales, un mandat on ne peut plus
clair à l'effet qu'ils sont prêts à débrayer pour
obtenir des salaires et un contrat équitables.
La situation devient très difficile mais nos
membres demeurent très positifs et leur engagement
est extrêmement fort. Les femmes et les hommes sur
le terrain ont exprimé clairement qu'ils ne
peuvent plus travailler dans de telles conditions.
Nous sommes aux prises avec une grave crise de
rétention et de recrutement, et tout programme de
relance post-COVID doit comprendre des
investissements dans les services publics et une
rémunération suffisante des travailleurs du
secteur public.
Je
peux te donner deux exemples très directs de
problèmes de rétention et de recrutement en ce
moment. Dans les résidences pour aînés, qui sont
syndiquées SCFP, sur près de cinquante résidences,
il y a plus de 400 postes vacants. Il y a quelques
semaines, dans une des résidences pour aînés, il
devait y avoir un effectif de 18 personnes en
fonction mais la résidence n'en avait que 5. Un
autre syndicat, l'Union des infirmières et
infirmiers du Nouveau-Brunswick, a 1 000 postes
vacants.
Il y a eu trop de coupures d'austérité au cours
des derniers 20 ans dans notre système de santé.
En fait, le système était au bord de la crise
avant la pandémie et celle-ci n'a fait qu'aggraver
la situation.
Nos travailleurs sont et ont été depuis le début
la première ligne de défense de la population du
Nouveau-Brunswick contre la pandémie. Nos
travailleurs sont épuisés, inquiets et choqués que
ce gouvernement les a poussés dans cette
situation. Ils veulent être traités avec dignité
et respect et signer une convention collective qui
est acceptable pour les deux parties.
La réalité c'est que le gouvernement est venu à la
table avec une offre salariale de 1,25 % par année
pour 4 ans et a ensuite offert 2 % par année pour
les prochains 2 ans, parce qu'il voulait une
convention de 6 ans. Ces groupes n'ont jamais eu
de conventions d'une durée de plus de 4 ans. Et
même en prenant en compte l'augmentation de 2 %,
l'offre salariale n'approche même pas le coût de
la vie. Certains de nos membres sont parmi les
travailleurs du secteur public les moins bien
payés au Canada. Cette offre salariale serait
l'équivalent d'environ 30 dollars bruts par
semaine et certains travailleurs sont sans
convention depuis 3, 4 et même 5 ans. Et c'est
sans parler de ce qui s'est produit lors des deux
conventions collectives précédentes, lorsque le
gouvernement a proposé des gels salariaux de 0 %,
0 %, 2 %, 2 % sur 4 ans puis un autre gel salarial
avec une augmentation de 1 % par année sur 4 ans.
Les travailleurs du secteur public ont perdu au
moins 10 % de leur pouvoir d'achat pendant ces
années parce que les salaires n'ont pas suivi le
coût de la vie.
Nous pensons que ce que fait le premier ministre
est très irresponsable, mais nous pensons aussi
que cela correspond à un calcul. Nous pensons
qu'il a ciblé notre syndicat parce que nos
travailleurs en ont marre et ont décidé de tracer
une ligne dans le sable et de dire qu'assez, c'est
assez.
FO : Qu'est-ce qui va se passer
maintenant ?
SD : Nos 10 équipes vont prendre une
décision le 22 octobre. Elles se réunissent depuis
l'Action de grâce, le 11 octobre. Elles examinent
quelles actions peuvent être organisées sans qu'il
y ait de débrayage. Par exemple, les présidents
des sections locales informent les travailleurs
qu'ils doivent respecter leurs obligations
contractuelles, mais n'ont pas à faire quoi que ce
soit qui n'est pas dans la convention collective.
Nous n'avons pas connu une telle unité et
solidarité depuis plusieurs années. Bien que les
temps sont difficiles, c'est une période où nous
sommes fiers de travailler avec le SCFP et avec
tout le mouvement ouvrier du Nouveau-Brunswick.
Les travailleurs ont montré beaucoup de cran dans
ce qu'ils ont fait tout au long de la pandémie, et
maintenant en s'unissant dans des actions
collectives pour le respect et pour la défense de
leurs droits.
Nous voulons que ce premier ministre revienne à la
table et agisse envers ce groupe avec le respect
qui lui revient.
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